Famille du Chevalier Goybet

De Strasbourg à la prise de Damas: Général Mariano Goybet Ancien Commandant de la 3ème D.I. de l’Armée Française du levant . 1920-1921

DE STRASBOURG A DAMAS
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Carnet de campagne du Général Mariano Goybet
Ancien Commandant de la 3ème D.I. de l’Armée Française du levant .
1920-1921

Victoire de Damas 25 Juillet 1920

 

Entree à Damas du general Goybet 25 juillet1920.jpg

 

                                                                                                   

   Voir également  Site Goybet Actu // Syrie-USA ( Présentation et panorama du site)

                 Le rève brisé de T.E. Lawrence dit Lawrence d'Arabie (film)  

                                             Prise de Damas : Récit - Press

 

 

La bataille de Khan Mayssaloun en Syrie  ,  remportée  par  le général Mariano Goybet le 24 Juillet 1920 ( point d'orgue de son carnet  de campagne)  qui lui ouvre les portes de Damas et contraint à l'exil Le roi Fayçal,  marque la naissance de  L'État du Grand_Liban. et  brise l’espoir de  Thomas Edward Lawrence  de libérer durablement la Syrie. Voir Le rève brisé de Lawrence avec la prise de Damas par Mariano Goybet 

Le Colonel  Lawrence à Damas

L'autonomie du Grand Liban réclamée par la délégation du mont Liban au début du xxe siècle1, est signée avec la protection de la France, le  dans le but de protéger la communauté chrétienne maronite, dominante sur le territoire libanais à cette époque grâce notamment à la protection française2

Le 7 mars 1920, le Congrès national syrien (en) vote l’indépendance de la Syrie et son unité intégrale avec la Palestine et la Transjordanie, et proclame l'émir Fayçal ben Hussein « roi constitutionnel » du Royaume arabe de Syrie sous le nom de Fayçal Ier.

Le 25 avril, la Syrie est placée sous mandat français par la conférence de San Remo. Refusant de céder à l'ultimatum du haut-commissaire, le général Gouraud, les nationalistes dirigés par Youssef al-Azmeh sont finalement écrasés le 24 juillet par les troupes françaises dirigées par le général Mariano Goybet à la bataille de Khan Mayssaloun. Le roi Fayçal est contraint à l'exil.

Proclamation de l'État du Grand Liban le .

L'État du Grand_Liban est proclamé le  par le général Henri Joseph Eugène Gouraud, représentant l'autorité française mandataire sur la Syrie, du haut des marches de la résidence des Pins à Beyrouth.

La formation du Grand Liban consiste à tracer, dans le territoire de l'Empire ottoman déchu, une frontière séparant un État syrien d'un autre libanais annexant à l'ancienne moutassarifiya (circonscription autogérée dans l'Empire ottoman) du Mont-Liban, Beyrouth, les régions de Tripoli, du Akkar, du Hermel et de la Bekaa, ainsi que de RachayaHasbaya, et le Sud-Liban. S'ouvre la période du Mandat_français _sur_la_Syrie_et_le_Liban.

Les nouveaux États de la Syrie

     

 

Henri Goybet , arrière petit fils du général Mariano Goybet, vous livre le carnet de campagne de celui-ci qui le mènera de Strasbourg à la prise de Damas en passant par la  célèbre bataille de Mayssaloun. En fait cette bataille aura d'énormes conséquences géopolitiques sur le moyen orient et sur le monde contemporain.. La défaite des Syriens a provoqué dans le Monde arabe des attitudes populaires qui existent jusqu'à ce jour, selon lesquelles le Monde occidental déshonore les engagements qu'il prend envers le peuple arabe et opprime ceux qui s'opposent à ses desseins impériaux. Sati al Housri, grand penseur panarabiste, a affirmé que la bataille était «l'un des événements les plus importants de l'histoire moderne de la nation arabe». L'événement était annuellement commémoré par les Syriens, commémoration au cours de laquelle des milliers de personnes visitaient la tombe d'al-Azmeh à Maysaloun.
 

La présentation de 50 pages permet de découvrir l'univers familial de Mariano Goybet et de visionner les célèbres enluminures du livre de famille qu'il a réalisé , Nous évoquerons sa fascination pour l'Egypte et l'orient en général, puis au fur et à mesure de ses missions de pacification et de maintien de l'ordre en Syrie et au Liban, nous retracerons son ''chemin de Damas''intérieur qui le conduira à la décision de la bataille de Mayssaloun et de la prise de Damas qui verra le décès du ministre de la guerre al-Azmeh et la  fuite du roi Faycal vers l'Irak.

Nous évoquerons le contexte historique et géopolitique qui entoure la fameuse bataille. ainsi que le rôle épique joué par Thomas Edward Lawrence  en 1918 qui précède le général Mariano Goybet qui brisera son rêve d'une nation arabe indépendante. Nous tracerons le contexte de la bataille, les forces en présence et nous découvrirons le récit du général De Gaulle sur cette bataille et celui de la célèbre reporter Myriam Harry (L'Illustration du 21 août 1920 article «Avec le général Goybet à Damas»)  sur cette victoire qui était dans les pas du général Goybet. Nous verrons le retentissement de cette victoire sur le monde arabe jusqu'à nos jours.

Enfin nous parlerons du mandat Français exercé sur la Syrie et le Liban et des critiques liées à des limites arbitraires qui ne tiennent pas compte de la réalité géographique et historique du pays. Au crédit de la France, la protection des minorités, une œuvre administrative et une modernisation du pays qui laisse encore des traces profondes sur la Syrie contemporaine.. Le texte du général de 180 pages et la présentation seront agrémentés de 120 illustrations dont une bonne partie provient des photos détenues par le général.

Henri Goybet

 

 

 

 

                             

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           AVERTISSEMENT

Texte tiré de l'oeuvre originale du Carnet de Campagne de Mariano Goybet. Mis en ligne et publié le 10/10/2008. Tous droits réservés Ne peut être utilisé à des fins commerciales sans l'autorisation de l'arrière petit fils du général Mariano Goybet. Le Chevalier  Henri Goybet auteur de cette publication  du carnet de campagne de  Mariano et propriétaire de l'oeuvre.

Droits  exclusifs jusqu'au 31/12/2033  

En Fevrier 2019, j'apprend avec stupéfaction la parution d'un livre, le 15 Janvier 2019 sur  le carnet de campagne du général Goybet  , d'après une copie !!! Voir lien : Carnet de campagne du general goybet 

Avertissement du livre  en question : Le  document est publié par Historien-conseil. Le dépôt légal est de Septembre 2018 . ''Toute reproduction, même partielle, du contenu, de la couverture, par quelque procédé que ce soit, est soumise à autorisation écrite des éditions Historien -Conseil,

C.P.I.: Article L123-4/ legifrance      Casse tete :Calcul  duree du droit d' auteur             .Oeuvres posthumes

Décès de Mariano le 29 Septembre 1943. Son œuvre est tombée dans le domaine public le 1er Janvier 1994. Pourquoi ?

'' Quand l’œuvre est individuelle, les droits subsistent pour les ayants droits, 70 ans après le décès de l'auteur, le 1er Janvier qui suit.'' C'est la règle actuelle .

En fait l’œuvre était déjà dans le domaine public au 31 Décembre 1995. (Durée de protection de 50 ans avant l'harmonisation européenne et sa traduction dans la législation Française, ce qui a entraîné l'arrivée du livre de Mariano dans le domaine public en 1994 ) .J'ai publié ''les carnets de campagne de Mariano de Strasbourg à Damas'' le 10/10/2008. L'article L123-4 indique que si la divulgation de l’œuvre est réalisée après la période de droit exclusif , le droit de publication appartient aux propriétaires, par succession ou à d'autres titres de l’œuvre , qui effectuent ou font exécuter la publication. La durée du droit exclusif est de 25 ans à compter du 1er Janvier de l'année civile suivant sa publication. Le but est d'inciter les possesseurs de l’œuvre à les publier . Le terme publication recouvre tous les procédés de diffusion de l’œuvre . Le sigle copyright n'a aucune valeur juridique . La publication de l’œuvre suffit à sa protection.

Mon droit exclusif sur cette œuvre issue du document original que j'ai reçu par succession et que j'ai publié le 10/10/2008 court donc jusqu'au 31/12/2033.

                                                                                                                                                                              

      Voir également-- 

   

 

 Le rève brisé de T.E. Lawrence

Prise de Damas : Récit - Press

 Bataille de Khan Mayssaloun 

  Mariano Goybet - Wikipédia

Guerre Syrie: Lettre Président

 .Syrie et Mandat Français (1920-1945)  : Samir Anhoury

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                                 Damas Capitale des Omeyyades

 

    Connaitre mieux Mariano Goybet et sa famille ainsi que le contexte de la bataille de Mayseloun et la prise de Damas 

 Le général  Mariano_Goybet,  arrière grand père du  Chevalier Henri Goybet ,  grava  dans l'histoire la prise de  Damas en  Syrie  à la  bataille de Maysaloun  en 1920 à la suite de  Thomas Edward Lawrence brisant le rève d'un royaume arabe indépendant  (Voir Prise de Damas 1920 presse du monde  et de Strasbourg a la prise de Damas). (voir 157e_Red_Hand_Division  dirigée par Mariano durant la première guerre mondiale et film(making off) The Red Hand Flag  ainsi que l'Hartmannwillerkopf en 1915  ou il s'est battu en tant que Chasseur Alpin).
 

     

Syrie croquis du general goybet en 1920

                                     

Mariage de Marguerite Lespieau et Mariano Goybet            

Mariano Goybet  Chasseurs Alpin

Livre de famille de Mariano  Goybet : Combats en Alsace et Vosges 1914-1915 à la tête de ses troupes alpines

Bataille de Verdun . Livre de famille de Mariano GOYBET

Livre de famille Goybet : Page consacrée à la division Main Rouge ''Re

 

Lf28

 

Victoire de Damas 25 Juillet 1920

Ordre général n° 22 sur prise de Damas par le général Goybet

Damas Fort Goybet

                                                            Voir également-- 

 

                                       Le rève brisé de T.E. Lawrence

                                        Bataille de Khan Mayssaloun 

                                         Mariano Goybet - Wikipédia

                      .Syrie et Mandat Français (1920-1945)  : Samir Anhoury

 

 

AVANT PROPOS DE SON ARRIERE PETIT FILS HENRI  GOYBET 

Mariano Goybet dans son univers familial

 

Blason Famille du Chevalier  Goybet


La famille Goybet est une ancienne et notable famille française originaire de Savoie. Connue depuis le xve siècle, la branche cadette fut anoblie en 1758, et la branche aînée, subsistante, compte notaires, châtelains, et depuis le xixe siècle des officiers dans l'armée française dont quatre officiers généraux. Plusieurs membres de la famille Goybet ont été décorés de la Légion d'honneur sur plusieurs générations. Cette famille compte notamment des chevaliers, deux commandeurs et trois grands officiers au sein de cet ordre. La famille goybet decend de   Louis VIII le Lion  par les Artois et des Capétiens (Voir Saint louis et louis VIII le lion.  Pierre Gentil, administrateur civil, dans un ouvrage publé en 1997, indique pour sa part que la famille Goybet remonterait sa filiation à un certain Michel Revardel, serf, puis homme lige et franc, mort en 1410. Les Revardel seraient affranchis en 14412,3,4 . La famille compte un intendant du Chablais et du genevois anobli  au XVIII eme siècle, Goybet de Lutrin de Grilly ,  des notaires royaux et des marquis de yenne en Savoie. La famille se consacre ensuite au XIX eme siècle au  commerce et à l'industrie avant d'intégrer les carrière militaires et de s'y illustrer. 

 

Louise de Montgolfier épouse Alexis Goybet

Alexis Goybet, (grand père du général Mariano Goybet) (né à Yenne-1786-1854) fils de pierre Goybet et frère d'Antoine, négociant à Lyon 46, marié à Lyon le 18 Juin 1822 à Louise Marie Jeanne de Montgolfier, cousine de Marc Seguin, fille de Michel de Montgolfier et de Louise Millanais de La Salle47,48, petite fille d'Augustin-Maurice de Montgolfier (1741-1788), enfant d'anne Duret et de pierre de Montgolfier, anobli par louis XVI, père des inventeurs joseph et Étienne de Montgolfier 49.

  • Pierre Jules Goybet (1823-1912),(père de Mariano) industriel en Espagne, membre du conseil supérieur de l'industrie en Espagne, directeur de l'école de la Martinière50 à Lyon47,51,52. Il épouse, en 1857, Marie Bravais53, fille du médecin botaniste Louis-François Bravais (1800-1843) et de Constance Odoard, nièce du physicien Auguste Bravais. Études au collège des Jésuites de Fribourg, puis emmené à 16 ans par son oncle Augustin de Montgolfier dans son usine de Torero, près de Saragosse qui introduisait la fabrication du papier en Espagne54. Il dirige ensuite une entreprise de construction de machine à vapeur près de cette même ville. Nommé chevalier et membre du conseil supérieur de l'industrie, il reçoit le grade de lieutenant d'artillerie dans la milice. Il rentre en France en 1862 et reste quelque temps à Annonay puis est nommé principal de l'École professionnelle de la Martinière à Lyon où il demeure 16 ans. Châtelain du domaine de la Martinière, acquis en 1878 à Traize (Savoie)55. Père de trois fils (Mariano, Henri et Victor) et deux filles56,46.

 

Pour présenter les figures familiales de l'univers de Mariano Goybet, je reprend la présentation de mon site, dédié d'ailleurs au général Mariano Goybet, mon arrière grand père qui s'est inscrit dans l'histoire mondiale.  Vous y trouverez des liens vers les 1000 pages du site consacrées à une famille descendante des capétiens  qui compte un intendant du Chablais et du Genevois,   des inventeurs, des académiciens des sciences, des militaires honorés de la légion d'honneur et bien d'autres parents de Mariano qui se sont illustrés.      Henri Goybet

 

      Présentation  du Chevalier Goybet

 

 

 

 

Les frères Montgolfier et Marc Seguin

 

 

 

 

 

Red Hand Flag in the familly Book

 

Chers lecteurs, 

De plus en plus de Français sont passionnés par la petite histoire reliée à la grande,  qui est elle-même le socle de l’actualité, porteuse aussi d’enseignements pour l’avenir. Peut être est ce votre cas ? Alors j’ai l’honneur de solliciter votre attention pour vous présenter mon site Famille du Chevalier Goybet  à l'occasion de la présentation du témoignage majeur du général Goybet sur la  Bataille de Khan Mayssaloun (article wikipédia dont je suis le principal contributeur).,   fruit de plusieurs années de travail,  qui au travers de la saga d’une famille vous reliera à la grande Histoire et de manière transversale à l’actualité brûlante de l’année. Cela constitue  un livre de  plus de 1000 pages avec liens vidéos et illustrations.

En 2008 l’année de l’élection du premier président Africain Américain de l’histoire des Etats-Unis,   j'ai participé à la réalisation d'un film "the Red Hand Flag" , produit par LION TV,  et diffusé sur PBS aux Etats-Unis et relayé par des dizaines de chaînes  publiques Américaines. Ce film à trait au fanion de Division du Général Mariano Goybet ,  arrière Grand père de votre serviteur. . Mariano Goybet  dirigeait des troupes d'Africains Américains durant la grande guerre ,  et a inscrit avec celles çi,  une des pages glorieuses de l’histoire Africaine Américaine. Il brisa le front de Champagne devant Monthois en Septembre 1918 avec la 157ième Division, fit de nombreux prisonniers et s’empara d’un matériel considérable. . Une des figures de ses troupes est  Le Caporal Freddie Stowers récompensé pour son héroisme. C’est   le seul Africain Américain à avoir reçu la médaille d’honneur du congrès durant la première guerre mondiale. Mariano quant à lui recevra la Distinguished Service Medal du président Americain. J'ai contribué  à l'élaboration de l'article encyclopédique ci-contre pour la  157e Red Hand Division (Division main rouge) et à l'article ci-dessous. 

 

African-American history - Wikipedia, the free encyclopedia

 

Film Red Hand Flag


Le printemps Arabe a suivi les rivages de la Méditerranée  comme une traînée  de poudre. La volonté du départ des dictateurs, l’aspiration à la dignité,  à de meilleures conditions de vie, à la  démocratie, à l’autodétermination des peuples et  à la liberté individuelle et publique gagne en ampleur même si cela constituera un vrai chemin de Damas pour y parvenir . La Syrie amorce ce mouvement,   déterminant pour ce peuple opprimé. La Syrie est une vieille civilisation  Damas une capitale vieille de  10000 Ans.  La Syrie fut durant 400 ans sous le contrôle de l’empire Ottoman.  Fayçal ibn Hussein mène la révolte Arabe avec l’officier Britannique  Lawrence  dit lawrence  d’Arabie. Prise de Damas en Octobre 1918 .  FAYCAL entre dans la ville avec le général Edmund Allenby signifiant que la ville est sous double contrôle Anglais et Arabe. 

 

 

Entrée victorieuse à Damas.JPG

 

Avril 1920 au cours de l'élaboration du traité de Sèvres,  le  conseil suprême interallié attribue à la France un mandat sur la Syrie (Liban inclus) et au Royaume-Uni un mandat sur la Palestine et la Mésopotamie.  De violentes manifestations se produisent en Syrie.  Le 14 Juillet 1920 le Général Gouraud lance  un ultimatum à Fayçal, l'invitant à se soumettre ou à se démettre. Sachant que l'équilibre des forces n'est pas à son avantage, Fayçal décide de collaborer. Cependant, le jeune ministre de la guerre Youssef al-Azmeh refuse de déposer les armes et mène une ultime bataille contre les Français. La bataille de Maysaloun est  gagnée en moins d'une journée par les Français sous le commandement du général Mariano Goybet et Azmeh y trouve la mort avec la plupart des hommes qui avaient conduit la révolte arabe à Médine. Mariano Goybet entre victorieux dans DAMAS le 24 Juillet 1920.  Il deviendra gouverneur de Syrie. Il s’agit un peu du rève brisé du Colonel Lawrence qui espérait l’indépendance de cette nation Arabe. . S’ouvre alors le Mandat Français  sur la Syrie qui durera jusqu’à l’indépendance de celle çi   en 1946.   

Victor Goybet (1865-1947), général de division est frère de Mariano, ainsi que le capitaine de vaisseau Henri_Goybet (1868-1958). Ils participent avec mariano à la grande guerre

Le fils de Mariano, l'amiral Pierre Goybet (1887-1963), canonnier marin dans la grande guerre,    à la tête du croiseur Primauguet qui   emmena une partie de l'or de la banque de France en Afrique en 1940, devant l’avancée Allemande .  Il fit également de la surveillance côtière avec l’Avyso escorteur La Ville d’YS dans les années 30 entre le Canada, St Pierre et Miquelon et le Groenland.   Voir :Contre-amiral pierre-goybet /Verdun /Ville-d-Ys et terre neuve (1933)/Or Banque de France (1940) /Debarquement Aruba 1940/ Casablanca-1942)

Le chef de bataillon d’infanterie de marine Parachutiste Adrien_Goybet  , mon père , troisième génération de légion d’honneur, parachuté en Blind  au Cambodge occupé par les Japonais en 1945  ,  participe aux négociations d’indépendance. Il  fit également les guerres d’Indochine et d’Algérie (Voir Adrien goybet de la coloniale a la peinture/ Australie force 136 /Pont-de-la-riviere-kwaii/ Cambodge mission-insteep-indochine) , Chevalier de la  Légion d'honneur membre de lAHH (Son fils, le Chevalier Henri Goybetauteur du site de la   famille  Goybet (au coeur de l'actualite) et de nombreux articles wikipedia ainsi que l'article .Geneawiki sur la Famille_Goybet ,  est membre de lAHH .

La famille Goybet est également reliée à   cinq académiciens des sciences dont les frêres Montgolfier  (voir famille des freres montgolfier), Marc Seguin (Voir marc Seguin ingenieur et inventeur de genie(chaudière tubulaire, ponts suspendus) et  Auguste Bravais  célèbre scientifique   à l'assaut du Mont blanc pour une expédition scientifique,  confronté à des conditions météorologiques  inhabituelles , etc........(Voir les Bravais scientifiques)  ,  Robert Lespieau (Voir famille lespieau un general, un academicien-des-sciences ). Je décris tout un monde de militaires, industriels et de scientifiques . 

Vous trouverez d'intéressants témoignages tels que celui de l'oncle de Mariano,   Charles Goybet  inspecteur de la cavalerie (lombardie crimee guerre de 1870ou bien  un Supérieur de St Sulpice , seigneur de Montreal grand oncle de Mariano (voir Etienne  Montgolfier supérieur de St Sulpice  au Canada).Il fut au Canada confronté aux Anglais et  à la révolte d'indépendance Américaine. 

Quand je peux, j'essaye de reproduire les lettres, journaux intimes  et observations  de mes ançètres et alliés pour en faire un site plus vivant.  Nous pouvons prendre pour exemple Alfred Theil_ officier de marine à la  Campagne de Cochinchine (voir famille Theil et journal de l officier de marine alfred Theil conquete de cochinchine 1858) ou bien l'avocat Pierre Goybet frère du général Charles Goybet (Voir Pierre goybet / l italie au rythme des diligences et premiers trains / entrevue avec le pape,  Vous pourrez admirer également quelques enluminures du célèbre livre de Mariano Goybet. Je vous souhaite une bonne lecture dans l'univers famillial imbriqué  dans la petite et la grande histoire , terreau de l'actualité.                                                                                      

 Signé :   Chevalier Henri Goybet (contributeur principal des articles wikipedia  sur la famille Goybet et ses illustres ancêtres en Français et en Anglais, voir Press Book  Henri Goybet arrère petit fils du général Mariano Goybet

 

 Ce site est recommandé par la société de Généalogie Saga et le Bottin Mondain

 

Notice AHH : Famille Goybet :Livre de pierre Gentil :L'honneur de servir  Auteuil Impression 1998 Henri Goybet participe à l'écriture de cette notice familiale concernant la prise de Damas  en 1920 par son arrière grand père

                                                       Honneurs hereditaires/Famille Goybet

 

 

Décryptage de l'oeuvre de Mariano Goybet 



Le général Mariano  Goybet, mon arrière grand père,  fait le récit en hiver 1920 de sa campagne en tant que commandant de la 3ème Division du Levant . Tous les soirs il inscrit quelques lignes sur son agenda afin d’avoir des éléments précis pour les longues lettres , aux paragraphes datés comme un journal , qu’il envoie en Savoie par chaque bateau .


‘’ Ces lettres m’ont été rapportées par ma chère femme, lorsqu’elle est venue me rejoindre ici, pour m’aider à faire aimer la France , dans cette ville lointaine , notre dernière garnison et je l’ai copié dans le Palais de l’Emir Faycal mon dernier P.C ‘’



‘’Le Palais c’est au bas du kasyum , une curieuse agglomération de bicoques aux toits terrassés de glaise jaune, avec des galeries extérieures aux arcs lancéolés , de petites cours intérieures , où chante un des cent canaux du Barada dans les jets d’eau fraiche retombant en pluie sur des roses . Dedans de merveilleux tapis, des meubles incrustés de chez Nassan , le bon faiseur , des carreaux rouges , comme à Marseille, des lustres de mosquée et des miroirs de pacotille . Les murs sont en torchis badigeonnés d’un blanc rôsatre. Le tout , campé au dessus de trois étages de jardins , fait une demeure amusante et je la trouve très belle, avec son drapeau tricolore qui claque au vent du Désert .’’



Mariano nous montre sa fascination de l’Egypte Ancienne….. sur le chemin de Damas . Alexandrie, le Delta, le Caire, Les Pyramides, le sphinx , le musée d’antiquités Egyptiennes ou il voit les momies Egyptiennes qu’il admirait autrefois dans les gravures de l’Illustration, ‘’ sans oser pauvre petit officier d’infanterie sans fortune ! caresser le rêve insensé de les voir un jour au Caire ‘’


Il narre également son invitation au Palais d’Abdine le Sultan ou il rencontre Le Président Clemenceau Au Caire .et sa rencontre historique avec le Maréchal Allemby . Celui-ci ne se doutait surement pas en le voyant , que le Général Goybet allait Chasser FAYCAL alors que lui-même et le fameux Colonel Lawrence dit Lawrence d’Arabie avaient plaçé Faycal à DAMAS en Octobre 1918.

                          Conference de la paix 22 Janvier 1919 Faycal aux cotés de Lawrence



Suit des opérations de pacification , de maintien de l’ordre par Mariano qui ont marqué les premiers mois de son commandement dans une région en butte aux brigands et à des bédouins qui sont issus des armées Chérifiennes ravitaillés parfois par l’Emir Faycal…… ''Il y a notamment ‘’ Zcheick Saleh . Ce chef de brigands, qui semble s’être arrogé une sorte de mission religieuse et xénophobe et qui certainement doit être ravitaillé et conseillé par le Gouvernement de la zone Est , terrorise et rançonne les chrétiens de la région côtière entre Tartous et Banias ; il a pillé les Ismaîliehs et les a chassé de Kadmus ; il aspire certainement à régner en maitre absolu sur le pays des Ansariehs . ‘’


Le 20 Avril 1920 le General Goybet prend le commandement de la 3 eme division du Levant composée de sa brigade mixte augmentée d’ éléments qui arriveront successivement .


Le 25 Avril le Général Gouraud apprend au Général Goybet qu’il vient de mettre sous son commandement le territoire d’Alexandrette et son chef actuel le Général Aubé .
Il lui confie aussi que les postes de la région d’Antioche ont subi des attaques sérieuses . Il faut y aller et prendre toutes dispositions utiles . Le 28 Avril de bonnes nouvelles concernant la zone d’ Antioche pacifiée .


Pour la période de son séjour au levant le Général Goybet nous prévient ‘’ Les notes qui suivent ne contiendront plus mes impressions de touriste. Les notes que je prendrai chaque jour, relateront des évènements souvent graves , quelquefois tragiques. Elles rappelleront les dispositions prises et les mouvements militaires effectués d’urgence, pour parer à un danger subit. Les faits seront parfois accompagnés de réflexions ou d’explications .’’Je ne pourrai plus ‘’ croquer ‘’ les paysages en flanant . Si mes yeux s’emplissent encore de beauté , je n’aurai plus le temps , au retour, ayant des ordres à donner ou des rapports à rédiger, de me remémorer, la plume à la main , les divines aurores et les somptueux crépuscules du pays d’Adonis et d’Astarté, ou la féerie des clairs de lune sur les jardins de cette Côte phénicienne toute palpitante de parfums . ‘’


Néanmoins malgré ces précautions , il ne peut s’empécher de montrer sa fascination pour ces vielles Civilisations Orientales , marcher sur les traces de conquérants tels qu’ Alexandre le Grand .


Le Général Mariano Goybet pensait à son ançètre Jean de Montgolfier qui fit partie de la 2eme croisade en 1147, qui fut fait prisonnier 3 ans et réussit à s’enfuir. 770 Ans après un descendant de l’esclave de Damas , le Général Mariano Goybet commandant de la 3ème division de l’armée Française du levant, entrait vainqueur dans cette ville, le 25 Juillet 1920, après avoir écrasé la veille, au dur combat de Khan Meiseloun, l’armée de l’Emir Faycal.



‘’J’ai ‘régné ‘ pendant un an sur Damas et son Oasis ; me souvenant de Jean de Montgolfier , j’ai tenu à visiter sur les rives du Barada les vieux moulins à papier , ou l’on fait du papier de coton à la forme . Etant donné l’immobilité de l’Orient , j’ai certainement vu les vieilles cuves auprès desquelles travaillait notre parent ‘’ Cette ‘revanche ’ à longue échéance n’est elle pas curieuse .’’ (Mariano Goybet 19 Janvier 1933.)

L' esclave de Damas

Le cheminement du général Mariano Goybet avant la prise de décision de marcher sur Damas (extraits)

Mes longues randonnées à travers le territoire avaient eu pour résultat non seulement de me faire connaître le pays dans toutes ses parties mais encore, par mes stationnements successifs dans tant de localités , de me faciliter de nombreux contacts avec les populations chrétiennes et musulmanes . Les différentes personnalités, je ne les voyais pas au cours de voyages triomphaux, officiellement réglés, au milieu d’un enthousiasme réel ou quelquefois peut être de commande . Je les rencontrais de manière imprévue, dans des circonstances souvent tragiques , après des combats , à coté de cadavres encore chauds . Bien des fonctionnaires ou des officiers ne jugeaient les évènements et les sentiments des populations qu’en fréquentant l’aimable société chrétienne de Beyrouth , le port Levantin par excellence . Il était difficile d’y savoir la vérité . Au contraire , grâce à ma vie de juif errant, le milieu Beyrouthin m’était presque complètement étranger .


''A mon avis, basé sur les considérations qui précèdent, l’état des esprits était le suivant aux premiers jours de Juillet 1920 :''

Les Chrétiens étaient certainement déçus : après avoir peut être espéré gouverner à leur tour , leurs anciens maîtres les musulmans , ils constataient que nous traitions tout le monde sur le pied d’égalité , sans distinction de race ou de religion . Ils étaient effrayés, car s’ils reconnaissaient que nous étions facilement vainqueurs dans toutes les rencontres , ils voyaient avec terreur que, ne pouvant mettre une escouade en garnison dans chaque village , nous étions dans l’impossibilité matérielle d’empêcher les massacres sur tel ou tel point . En plusieurs endroits, à Djedeideh par exemple j’ai entendu , à côté des corps mutilés de 20 victimes des plaintes et des récriminations bien pénibles à entendre pour une oreille Française ! Il f allait la vue de mon képi de Général pour en réfréner la violence . Dans leurs lamentations affolées, les parents en deuil laissaient percer leur regret de n’ être pas Chérifiens, puisque les Français n’étaient pas capables de les défendre .


A Tyr , au moment des attentats de Djebaîl j’ai dû au cours d’une réception officielle imposer sévèrement silence à Monseigneur Maximes, dont les plaintes véhémentes ne pouvaient être tolérées par un représentant de la France et pourtant ces plaintes étaient en grande partie justifiées.

Parmi les musulmans, les fanatiques appelaient de tous leurs vœux la victoire d’un prince Chérifien Mais les plus raisonnables, les plus intelligents se méfiaient de l’entourage aux mains avides du Bédouin qui voulait se hisser sur le trône de Syrie et y exploiter cette riche proie Ces derniers n’avaient donc pas trop de peine à accepter le mandat de la France victorieuse Ils appréciaient hautement notre sympathie pour les musulmans d’Afrique mais craignaient néanmoins notre préférence pour les chrétiens. D’autre part , nous voyant aux prises avec des difficultés sans cesse renaissantes , sachant notre situation pénible en Cilicie , ils n’avaient guère confiance en notre avenir en Syrie. Bref, nous risquions de perdre tout prestige soit auprès des chrétiens, soit auprès des musulmans Il était grand temps de le reconquérir par notre action énergique mettant fin à la comédie sanglante jouée par notre voisin et allié
 Nous allons voir maintenant se lever le rideau sur le dernier acte : la prise de Damas .

 

L'Emir Faycal

A Damas , l’Emir a pris la couronne royale, il augmente le nombre de ses divisions, il mobilise, il défend l’usage de la monnaie Syrienne, il empêche les blés du Hauran de venir dans notre zone , il gène , par tous les moyens possibles , le commerce entre le Liban et les territoires chérifiens , il met de multiples entraves à mes ravitaillements par la voie ferrée vers le Nord . Bien mieux , enhardi par notre apparente inertie, il achète soit par des promesses, soit par des napoléons , la conscience élastique de personnalités syriennes qui doivent aller en Europe demander du secours en faveur de la Syrie tyrannisée par la France . Cette perfide machination disons- le tout de suite , échoua complètement grâce à l’habileté du service de la sûretè du Haut-commissariat , grâce aussi à la vigilance des postes de la 3 ème division qui arrêtèrent les autres suspects et cueillirent à temps les missionnaires de Faycal .

En haut lieu on envisage la nécessité d’avoir un puissant groupement de forces prêtes à repousser une offensive peu vraisemblable d’ailleurs, malgré les rodomontades Damascaines , soit, plutôt , à porter dans l’Etat la menace de nos obus. C’est une division qui sera éventuellement chargée de ces opérations et nous allons examiner quels seront les moyens mis à ma disposition.

 

Général Mariano Goybet (à gauche) et Général Gouraud à Beyrouth 1920

 



''Le 14 Juillet le Général Gouraud a renvoyé à l’Emir Faycal un ultimatum énumérant les exigences suivantes :''


1) Disposition absolue de la voie férrée de Rayak, Baalbeck, Homs, Hama et Alep surveillée par des commissaires militaires français secondés par un détachement armé destiné à assurer la police des gares et l’occupation de la ville d’Alep, nœud important de communications que nous ne saurions laisser tomber entre les mains des troupes Turques .

2) Abolition de la conscription, le recrutement devant cesser complètement . Les libérations des contingents ramèneront l’Armée aux formations et aux effectifs qu’elle possédait au premier Décembre dernier .

3) Acceptation du mandat francais Le mandat respectera l’indépendance des populations syriennes ; il acceptera le principe du gouvernement par les autorités Syriennes régulièrement investies de leur pouvoir par la volonté populaire. Il ne comportera de la part de la Puissance mandataire qu’un concours apporté sous forme d’aide et de collaboration mais, en aucun cas ne prendra la forme coloniale d’une Annexion ou d’une Administration directe..

4) Acceptation de la monnaie Syrienne . Cette monnaie devenant la monnaie nationale en zône Est , toutes les interdictions ayant atteint jusqu’ici (pour cette zone) la Banque de Syrie sont levées .

5) Châtiment des coupables les plus compromis par leurs actes d’hostilité à la France .

Il faut avouer que le Haut Commissaire faisait preuve d’une grande longanimité en envoyant à Faycal, après tant de preuves de duplicité et de trahison , un ultimatum au lieu d’ordonner immédiatement la marche sur Damas ! Nous tous faisions des vœux pour que ‘’ Le délire des grandeurs ‘’ poussât l’Emir à tergiverser encore ou à répondre carrément : Non !

A l’occasion de la fête Nationale le Général Gouraud passa les troupes en revue successivement au camp d’Aîn Sefar et sur la place des canons à Beyrouth . Ces deux prises d’armes furent très brillantes et de nature à faire sérieusement réfléchir le Gouvernement Chérifien qui recevait au même moment l’ultimatum .


Dans la journée du 15 nos avions survolèrent Damas, Homa, Hama et Alep et y lancèrent une proclamation pour rassurer les populations en les éclairant sur la nature du mandat confié à la Françe pour le bonheur et la prospérité de la Syrie .

Le 19 aucune réponse n’est arrivée . Je quitte Beyrouth avec mon Etat-Major pour coucher à mon P.C. d’Aîn Sofar Les avions vont de nouveau demain survoler les mêmes localités en lançant des proclamations.

Toute la journée du 20 courses en Auto d’un point à un autre d’abord à Alley, où je prends un dernier contact avec l’Etat-Major de l’Armée, puis dans la Bekaa où je vais voir mes chefs de corps à Kab Elias, Malaka – Zahlé . Je n’arrive à mon P.C. chez les pères Jésuites de Tan Aîn , qu’à 21 Heures . Je vais demander à diner à l’hospîtalière popotte de l’aviation où je trouve le Général Garnier Duplessix qui va s’installer à Tain Aîn pendant les opérations . Le terme extrême fixé par le Haut commissaire pour la réponse à l’ultimatum est minuit . Nous attendons avec anxiété.

A minuit le Général Gouraud téléphone : ‘’ Pas de réponse de l’Emir . Le fil télégraphique a été coupé sur le territoire chérifien . La marche sur Damas va commencer le 21, dans les conditions prévues . ‘’


Je donne aussitôt l’ordre d’ exécution . 

 

Général Mariano Goybet

En avant Savoie

 

 

La bataille de khan Mayssaloun qui ouvre aux français les portes de Damas, est le point d'orgue du récit de Mariano Goybet. Méconnue dans le monde occidental, elle est considérée en Syrie et dans le monde arabe comme un symbole de résistance courageuse contre un pouvoir impérial plus fort. .  

Il  est intéréssant de retracer le contexte géopolitique général et le role épique de Thomas Edward Lawrence en 1918 qui précède Mariano  Goybet à Damas  en 1920 après le dur combat de Mayssaloun   :

 La bataille de Mayssaloun dans le contexte geopolitique général  

Vers la fin de la Première Guerre mondiale, le corps expéditionnaire d'Égypte commandé par Allenby s'empare de Damas, le 30 septembre 1918, et trois jours après, le prince Fayçal y fait aussi son entrée dans le contexte de la fin de la Grande Révolte arabe de 1916-1918 contre les Ottomans. Le 5 octobre suivant, Allenby lui permet de constituer un gouvernement constitutionnel.

Suivant les accords Sykes-Picot de 1916 (dont la teneur ne sera révélée que bien plus tard), qui partage les terres du Levant de l'Empire ottomanentre Français et Britanniques, la France installe en Syrie et au Liban une administration militaire sous le commandement du général Gouraud à la tête de l'armée du Levant. En même temps, des groupes nationalistes, tels que la ligue de la jeunesse arabe, préparent la tenue d'un congrès prévoyant la formation d'un royaume arabe confié aux Hachémites, famille à laquelle appartient Fayçal.

La première session du congrès syrien se tient le 3 juin 1919 sous la présidence de Hachem al-Atassi et le 2 juillet 1919 le congrès vote des résolutions en faveur de l'institution d'une monarchie constitutionnelle arabe confiée à Fayçal. L'espoir de ces organisations repose en une aide hypothétique des Britanniques et des Américains contre l'administration française ; mais les Britanniques, respectueux des accords de 1916, évacuent leurs troupes de Syrie.

En janvier 1920, Clemenceau arrive à un arrangement avec Fayçal selon lequel la France pourrait retirer ses troupes et appuyer la formation d'une Syrie indépendante à condition d'accepter une administration dont les cadres seraient formés et contrôlés par la France. En effet, selon le point de vue français, la Grande Syrie pour l'instant est structurellement dans l'impossibilité au point de vue sociétal, économique et politique à court terme de former et assurer seule un État moderne. Ce compromis mécontente finalement les nationalistes qui espèrent que le sentiment très anti-français de Fayçal va le pousser à le dénoncer, et c'est ce qu'il va faire.

Après les négociations de janvier 1920 avec Clemenceau, les forces françaises sont de plus en plus visées par des attaques sporadiques de milices arabes ou alaouites (dirigées par Saleh al-Ali, elles avaient commencé dès juin 1919), mais les alaouites dans leur ensemble ne les suivent pas et les chrétiens, touchés eux aussi par les milices nationalistes arabes, sont plutôt légalistes. Le congrès syrien regroupant les nationalistes proclame à Damas le 8 mars 1920 un royaume arabe de Syrie avec Fayçal à sa tête et Hachem al-Atassi comme Premier ministre.

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La France et le Royaume-Uni s'opposent immédiatement à ce nouveau royaume qui regrouperait la Palestine, le Liban et la Transjordanie, en plus de la Syrie actuelle ; elles répliquent à la conférence de San Remo et la SDN leur donne explicitement mandat en avril 1920 pour se partager les territoires du Levant : au Royaume-Uni reviennent la Palestine, la Jordanie et la Mésopotamie, à la France, la Syrie y compris le Liban. Les nationalistes sont isolés sur la scène internationale et des affrontements comme celui de Tel Hai, ne font que renforcer le soutien de la communauté internationale envers le mandat français en Syrie.

Forte de son mandat, la France par l'intermédiaire de son haut commissaire, le général Gouraud, envoie un ultimatum à ce « gouvernement » syrien de cesser les troubles et de se soumettre à l'autorité administrative française. Finalement préoccupé par un combat inégal, Fayçal se soumet le 14 juillet 1920, mais son message n'atteint pas son ministre de la défense, Youssef al-Azmeh, qui décide d'attaquer les troupes françaises à Khan Mayssaloun. Cela conduit à une défaite et les nationalistes syriens se débandent.

Malgré la soumission de Fayçal, Youssef al-Azmeh refuse de se soumettre, laissant mal augurer de la véritable autorité du roi de Syrie. Il lève une petite armée, mal équipée et mal formée face aux troupes françaises de l'armée du Levant. Voulait-il se battre pour l'honneur? Toujours est-il que ses troupes sont aussitôt battues par les douze mille hommes du général Goybet et que Youssef al-Azmeh est tué dans la bataille.Cette guerre rapide est terminée le 24 juillet 1920, lorsque les troupes françaises, après avoir assiégé Damas, font leur entrée dans la ville sans rencontrer de résistance. L'éphémère royaume arabe de Syrie est aboli le lendemain, le mandat français établi dans les faits.

Le roi Fayçal est expulsé à Londres, puis il deviendra roi de Mésopotamie mandataire (Irak). La puissance mandataire française opère un regroupement administratif des provinces et régions, dans ce Levant fortement marqué par plusieurs siècles de présence ottomane. Les Ottomans avaient divisé les provinces en entités administratives servant à récolter l'impôt, mais la corruption endémique, le sous-développement socio-économique et l'absence d'unités étatiques rendent la tâche malaisée1. La France va s'appuyer sur les élites locales déjà en place, c'est-à-dire d'un point de vue économique sur la bourgeoisie commerçante sunnite et chrétienne, tout en favorisant la formation de petits employés administratifs et de soldats alaouites, issus d'une communauté méprisée car considérée par la majorité sunnite comme « hérétique » et insoumise2, et de ce fait isolée.

Role épique de Thomas Edward Lawrence en 1918 qui précède Mariano  Goybet à Damas  en 1920 après le dur combat de Mayssaloun   

Au début du xxe siècle, le Proche-Orient était presque entièrement sous la domination de l'Empire ottoman, dont le sultan était aussi le califecommandeur des croyants. Un mouvement nationaliste arabe (nahda = réveil, renaissance) existait à l'état embryonnaire, en réponse au nationalisme turc alors en plein essor, mais sans structure centralisée. Il s'exprimait moins en revendications politiques qu'en aspirations à faire revivre l'héritage culturel – et notamment littéraire – arabe. Jusqu'à la Première Guerre mondiale, les nationalistes arabes de la première heure recherchaient avant tout une reconnaissance de leur culture, qu'ils voulaient voir traitée d'égale à égale avec les autres civilisations, sans prétendre à une souveraineté étatique pour les pays de langue arabe.

La situation changea lorsque la Première Guerre mondiale commença à toucher le Proche-Orient. La confrontation entre l'Entente (Royaume-Uni, France, Russie) et les Empires centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie, Empire ottoman) vint politiser ce mouvement nationaliste, qui vit se préciser la possibilité de faire appuyer ses visées émancipatrices par la France et le Royaume-Uni.

 Au cours de la Première Guerre mondiale, les Britanniques cherchent le soutien arabe pour ouvrir un nouveau front au sud de l'Empire ottomanThomas Edward Lawrence  travaille pour les services de renseignements militaires britanniques. Sa très bonne connaissance des Arabes en fait un agent de liaison idéal entre les Britanniques et les forces arabes. En juin 1916, il est envoyé dans le désert afin de rendre compte de l’activité des mouvements nationalistes arabes. Durant la guerre, il combat avec les troupes arabes sous le commandement de Fayçal ibn Hussein, un fils d'Hussein ibn Ali (chérif de La Mecque) qui mène une guérilla contre les troupes de l’Empire ottoman6.En 1917, après la prise d'El-Ouedj, la route du nord s'ouvre à Fayçal et à ses hommes. Lawrence organise une action commune entre les troupes arabes et les forces de Auda Abu Tayi, chef des Howeitat, jusqu’alors au service des Ottomans, contre le port stratégique d’Aqaba

 

                                                                                                           

 

De fait, le , Aqaba tombe aux mains des Arabes.  Un an plus tard, le , Lawrence participe à la prise de Damas, libérée par des troupes anglo-australiennes, après avoir aidé à remporter l'une des seules batailles rangées livrées par les Bédouins à Tafilah (en) puis avoir talonné les colonnes turques en retraite. Lawrence porte le costume arabe, monte à chameau, adopte nombre de coutumes locales et devient bientôt proche du prince Fayçal. Vers la fin de la guerre, il cherche sans succès à convaincre ses supérieurs de l’intérêt de l’indépendance de la Syrie pour le Royaume-Uni et notamment par le détournement des Arabes des seuls principes religieux pour l'investissement dans une logique politique à la façon des États modernes (« Il était bon, pour la Révolte arabe, d'avoir à changer sitôt de caractère au cours de sa croissance. Nous avions travaillé désespérément à labourer un sol en friche, tentant de faire croître une nationalité sur une terre où régnait la certitude religieuse, l'arbre de certitude au feuillage empoisonné qui interdit tout espoir7. »). Néanmoins, il ne soutenait pas le projet du chérif Hussein de La Mecque de créer un grand royaume arabe comprenant le Hedjaz, la Jordanie, l'Irak et la Syrie. Pour lui, chacun de ces États devait être enfermé dans ses frontières propres : c'était l'intérêt des Britanniques de morceler le Moyen-Orient, même si, dans la logique de Lawrence, la Syrie devait acquérir une réelle indépendance. En juillet 1920, la colonne française du général Mariano Goybet, précédant le général Henri Joseph Eugène Gouraud, bat les troupes chérifiennes à la Bataille de Khan Mayssaloun et chasse Fayçal de Damas, brisant l’espoir de Lawrence de libérer durablement la Syrie, même si lui-même au fond reconnut plus tard que « …si nous gagnons la guerre, les promesses faites aux Arabes seraient un chiffon de papier… »8, faisant allusion aux accords secrets Sykes-Picot.

 

Contexte de la bataille et récits du Général de Gaulle et du reporter Myriam Harry  

Fayçal, fils du Chérif de la Mecque Hussein, prend la direction de la révolte arabe que son père a proclamée le 10 juin 1916. Conseillé par Thomas Edward Lawrence, officier britannique, il s'empare du port d'Akaba en juin 1917 et remonte jusqu'à Damas où il fait la jonction avec les forces britanniques du général Allenby. Il y forme, avec l’appui des nationalistes arabes, un gouvernement, et est chargé par Hussein de se rendre à Versailles afin de participer au règlement de paix.1 À la conférence de paix de Paris, l'année suivante, le Proche-Orient ottoman est divisé en mandats attribués à la France et au Royaume-Uni par la Société des nationsFayçal forma alors un gouvernement, non reconnu par la France et par le Royaume-Uni. Les deux pays avaient secrètement convenu de donner à la France le contrôle de la Syrie, en dépit des promesses d'indépendance faites par les Britanniques aux Arabes (accords secrets Sykes-Picot). Les Français rencontrèrent des révoltes locales quand leurs forces entrèrent dans le pays, et en mars 1920, Fayçal fut proclamé roi de Syrie. Cependant, un mois plus tard, la Société des nations attribua un mandat à la France sur la Syrie.

Le général Mariano Goybet, commandant des forces françaises durant la bataille.

La bataille de Khan Maysaloun (en arabe : معركة ميسلون) est  survenue le , lors de la guerre franco-syrienne. Elle a opposé les forces du Royaume arabe de Syrie et l'Armée française du Levant. Elle s'est déroulée dans la vallée de Maysaloun (en) dans les montagnes d'Anti-Liban en Syrie, à environ 25 kilomètres à l'ouest de Damas, près de l'actuelle frontière avec le Liban. Les forces françaises, commandées par le général Goybet, mieux équipées et plus nombreuses, écrasèrent les forces syriennes menées par Youssef al-Azmeh, ministre de la Guerre du roi Fayçal, assiégèrent et prirent Damas le 25 juillet 1920

La bataille de Maysaloun s'ensuit alors que les forces françaises partent du Liban pour affirmer leur contrôle sur Damas et renverser le gouvernement de Fayçal. Avec des restes de l'armée syrienne et des volontaires locaux, le ministre de la Guerre de Fayçal, le général Youssef al-Azmeh, les affronte. Les troupes françaises, mieux équipées, menées par le général Mariano Goybet battirent al-Azmeh, qui tomba au combat. Les Français rentrèrent à Damas le lendemain, rencontrant peu de résistance. Peu de temps après, Fayçal fut expulsé de Syrie. Malgré la défaite décisive de l'armée syrienne, la bataille de Maysaloun est considérée en Syrie et dans le monde arabe comme un symbole de résistance courageuse contre un pouvoir impérial plus fort.

 

Prélude à la bataille

Le 22 juillet, Fayçal dépêcha son ministre de l'Éducation, Sati al-Husri, et l'ancien représentant du gouvernement arabe, Jamil al-Ulshi, pour rencontrer Henri Gouraud à son quartier général à Aley et le persuader de mettre fin à son avance militaire vers Damas. Gouraud répondit en prolongeant l'ultimatum d'un jour et avec de nouvelles conditions plus strictes, à savoir que la France soit autorisée à établir une mission à Damas pour superviser la mise en œuvre de l'ultimatum original et l'établissement du mandat français. Al-Husri retourna à Damas le même jour pour communiquer le message de Gouraud à Fayçal, qui appela à une réunion du cabinet le 23 juillet pour examiner le nouvel ultimatum. Le colonel Cousse, officier de liaison français à Damas, interrompit la réunion avec la demande de Gouraud que l'armée française pût avancer vers Maysalun, où les puits d'eau étaient abondants . Gouraud avait initialement prévu de lancer l'offensive contre Damas d'Ayn al-Judaydah , une source dans la chaîne anti-Liban, mais le manque de sources d'eau à cet endroit situé au milieu des montagnes abruptes et stériles conduisit à un changement de plans . En conséquence, Gouraud chercha à occuper Khan Maysaloun, un caravansérail isolé sur la route de Beyrouth à Damas, situé à la crête du col de montagne de Wadi al-Qarn dans l'Anti-Liban, à 25 kilomètres à l'ouest de Damas. Gouraud a également été motivé d'occuper Khan Maysaloun en raison de sa proximité avec le chemin de fer Hejaz. Le message de Cousse confirma les craintes du cabinet de Fayçal que Gouraud avait l'intention de prendre la Syrie par la force. Le cabinet a par la suite rejeté l'ultimatum de Gouraud et a lancé un appel largement symbolique à la communauté internationale pour mettre fin à l'avance française. Le 23 juillet, Al-'Azma partit de Damas avec sa force hétérogène de militaires réguliers et de volontaires, qui était divisée en colonnes nord, centrale et sud chacune dirigée par des unités de cavalerie de chameau. Les forces françaises de la 3e division sous le commandement du général Mariano Goybet lancèrent leur offensive vers Khan Mayssaloun et Wadi al-Qarn le 24 juillet, peu après l'aube à 5 heure du matin, tandis que les forces syriennes attendaient sur leurs positions surplombant le bas de Wadi al-Qarn.

 

Les forces en présence
Les forces françaises

 

Le général Mariano Goybet commandait les forces françaises pendant la bataille. Les estimations des effectifs des divisions du Levant de l'armée française qui participèrent à la bataille varient de 9 000 à 12 000 soldats. Les troupes étaient majoritairement constituées d'unités sénégalaises et algériennes, composées de dix bataillons d'infanterie et d'unités de cavalerie et d'artillerie. Parmi les unités participantes figuraient le 415e Régiment d'infanterie, le 2eRégiment des fusiliers algériens, la Division sénégalaise, le Régiment des fusiliers africains et le Bataillon marocain de spahis. Un certain nombre de volontaires maronites du Mont Liban auraient également rejoint les forces françaises. L'armée du Levant était équipée de batteries d'artillerie de plaine et de montagne et de canons de 155 mm, et soutenue par des chars et des chasseurs-bombardiers.

Les forces Syriennes 

Les forces syriennes à Maysalun étaient commandées par le ministre de la Guerre Youssef al-Azmeh, qui mourut pendant la bataille. Elles étaient constituées de restes de l'armée arabe rassemblée par le général al-Azmeh, y compris des soldats de la garnison dissoute du général Hassan al-Hindi, des unités dissoutes de Damas et de la cavalerie des chameaux bédouins ; La plupart des unités de l'armée arabe avaient été dissoutes quelques jours avant la bataille par ordre du roi Fayçal dans le cadre de son acceptation des termes du général Gouraud. En plus des troupes de l'armée arabe, de nombreux volontaires civils et miliciens de Damas rejoignirent les forces de Youssef al-Azmeh. Selon les estimations, le nombre de soldats et d'irréguliers syriens était d'environ 4 000, tandis que l'historien Eliezer Tauber affirme qu'al-Azmeh a recruté 3 000 soldats et volontaires, dont seulement 1 400 ont participé à la bataille. Une partie des unités de la milice civile furent rassemblées et dirigées par Yasin Kiwan, marchand Damascène, Abd al-Qadir Kiwan, ancien imam de la mosquée Omeyyade, et Shaykh Hamdi al-Juwajani, un érudit musulman. Yasin et Abd al-Qadir furent tués pendant la bataille. Shaykh Muhammad al-Ashmar a également participé à la bataille avec 40 à 50 de ses hommes du quartier Midan de Damas. D'autres prédicateurs et érudits musulmans de Damas, y compris Tawfiq al-Darra (ex-mufti de la cinquième armée ottomane), Sa'id al-Barhani (prédicateur à la mosquée de la Tuba), Muhammad al-Fahl (érudit de la Madrasa de Qalbaqjiyya) Ali Daqqar (prédicateur à la mosquée de Sinan Pacha) ont également participé à la bataille. Les Syriens étaient équipés de fusils mis au rebut par les soldats ottomans lors de leur retraite pendant la Première Guerre mondiale et ceux utilisés par la cavalerie bédouine de l'armée Sharifian pendant la révolte arabe de 1916. Les Syriens possédaient également un certain nombre de mitrailleuses et environ 15 batteries d'artillerie. Selon diverses versions, les munitions étaient faibles, avec 120 à 250 balles par fusil, 45 balles par mitrailleuse, et 50 à 80 obus par canon. Une partie de ces munitions était également inutilisable car de nombreux types de fusils et de balle ne correspondaient pas entre eux.

Bataille de Khan Mayssaloun du 24 juillet 1920, clef de l'entrée à Damas

L’armée française du Levant dont le commandant en chef est le général Henri Gouraud place les troupes françaises dans la bataille de Mayssaloun , sur la route de Damas, sous le commandement du général Mariano Goybet. Celui-ci écrase l'armée syrienne menée par Youssef al-Azmeh, ministre de la guerre du roi constitutionnel de Syrie Fayçal ben Hussein proclamé par le Congrès national syrien (en) le . Il rentre victorieux à Damas le 25 juillet 1920. Cette bataille est considérée comme la fin du rêve nationaliste panarabique. Espoir brisé de Thomas Edward Lawrence de libérer durablement la Syrie. Youssef al-Azmeh, le ministre de la guerre du roi Fayçal, est tué lors des combats.

Fayçal Ier, originaire du Hedjaz en Arabie saoudite, était le fils de Hussein ben Ali, chérif de la Mecque et roi du Hedjaz. Les Britanniques firent de lui, l'année suivante, le premier roi d'Irak.

Après la bataille

Le roi Fayçal fut chassé de Syrie par les Français suite à leur occupation de Damas

Les premières estimations des pertes qui ont fait 2 000 morts syriens et 800 victimes françaises ont été exagérées. L'armée française a affirmé que 42 de ses soldats ont été tués, 152 blessés et 14 disparus en action, tandis que 150 combattants syriens ont été tués et 1 500 blessés. Le roi Fayçal a observé que la bataille se déroulait dans le village d'al-Hamah, et comme il était apparu que les Syriens avaient été mis en déroute, lui et son cabinet, à l'exception du ministre de l'Intérieur Ala al-Din al-Durubi, Un accord avec les Français, est parti pour al-Kiswah, une ville située aux approches du sud de Damas. Les forces françaises avaient capturé Alep le 23 juillet sans combat, et après leur victoire à Maysaloun, les troupes françaises ont assiégé et pris Damas le 25 juillet. En peu de temps, la majorité des forces de Fayçal se sont enfuis ou se sont rendus aux Français, bien que les partis des groupes arabes opposés à la domination française aient continué à résister avant d'être rapidement battus. Le roi Fayçal est retourné à Damas le 25 juillet et a demandé à al-Durubi de former un gouvernement, bien qu'Al-Durubi ait déjà décidé de la composition de son cabinet, ce qui a été confirmé par les Français. Le général Gouraud a condamné le régime de Fayçal en Syrie, l'accusant d'avoir « traîné le pays à un pas de la destruction », et déclarant que, pour cette raison, « il était absolument impossible qu'il reste dans le pays ». Fayçal a dénoncé la déclaration de Gouraud et a insisté sur le fait qu'il restait le chef souverain de la Syrie dont l'autorité était « accordée par le peuple syrien ».

Fayçal quitte Damas le 27 juillet avec un seul de ses membres du cabinet, al-Husri. Il a d'abord voyagé vers le sud à Daraa dans la région de Hauran où il gagne l'allégeance des chefs tribaux locaux. Cependant, un ultimatum français aux dirigeants tribaux pour expulser Fayçal ou faire face au bombardement de leurs campements a obligé Fayçal à se diriger vers l'ouest à Haïfa dans la Palestine occupée par les Britanniques le 1er août et à éviter d'autres effusions de sang. Le départ de Fayçal de la Syrie a mis fin à son objectif d'établir et de diriger un État arabe en Syrie.

Monument sur prise de Damas par le général Mariano Goybet

Le 17 août 1931, en collaboration avec le chef de bataillon Yvon, le commandant de Gaulle publie Histoire des troupes du Levant à l’Imprimerie nationale rédigé à l'occasion de l'exposition universelle de 1931. Voici un extrait de la Marche sur Damas en partant de Zahlé de la Division Mariano Goybet et bataille de Khan Mayssaloun

« La colonne Goybet se porte en avant le 21 juillet 1920, franchit le Litani, occupe Rayak, gravit les pentes de l'Anti-Liban et vient camper dans la région de Aîn-Djedeidé. Les troupes chérifiennes avaient pris position sur les hauteurs de Khan-Meisseloun, au débouché est d'un long défilé par où passe la route de Damas. Dès le 21 juillet, le général Goybet, près duquel est détaché le chef d'état major de l'armée du Levant, le colonel Pettelat, a saisi l'issue de ce défilé. Le 24 juillet au matin, le gros de ses forces se porte en avant, par les plateaux déchiquetés de part et d'autre de la route de Damas, À droite les spahis cherchent à déborder l'aile gauche de l'ennemi. Après une sérieuse résistance des fantassins chérifiens, soutenus par plusieurs canons, l'infanterie aidée des chars et bien appuyée par l'artillerie, enlève deux lignes successives de retranchements. Le chef chérifien est tué ; ses partisans abandonnent la lutte et se replient sur Damas. Le 25 juillet, le général Goybet entre dans cette ville. Texte rédigé par le Commandant Charles De Gaulle En , il est affecté à l’État-major des Troupes du Levant à Beyrouth où il est responsable des 2e et 3e bureaux (renseignement militaire et opérations). »

 

Entrée des troupes du général goybet à Damas 25 Juillet 1920

Myriam Harry L'Illustration du 21 août 1920 article «Avec le général Goybet à Damas»

« Le combat extrêmement acharné dura 8 heures dans le fameux défilé long de 6 kilomètres. les Chérifiens avaient barré la route par un mur garni de mitrailleuses, croyant empêcher le passage des tanks, mais les tanks se sont glissés dans le ravin entre le mur et la montagne et, passant dans le bled, ils sont montés à l'assaut de la crête suivis par les fantassins du 415e, les Algériens et les Sénégalais marocains, lancés à tout galop, enveloppaient les positions d'un mouvement débordant. Et de la haut pleuvaient les obus, cinglait la mitraille. Plusieurs heures les tanks sont restés face à face avec les batteries et c'est seulement quand ils réussirent à mettre le feu aux caisses de munitions que les chérifiens lâchèrent pied et s'enfuirent désemparés complètement par la mort du ministre de la guerre Asmy Bey, tué à son poste par un éclat d'obus...Un colonel commandant les arrière-gardes nous donne encore quelques détails. Quand l'armée en déroute est affluée vers Damas, le désarroi était absolu.

L'émir Faycal et son frère s'étaient enfuis. Hier soir est arrivé ici le nouveau ministre de la guerre, déclarant au général Goybet que la ville était à sa merci et n'opposait aucune résistance à ses troupes.Le Général Goybet veut qu'on enterre Asmy Bey avec les honneurs militaires. "ce fut un remarquable officier Turc. Si vous aviez vu ses positions, organisées comme les nôtres, avec des batteries, des tranchées et reliés aux postes de combat par des fils téléphoniques! On se serait cru à la grande guerre. D'ailleurs tous les canons, tous les équipements venaient de chez les Boches, et toutes les caisses de munitions portaient l'inscription : Munitionen für die Türkei...."(Le témoin plus loin a rattrapé les troupes du Général Goybet.)

Nous sommes arrivés à temps. Des 2 cotés du Barada se développent les troupes Françaises, les premières troupes européennes qui soient jamais entrées dans la capitale des Ommiades - Les croisés l'ont assiégée en vain - et devant l'ancienne caserne turque, le conquérant de Damas, le Général Goybet à cheval, regarde halé et rayonnant, défiler son armée victorieuse. »

 

Avant l'entrée  A Damas :  Le passage du Barada. Journal L'illustration

Télégramme Gouraud le 26 07 1920 sur conditions reddition

 

HERITAGE

En 1920, proclamation du Grand Liban avec le Grand Mufti de Beyrout, Cheik Moustafa Naja, le Patriarche maronite Elias Pierre Hoayek sur sa droite et le général Mariano Goybet.

La bataille de Khan Maysaloun a été déterminante. Les Français ont pris le contrôle du territoire qui est devenu le Mandat français sur la Syrie et le Liban. Le 1er septembre, le général Gouraud proclame la création de l'État du Grand Liban, en y annexant le Mont-Liban et les villes côtières. La France divisa la Syrie en plus petits états centrés sur certaines régions et mouvements religieux, y compris le Grand Liban pour les Maronites, l’État de Jabal al-Druze pour les Druzes à Hauran, l'Alawite pour les Alaouites dans les montagnes côtières syriennes et Damas et Alep.

Bien que les Syriens aient été défaits de façon décisive, la bataille de Maysaloun « est devenue dans l'histoire arabe un synonyme d'héroïsme et de courage sans espoir face à de grandes difficultés, ainsi que pour la trahison » selon l'historien irakien Ali al-Allawi. Selon le journaliste britannique Robert Fisk, la bataille de Maysaloun était «une lutte que tout Syrien apprend à l'école, mais dont presque tous les Occidentaux sont ignorants ». L'historien Tareq Y. Ismael, professeur de sciences politiques à l'Université de Calgary au Canada et président du Centre international pour le Moyen-Orient contemporain, écrit qu'après la bataille, « la résistance syrienne à Khan Maysalun a bientôt pris des proportions épiques. Elle a été vue comme une tentative Arabe pour arrêter l'avalanche impériale ». Il affirme également que la défaite des Syriens a provoqué dans le Monde arabe des attitudes populaires qui existent jusqu'à ce jour, selon lesquelles le Monde occidental déshonore les engagements qu'il prend envers le peuple arabe et opprime ceux qui s'opposent à ses desseins impériaux. Sati al Housri, grand penseur panarabiste, a affirmé que la bataille était «l'un des événements les plus importants de l'histoire moderne de nation arabe». L'événement était annuellement commémoré par les Syriens, commémoration au cours de laquelle des milliers de personnes visitaient la tombe d'al-Azmeh à Maysaloun.

Telegramme gouraud du 05 08 1920

 

Le mandat français sur la Syrie et le Liban :

 

Il fut l'un des deux mandats institués par la Société des Nations (SDN) le 25 avril 1920 après la Première Guerre mondiale1 et qui devaient permettre officiellement aux États du monde arabe d'accéder à l'indépendance et à la souveraineté, sitôt après avoir atteint un niveau suffisant de maturité politique et de développement économique2. La France administra d'abord l'État d'Alep, l'État de Damas, l'État des Druzes, l'État du Grand Liban et le territoire des Alaouites (de 1920 à 1922), puis la Fédération syrienne, l'État des Druzes et l'État du Grand Liban (de 1922 à 1924), puis l'État de Syrie, l'État des Alaouites, l'État des Druzes et l'État du Grand Liban puis République libanaise (de 1925 à 1930), puis la République syrienne, la République libanaise, l'État des Alaouites et l'État des Druzes (de 1930 à 1936) puis enfin les Républiques syrienne et libanaise seules. La France avait signé en 1936 des traités d'indépendance avec la Syrie et le Liban mais n'avait pas ratifié ces traités. La République du Hatay déclara son indépendance le 2 septembre 1938, et la République syrienne en 1944.

Contrairement à une idée reçue, et répandue, entre 1920 et 1946, la Syrie ne fut en aucun cas une colonie française, mais un pays placé sous mandat de la SDN, administré presque comme un protectorat. L'objectif était de donner l'indépendance à ce pays, ainsi qu'au Liban, quand une élite politique fiable et sérieuse serait formée, pour diriger et administrer ce pays. Contrairement aux mandats britanniques au Moyen-Orient (Iraq, Palestine, et Jordanie), qui préparaient plutôt de futures monarchies (sauf pour le futur État d'Israël et la Palestine), la France privilégiait un modèle républicain pour ces mandats, quand ils deviendraient indépendants.

 

Mandat de la Société des Nations pour la Syrie et le Liban
Image illustrative de l’article Mandat français sur la Syrie et le Liban
 

 

 

Le général Mariano Goybet et les troupes françaises entrent à Damas le 24 juillet 1920. Au Liban, les hommes du général Gouraud ont été accueillis en libérateurs par la communauté maronite, mais en Syrie, les Français se heurtent à une forte opposition8. Dans une déclaration publiée en 1920, le général Gouraud expose sans ambiguïté sa politique à l'égard de la Syrie,

« Vous n'ignorez pas, Syriens, que depuis six mois le Gouvernement de Damas, poussé par une minorité extrémiste, a dépassé toutes les bornes en poursuivant la politique la plus agressive contre les Français (…) Par un sentiment d'humanité commun à tous les Français, je n'ai pas l'intention d'employer les avions contre les populations sans armes, mais à la condition qu'aucun Français, aucun chrétien ne soit massacré. Des massacres, s'ils avaient lieu, seraient suivis de terribles représailles par la voie des airs11. »

Cependant, le reste du pays est encore hors de contrôle et, de 1920 à 1923, l'armée française combat les insurgés dans la région des Alaouites, des Druzes et d'Alep. Ce n'est qu'après trois ans de combat que les Français parviennent à vaincre les dernières résistances.

 

Le , le général Gouraud proclame la création de l'État du Grand Liban, en y annexant le mont Liban et les villes côtières conformément aux souhaits émis par les maronites et par la droite coloniale française. Par cette décision, la Syrie perd une importante zone côtière et en particulier la ville de Tripoli qui possédait l'un des plus grands ports du Levant. Le pays ne compte alors plus que sur Lattaquié et sur son port qui devient le premier du pays12. Quant à Fayçal, il part en exil, il s'installe d'abord en Palestine puis en Italie, avant de prendre le trône d'Irak sur la proposition du Royaume-Uni.

Après avoir pris le contrôle du pays, les Français tentent de créer une structure administrative à plusieurs niveaux. La première décision a été de choisir quel serait le siège du Haut-commissariat français. Les Français ont longuement hésité entre Beyrouth et Damas. Tandis que l'une était francophile, l'autre était hostile même au sein de la communauté chrétienne. Les Français choisissent une solution intermédiaire : installer l'administration du mandat dans la petite ville de Chtaura, située à égale distance entre Beyrouth et Damas. Cependant, le projet a vite été abandonné au profit de Beyrouth.

Pour le général Gouraud, la France doit faire taire les velléités nationalistes en divisant la région en petites unités administratives, ce qui est fait dès la fin de l'année 1920. Trois États sont créés faisant passer la taille de la Syrie d'un territoire de 300 000 km2 à 185 000 km22 :

  • l'État du Grand Liban : le général Gouraud proclame la création de ce nouvel État le 30 août 1920, qui est rendu officiel par un arrêté du 31 août 19201, cet État est constitué du mont Liban qui comprend en majorité des chrétiens ainsi que de villes côtières conformément aux souhaits émis par les maronites. À partir de ce jour, le Liban séparé de la Syrie suivra sa propre évolution. L'indépendance du pays vis-à-vis de la Syrie est proclamée le 1er septembre 1920 par le général Gouraud1 ;
  • l'État d'Alep : proclamé le 1er septembre 1920, il repose principalement sur la ville d'Alep et de sa région ;
  • l'État de Damas : proclamé en septembre 1920, il repose principalement sur la ville de Damas et de sa région.

Un territoire autonome alaouite est créé le 2 septembre 1920 et est directement placé sous autorité française13. L'État du Djebel druze est institué le 24 octobre 1922 avec Soueïda comme capitale1.

En juin 1922, un premier regroupement a lieu avec la réunification des États de Damas, d'Alep et de Lattaquié en une Fédération syrienne. Avec la création de ce nouvel État, la France doit choisir la nouvelle capitale. Le choix se portait entre Alep au nord et Damas au sud, mais les Français choisissent finalement Homs. Homs bénéficiait d'une position stratégique, elle offrait un meilleur placement géographique et d'une meilleure situation commerciale. C'était enfin une ville provinciale qui était en dehors des luttes intestines entre familles et clans des deux autres villes.

En mars 1923, l'État du sandjak d'Alexandrette qui était peuplé d'une minorité de Turcs est créé8. Par l'arrêté du 5 décembre1924, l'État des Alaouites avec les sandjaks de Lattaquié et de Tartous est créé, avec Lattaquié comme capitale1. Le 1er janvier 1925, le général Gouraud crée — grâce à l'arrêté 2980 — l'État de Syrie, composé de ceux d'Alep, de Damas et des Alaouites (qui en sera séparé à partir de 1924)8 avec Damas comme nouvelle capitale, mais c'est néanmoins de Beyrouth que le pouvoir mandataire prend ses décisions.

 

Modernisation du pays 

 

L'arrivée des civils au Haut-commissariat a accéléré le processus de modernisation du pays. Damas et d'autres grandes villes syriennes sont modernisées, d'abord sur le plan de l'aménagement urbain des frères René Danger (1872-1954) et Raymond Danger (1883-1958) et de l'architecte Michel Écochard, qui établit des plans pour la modernisation et l'urbanisation de Damas. Ils organisent des chantiers, des restaurations ainsi que des conservations de monuments historiques. En plus d'avoir construit des musées archéologiques, il travaille sur l'électrification et l'alimentation en eau des villes.

 

Damas voit l'apparition de tramways et de calèches, et la recherche générale d'une plus grande hygiène. Un réseau de routes a été construit et des liaisons vers l'extérieur se sont développées. Des aides ont été accordées à l'agriculture ainsi qu'à l'industrie. L'éducation a été étendue à des milieux variés socialement, ainsi le nombre d'écoles a été multiplié par quatre en vingt ans15,2.

Le mandat a également consolidé et modernisé le jeune État syrien, consolidation qui s'est accompagnée d'une réforme de la justice et de sa pratique dans le pays. L'armée a également été modernisée, par la création de la base d'une armée nationale.

Une modernisation culturelle gagne aussi la région, la France qui représentait à l'époque un modèle de savoir-vivre est prise comme exemple par les peuples du Levant. Le mandat voit la création de grands hôtels, de restaurants, de cafés, de cinémas, de théâtres et de cabarets. Les femmes s'émancipent, elles accèdent au monde universitaire et à certains aspects de la vie politique et professionnelle. La tenue des Syriens évoluent, surtout dans les villes, suivant la mode occidentale. Si les hommes gardent toujours leur tarbouch sur la tête, les femmes adoptent la mode parisienne.

La création de partis politiques et de cercles littéraires est en augmentation ainsi que les activités sportives2. La création de journaux augmente également, passant de 50 pendant l'administration arabe à 180 pendant l'administration française16.

Fin 1932, on peut lire ce commentaire du reporter Pierre La Mazière dans l’hebdomadaire Le Miroir du Monde :

« […] Lorsque fut institué le mandat, l’ensemble des voies ferrées représentait une longueur de 707 kilomètres – elle est aujourd’hui de 1 663 kilomètres ; un seul port était équipé : Beyrouth. Aujourd’hui Tripoli, Lattaquieh, Alexandrette sont pourvus d’aménagements et d’un outillage qui leur permettent d’accueillir des bâtiments venant de l’Europe. Le port de Halifa qui pourra recevoir des navires de fort tonnage sera achevé avant le mois de juillet prochain.

La longueur du réseau routier d’intérêt général ne dépassait pas 650 kilomètres, dont 470 à peine étaient en état de viabilité. Elle est aujourd’hui de 1 868 kilomètres. Encore sied-il d’ajouter à ce chiffre 1 500 kilomètres de pistes destinés à assurer les communications à travers le désert.

Évaluées à 700 000 hectares cultivables en 1920, les surfaces cultivables dépassent les 1 600 000 hectares. C’est donc 900 000 hectares qui furent mis en valeur : région d’Alep, d’Antioche, plaine de l’Amour, oasis de la Goutha près de Damas. La récolte de blé et d’orge a doublé en dix ans ; celle du coton, du tabac, des fruits, de l’olive a subi une progression sensiblement égale.

Le cheptel race ovine et race caprine s’est considérablement accrû. On a pourvu à l’exploitation des gisements d’asphalte de la région de Lattaquieh et créé une importante fabrique de ciment utilisant les riches gisements calcaires de la région de Chekka. Pour demeurer sur le plan industriel, la puissance globale des entreprises d’énergie électrique qui était, en 1920, de 3 264 chevaux, est passée à 16 940 chevaux. De nouvelles usines fourniront un supplément de 22 000 chevaux.

Enfin, les études pour l’établissement d’un pipe-line à travers la Syrie, pour le transport des pétroles de Mossoul, sont maintenant achevés et les travaux préliminaires sont en voie de réalisation. On a commencé à poser la tuyauterie le mois dernier, conformément au programme tracé qui prévoit l’achèvement des travaux fin juillet 1934.

Si l’on examine maintenant ce que fait la puissance mandataire pour développer l’enseignement, que voit-on ? 2 191 établissements officiels ou privés instruisant 180 000 élèves. Six lycées (Damas, Alep, Homs, Hamab, Antioche, Deir ez Zor) donnent l’enseignement secondaire. À Damas, centre principal de la culture musulmane, une université comprend, outre la faculté de médecine laissée par le régime ottoman, une faculté de droit, une école supérieure de lettres et une académie arabe qui a pour mission de fixer la langue arabe littéraire17. »

 

Voir:Wikipédia : Mandat_français sur la Syrie et le Liban

 

«  la Syrie et le Mandat français (1920-1946) Extraits

Samir ANHOURY

Il y eut échec politique sur plusieurs points essentiels :

Échec sur l’exécution de la mission de la France, puissance mandataire , de mener à bien le pays sous mandat – la Syrie – à l’indépendance. Diviser la Syrie en plusieurs états autonomes, regroupés plus tard en un état dans les limites d’un tracé arbitraire des frontières, non conforme à la réalité géographique et historique du pays. Refuser à la Syrie et à son gouvernement local l’exercice en droit de ses prérogatives constitutionnelles et ce, malgré la promulgation du « Statut organique » des états du Levant sous mandat français le 22 mai 1930 par le Haut-commissaire Henri Ponsot. Signature du traite Franco Syrien, Septembre 1936 8 février 1936, troubles a HomsRefuser à la Syrie son indépendance proclamée par la France Libre le 9 juin 1941, et son délégué au Levant le général Catroux. Évacuation définitive des troupes françaises le 23 juillet 1939 du Sandjak d’Alexandrette, territoire syrien placé sous mandat français, en faveur de la Turquie, prix à payer pour s’assurer la neutralité turque durant la Deuxième guerre mondiale. Politique monétaire et fiscale préjudiciable pour la Syrie, avec l’émission d’une monnaie locale en billets de banque liée au franc français. Enfin, échec de la France à mener une « politique arabe » cohérente, en refusant tout soutien au nationalisme arabe.

Toutefois, et malgré cet échec politique incontestable, il ne serait que justice d’accorder à la France un bilan positif dans son œuvre administrative, qui a laissé des traces profondes en Syrie jusqu’à nos jours.

Le mandat a tout d’abord consolidé les bases de l’état moderne, instauré au temps du Royaume arabe de Fayçal. Dans ce but, le mandat a imposé son autorité grâce à l’armée, la gendarmerie et la police garants de l’ordre et de la sécurité. Ce dispositif, bien que répressif, fut toutefois accompagné d’une réforme de la justice et de sa pratique dans tout le pays, assurant calme et sécurité.

Dans d’autres domaines : santé et hygiène, cadastre, construction de routes, sédentarisation des nomades, augmentation des surfaces cultivées, mise en valeur de l’héritage archéologique, formation et mise sur pied de la future armée nationale : infanterie arabe, cavaliers tcherkesses, escadrons druzes, légion arménienne. Toutes ces unités ont formé les « troupes spéciales » de l’armée du Levant, commandée par des officiers français. Autre domaine, et non le moins important, fut la culture et l’éducation étendues à des milieux socialement variés et en nombre relativement important.

L’enseignement dans les écoles fut dispensé avec rigueur et efficacité. Le même sérieux dans la formation des élèves et étudiants fut appliqué dans les écoles et instituts missionnaires et dans les écoles nationales et l’Université syrienne.

Les générations de Syriens, formés dans ces écoles et maîtrisant souvent parfaitement à la fois l’arabe et le français, ont formé l’élite cultivée qui a mené le pays à l’indépendance et consolidé les réalisations positives du mandant durant la décennie postérieure à l’indépendance. Beaucoup de ceux qui ont vécu le mandat, qu’ils soient français ou syriens, gardent en mémoire des souvenirs contrastés et inoubliables. Toutefois, ils sont tous à peu près d’accord sur un point : le mandat fut une réussite administrative et un échec politique. »

 

Voir également :

goybet.e-monsite.com/pages/prise de Damas en 1920 par le general goybet presse du monde et reportage de l'illustration

Guerre Syrie : Lettre au Président de la République et articles de presse Read more at http://goybet.e-monsite.com/pages/guerre-en-syrie-lettre-au-president.

 

DE STRASBOURG A DAMAS :Carnet de campagne du Général Mariano Goybet Ancien Commandant de la 3ème D.I. de l’Armée Française du levant .1920-1921

Général Mariano Goybet  Grand officier de la légion d'honneur

DEPART





17 Mars 1920




Mes deux frêres, le Général de Brigade et le Capitaine de Frégate, viennent de me quitter . Mes Bagages sont déjà à bord du ‘’Lotus’’ . Il ne me reste plus qu’à m’y rendre moi-même , en flanant . Pendant que je longe les quais de la Joliette , je me remémore les évènements qui m’ont amené à cette heure décisive, à ce départ vers cette Asie mystérieuse, rêve de toute une vie .


D’abord c’a été cette phrase du Général Gouraud, en Novembre 1919, au moment où nous revenions tous deux de l’intronisation de Monseigneur Ruch, comme évèque de Strasbourg : ‘’ Je vais aller en Syrie, où je trouverai deux Divisions . Il m’en faut une troisième : je compte sur vous pour la commander ‘’ .Depuis cette conversation qui m’avait fait battre le cœur, j’ai attendu, le télégramme tant désiré . Il n’est arrivé qu’à la fin de Janvier, m’offrant une Brigade Mixte et un commandement territorial étendu . J’ai accepté de suite en escomptant toujours la création de la 3 ème Division .


Puis, je me rappelle le Concours international de Ski, à Chamonix , où j’ai reçu, au milieu des neiges du Mont Blanc, le télégramme du Ministre qui m’envoyait vers celles du Liban et de l’Hermon . Rapide voyage à Paris, où j’ai eu connaissance des graves évènements de Cilicie et de la situation un peu embrouillée que j’allais trouver en Syrie . La vie promet d’y être intéressante ! C’a été ensuite la grève des chemins de fer qui retarde mon départ de Strasbourg, le déménagement précipité , les adieux à la famille et enfin l’arrivée à Marseille devant la mer secouée , depuis deux jours, par une violente tempête .



Mais voici le ‘’Lotus ‘’ . Je trouve à la coupée mes compagnons de voyage : le Capitaine Jabin, mon fidèle officier d’Etat- Major , lorsque je commandais la Place de Strasbourg , qui veut bien assumer auprès de moi , les fonctions d’Officier d’Ordonnance ; le Maréchal des Logis Verdet-Kleber , qui me servira de porte-fanion ; mon conducteur d’auto et mes ordonnances qui n’ont pas voulu quitter leur chef partant pour le Levant . Je fais la connaissance de l’aimable Commandant Guérin, ‘’ le Maitre après Dieu ‘’ à bord du ‘’Lotus ‘’ ; je le quitte bientôt , le laissant à ses préparatifs d’appareillage pour aller moi-même m’installer dans la confortable cabine qui m’a été réservée. Mais le Commandant me fait dire de monter sur la passerelle , pour assister au départ . Il est 16h30.




Pendant deux heures, nous défilons devant les côtes de notre belle Provence et vers 19 Heures, au moment où la cloche du diner nous convoque dans la salle à manger, le Lotus est par le travers de Toulon. A la table du Commandant Guérin, je trouve Monsieur Gaillard qui va au Caire remplacer comme Ministre de France Monsieur Lefevre Pontalis et le Lt Colonel de Méru, détaché, comme officier de liaison à l’Etat Major du Maréchal Allemby .La conversation de ces deux convives , très avertis des choses d’Afrique et d’Asie , est particulièrement intéréssante pour un Général qui va prendre un Commandement en Syrie .



Monsieur Gaillard est un ‘’ Marocain’’, très au courant de tout ce qui touche au monde Arabe, Maugrebin ou levantin. Le Lt Colonel de Méru est très documenté sur la question Syrienne , notamment en ce qui concerne les visées Anglaises sur la Palestine et lieux circonvoisins . Sait-on jamais avec nos bons amis d’Outre- Manche , surtout quand il s’agit d’Anglais ‘’Coloniaux ‘’ ? Nous remontons sur la passerelle . Le vent a fraichi et la mer grossit de nouveau . Les embruns viennent nous fouetter au visage. Nous allons être bercés fortement pour notre première nuit à bord .




 



ILES ET CÖTES ITALIENNES

 

18Mars. - A partir de 4 heures, mer tout à fait calme. A 8 heures, nous passons devant le Cap Corse. Puis c'est Bastia, en amphithéâtre, se découpant sur un fond d'orangers et d'oliviers ; pendant que, sur la gauche, nous longeons, à bonne distance, les iles d'Elbe et de Montecristo, l'Histoire et le Roman. Journée calme et nuit tranquille.

 

-19 Mars. - Au réveil, le ''Lotus'' est en vue des iles Lipari-

 

Très aimablement , le Commandant Guérin nous fait passer ''à toucher''. Stromboli, dont le volcan exhale d'épaisses fumées noires, rougies souvent par les reflets du cratère. Nous pouvons voir à l'oeil nu les longues trainées de vignoble, qui chevauchent les parois abruptes, et les groupes épars de jolies maisons blanches, serrées le long du littoral, entre les vagues et les rochers. Malgré la menace toujours présente d'un volcan en demi sommeil, quel endroit tranquille et délicieux, pour se chauffer au soleil d'hiver, quand je serai à la retraite !

 

Nous nous approchons de la côte d'Italie, pour nous engager dans le détroit de Messine. A 12 heures, le ''Lotus'' chemine entre Charybde et Seylla.

 

Une heure après , c'est Messine, dont les toits neufs rappellent les destructions du dernier tremblement de terre. Bâtie en partie en bordure du rivage, en partie sur les pentes des montagnes siciliennes, l'antique cité présente un harmonieux panorama que les convulsions futures ne pourront, heureusement, jamais détruire !

 

 Nous longeons maintenant les Côtes de Calabre dont les âpres montagnes d’un vert sombre sont ravivées , de haut en bas , par les lignes blanches des torrents déssèchés . Voilà Reggio, l’ancienne colonie de César , elle aussi autrefois détruite par un tremblement de terre et rebâtie , à la fin du XVIII ème siècle , sur un plan majestueux que nous pouvons admirer de loin . Et voilà le bout de la botte Italienne, car nous relevons, à 16 heures, le Cap Spartivento, le Promontoire d’Hercule des Anciens, la pointe qui, si l’on en croit son nom ‘’ partage le vent ‘’, en diminuant la violence des vents du large . Quoi qu’il en soit, c’est avec un sérieux tangage, que nous débouquons la mer Ionienne .


Par tribord Arrière, nous voyons s’esquisser, dans le lointain, les côtes de la Sicile . Nous devinons Catane, au pied de la masse puissante de l’Etna dont le sommet est malheureusement encapuchonné de nuages. ‘’


Mariano Goybet a bord du Lotus Mars 1920





ALEXANDRIE ET LE DELTA








22 Mars : Ce matin , à 5 heures, le Commandant m’a fait prévenir qu’on relevait le phare d’Alexandrie . Un feu lointain , une ligne indécise que colore, à l’horizon, le soleil levant : voilà donc cette Egypte , terre mystérieuse des civilisations millénaires, dont j’ai rêvé autrefois en étudiant Hérodote et avec laquelle je viens de vivre, dans ma cabine solitaire , en relisant des manuels à l’usage des gens du monde . Je vais pouvoir y passer trois jours ; juste le temps de voir se dérouler une série de films et de subir une première impression .Peu à peu, la côte se précise . Nous avons repris notre vitesse normale . Bientôt nous entrons en rade et le ‘’ Lotus ‘’ mouille son ancre .

Le port d Alexandrie 22 mars 1920


La vedette automobile de la santé , battant pavillon Egyptien rouge au triple croissant blanc, nous amène le Docteur qui doit nous donner la libre pratique . Je vais profiter de son bateau, avec Monsieur Gaillard et le Lieutenant Colonel de Méru, pour gagner , au plus vite le quai de débarquement . Cela nous permettra, après quelques visites de prendre à Midi l’express du Caire . Au Consulat de France d’abord , où nous sommes fort aimablement reçus par Mr et Mme de Vitasse . Nous causons de ce cher Strasbourg où j’ai connu et apprecié leur ami, Mr Chartelly, Recteur de la Faculté.

Débarquement à Alexandrie


Coup d’œil rapide sur la ville . Elle a l’air moderne, ‘’ peu Oriental ‘’, malgré le mirage spécial si bien étudié par Bertrand . Et cependant , que de souvenirs Historiques depuis sa fondation par Alexandre Le Grand jusqu’au bombardement par la flotte Anglaise, en 1882. Malheureusement le temps nous manque . Impossible d’aller rechercher les monuments laissés par les Ptolémée et je dois me contenter d’une traversée en voiture de quartiers levantins sans caractère bien défini. Halte en passant au magnifique établissement des R.P. Jésuites où le Lt Colonel de Méru a affaire. Le Supérieur ? R. P. de Bricourt nous reçoit très cordialement . Nous visitons le collège dont sortaient, chaque année, après un cycle d’études complet les fils des premières familles Egyptiennes. C’est dire quelle influence gardaient les éducateurs sur leurs anciens élèves . Malheureusement, la Cie de Jésus a perdu, pendant la guerre , de nombreux pères Français et leur recrutement a été tari par la mort de toute notre belle jeunesse.



Il est vraisemblable que le Collège d’Alexandrie sera obligé de fermer ses portes faute de professeurs et de surveillants . C’est une perte pour l’Egypte mais c’en est une aussi pour notre pays qui, à la grande joie de nos amis Anglais , va voir disparaître une source importante d’influence Française . Le père nous fait traverser un vaste jardin où, pour la première fois, il m’est donné d’admirer des figuiers-banians presque centenaires et des Caoutchoucs de toute beauté.



Vite à la gare maintenant ! mais il faut de la monnaie du pays et j’ai l’humiliation de constater quelle petite quantité de livres Egyptiennes on peut acheter avec un billet de 1000 francs. Les chemins de fer accordent aux militaires français le demi tarif . C’est une compensation relative.Le ciel est voilé d’une brume roussâtre, un vent desséchant nous enveloppe . C’est le ‘’ Khamsin’’, le souffle énervant qui vient du désert non pas pendant 50 jours (Khamsin), heureusement ! mais dont l’action se situe pendant la période de cinquante jours qui avoisinent l’Equinoxe . Comme le Simoun et le Sirocco, le Khamsin règne par périodes de 5, 6, ou 9 jours . Nous sommes parait il au 3ème jour. Demain peut être , l’atmosphère apaisée, nous pourrons voir le ciel bleu, de ce ‘’bleu d’Egypte ‘’ délicieusement doux et pur qui n’est ni celui de Provence, ni celui d’Italie .



Nous montons dans le train et allons de suite nous asseoir à la petite table qui nous a été réservée dans le Wagon Restaurant . C’est le wagon classique, mais approprié à l’énergique radiation du soleil d’Afrique Les fenêtres sont garnies de volets à lamelles serrées qui nous cachent le paysage , les rives du Canal Mamoudich, mais ne masquent pas tout à fait la réverbération étincelante du Lac Mariout .Après un repas rapide et d’ailleurs médiocre, nous regagnons notre compartiment . Les stores ouverts , à travers des glaces surchauffées , je regarde avidement le paysage du Delta ; paysage monotone et plat ou les teintes vertes dominent , au moins dans les premiers plans : vert tendre des jeunes blés, vert bleuté des rizières, vert empourpré des cannes à sucre, verts différents encore des maîs et des sorghos . Tout cela minutieusement, amoureusement cultivé par des fellahs dont nous ne voyons que les dos courbés . Pas plus qu’eux leurs buffles chétifs , loin d’imiter leurs cousins d’Europe , ne regardent passer le train.




Sur les pistes grises qui longent la voie , défilent de magnifiques dromadaires bien plus hauts que ceux que j’ai ‘’fréquentés ‘’ dans le sud Oranais . Mais c’est la même bête aux manières bourrues , ridicules et touchantes, la même mouture grognon, mais courageuse et dévouée, qui marche avec de lourds fardeaux jusqu’à l’heure même de sa mort et dont les carcasses blanchies jalonnent les pistes et les points d’eau du Désert. Parfois, un bel âne , café au lait clair, chargé d’une femme voilée de blanc et de bleu , un petit enfant au sein ; suit un fellah ou un bédoin sous sa Djelabieh loqueteuse. C’est une scène de la ‘’ Fuite en Egypte’’ qui se renouvelle bien des fois , au cours de notre rapide voyage.




De temps en temps, de la plaine basse émerge un monticule de boue grise où s’entassent , grises également , de misérables maisons caressées par l’ombre légère des longues palmes des dattiers . Des corneilles à mantelet argenté picorent dans les tas d’ordure autour de ces villages qui rappellent certains Ksours du Sud Oranais . C’est à peine si je regarde les noms des stations et je laisse de côté les notices historiques du Boeedeker, pour m’emplir les yeux des tableaux de cette Egypte où je ne dois passer que trois jours . Derrière les villages, et comme issues des carrés de cultures qui se prolongent au loin, se profilent parfois les cornes élevées des grandes voiles triangulaires qui semblent glisser étrangement sur la verdure de la plaine . Elles surmontent d’invisibles dahabichs qui sillonnent lentement un des canaux du Delta ou descendent les flots gris –bleuâtres de la Bouche de Rosette




Soudain sur notre droite, dans le lointain voilé de Khamain, trois collines aux arêtes vives dominent l’horizon du couchant . Ce sont les pyramides de Gizeh.






‘’ CAIRO ‘’







Vers 16 heures, nous sommes à la gare du Caire. De jolies victorias parfaitement attelées nous conduisent au Grand Continental Hôtel , à travers de belles rues bâties à l’Européenne, mais avec de nombreux rappels de construction orientale .L’Hôtel précédé par une vaste terrasse à laquelle on accède par des escaliers montants du trottoir, et situés sur une belle place ornée de jardins ou éclate la magnifique exubérance de la végétation tropicale . Dès le bureau de réception, ou nous apprenions avec plaisir que les officiers des nations alliées jouissent des mêmes tarifs réduits que les officiers Anglais, nous avons la joie de constater que tout le monde parle Français : Employés, femmes de Chambre, grands valets Nubiens du plus beau noir dans leur longue tunique blanche .




Rapide installation, puis je sors avec monsieur Gaillard pour aller à la Résidence de France faire visite à notre ministre, monsieur Lefevre- pontalis , que mon compagnon de voyage doit remplacer au Caire . Chemin faisant, je me fais raconter l’histoire de l’Hôtel du ministre de France. C’est une ancienne ‘’ petite maison’’ du Khedive Ismail . Ce vice-roi d’Egypte avait donné carte blanche, pour sa construction, à un gentilhomme Français, qui semble avoir joué à sa cour, le rôle d’ ‘’Arbitre des élégances ‘’ . La maison terminée , Ismail en fit don au créateur , qui put jouir pendant quelques temps de son œuvre charmante. Tout, dans cette construction, rappelle les beautés de l’art oriental le plus pur. Les ferrures des portes, les marbres des dallages, les faïences des revètements du ‘’Patio ‘’ , les verres colorés des rosaces transparentes, tout cela a été pièce à pièce, recueillie dans des démolitions de vieilles mosquées ou d’antiques palais . Chaque détail est à examiner mais nous avons si peu de temps ! Nous nous rendons directement dans les bureaux ou je m’informe des heures de réception de madame Lefevre-Pontalis, qui , en ce moment, est seule au Caire .





Nous allons ensuite au palais d’ Abdine nous inscrire chez sa Hautesse Fouad , Sultan d’Egypte . Retour à l’Hôtel, pour diner dans la Grande salle à manger . Les petites tables sont garnies de nombreux ménages d’officiers Anglais. Excellent repas, cuisiné par un chef Français et servi par les grands Nubiens en robes blanche . Le tarif des vins est prohibitif ; nous nous contentons du ‘’ Whisky and Soda ‘’. Café à la Turque dans le hall. On me présente un jeune ménage Français, retour de Jerusalem où le mari, médecin à trois gallons vient d’assurer le service médical, pendant de longs mois, sans recevoir d’ailleurs ni instructions ni solde.. Le Docteur et madame Chatiniéres se rendent aussi à Beyrouth , par le ‘’Lotus’’, qu’il comptent rejoindrez à port Saîd . Cela va nous faire de charmants compagnons de voyage .En me retirant dans ma confortable chambre, je cherche à me persuader que ce n’est pas un rêve : c’est bien moi qui vais dormir cette première nuit sur la ‘’ Terre des Pharaons ‘’ . . Je déplore seulement que mes souvenirs classiques mettent sous ma plume des clichés aussi désuets !





Le 25 Mars , ce matin , avec le capitaine Jabin et deux autres officiers , visite au musée des antiquités Egyptiennes. Il occupe aujourd’hui , définitivement, espérons le ! un magnifique Palais à Kasr-el –Nim , après avoir débuté dans la modeste et plus intime installation crée par Mariette , à Boulac et avoir attendu, dans le gracieux bâtiment du Musée de Gisey , la construction actuelle digne à tout égards des trésors qu’elle renferme . Avant de pénétrer dan le Musée, nous allons pieusement saluer le sarcophage et la statue de Mariette qui , de 1850 à 1881, a lutté au milieu de difficultés quasi insurmontables pour mener a bien cette œuvre gigantesque.En feuilletant le guide Maspero, que nous avons acheté à la porte , nous sommes découragés à l’avance par notre tâche d’admirateurs de tant de merveilles . Il faudrait des mois pour étudier toutes ces richesses et suivre l’histoire de la civilisation Egyptienne, dans ces salles ou sont catalogués les précieux souvenirs de toutes les dynasties. Allons d’abord faire une visite de Courtoisie à ces momies célèbres que j’admirai autrefois dans les gravures de l’illustration, sans oser, pauvre petit officier d’infanterie sans fortune caresser le rêve insensé de les voir, un jour, au Caire . Salut à toi Ramsès II , grand Sesostris du vieil Hérodote ! mais il ne nous faut jeter qu’à peine un regard en passant, à tes Ancêtres et à tes successeurs .






Décidément, il y a trop de belles choses à voir ! Nous avons hâte d’admirer la salle des bijoux Maspere nous dit : « La collection de bijoux est la plus riche qu’il y ait au monde ….» « Elle constitue une véritable histoire de l’Orfèvrerie et de la Joaillerie Egyptienne, depuis la première Dynastie jusqu’à l’époque Byzantine sur un espace de près de 5000 ans . » . Que de richesses entassées dans cette salle claire où les vitrines exposent aux yeux émerveillés les immortelles créations de Laliques millénaires ! Mais à quoi bon essayer de décrire ce qu’il faut ‘’ voir’’ ? Une délicieuse Egyptienne accompagnée d’un bel enfant aux cheveux bouclés , se penche, elle aussi sur le trésor de la reine Ahhatpou Ier. Le pur ovale de son visage régulier et un peu enfantin, transparait à travers son voile léger comme un nuage, au dessus duquel s’ouvrent des yeux admirables .Sur cette radieuse vision, nous quittons à regret ce Musée unique au monde dont des semaines de visites quotidiennes seraient impuissantes à étudier toutes les beautés .








CHEZ LE MARECHAL ALLEMBY



File:Edmund Allenby.jpg




En sortant du Musée, visite au maréchal Allemby. La résidence est une belle demeure toute blanche, au milieu d’un vaste parc, dont les Gazons très Anglais descendent jusqu’au Nil . Un capitaine de Lanciers du Bengale me conduit au Maréchal qui me reçoit fort aimablement et veut bien m’inviter à déjeuner . A 13h30, je suis introduit au salon ou je suis reçu par une amie de la maison , la Baronne De Lagrange , aimable Française qui s’est occupée pendant la guerre, d’œuvres charitables et voudrait faire maintenant de la propagande Française dans le Proche-Orient. C’est elle qui me présente à Lady Allemby charmante femme à tous égards qui veut bien me faire le meilleur accueil . Elle parle Français comme une parisienne . D’ailleurs, à la résidence, il semble que tout le monde peut s’exprimer dans notre Langue.




Promenade dans le parc , après déjeuner . Le Maréchal va nourrir de sa main deux immenses échassiers à becs formidables qui ressemblent d’une manière frappante ‘’ aux Adjudants’’ qui font la voirie à Calcutta ; si j’en crois du moins Kipling car je ne connais l’Inde qu’à travers les vivants récits de mon auteur de prédilection. Le Maréchal me conduit ensuite dans son bureau. Là en tête à tête , devant des cartes allant de la Mecques à Damas, mon hôte illustre me fait connaître sa pensée sur la situation assez confuse du Proche- Orient .





Je soupçonne que le Haut- Commissaire en Egypte ne serait pas fâché de déposer dans le cerveau d’un Général Français, appelé à devenir un des collaborateurs du Général Gouraud, un peu de bonne semence Anglaise . Quoi d’étonnant à ce que cette éminente personnalité, qui me parait d’ailleurs un franc et loyal soldat, cherche à parler en faveur de son pays et des amis ou des créatures de son pays ? J’avais dit au Maréchal que j’arrivai directement de Strasbourg, sans aucune donnée précise sur la situation actuelle en Syrie . Cela me limitait tout naturellement au rôle d’un auditeur attentif et muet . L’entretien, ou plus exactement la conférence, commença par un exposé très clair et très complet des questions politiques dans le Hedjaz , l’ Iemen et la Région Transjordanienne . Le Maréchal insista sur les liens de réelle vassalité ou d’amicale alliance qui existaient entre les différentes tribus ou grandes familles habitant ces régions et le Roi Hussein et ses fils . Et l’on voyait assez bien à travers ses paroles, cette famille de rois ou de futurs rois, créatures de l’Angleterre, tendant la main à l’Emir Faycal installé par les Anglais à Damas, dans le but plus ou moins avoué de dominer l’Est Syrien et de resserrer de plus en plus les Français dans la zone libanaise . Comme péroraison -- à répéter sans doute à qui de droit -- ‘’ L’Emir Faycal , à la tète des Bédouins de son père, a rendu des services aux alliés pendant l’expédition de Palestine . Il a de légitimes ambitions et il tient à ne pas être déçu dans ses espérances . Il serait sans doute dangereux de le pousser au désespoir . ‘’.





Avant de lever l’audience le Maréchal me charge de ses cordiales amitiés pour le Général Gouraud, qu’il serait heureux de recevoir au Caire . Il compte bien lui voir faire ce voyage et il lui réserve un chaleureux accueil . En rentrant à l’Hôtel , j’apprend que Monsieur Georges Clemenceau ‘’ Notre Tigre’’, retour des Indes vient d’arriver au Caire . Cette nouvelle réjouit tous les officiers présents, car nous n’avons pas encore oublié ce que l’Armée victorieuse doit au glorieux Vieillard . Je m’empresse d’aller me faire inscrire au Shéphéard’s Hôtel ou il est descendu .

LES PYRAMIDES ET LE SPHINX








Une superbe auto vient se ranger devant la terrasse ; elle va nous conduire aux pyramides. A côté du chauffeur, monte un guide fourni par le ‘’Continental ‘’ .. Il se chargera des Bakchichs et nous libèrera de la sollicitude des Bédouins qui exploitent la région du Sphinx .


Les Pyramides ! Un de mes grands désirs va se réaliser ! Nous traversons le magnifique pont de Kasr- el –Nil et nous prenons la route de Gizeh, ornée par deux rangées de superbes Acacias qui ombragent la Chaussée et la voie du Tram Electrique . Bientôt les Pyramides montent à l’horizon , avec un premier plan de lagunes où se reflètent des groupes de palmiers et les murs de boue de pauvres villages . Au bout de cette Avenue de 6 à 7 milles, nous laissons à notre droite les tables de thés , les courts de Tennis et les terrains de Golf de Mena House et notre auto gravit à gauche d’un élan les rampes du plateau qui supporte les pyramides .


File:Giza pyramid05(js).jpg


Arrêt auprès de Cheops la plus grande des trois . De près l’énorme masse, grâce aux lignes fuyantes de ces parois , parait moins haute . Nous nous taisons, sans doute pour ne pas prononcer des paroles définitives ou des remarques Lapidaires comme en trouvait Monsieur Perrichon devant la mer de glace . En silence , nous passons de Cheops à Chéphrem puis à Mycérinus , en cherchant à nous figurer la splendeur de ces monuments, lorsqu’ils étaient recouverts de plaques de Granit, de Porphyre , de Marbre ou d’Albatre dont l’admirable poli étincelait sous le soleil d’Egypte .



Au Sphinx nous avons environ un demi kilomêtre à faire dans le sable parsemé de fragments de Granit et par conséquent le temps de penser aux questions , que nous allons poser à l’énigmatique colosse , au cours de la classique méditation qu’il est d’usage de faire à ses pieds. Pourra-t-il nous dire le ‘’ Pourquoi ? ‘’ de ces travaux titaniques ? Volney dans son ‘’ Voyage en Egypte et en Syrie ‘’ , fait dériver le mot ‘’ Pyramides ‘’ des vocables orientaux ‘’ Bour a mit ‘’— Caveau du mort . et Bossuet dans le ‘’ Discours sur l’Histoire universelle ‘’ nous dit : ‘’ Quelque effort que fassent les hommes, leur néant parait partout ; ces pyramides étaient des tombeaux ! Encore les Rois qui les ont bâties n’ont-ils pas eu le pouvoir d’y être inhumés et ils n’ont pas joui de leur Sépulcre . ‘’




Il semble en effet que ces luxueuses collines de monstrueux moellons n’aient pas servi de tombeaux . Depuis un certain nombre d’années, des savants ont effectué de minutieuses mensurations de tous les éléments des pyramides, surtout de celle de Cheops .
Ils ont étudié attentivement les directions de leurs lignes et ils ne sont pas loin de conclure que ces monuments majestueusement inutiles pourraient bien avoir été construits dans l’intérêt de la science Astronomique, secrets des prêtres Chaldéens ou Egyptiens. Ces réflexions nous ont amenés devant le Sphinx . Méditation prévue . Le beau visage couturé de cicatrices, que les Siècles et surtout les boulets des Mameluks ont cruellement mutilé, gardent quand même l’expression d’une immuable sérénité . Est-ce la réponse attendue à la question toute personnelle que je lui ai posé dans mon cœur ? Est-ce que ce calme inaltérable est l’indice que ‘’ Tout ira bien’’, dans le mystérieux avenir qui m’attend en Syrie ? Inch
Allah .





Visite au temple de Granit , découvert par Mariette en 1853 . C’est de ce temple construit en blocs de dimension presque invraisemblable , qu’ont été extraites les six statues énormes du Roi Chephrem que nous avons pu admirer au musée du Caire . Le soleil se couche ; il est temps de partir . Au retour, je m’assied face à l’arrière de la voiture, de manière à voir monter d’abord puis descendre ensuite sur l’horizon les montagnes artificielles que nous venons d’admirer. Insensiblement le ciel de bleu est passé au vert , puis au jaune et les pyramides assurées déjà par la distance, se colorent bientôt d’une sombre teinte de pourpre. Mon rêve s’est réalisé ; la vision que j’ai entrevue, rue de Rivoli, devant de simili-aquarelles des sites d’Orient , je l’ai maintenant devant les yeux . Je regarde passionnément , jusqu’à ce qu’elles disparaissent , les Pyramides violettes sur un ciel d’or . Voilà une journée bien remplie et dont je vais m’empresser de noter les évènements , pendant que mes compagnons de voyage vont jouir , au dehors de cette douce nuit d’Egypte .








LA CITE DES TOMBES CHARMANTES










24 Mars : Ce matin , je suis allé voir une très intéressante collection formée par un Egyptien dont la famille est d’origine Lorraine . Il a recueilli tous les souvenirs se rapportant à ‘’l’Expédition d’Egypte ‘’ dessins, gravures, publications, armes, uniformes , etc … Beaucoup d’objets rappellent Kléber . Je viens de quitter Strasbourg où il est né et me voilà, devant ces reliques, au Caire , où il a été assassiné ! Nous prenons une voiture l’après midi pour aller faire un pélérinage aux tombeaux des Khalifes . J’ai toujours rêvé de cette visite , depuis que j’ai lu la description de M. de Vogue dans ‘’ le Maître de la mer’’. C’est dans ce décor mélancolique que Louis de Tournoël retrouve Madame Pianona.


Le Caire tombes des califes

Traversée des Souks très animés où nous serions heureux de pouvoir flaner quelques heures à fouiller les mystères de ces innombrables boutiques ; puis, nous voilà brusquement en lisière de l’énorme ville, au milieu de hautes dunes de débris millénaires . Enfin nous débouchons dans la ‘’ cité des tombes charmantes ‘’ . Et comme Tournoël , nous pouvons admirer cet ‘’ Assemblage unique des plus gracieux bijoux de pierre que des architectes joailliers aient jamais ciselés . Egrenés sur la plaine, ils sortaient de l’écrin de sable dont ils avaient la teinte de grisaille jaunâtre, au point qu’on les pourrait croire modelés par le vent du Désert avec la poussière ambiante ‘’ . Cette esquisse en camaîeu , signée par le Maître que je relisais hier soir, est d’une vérité qu’aucune description ne pourrait rendre plus exactement Nous montons maintenant, par les pentes de Mokattan , à la Citadelle, pour y admirer la Mosquée d’Albâtre , le tombeau de Mehemet-Ali . Cet albâtre revêtait autrefois une des Pyramides . Quel diamant éblouissant !




La mosquée est très belle, mais ce qu’il y a d’incomparable c’est le panorama visible du haut des remparts : l’énorme ville, hérissée de minarets , les jardins des bords du Nil , Héliopolis, les pyramides de Gizeh et tout autour du tableau un cadre de sables désertiques, semés des ruines de Memphis, de Sakara et de Dachour . Mais il y a tant de choses à voir encore ; le Puits de Joseph , les tombeaux des Mamelouks et les innombrables mosquées dont la fameuse Mosquée Bleue et celle de Kaîd Bay




Visite à Madame Lefevre-Pontalis qui a bien voulu nous faire le plus charmant accueil dans le délicieux salon oriental de la Résidence de France . Diner chez la comtesse de Serionne . Le comte est Président du Canal de Suez , pour le caire et Ismaîliah. J’y retrouve la Baronne de Lagrange et sa nièce , petite-fille du ‘’Grand Français ‘’ . Les plus empressés des hôtes mettent le comble à leur complaisance , en combinant par téléphone une visite à Ismaîlah et la descente du Canal jusqu’à Port Saîd sur le Yacht personnel de la Direction. En rentrant à l’Hôtel , je trouve une invitation à déjeuner chez sa Hautesse le Sultan , déjeuner offert à la Colonie française pour y rencontrer M. Georges Clemenceau.


La mosquée bleue du Caire






AU PALAIS ABDINE








Le Palais d’Abdine , où sa Hautesse passe l’hiver, tient tout un côté d’une vaste place .
C’est un beau monument, à un seul étage couvert par des terrasses, qui à l’extérieur du moins, n’a rien d’Egyptien. A l’intérieur, au contraire les salons luxueux sont meublés et ornementés dans un style Oriental tempéré par les nécessités du confort moderne . Le Grand Chambellan , qui reçoit les invités me présente d’abord à la Grande Maréchale du Palais , très belle Italienne enguirlandée de perles magnifiques . Le Sultan a terminé ses études en Italie ; aussi aime t’il beaucoup ce pays . Italiens et Italiennes sont personnes ‘’Gratae’’ auprès de sa Hautesse . Je vais saluer le Président Clemenceau qui veut bien se rappeler avoir signé pendant la guerre ma nomination de Général et m’avoir vu , plus récemment à la table de Monsieur Millerand Commissaire Général de la République à Strasbourg.



Entrée de sa Hautesse . jeunes traits réguliers, visage plein orné d’une moustache noire, fez , bien entendu, et redingote . Je lui suis présenté et il m’adresse aimablement quelques questions sur mes commandements pendant la guerre et les motifs de ma présence au caire.


Le Sultan offre son bras à la Grande Maréchale et nous passons dans la salle à manger ; garnie d’une immense table en fer à cheval et d’une armée de valets de pied et de maîtres d’Hôtel . D’après le croquis qui nous a été remis au vestiaire , nous sommes 92 à table et j’occupe le numéro 13 à la droite du Sultan , j’ai comme voisin le Vicomte d’Aumale attaché d’Ambassade auprès du Ministre de France et Mademoiselle de Lagrange avec laquelle j’ai diné hier soir chez les Serionne . Près de nous est un jeune Général de Brigade de l’armée Anglaise , détaché dans les troupes du Sultan, auquel je fais très sincèrement mon compliment sur la belle tenue et l’allure Martiale des détachements de ses soldats que j’ai eu l’occasion de rencontrer Déjeuner exquis , chef d’œuvre d’un cuisinier Français, servi très vite par un personnel supérieurement stylé . Je note ici le menu que je relirai dévotement daéns quelques années, en mangeant le pain sec de la retraite .






Cassolette à la Sultane

Aspic de crevette à l’Ambassadeur


Poussin farci Smitane


Côtelettes d’Agneau à l’ Ecarlate

Chapon glacé à la moderne

Salade de pointes d’Asperges

Petits pois à la crème


Macédoine de fruits au Marasquin


Glace au Moka

Désert





Délicieux café à la Turque ; cigarettes ….. Egyptiennes , naturellement . Je cause avec un des conservateurs du Musée de Kasr-El – Nil et nous parlons de la pérennité des mœurs, des habitudes dans les populations d’origine Arabe ou Sémittique Je lui signale les visions de ‘’Fuite en Egypte’’, le long de la voie férrée entre Alexandrie et le Caire .‘’
La fuite en Egypte ! mais c’était hier ! ‘’ me dit mon interlocuteur . Et je pense en effet que le nouveau Testament est Hier pour ces chercheurs qui flirtent avec les fantômes de la première Dynastie et reculent actuellement l’histoire Egyptienne de nouveaux et nombreux millénaires . A la sortie du Palais d’Abdine, la garde du Sultan rangée en bataille me rend très correctement les honneurs . Hélas ! : Il faut faire ses valises . En attendant l’heure du train, dernière flânerie sur la terrasse du ‘’Continental ‘’ . Une espèce de prestidigitateur, à moitié nu fait paraître et disparaître dans ses mains maigres et dans ses loques peu susceptible de constituer des cachettes, un poussin, deux poussins, puis cinq , puis dix …..D’où sortent ces délicieuces bestioles , petites boules de duvet jaunâtres piquées des perles noires de leurs yeux si vifs ? Je me demande si l’homme ne nous hypnotise pas et ne nous fait pas voir double ou triple ?



Invitation du sultan fouad


 

Une femme de Harem montant dans son equipage

 


ISMAÏLIAH ET LE CANAL







A 18H30 , le Capitaine Jabin et moi, nous quittons le Caire pour Zagazig et Ismaîliah . Il ne fait plus très clair , mais c’est le bon moment pour voir se profiler, en silhouettes bleuâtres sur un ciel mauve et doré, les ‘’plumes ‘’ élégantes des palmiers et les fûts contournés d’acacias et de caroubiers centenaires . Le pays que nous traversons semble couvert de belles cultures. Mais la nuit vient et , après Zagazig , nous ne verrons pas les approches du Désert Arabique dont nous allons traverser les sables . A 21 Heures, Ismaîliah. M. Bahou, ingénieur en chef de la Cie du Canal de Suez , est venu nous prendre à la gare pour nous conduire à la résidence de la Direction





Nous sommes reçus d’une manière chaleureuse par Mme Bahou et ses deux jeunes filles , qui ont connu autrefois ma belle-fille Nous nous trouvons tout à fait à l’aise dans cette accueillante famille . Café Turc parfait, puis visite de la Résidence , qui a été bâtie dans le prolongement de la petite ville où M de Lesseps a habité pendant le percement de l’Isthme J’ai vu avec émotion la chambre si modeste du ‘’ Grand Français ‘’, conservée exactement dans l’état primitif Précieux souvenirs d’un évènement dont les conséquences mondiales ont été incalculables. Après ce pieux pèlerinage, nous allons voir deux beaux cuirassés japonais qui, tous projecteurs allumés, sont en train d’effectuer la traversée du Canal . Etrange spectacle ! De loin, ils ont l’air de glisser sur les dunes du Désert , sous un beau ciel de velours . Bleu foncé, piqué de magnifiques constellations. Nous voilà maintenant dans l’appartement luxueux, réservé aux hôtes de la Cie et dont l’installation confortable n’a rien de commun avec l’austère demeure de Ferdinand de Lesseps




26 Mars : Après un sérieux breakfast , nous commençons notre visite d’Ismaîliah. Le programme est assez chargé pour une matinée :


1) Parcourir l’oasis et voir les différentes installations de la Cie .
2) Naviguer en vedette automobile sur le lac Timsah .
3) Déjeuner à la Résidence
4) S’embarquer sur l’’Aigrette ‘ , Yacht de la Cie qu’on veut bien chauffer exprès pour me conduire à Port Saïd .

Nous montons en auto pour effectuer la première partie du programme .



M. Emile Guimet, celui du Musée des Religions , qui visita les travaux du Canal vers 1867, écrit, dans ses ‘’Croquis Egyptiens ‘’ « Ismaîliah sera fort agréable à voir, quand les arbres des jardins seront un peu plus grands et ne ressembleront pas à des asperges en graine. Ses espoirs se sont réalisés .Dans cet Eden, crée par la volonté et l’énergie d’un homme , les arbres ont maintenant plus d’un demi-siècle . Dans les avenues et dans les jardins, s’ alignent ou se groupent de magnifiques échantillons d’accacias , de caoutchouc , d’eucalyptus , de flamboyante qui n’ont malheureusement pas encore de fleurs, de filaos au feuillage en dentelles légères , d’hibiscus aux étoiles rouges. Les vergers contiennent d’énormes abricotiers et des manguiers de 10 à 12 mètres de hauteur . Mais il est trop tôt pour goûter leurs fruits succulents .

Les villas, séparées par de jolis jardins, sont tapissées de bignonias ou de bougainvilliers aux cimes teintées de violet, de rose ou de jaune. Des massifs de roses de toutes couleurs s’encadrent au milieu des palmiers et des lataniers .Tout cela est sorti du sable, grâce à l’eau bienfaisante du Nil amenée par le canal d’Ysmaîlah


Visite au commandant des forces britanniques Cigarettes et aimable causerie de quelques minutes En sortant des baraquements militaires , l’Ingénieur de la Cie qui nous accompagne me raconte comment le Canal a été sur le point , pendant la guerre , d’être franchi par les forces turco-germaines C’est le commandant d’une petite canonnière francaise qui a donné l’alarme , au moment où le passage commençait , et a bombardé les premières barques Au point de vue purement militaire, j’avoue ne pas comprendre l’étrange disposition tactique qui consiste à prendre pour fossé le canal même dont on veut assurer la défense et l’intégrité !
Brève station à l’hôpital, un vrai ‘’Paradis ‘’, sous la gestion des Sœurs de St Vincent de Paul Ces bonnes françaises se louent de la visite du Président Clémenceau ‘’ Ce ne serait pas difficile de le convertir’’ me dit une vielle sœur ‘’ il est si gentil.’’




Nous embarquons sur la vedette et nous labourons, à toute vitesse l’indigo violet du Lac Timsah qu’encadrent des dunes de sable d’or , sous le ciel d’Egypte d’un bleu si doux . A 80 km , vers le Sud , l’ingénieur nous montre les cimes lilas des montagnes qui dominent Suez . Suez, la route des Indes où nous n’irons jamais !



En attendant le déjeuner, nous parcourons les délicieux jardins de la Résidence . De multiples tubes d’arrosage pulvérisent incessamment des gerbes de rosée , irisées par le soleil, sur une verdure perpétuellement rajeunie . Au bout des parterres , une jolie haie bien fraîche et derrière , tout de suite , le sable de la dune . Nos hôtes nous réunissent, autour de leur table hospitalière , avec deux ingénieurs du Canal , M.M. Schmidt et Saint Pierre. Quelle douceur de trouver ce coin de France , sur cette terre déjà lointaine et qu’il nous est pénible de le quitter , pour commencer une nouvelle étape !



‘’L’Aigrette’’ appareille sous pavillon égyptien et français et bientôt, malgré les sévères règlements de la navigation sur le Canal , c’est à 35 km à l’heure , que nous faisons route vers Port SaÏd .Nous croisons un grand paquebot ‘’ l’Africa’’, sur lequel se trouve le Prince Carol de Roumanie , qui a été comme nous , l’hôte de la Cie. .‘’L’Aigrette’’ dépasse de lourdes tartanes , sous leurs grandes voiles triangulaires , les voiles des dahabiehs du Nil.Un train passe sur la chaussée, à notre gauche, mais bientôt nous nous éloignons de la voie, en traversant le petit lac Ballah par un chenal soigneusement balisé . El Kantarah . enorme camp anglais , tête d’étapes et base de ravitaillement de l’expédition de Palestine, ancien point de passage des caravanes de Syrie. C’est là que se détache la ligne de chemin de fer à Jérusalem .
A babord , commence à s’étaler les eaux salées de l’immense Lac Menzaleh , qui communique avec la Méditerannée par de très nombreuses bouches , entre Damiette et Port Said .




Vers 16 heures , nous apercevons le beau palais oriental de la Cie de Suez . Au quai de débarquement, je suis salué par le haut personnel de la Direction du Canal auquel j’adresse de tout cœur mes remerciements émus .

Port-Said -  Port-Said - Bureau de la compagnie du canal de Suez


A bord du ‘’Lotus, maintenant ! Appareillage à 17 Heures . Nous passons sur le cimetière où tant de navires ont été coulés par les sous marins allemands ; quelques mats émergent encore
Temps superbe . Mer très calme . Et voilà que disparaît lentement , vers le sud , cette terre d’Egypte, où nous venons de passer de si belles heures.



Good bye , fascinating Egypte !









DERNIERE ETAPE







27 Mars . Nuit paisible . A 5h30 , nous mouillons en rade de Jaffa, a 2 km environ de la ville qui étale , en amphithéâtre sur les collines, ses maisons dont beaucoup ont des toits rouges . Ces toits, d’allure européenne , ôtent à ce tableau sa couleur orientale ; on croirait voir Reggio ou une autre ville des côtes calabraises . Quelques minarets cependant , quelques coupoles se détachent sur une couronne de verdure . Il serait fort intéressant de parcourir la vieille colonie phénicienne , de toucher le rocher où la belle Andromède fut délivrée par Persée , ce précurseur des chevaliers errants , de visiter le vieux couvent où furent soignée les pestiférés de l’armée de Bonaparte , de traverser l’immense forêt d’orangers et de citronniers qui sont une des richesses de la ville. Mais le Commandant Guérin me dit que la rade devient , parfois brusquement assez agitée pour interdire toute communication entre la terre et le bateau . Il serait un peu ridicule de voir le ‘’Lotus ‘’ s’éloigner dans la direction de Beyrouth , nous laissant en détresse dans cette localité, où il y a , je crois , plus d’Allemands que de Français . Je renonce donc à quitter le bord.





Appareillage à 18 Heures ; avant la tombée de la nuit , nous voyons , par tribord , le promontoire du Carmel . Son phare puissant domine et éclaire violemment la coupole du couvent d’Elie . Vers le Sud , croupe après croupe, s’élève la montagne sacrée , si belle sous son manteau d’éternelle verdure, que le Cantique des Cantiques a pu dire de l’Epouse : ‘’ Ta tête est comme le Carmel et ta chevelure comme le diadème des bois ‘’ .Dernier dîner à bord du ‘’Lotus’’ Demain matin, au jour, nous serons à Beyrouth . D’après ce que l’on m’a dit à Paris et surtout en Egypte, je vais trouver en Syrie une situation assez délicate . Qu’en sortira t’il ? Nous verrons Dans tous les cas , je vais avoir beaucoup à faire et ma besogne quotidienne sera certainement intéressante

Dieu veuille que je m’en tire à mon honneur !



28 Mars Dimanche des Rameaux , à 6h30 , je suis monté sur la passerelle , pour voir notre entrée en rade de Beyrouth . Le tableau est impressionnant : au fond, les montagnes du Liban

couvertes de neige ; au premier plan, la ville étagée sur les collines qui bordent la mer. Derrière des villages curieusement accrochés aux flancs des montagnes , flancs dénudés que sillonnent de loin en loin des ravines où semblent s’être réfugiées l’eau et la verdure . Beaucoup de toits rouges. Ca et là pourtant , les arceaux moresques des maisons à galeries extérieures , quelques dattiers qui balancent leurs palmes dans les jardins , donnent au tableau des détails plus asiatiques. Le temps est couvert malheureusement . Même un violent grain nous assaille à notre entrée dans le port .



Après des adieux émus à notre cher Commandant , la pinasse de la Direction du Port nous met à terre . Une auto me conduit à la Résidence du Général Gouraud et à celle de N.de Quaix, Secrétaire général, chez lesquels je met ma carte . A 10 Heures , messe consulaire où je trouve le Général Gouraud et l’amiral Mornet. A la sortie de l’Eglise , je tombe dans les bras de vieux amis très chers , la famille du Commandant Fumey , ancien capitaine de mon beau 30ème Chasseurs . Le Général Haut-Commissaire m’emmène au Seraî où sont établis ses bureaux qui ont une vue splendide sur la ville et la mer .



En attendant la constitution de la 3ème D.I. j’aurai le commandement de la ‘’Brigade du Littoral ‘’ avec un territoire très étendu . Je dépendrai directement du Général en Chef .
Je vais avoir énormément à faire . Mes vacances de touriste sont finies . Au travail maintenant !

 

Soldats a Beyrouth 1920

L’ECHIQUIER ET LES PIECES DU JEU.









Je débarquai donc à Beyrouth le 28 Mars 1920. Si je rappelle cette date c’est que l’époque de mon arrivée en Syrie m’a permis d’assister à la plupart des faits qui ont rendu évident la duplicité de notre allié l’Emir Faycal , nous mettant , à la fin , devant ce dilemme : ou nous rembarquer , ou prendre Damas et renvoyer à ses bédouins les fils chéri du roi Hussein .

Mariano Goybet a son bureau a Beyrouth

A ce moment, en effet , l’Emir Faycal est revenu d’Europe grisé par l’encens officiel brûlé devant ‘’ Son Altesse Royale ‘’ . Peut – être, en haut lieu , lui a-t-on prodigué les promesses ? La croix de Commandeur de La Legion d’Honneur lui a été remise solennellement à Strasbourg où , détail piquant, le Général qui devait le chasser de Damas déjeuna deux fois avec lui ! L’ Emir rentre au Levant bien décidé à être Roi de Syrie . Ne pouvant nous expulser par la force il cherchera à nous rendre la vie impossible sur les frontières mal définies de cette longue bande de terrain couverte par le Liban et bordée par la mer . Le moment est bien choisi ; Les I ère et 2ème divisions de l’armée du Levant ont fort à faire en Cilicie contre les bandes , puis les armées de Mustapha-Khémal . Il ne reste, dans la Syrie proprement dite, que trois petites colonnes, au Nord , vers Tartous, à l’Est, à Zahlé , au Sud , à Nabatieh .




Le groupement Nord a détaché une colonne mobile qui opère dans la région des Ansariehs contre Cheik Saleh et a installé un camp fortifié à Sauda, au Nord-est de Tartous, sur le chemin de Kadmus Une petite garnison occupe Lataquieh avec un poste avancé à Babana
Une compagnie de la Légion Syrienne est à Tartous avec une poignée de mitrailleurs européens Petit détachement à Djeble et à Banias . Tripoli est couvert vers le Nord-Est par un poste fortifié à Zahle et détache un poste à Mréjat tenant la voie ferrée et la route de Beyrouth ; un Escadron est à Djedeideh, capitale du Merdjaîoun
Une petite garnison de la Légion Syrienne, soutenue plus tard par quelques mitrailleurs Français est à Tyr. Le tout constitue la ‘’Brigade mixte du Littoral ‘’ environ deux régiments d’infanterie, un régiment incomplet de cavalerie , quelques batteries de campagne et de montagne, une légion Syrienne en formation . J’en prend le commandement le 28 Mars .




Le territoire que j’ai à protéger contre l’ennemi de l’extérieur et les brigands de l’intérieur , s’étend depuis la frontière de Palestine , au Sud , jusqu’au-delà de Lataquieh , au Nord, soit sur une longueur de côtes d’environ 300 kilomètres et, à vol d’oiseau d’une profondeur moyenne de 40 Kilomètres de terrain montagneux A l’Est notre frontière laisse la Bekaa et les plaines de l’Oronte au domaine Chérifien .



Comme liaison avec les différents points de mon commandement, j’ai le téléphone avec Nabathié-Zhalé-Tripoli, Les communications sont précaires avec Lataquieh , dont le fil est coupé sans cesse à hauteur de Banias En dehors du cheval trop lent pour ces longues distances , j’ai pour me déplacer, des routes utilisables en automobile à l’Est sur Zahle ( la route est doublée par la voie ferrée et ses trains tortue ) au Sud sur Nabatieh avec prolongement jusqu à Djedeideh. Au Nord je pourrai rouler jusqu’à Tripoli , jusqu’à Tartous même (avec quelques difficultés ). Au-delà, vers Banias et Lataquieh , il me faut emprunter ‘’ L’Albatros’’ le Yacht du Général Gouraud ou l’un des bateaux de l’Escadre du Levant.

Avec le général Gouraud sur l Albatros en vue de Sidon


Voilà je crois situés aussi exactement que possible, les cases de l’échiquier où je suis appelé à opérer et, posés les pions que je vais avoir à déplacer du Nord au Sud, de L’Est à L’Ouest , ou vice versa , pour parer aux incursions ou aux attentats qui vont se multiplier durant 3 mois ½, en attendant la marche sur Damas.







AGRESSIONS ET MALAISE








Avant mon arrivée, les agressions avaient déjà commencé .
Un officier se promenant tranquillement et sans armes , avec sa femme et un de ses camarades , à l’Est de Tel-Kala , au pont de la route de Tripoli à Hams , sur le Nahr El Kébir , a été assassiné à coups de fusil à moins de 500 mètres d’un poste Chérifien. Notre poste du pont du Litani, entre Djeideideh et Nabatieh , a été égorgé pendant la nuit. Une agression nocturne s’est également produite contre le poste de Djedeideh .
Au début de l’année , une colonne française de répression opérant dans le Merdjaîoun , a été attaquée par des bandes vers le lac du Houlé. Nos jeunes tirailleurs Algériens , à peine instruits, ont tourbillonné sous le feu et ont perdu des hommes et du matériel .
Au nord, les bandes de Cheick Saleh ont chassé les Ismailiehs de Kadmus , coupé nos communications avec Banias et Djeble et échangé des coups de fusil avec Tartous .




D’autre part la voie ferrée Rayak-Homs-Hama-Alep qui doit, d’après nos conventions être à notre disposition pour ravitailler les divisons de Cilicie et de la frontière Nord a, pour nos transports, des retards que, seule, la mauvaise volonté de L’Emir peut raisonnablement expliquer . Quoi qu’il en soit, je n’ai pas pour le moment l’impression qu’au Haut-Commissariat l’on considère le rôle de Faycal comme réellement hostile .Aux observations qui lui sont faites par la voie diplomatique l’Emir répond en garantissant sa bonne volonté, en rejetant sur des vagues de bédouins ou sur des bandits de notre propre Syrie , l’odieux des attentats et des massacres . Nos officiers de liaison à Damas , les colonels Toulat et Cousse , séduits, sans doute par l’amabilité de l’Emir, semblent se porter garants de sa bonne foi.
Il y a mieux ; lorsque le gouvernement de Damas a ravitaillé en munitions une bande malfaisante et fermé les yeux sur le départ de Damascains allant la rejoindre , l’Emir nous fait prévenir , trop tard, en général, d’une agression possible sur tel ou tel point .



En revanche, d’autres personnalités, parfaitement au courant des affaires orientales et de la mentalité chérifiennes ne partagent pas les mêmes illusions . Je me rappelle avoir, dans le début de mon séjour à Beyrouth , visité le R.P. Ch de la compagnie de jésus Il avait été jadis professeur de mes deux fils , tués à l’ennemi , pendant les premières années de la grande guerre . Le père me fit un exposé lumineux de la question Syrienne et porta d’ailleurs des jugements assez sévères sur les erreurs commises depuis le début de l’exécution de notre mandat , erreurs inhérentes surtout à la situation difficile passée par les Anglais . En l’écoutant, je faisais en mon esprit, la part de la déception éprouvée sans doute par les chrétiens de Syrie en voyant la France, puissance musulmane, s’efforcer de tenir égale la balance de la justice entre les victimes et les Tyrans d’hier . Je n’en fus pas moins vivement frappé par l’argumentation de mon interlocuteur , et plus encore par sa réponse à ma question ‘’ Alors, mon père , quel est le remède ? ‘’

‘’ Occuper Damas immédiatement et renvoyer Faycal à son désert d’Arabie ‘’

Je ne me doutais certes pas à ce moment là que , peu de semaines après, je serai désigné pour exécuter ce programme .

 

NABATHIEH ET MERDJAYOUN

 

Après ce préambule nécessaire, je vais exposer rapidement les événements marquants des premiers mois de mon séjour en Syrie . Ces notes permettront de se rendre compte des difficultés de ma tâche et prouveront, jusqu'à l'évidence , la nécessité ou s'est trouvé le général Gouraud d'ordonner la marche sur Damas.

 

J'avais passé ma première journée à apprendre du haut-Commissaire et de son chef d'état-major quelle était la situation en Syrie et Cilicie, quelles étaient mes attributions, quels étaient les moyens mis à ma disposition.

 

Je me demandais par quel bout prendre mon travail, lorsque, dans la nuit même, un coup de téléphone m'annonçait l'attaque de Jdeideh par des bédouins. Le poste avait vigoureusement repoussé l'attaque . C¨'était donc par SaÏda, Nabatieh et Jdeideh que j'allais commencer à étudier mon terrain, à visiter mes troupes.

 

Le 30 Mars au matin, je pars en automobile pour ma première reconnaissance sur la terre phénicienne.

 

J'ai avec moi le commandant de Boisse, de l'état-major de l'armée, qui connaît la route. Elle est sure jusqu'à Nabatieh ; mais à partir de cette localité, nous pénétrons dans la région de Beaufort et les gorges du Litani ou nous pourrons recevoir des coups de fusil. Aussi avons-nous un soldat à coté du chauffeur et quatre carabines à notre disposition.

 

Départ à travers une belle forêt de pins et des vergers d'oliviers centenaires. Route au bord de la mer jusqu'à SaÏda (L'antique Sidon), tout imprégnée de parfum de ses orangers, avec son vieux château, son bastion moyenâ geux sur un rocher relié à la côte par les arches usées d'un pont de pierre. Comme je l'avais prévu, nous n'avons pas le temps de faire du tourisme archéologique ; nous passons vite. Mais on peut regarder. Les pentes inférieures du Liban, généralement dénudées, sont semées de petits rochers gris moutonnés, dans le creux desquels poussent des cyclamens roses, des anémones rouge vifs ou lilas, des arômes verdâtres tachetés de noir.

 

A Nabatieh, visite du camp ou se trouve concentrée la petite colonne du sud (les trois armes) sous les ordres du lieutenant-colonel Lebon. Le camp fortifié est installé sur une hauteur commandant le bourg et le pays jusqu'à la vallée du Litani qui, en raison de sa profondeur, échappe complètement à ses vues. Nous gravissons ensuite les hauteurs qui bordent la rive droite du Litani. Sur leurs rochers est juché le vieux manoir de Beaufort, l'ancienne forteresse des croisés , le Qala'at al Shiqf, qui surplombe de près de cinq cent mètres les eaux du fleuve. Les antiques murailles ont pris , au long des siècles, la couleur rougeâtre du roc qu'elles prolongent . L'ensemble a tout a fait grand air.

 

Dans le fond du tableau, au-delà de la plaine du Merddjayoun, cachée encore à nos yeux par les hauteurs qu'occupe Jdeideh et dont nous sommes séparés par la profonde coupure du Litani, nous apercevons la puissante masse de l'Hermon, toute drapée de blanc par les neiges du dernier hiver.

 

Descente en lacets dans la vallée. Voici le pont ou un poste a été massacré , il y a quelques semaines. Je m’arrête pour parler aux hommes et examiner un petit blockhaus, muni de mitrailleuses, qu'on est en train de construire pour maîtriser ce passage délicat.

 

Sur l'autre rive, les rampes de la route sont sous le feu de Deir Mimas, village chrétien ou les bédouins ont encore pillé et incendié des maisons cette nuit. Mai au moment de notre passage, une demi-batterie de montagne, venue de Nabatieh , tire par dessus nos têtes sur les bandes en fuite vers le lac du Houlé.

Le capitaine Baquet ''Seigneur '' de Jdeideh vient à ma rencontre. Je passe en revue la petite garnison et je visite les défenses du poste ou je fais modifier certains flanquements qui peuvent être facilement améliorés.

 

C'est au cours de ce premier contact avec un détachement attaqué déjà à plusieurs reprises que j'entendis murmurer : ''Notre ami et allié l'émir Fayçal pourrait bien ne pas être étranger à ces attaques venues certainement de son territoire.'' Retour à Beyrouth de nuit.

 

Croquis sur la Syrie du Général goybet 1920

 

LIBAN ET BEKAA

 

31 Mars. A 10h, départ par la route de Damas pour inspecter, à Zahlé, le groupement Est. Montée en lacets, à travers des pentes plaquées par endroits de jardins, de vergers ou de plantations en terrasses de mûriers et de figuiers. Parfois de vastes espaces clôturés de pierres sèches semblent servir de repaire à de longs serpents noirs se contournant à même le sol. Ce sont des vignes qui donneront en été des raisins magnifiques et les vins liquoreux du Liban. Très belle vue sur Beyrouth que nous survolons . A gauche s'élèvent les hauteurs de Broumana et de Beir Mery, avec leurs villas blanches dans une sombre couronne de pins d'Alep.

 

Chaussée bien établie qu'une équipe nombreuse d'ouvriers perfectionne aux point délicats, ou la route surplombe de profonds ravins. Après Aley, résidence d'été du monde élégant de Beyrouth et des Syriens établis en Egypte, la montagne devient plus rocheuse et plus dénudée. Nous laissons pourtant à gauche une riante vallée, celle de Hammana, au fond de laquelle se trouve la cascade chantée par Lamartine.

 

Nous voici aux première plaques de neige et bientôt nous passons au point culminant de notre itinéraire (1452m) ou s'ouvre un col entre le Djebel Knisse et le Djebel Barouk.

 

Devant nous, une vaste conque d'émeraude et de nacre, la fertile Bekaa, dominée à l'est par les pentes abruptes de l'Anti-Liban . C'est un beau domaine que nous avons malheureusement laissé à l'émir Faycal. Vers le sud-est l'Hermon montre ses neiges azurées par la distance. Une lumière spéciale, la douce lumière d'Asie, baigne tout ce paysage, opalise toutes les couleurs et enveloppe harmonieusement les contours de tous les objets. Nous descendons . A la station de Mrejat (ou nous retrouvons le tortillard de Beyrouth à Damas, dont nous avons coupé deux ou trois fois la voie pendant le parcours), je visite un poste fortifié destiné à couvrir éventuellement contre une attaque venant de l'est la route et le chemin de fer de la côte. Deux pièces peuvent battre la route de Damas à sa traversée de la Bekaa.

 

Déjeuner sous un groupe de pins, puis visité à un poste de cavalerie que nous avons sous les verdoyants ombrages de Chtoura.

 

De Saadnayel à Moualaka, nous roulons en territoire chérifien et nous trouvons un poste à l'uniforme de l'émir dans cette dernière localité.Arrivée à Zahlé, belle ville d'une vingtaine de mille habitant, chrétiens pour la plupart . Elle est bâtie sur les parois d'un cirque du Liban, dans une situation particulièrement pittoresque. Pendant que j'examine l'organisation du groupement est, le lieutenant-colonel Riocreux, du 415e régiment d'infanterie, me parle de la situation politique. J'entends de nouveau un mauvais son de cloche au sujet de nos rapports présents et futurs avec les occupants de la zone est ; les postes chérifiens de la Bekaa ont tous été renforcés et les habitants des villages musulmans de la région, encouragés sans doute par nos voisins, font preuve du plus mauvais esprit . De leur coté, les chrétiens manifestent une certaine inquiétude, ce qui me paraît d'ailleurs hors de propos, étant donné la présence d'une colonne de toutes armes dans de bonnes positions.

 

Je profite de ma visite pour voir la colonie agricole de Tan-Aïn ou lesz pères jésuites occupent en territoire chérifien un groupe important de bâtiments entourés d'épais bosquets, sur la route de Damas à travers la Bekaa.

 

Au point de vue militaire, cette localité est intéressante, soit pour nous servir d'avant poste contre une agression venant de l'est, soit pour y masquer notre avant-garde en cas de marche sur Damas. Je fais donner aux pères jésuites des armes et des munitions pour se défendre un certain temps et des fusées de signaux pour prévenir Zahlé le cas échéant. Nous retraversons le Liban avec un épais brouillard qui nous glace jusqu'aux moelles.

 



RECONNAISSANCE ET FËTES











Le mois d’Avril débute par une petite opération de la Colonne de Mabatieh sur Metelé , au Sud du Merdjaîoun . Simple promenade militaire constatant l’abandon du village par les Bédouins qui étaient établis . La nuit précédente , c’est ce qui avait motivé l’expédition, une tentative d’attaque s’était produite sur Djedeideh, attaque facilement repoussée d’ailleurs . Naturellement les agresseurs venaient de la Zone Chérifienne et y sont rentrés après leur coup manqué .

La première quinzaine du mois fut occupée à des revues , des réceptions des cérémonies religieuses des différents cultes , où j’accompagnais le Haut Commissaire lorsqu’il ne me désignait pas pour le représenter . Je prenais ainsi contact avec les personnalités Syriennes les plus éminentes et je faisais connaissance avec Beyrouth , ses établissements civils et militaires, ses Eglises et ses mosquées .



13 - Beyrouth - Vue du port - 1920

Je noterai plus spécialement une tournée dans le Sud du Liban, faite par le Général Gouraud et à laquelle j’ai pris part . Le 8 Avril, vers 9 heures , ‘’ l’Albatros ‘’ nous débarque devant Saîda, au milieu d’un grand concours d’embarcations dont les bateliers sont vêtus de Djélabiehs roses, mauves ou d’un vert tendre. C’est réellement un charmant tableau, sous le beau ciel de Phénicie sur cette mer Indigne avec de grandes plaques violettes , ‘’ la mer couleur de vin ‘’ du bon Homère. ‘’ L’Albatros ‘’ tire les salves d’honneur Grand enthousiasme qui a l’air très réel Bouquets Discours , nous en entendrons plus de cent pendant notre randonnée triomphale .Premier arrêt des autos à Roum où nous prenons le café chez un notable Libanais .

Voici Djezzin dans un pays pittoresque et bien cultivé , arrosé de ruisseaux , rafraichi par des cascades . Le Général passe en revue 200 volontaires d’une milice que nous avons armée et organisée . Déjeuner au Séraf puis visite aux Ecoles tenues par des sœurs du Sacré –cœur . Il est bien entendu que je passerai dorénavant , sans en parler, sur les bouquets et les discours ; ils sont compris dans la centaine annoncée plus haut .




Le cortège des autos continue sur Mouktara où nous sommes reçus dans un Château plusieurs fois centenaire avec de curieux escaliers extérieurs sans rampes et très hauts. Toutes les terrasses et les escaliers sont couverts de femmes et de jeunes filles aux voiles blancs ou azurés qui forment un cadre aimable au tableau enthousiaste de la réception . L’eau de rose et l’eau de fleurs d’orangers pleuvent sur les visiteurs . Banquet interminable, au cours duquel les maisons s’illuminent les sommets voisins s’empanachent de flammes, des fusées sillonnent cette belle nuit d’Asie .





Départ dans l’obscurité la plus complète pour Beit ed Din . Nous prions Dieu, tout le long de cette route inconnue et dangereuse , semble t’il , dans l’obscurité , de nous amener sains et sauf à notre gite .Excellente nuit, dans le palais construit par l’Emir Béchir, au commencement du 19 ème siècle , dans un site délicieux . Le matin, avant le départ , j’ai le temps de visiter les jardins en terrasses et, dans un bosquet solitaire, la touchante Kouba qui recouvre la tombe de la favorite de l’Emir.



Arrêt à Barouk . La crête qui nous domine montre quelques groupes des fameux cèdres du Liban . Il ne s’agit pas des célèbres ancêtres que l’on visite près d’Edhem, mais ce sont bien de vrais cèdres dont on nous apporte des branches pour décorer nos autos. Déjeuner à Hammann où Lamartine à vécu quelques semaines . La vallée est tout séduisante avec sa verdure fraiche qui repose des sommets dénudés . Le Haut Commissaire visite des couvents et pose la première pierre d’un hospice de filles repenties .Après cette vertueuse et utile cérémonie , nous nous rendons à une importante filature appartenant à la maison Guérin ‘’ Soyeux de Lyon’’ . Retour à Beyrouth pour diner fort tard à la résidence .

L' hotel de la 3em division à Beyrouth



Dans la soirée du 11 avril, le Commandant du Groupement Sud, télégraphie qu’une attaque de Bédouins, une attaque de grand style même semble vraisemblablement contre Djeideideh.
Je compte, si cela est nécessaire , renforcer le Groupement par un bataillon du 2ème régiment de Tirailleurs Algériens qui est arrivé le 3 Avril, à ma très grande joie d’ailleurs, car c’est dans ce beau Régiment que j’ai débuté comme sous-lieutenant, à ma sortie de St Cyr . Dans ces conditions, je me décide à partir le 12, pour étudier la question sur place , avec l’aide du Lt Colonel d’Anzac, commandant le 2ème R.T.A. et le commandant Lebreton de l’artillerie . Arrêt à Saida, chez le Capitaine Charpentier des services administratifs, qui me met au courant des bruits semblant confirmer la possibilité d’une grosse attaque. Et cependant ce pays a l’air si tranquille ! Il semble impossible qu’il se trame quelque chose contre ce délicieux Eden, dans ce royaume des parfums suaves, où nous voyons défiler paresseusement sous les orangers en fleurs, de nombreux fantômes voilés de soie noire ou bleue , musulmanes invisibles et mystérieuses .Nous poursuivons notre route et nous étudions les positions d’Artillerie à prévoir et les différents renforcements à faire à Nabathié et à Djedeideh.. Le commandant de ce dernier poste, qui a poussé très loin une reconnaissance avec un groupe de cavaliers volontaires , pris parmi ses amis indigènes, m’assure que l’on a eu une fausse alerte et qu’il n’y a rien à craindre pour le moment .


Beyrouth vue depuis la terrasse de mariano Goybet



CHEZ ‘’LA PRINCESSE LOINTAINE ‘’








Il faut maintenant visiter la partie Nord de mon commandement . Je pars donc, le 14 Avril, avec le capitaine Jabin et un officier des administratifs . Nous sommes en route, à 7 heures, et pendant bien des kilomètres nous allons relire des chapitres de la Mythologie ou de l’Histoire en voyant :


. Nahr El Kelb et son défilé entre les rochers e la mer qui les ronge, carrefour des peuples, où des inscriptions millénaires ou récentes, égyptiennes, assyriennes, latines, françaises et Anglaises , rappellent les hauts faits des conquérants qui tour à tour , ont posé leurs mains de fer sur la phénicie et la syrie .

. Djounie et sa baie charmante où aboutit la plateforme pavée d’une voie romaine .


. Le Nahr Ibrahim qui dans ses flots rougis parfois a des couches de minerais de fer semble rouler encore le sang d’Adonie.


. L’antique Eyblos , actuellement Djebeil, qui réunit tant de souvenirs , depuis les prêtres de Baal, les Egyptiens et les Grecs , jusqu’aux Croisés et aux Maronites ; Eybles avec son vieux manoir , ses curieuses basiliques et ses vastes nécropoles .




Nous passons Batroun et nous commençons à nous élever par des lacets qui vont nous permettre de franchir les falaises du Ras Chakka , le ‘’ Visage de Dieu’’ des Anciens . Ce promontoire est l’avançèe sur la mer d’une montagne assez boisée où de nombreux couvents mettent des taches blanches.



Tout là bas , bien loin vers le Nord, nous apercevons les maisons d’El Nina , le port de Tripoli. Cette dernière ville nous est encore cachée par le Ras el Natour . On devine pourtant ses jardins d’orangers et des citronniers que nous allons traverser tout à l’heure .Je suis reçu par le Lt Colonel Mensier, commandant le Groupement du Nord et nous allons déjeuner au cercle militaire . J’inspecte les troupes et les différents établissements et je me rends ensuite chez Mustapha Ezzedin, notable Musulman, beau père du Président de la municipalité , qui doit me donner l’hospitalité. Intérieur oriental très riche avec le mélange classique de tapis merveilleux et de bibelots de bazars européens . Réception parfaite à tous égards.

Délicat passage d un oued en voiture près de Tartous


Promenade avec le Colonel, à travers les Souks, par des rues bordées d’arcades . Pèlerinage romantique au Château de la ‘’ Princesse lointaine’’ , dont les ruines sont probablement englobées dans la Citadelle déjà très ancienne . Elle domine la ville et a pour fossé , un ravin profond tapissé d’une végétation exubérante, la plus folle qui puisse naître de l’union d’une eau inépuisable et d’un soleil toujours généreux. Nous avons longuement regardé la mer, Peut-être par la même fenêtre ou s’accoudait Mélissinde pour voir si le vaisseau de Eudel avait hissé ‘’ la voile noire’’ .



Dans la soirée, un télégramme du Capitaine Pichon, qui administre la région de Tel Kala , fait connaître qu’un de ses postes de miliciens est attaqué et demande du secours . Le Lt Colonel Mensier met en route sa section d’Autos-mitrailleuses . Demain matin j’irai moi-même voir ce qu’il en est .


En sortant de Tripoli, le 15, de bonne heure, j’examine les positions de défense de la ville que le Colonel m’a signalées la veille. Nous les traversons , en longeant le bord de la mer , à proximité immédiate de la ligne de chemin de fer de Tripoli à Homs, dont les rails ont été enlevés par les Turco-Germains , au cours de la Grande Guerre. Il nous est permis d’aller lentement et même de flaner un peu, car un télégramme de Tel Kala nous a appris, cette nuit , que les miliciens , qui n’ont d’ailleurs eu que deux blessés, avaient tenu bon et repoussé l’attaque . Aussi nous arrêtons nous en passant à Koubbet-el- Beddaoui, dervicherie qui montre aux visiteurs une source limpide où nagent des poissons sacrés, comme ceux de Salambô. La route, quittant la mer, va rejoindre la vallée du Nahr El Kébir, qui ouvre les communications entre Homs et Hama . Nous gravissons les pentes de la rive droite et nous arrivons à notre destination, vers 11 heures .




Je prends, en passant, le Capitaine Pichon pour aller voir ses miliciens sur le lieu du combat, vers le pont du Mahr el Kébir. Je dis quelques mots d’encouragement à ces pseudo-guerriers qui, à tout prendre ont tenu le coup . Nous ne sommes pas d’ailleurs assez riches en effectifs, pour dédaigner l’appoint des indigènes, qui sont appelée, dans un avenir plus ou moins lointain , à assurer, sous notre direction, la défense d’un territoire où nous ne pourrons pas maintenir des soldats français dont nous pourrons avoir besoin ailleurs. Le poste Chérifien est visible sur une hauteur très voisine . Ainsi donc, une fois de plus, la complicité ou tout au moins la neutralité bienveillante du Gouvernement de la Zone Est me parait démontrée. Les assaillants, venant du territoire de l’Emir, ont passé près du poste , avant l’attaque ; après leur échec , ils ont suivi le même chemin . Les Chérifiens n’ont pas bougé . Alors ?




Au poste de Tel Kala, nous déjeunons à la popote du Commandant Pinchon . Visite du poste fortifié , dont la position a été bien choisie mais dont le tracé laisse à désirer , surtout en ce qui concerne les flanquements qui sont à perfectionner . Je donne des ordres en conséquence .
Retour à Tripoli, avec la section d’Autos-mitrailleuses qui, au cours de la route, multiplie les pannes . Ces engins sont indispensables , dans un pays où l’arrivée imprévue de bandes de pillards demande le transport rapide d’éléments puissants ; mais en raison des difficultés du terrain et souvent du mauvais état des routes . Il faut des voitures plus légères, dut-on pour cela diminuer un peu leur protection.




Diner chez le Lt Colonel Mensier, où Mme Mensier et ses trois jeunes filles nous reçoivent en bonnes et charmantes Françaises. Leur fils unique , comme deux des miens , a été tué pendant la guerre , c’est un lien de plus que de pouvoir causer de chers disparus ! Le Colonel me met au courant des nouvelles qu’il a reçues, dans la journée de la Colonne qui opère , au N. E.de Tartous, contre Scheik Saleh . Ce chef de brigands, qui semble s’être arrogé une sorte de mission religieuse et xénophobe et qui certainement doit être ravitaillé et conseillé par le Gouvernement de la Zone Est , terrorise et rançonne les chrétiens de la région côtière entre Tartous et Banias ; il a pillé les Ismaîliehs et les a chassé de Khadmus ; il aspire certainement à régner en maître absolu sur le pays des Ansariehs . Les populations affolées ont émigré à Tartous , abandonnant les récoltes sur pied ; les partisans de Cheik Saleh pourront , le moment venu , les moissonner à l’aise . Il faut absolument aller rassurer tous ces malheureux , j’en profiterai pour inspecter les troupes, et après avoir jugé et discuté sur place, arrêter, d’accord avec le Commandant de la petite colonne de Sanda , les mesures indispensables pour ramener l’ordre .




Le 16 Avril, nous prenons avec nous l’ingénieur chargé de la construction de la route de Tripoli à Tartous ; car c’est , parait-il , un problème fort délicat de trouver son chemin à travers les dunes du bord de mer , où il faut ‘’zigzaguer’’ astucieusement pour ne pas s’enliser dans les sables ou les gués . Quant à la chaussée de la route nouvelle , elle est inutilisable pour le moment , coupée qu’elle est par des travaux d’art en construction . Un guide averti nous est donc indispensable . Le pays n’est pas sûr : Aussi avons-nous dans l’auto un véritable arsenal et les vivres nécessaires pour le cas de panne dans une région désertique . Nous traversons d’abord une vaste plaine à terre noire , qui semble d’une merveilleuse fertilité ; c’est le sol rêvé pour les plantations de coton ; sur notre droite, jusqu’aux collines ; nous voyons des champs de blé ou d’orge encore verte, mais dont les épis sont déjà formés .
Déjeuner dans la dune , près des vagues qui déferlent jusqu’à nos pieds, car la mer est très agitée par une sorte de ‘’ mistral’’ glacial .




Après quelques inquiétudes , au passage d’un Nahr, où notre auto s’est enlisée, nous sommes tirés de peine par notre ingénieur . Il parle six ou sept langues ou dialectes, qui mobilise toute la population d’un village heureusement voisin . Bakchichs et salamaleks et nous roulons de nouveau vers le Nord . Nous voici dans la curieuse région d’Amrit, semée de monuments phéniciens encore debout et où l’on peut voir, en s’éloignant un peu de la piste, des tombeaux, des temples, des théâtres même , dont les fondations et les gradins encore bien conservés , sont taillés profondément dans le roc . Mais, nous n’avons que quelques minutes à donner à l’archéologie. A quelques milles, en mer, nous voyons les rochers et les vieilles murailles de l’Ile Rouad , et bientôt nous sommes arrivés .




Toute la popul ation de Tartous, y compris les 7000 chrétiens fuyant la menace des bandits, se trouve aux portes pour saluer le Général Français . Acclamations, ovations, drapeaux aux fenêtres où les couleurs françaises prennent toutes les teintes , bref, accueil enthousiaste que la crainte de Scheick Saleh rend encore plus chaleureuse . La ville est entourée d’antiques murs phéniciens, utilisés et rebâtis par les Croisés qui ont régné à Tartous près de deux siècles . Curieuse église , elle aussi de l’époque des Croisades , en partie ruinée mais pouvant encore abriter une foule de nos réfugiés que j’y vais visiter. La petite garnison est installée au port même, à dix minutes de Tartous ; elle utilise comme ‘’ Mirador’’, un vieux bâtiment juché sur un roc émergeant du sable de la plage . Elle se compose d’une Compagnie Syrienne , de cavaliers Tcherkess et de quelques zouaves mitrailleurs , le tout sous les ordres du Capitaine Faugeron.





J’organise ma visite au camp de Sauda pour le lendemain . Le pays étant parcouru par les bandes de Scheik Saleh , on peut envisager la possibilité d’une attaque à la traversée de Nahr el Kayhié ; un détachement de fantassins occupera donc de bonne heure les environs du gué . Quelques Spahis, qui servent de liaison avec le camp et les Tcherkess encadreront mon petit groupe d’officiers. Dïner pantagruélique , mais exécuté par un Cordon bleu de première valeur, c’est une cuisinière chrétienne, chez notre hôte, Osman Agha, musulman très aimable et très influent, sorte de ‘’ Marquis de Carabas’’ qui possède de magnifiques jardins outillés à la moderne et exploite des terres considérables . Il se conduit d’ailleurs admirablement vis-a-vis des chrétiens qui se sont réfugiés à Tartous . Nous sommes logés et meublés ‘’ à la turque ‘’ mais très confortablement .

 

 

17 Avril . Il a plu toute la nuit et il pleuvra sans doute toute la journée . Nous allons être trempés , mais cela empêchera peut-être les ‘’salopards’’ de se mettre en campagne . C’est à souhaiter, car ma petite poignée de cavaliers serait facilement enlevée par une bande un peu nombreuse et la situation d’un général pris ou tué à la tête d’une escouade serait un peu ridicule. Passage du Mahr sans coup férir. Ascension des hauteurs de Sauda par des chemins de chèvres où roulent des pierres de lave colcanique noire . Les spahis flanquent à droite et à gauche et forment une pointe . Les Tcherkess cavalcadent derrière nous. Quelques balles arrivent de très loin. A 11 heures, je suis reçu à quelque distance du camp, par le Commandant Le Boulanger venu à notre rencontre avec un détachement de protection éventuelle .



Visite du Camp, sorte ‘’d’ oppidum’’ très vaste, afin de n’y avoir jamais ni entassement ni encombrement ; bonne précaution contre les balles qui peuvent pleuvoir des quatre points de l’horizon . De là partent les raids brusqués que le commandant de la colonne exécute fréquemment contre les partisans de Cheik Saleh . Une fois de plus, j’acquiers la conviction que ce chef de bandits est ravitaillé en munitions , peut-être même en combattants et en cadres par la Zone Est et cela par ordre ou avec le consentement tacite du Gouvernement de Damas . Il pleut toujours et au retour, la pluie coule jusque dans nos bottes par le collet de nos vêtements .



A Tartous, café et cigarettes avec les notables chrétiens et musulmans . J’annonce aux chefs des localités abandonnées , que j’ai organisé, avec le Commandant Le Boulanger , la protection de leurs villages contre toute attaque nouvelle ; je les incite à montrer un peu plus d’énergie et de courage pour nous aider dans notre tâche ; ils se déclarent enfin décidés à regagner leurs pénates et à faire les moissons . Il est certain que pendant des siècles d’esclavage plus ou moins déguisé, ces malheureux chrétiens ont pris une mentalité de moutons sur le chemin de l’abattoir . On les arme et ils n’osent pas se servir de leurs fusils contre les agresseurs lorsqu’ils sont musulmans . Sous le régime Turc, en effet, même un brigand musulman était ‘’ personne sacrée’’ pour un chrétien , même dans le cas de légitime défense . C’est pour ce motif, que j’ai essayé de leur faire comprendre la situation nouvelle . Nous trouverions non seulement légitime , mais très utile à la cause de l’ordre et de la paix , qu’ils veuillent bien casser la tête aux gredins qui viennent les piller . C’est une éducation à faire . Espérons que les enfants ou les petits enfants auront une éducation plus virile . Luxueux diner chez Abdul Riza Bey , autre musulman aimable et millionnaire . Le temps se remet au beau et le ciel nous allume toutes les étoiles .




18 Avril : Déjeuner chez Osman Agha . Toute la population est sortie de ses demeures pour me saluer au départ , à midi . Nous refaisons sans incident notre voyage de Beyrouth , par tripoli . Diner dans les rochers du Ràs en Natour, devant la mer incandescente sous un ciel d’or rouge . Arrivée à Beyrouth à minuit . Je reviens à temps pour prendre , le 20 Avril , le Commandant Foret, venu comme moi de Strasbourg et qui a été à la fin de la Grande Guerre mon Chef d’Etat-Major lorsque je commandais la 157 ème Division , est nommé Chef d’Etat-Major de la 3ème Division.










BABANA ‘’ SIDI BRAHIM ‘’ DE SYRIE











De mauvaises nouvelles du nord m’attendent .


Notre poste de Bahana, situé dans la région terriblement coupée et difficile du Sahyoun est violemment attaqué depuis plusieurs jours. La garnison ( une trentaine de zouaves et de tirailleurs et un groupe de miliciens ) par bonheur habilement et énergiquement commandée , lutte , comme à Sidi-Brahim à un contre vingt. Le reste de la garnison de Lataquieh, une centaine d’hommes et une demi-batterie de montagne est partie pour tâcher de prendre à revers les agresseurs . Il est nécessaire d’être sur place pour maintenir, s’il le faut, la ville où les musulmans feraient cause commune avec nos ennemis si ces derniers étaient vainqueurs .




Le 21, le Général Gouraud me confie ‘’ L’Ernest-Renan’’ qui me transportera rapidement à Lataquieh . Ses canons maitriseront le cas échéant la ville et ses environs . Sa compagnie de débarquement pourra m’être très utile étant donné la pénurie de nos effectifs . Embarquement à minuit, après un dîner chez l’Amiral Mornet . Le Commandant Morand de l’Etat-major de l’armée . Le beau croiseur de 16000 tonnes, sous les ordres du Commandant Bazire, nous emmène à petite vapeur , pour ne pas user trop de ce charbon que les Anglais nous vendent si cher à Port Saîd . Pendant que nous dormons paisiblement dans nos cabines , aussi stables que des chambres d’Hôtel., nous remontons la Côte jusqu'à Tripoli. Au petit jour, nous passons devant El Mina. Les pentes Nord du Liban s’abaissent toutes roses sous le soleil levant, dominées vers le Sud, par le sommet encore enneigé du Djebel Sanine. Les hauteurs qui vont border le panorama à l’Est appartiennent aux monts Nosaîriens , repère des peu recommandables Ansariehs Ces ‘’ seigneurs de la Montagne’’ , pillent , depuis des siècles, toutes les fois que l’occasion s’en présente , les Allaouîtes , les Ismaîliehs et naturellement les Chrétiens.

Image illustrative de l’article Ernest Renan (croiseur cuirassé)


Voici Tartous et l’Ile de Rouad que nous voyons, cette fois , sur son autre face . Son vaste château Sarrasin et ses vielles murailles sont encore imposants . Sur une roche escarpée, à quelque km de la Côte s’élèvent de hautes tours de basalte noir C’est une forteresse du Moyen-Age , le Kalaat Markab, qui pourrait abriter, comme garnison, des régiments entiers de cavaliers et de fantassins C’est un refuge presqu’inexpuniable pour les malandrins du pays et nous serons obligés, de nous en occuper un jour ou l’autre . On nous signale Banias, dans une jolie Oasis de verdure ; Djeble bien dégénérée de son importance ancienne, au temps de la puissance de Byzance ; on aperçoit assez distinctement la Mosquée, autrefois église des Croisés , où dort le Sultan Ibrahim.




A 10H45 , nous mouillons devant Lataquieh .
Les nouvelles sont bonnes : le poste tient encore ; un avion qui l’a survolé ce matin a signalé : ‘’ Tout va bien au poste.’’ J’ai donc le temps de faire une reconnaissance complète de la ville et de ses abords, de voir les êtres et les choses et de prendre, en toute connaissance de cause , les dispositions utiles pour la sécurité de Lataquieh à l’abri d’un coup de main venant de l’extérieur, quant aux ennemis de l’intérieur , les canons du ‘’ Renan’’ et ceux du ‘’ Jurien de la Gravière’’ , que nous avons trouvé en rade, sont un porte-respect plus que suffisant . Je descend à terre, après avoir donné l’ordre au Commandant Bazire de mettre à terre sa compagnie de débarquement . La reconnaissance rapide des abords de la ville me permet de constater qu’elle est couverte par un ‘’tell’’, vers le Nord et le Nord-Est , ayant d’excellentes vue sur les routes et les chemins . La Compagnie de débarquement et ses petits 65 m/m aura de bons postes à tenir qui donneront à Lataquieh toute sécurité .




23 Avril . Départ à 6h30 pour Babana . Une soixantaine de marins de la Cie du ‘’Renan’, sous le commandement de l’Aspirant de 1ere classe Blanchard , et cinq Spahis m’accompagnent . Nous prendrons l’itinéraire par les crêtes , plus pénible certes, mais qui nous permettra de tenir le haut du pays sans risquer d’avoir des ‘’Salopards ‘’ sur notre tête . Vers 10 heures , la petite colonne traverse à gué le Nahr el Kébir. Les marins, peu habitués à la marche, surtout par une chaleur torride, sont très fatigués . Je cède mon cheval aux moins ingambes ; car je ne veux pas laisser de traînards dans une région aussi troublée. Nous croisons des groupes d’Allaouites, hommes et femmes, qui viennent de piller des Ansariehs . C’est déplorable mais c’est bon signe : cela prouve que l’entreprise montée contre Babana est considérée comme manquée. Dans la direction du poste, on voit, par-dessus les crêtes, des fumées empourprées par la flamme des incendies . Halte au village de Zubur . Mon détachement montre beaucoup d’énergie mais a un grand besoin de repos .




Enfin, à 16 heures, nous sommes au bord d’un ‘’Canon’’ très profond aux parois à pic . Sur l’autre rive , s’étalent ; dans les pentes semées de jardins et de vergers entre des espaces pierreux et arides , les trois villages qui constituent la capitale du Sayoun ; Babana le premier de ces villages , sur un diadème de flammes et de fumée, flotte le drapeau français . Tout va bien . ! Nous commençons une descente ardue dans le ravin . Au fond près des premiers cadavres de Bédouins , je trouve le Capitaine Magrin venu à ma rencontre. Au bout d’une petite heure , nous sommes tous à Babana , où brûlent encore de nombreuses maisons. Quelques morts jonchent les environs du poste ; comme d’usage , les assaillants en ont enlevé le plus qu’ils ont pu.



Le poste situé à une des extrémités du village, est composé d’un certain nombre de maisons à terrasses , séparées par des cours dont plusieurs sont sous le feu des habitations voisines ou des hauteurs environnantes . Sur trois côtés, le champ de tir est suffisant ; la quatrième face malheureusement touche à l’agglomération . L’attaque avait été fort bien montée . Il résulte de mon enquête que les assaillants venaient de la Zone Est et ils étaient certainement bien commandés . Un grand nombre appartenaient à l’Armée Chérifienne . Il est facile de quitter l’uniforme kaki pour se déguiser en Bédouin ! Il est facile aussi de quitter son unité avec une permission régulière pour venir voir des parents ou des amis au Sahyoun . Bref, pour une raison ou pour une autre , les soldats de l’Emir participaient à l’attaque . L’officier commandant le poste m’a affirmé , qu’après le premier assaut infructueux, les femmes musulmanes se moquaient des assaillants en temps que ‘’ guerriers de l’armée de Damas ‘’




Mais revenons à l’opération qui, comme je viens de le dire , avait été fort bien combinée . L’ennemi avait naturellement des complices dans la localité et dans les autres villages de Sahyoun ; c’est donc chez les habitants que les agresseurs se sont cachés en attendant la concentration pour l’attaque . Afin de se donner le bénéfice de la surprise d’une manière absolument complète , le chef des conjurés avait prié un notable d’inviter à une réception cordiale les officiers du poste, afin de laisser la garnison sans chef au moment d’une irruption brutale . Heureusement une sorte de pressentiment , un je ne sais quoi qui troublait l’atmosphère de paix habituelle , avait fait refuser l’invitation . Bien que tout parut calme dans le pays , le service de garde était scrupuleusement exécuté , les dispositions d’alerte bien comprises . Aussi, lorsque l’attaque se produisit, d’une manière très brusque , à une heure diaboliquement choisie parmi celles où l’on ne craint rien, en pleine après-midi, elle trouva immédiatement devant elle une résistance suffisante pour la faire échouer.




Plusieurs assauts ayant été repoussés, l’ennemi commença une sorte de siège régulier, avec progression méthodique à travers les bâtiments du poste qui touchaient le village. Alors s’engagea une lutte pied à pied, au cours de laquelle, le courage, l’énergie et l’habilité professionnelle d’un sous officier, habile lanceur de grenades sut arrêter les tentatives les plus acharnées. Il avait fallu creuser des boyaux de communication dans les cours , établir des masques pour les tireurs sur les terrasses, élever des barricades etc….Bref, toutes ces précautions, l’entrain et la bravoure de la garnison, la vigueur du commandement ont permis à une poignée d’hommes de résister pendant sept jours à un milliers de fanatiques bien armés et bien encadrés .



J’ai félicité de tout cœur chefs et subordonnés et , après une joyeuse soirée , nous avons passé une nuit paisible au milieu d’eux .




24 Avril : Aujourd’hui, le pays étant complètement pacifié, nous pouvons revenir par une route plus courte et moins pénible que celle d’hier. Du reste, comme nous avons avec nous la colonne de Lataquieh qui a réussit à pénétrer le 23, au matin, dans Babana , nos forces sont imposantes : Deux compagnies de Zouaves et Tirailleurs, les marins, une demi-batterie de 65m/m et un peloton de Spahis. Je quitte la colonne au passage du Nahr el Kebir, pour aller au plus vite, recevoir les notables que va me présenter le Commandant de Courson, des services administratifs. Je n’ignorai pas qu’une partie de la population musulmane escomptait une victoire des vaincus de Babana . Le poste pris, les musulmans de L’Ataquieh se seraient soulevés, auraient reçu des secours d’Alep ou d’Hams et , libérés de l’occupation française, auraient arboré le drapeau de l’Emir Faycal. Lataquieh serait devenu le débouché sur la mer rêvé pare le gouvernement de la zone Est . Dans tout cela , il y avait évidemment beaucoup de ‘’mirage oriental ‘’ mais avec un fond de vrai.


Cette réunion de notables est donc, pour moi, une occasion de relever énergiquement le courage déjà défaillant des chrétiens et de ramener les égarés au sens exact des réalités . Le retour de la colonne victorieuse après l’échec honteux d’une attaque à 20 contre 1, les gros canons de ‘’ L’Ernest –Renan ‘’ et du ‘’ Jurien de la Gravière ‘’, tout cela sans doute a été encore plus éloquent que mon discours .


A 18H30, je m’embarque sur le ‘’ Jurien de la gravière’’ . Le commandant Stotz appareille à 19HOO . Mer très belle Nuit paisible .






 

 

ALEXANDRETTE







A 7 heures , Dimanche , 25 Avril, nous sommes en rade de Beyrouth mais je ne descend à terre qu’ après avoir entendu la messe et un très joli sermon de l’Aumônier.



Je vais rendre compte des évènements au Général Gouraud qui m’informe

1) Qu’il vient de mettre sous mon commandement le territoire d’Alexandrette et son chef actuel , le Général Aubé .

2) Que nos postes de la région d’Antioche ont subi des attaques sérieuses dont une au moins a eu des résultats désagréables pour nous. Il faut aller là bas pour prendre d’urgence toutes dispositions utiles.





Je vais donc reprendre la mer, ce soir, sur ‘’ L’Albatros ‘’ que je garderai à Alexandrette à ma disposition . Je trouverai , en arrivant, le Lt Colonel d’Anzac qui m’a précédé avec des renforts importants . Nous sommes à bord de ‘’ L’Albatros’’ à 22 heures . J’emmène avec moi le Commandant de Boisse et mon fidèle Jabin. Installation luxueuse ; j’ai une vrai chambre avec un grand lit , le tout tendu de soie mauve et jaune . Dès la sortie de la rade ,’’ l’Albatros’’ roule et tangue violemment . La mer est très houleuse et nous berce un peu rudement toute la nuit. Au jour , la mer est un peu moins forte . Le vent étant favorable , on établit toute la voilure ; le bâtiment mieux appuyé roule moins et la vitesse augmente sensiblement .




Nous revoyons défiler devant nos yeux la côte qui nous est déjà familière jusqu’à Lataquieh. Après cette ville , le rivage est découpé par de nombreuses baies ., ouvertes entre des caps qui prolongent jusque dans la mer les nervures du Djebel Akra (ancien Mons Cassius). Voici l’embouchure de l’Oronte dont la vallée nous ouvrirait la route d’Antioche, si nous avions le temps de faire un pèlerinage mythologique aux lauriers sacrés de Daphné . Il serait plus intéressant encore de visiter les ruines curieuses de Séleucie que nous devinons au pied des flancs boisés du Djebel Mousa, avancée de la masse imposante de l’amanus. Un peu après 18 heures, nous doublons le Ras el Khanzir et sa forêt de beaux pins d’Alep pour pénétrer dans le vaste golfe d’Alexandrette, si bien abrité par une ceinture de montagnes et de collines .





A 20h30 nous mouillons devant la ville d’Alexandre le Grand près de la ‘’ Décidée’’ Commandant Touroude qui a transporté les renforts .


Le Général Aubé monte à bord et m’explique la situation : à Antioche, les montagnards du Djebel Mousa et du Djebel Akra inquiètent la ville. Ils ne pourraient pas s’emparer d’une cité aussi importante , mais ils l’insultent presque quotidiennement et, comme toujours, les chrétiens ont peur. De petits groupes se glissent sur la crête du Mons Silpius ( Habib en Neddjer ) jusqu’aux tours de l’antique muraille et de là envoient des balles à travers les rues et les places de la ville. Cet état de choses , parfaitement ridicule, est de toute façons, intolérable. Il fuat que la garnison puisse se donner de l’air et battre un peu les environs . Un bataillon de renfort partira demain.


A Harim , notre poste violemment attaqué tient encore et tiendra indéfiniment dans le vieux château bâti par les Croisés ( Castrum Harench ) . Il faudrait à l’ennemi des obus de 210 m/m pour inquiéter un peu sérieusement la garnison. Mais un demi-escadron de Spahis , surpris par l’attaque dans le village , a pu, à grand peine se réfugier au château en abandonnant chevaux et harnachements qui ont été de bonne prise . Il faut absolument débloquer Harim et pour relever notre prestige promener dans la région une colonne ‘’ d’assainissement ‘’ bien armée . Nous nous servirons pour cela du Lieutenant Colonel d’Anzac et d’une partie des renforts qu’il a amenés .

Le vieux chateau de paias



Le 27, je débarque à 8 heures pour visiter l’hôpital militaire , très beau bâtiment sur la plage . Je vais ensuite voir l’emplacement du futur camp, sur des rochers en terrasses au Nord de la ville ; situation plus en rapport avec les lois de l’hygiène que l’emplacement actuel entouré de marais plus ou moins desséchés. Il ne faut pas oublier qu’Alexandrette a toujours été réputée pour ses fièvres . Dans l’après- midi , départ en auto, par la route du Col de Baîlan, pour inspecter le Camp de la paix , sanatorium des troupes de la garnison . Café et cigarettes avec d’aimables dames américaines qui y ont organisé un ‘’Foyer du Soldat’’. Je veux surtout assister au départ du Bataillon Lauré, du 2ème R.T.A. qui va renforcer les troupes d’Antioche et dont le premier gite d’étape se trouve en bas des pentes , de l’autre côté du Col entre la montagne et le Lac d’Antioche . La route serpente au milieu d’épais bouquets de chênes verts et de myrtes avec, çà et là , les belles grappes rose-mauve des arbres de Judée. Plus haut la route entaille fortement le roc et nous arrivons à Baîlan , curieux village s’étageant sur les parois d’une gorge profonde , entouré de vignes et de beaux arbres fruitiers . Après avoir passé le Col , tout comme Alexandre le Grand , après la bataille d’Issus , nous découvrons la plaine d’Antioche. Le lac , en cette fin de journée , est délicieusement rose. Comme ce serait bon de pouvoir pousser jusqu’à la célèbre Cité des Séleucides où se confondent les souvenirs des Empereurs romains , de St Jean Chrysos-tome et de la Principauté des Croisés ! mais j’ai tout juste le temps d’assister à l’arrivée à l’étage du Bataillon Lauré et au montage du Camp pour la nuit . Je leur souhaite bonne chance et reprends la route en sens inverse , pour rentrer à bord de ‘’ l’Albatros’’ où la T.S.F. m’aura donné , pendant la soirée, des nouvelles des différents Groupements .




28 Avril . A terre à 8 heures , je monte à cheval avec le Général Aubé pour aller à la Redoute Foch qui commande la ville au Nord – Est . Inspection des troupes , Sénégalais , Tirailleurs et Spahis et des établissements militaires , dépôt de remonte, camp d’aviation, manutention.
Dans la journée , sur la route de Baîlan , défilé de départ de la Colonne du Lt Colonel d’Ansac . Très bonne impression . Le Colonel a réussi , avec des moyens de fortune , à atteler deux canons de campagne d’un modèle périmé , mais qui lui permettront d’enfoncer des portes , de démolir une bicoque et en tout cas de faire du bruit . J’emmène le Général dîner à bord de ‘ ’ l’Albatros ‘’ . Exquise soirée sous les étoiles ; les vergers des collines nous envoient, par bouffées , les parfums combinés des orangers et des myrtes, la mer dort .







29 Avril : Bonnes nouvelles d’Antioche et d’Harim. Je peux partir tranquille .







Avant de mettre le cap sur Beyrouth , je voudrais reconnaître un peu les côtes du golfe et, en tout cas, pousser jusqu’à Paîas ( ou Baîas) où se trouve la frontière de Cilicie . L’endroit n’est pas très sur , car il est resté un peu en dehors des rayons d’action respectifs des deux divisions qui, opèrent face au Nord . Nous nous ferons accompagner à terre par la ‘’Compagnie de débarquement ‘’ de ‘’l’Albatros’ , cinq ou six marins bien armés .Appareillage à 13h30 . Nous admirons encore une fois le beau cirque de montagnes qui fait à Alexandrette un séduisant écrin de verdure et nous remontons lentement vers le Nord en nous tenant aussi près de la côte que les sondages nous le permettent .




A 16 Heures, mouillage à quelques encablures du rivage où nous porte un canot rapidement armé . Débarquement sur une plage en miniature au Nord de la petite ville de Paîas. Nous mettons une heure à la visiter avec son castel du Moyen-age, ses fossés et ses ponts-levis , son vaste caravansérail à demi ruiné, sa mosquée ancienne et sa très moderne gare du Bagdad-Bahn. A 17 Heures 30 , nous faisons route vers Beyrouth sur une mer calme qu’anime à peine un léger clapotis.

 

Débarquement sur la plage de Paias


Du côté du couchant , j’admire toujours sans me lasser, la féérie des couleurs que le soleil d’Orient trouve sur sa palette, le soir comme le matin . Aujourd’hui , le spectacle est particulièrement émouvant. : l’horizon d’occident n’est pas embrumé et l’on peut voir se découper , en noir sur le ciel rouge , la longue ligne des crêtes de l’Ile de Chypre .

Le pont ancien de Paias



30 Avril . A 7h45 nous sommes en vue de l’île de Rouad . Aperçu le ‘’Renan’’ qui suit notre sillage . Sa T.S.F. nous raconte qu’il va procéder au bombardement de certains villages, entre Tartous et Bazias , qui n’ont pas été sages . ‘’ Pare à virer’’ et bientôt ‘’ L‘Albatros ‘’ mouille devant Tartous et je descend à terre pour avoir des nouvelles . Vu le capitaine Faugeron, Osman Agha , Abdallah le Cheik des Ismaîliehs . Il s’agit toujours de Cheik Saleh et de ses bandits ; le petit port de Banias aété pillé . Les lignes télégraphiques Banias- Lataquieh et Tartous-Banias ont été coupées Les villages musulmans des environs ont été complices du Cheick ; c’est sur eux que le ‘’ Renan’’ va lancer quelques obus de semonce .



Le Capitaine Faugeron va partir pour Banias avec une partie de son détachement, rétablira les communications téléphoniques , sous la surveillance bienveillante du ‘’ Renan’’ et nous enverra des nouvelles à Beyrouth où nous serons vers 20 heures .









AU BERCEAU D’ASTARTE









Dans la première quinzaine de Mai, les choses se gâtent du côté Sud . De nombreux bandits venant du Houlé et du Nord de la Palestine ont massacré la population chrétienne du village de Bint Djebail . A Tyr les chrétiens sont affolés par ces nouvelles d’autant plus que la diligence de Saîda a été attaquée et que des habitants de Tyr enlevés dans la voiture ont été égorgés et mutilés odieusement près des grottes d’Astarté . On craint une attaque contre la ville défendue seulement par un détachement de la Légion Syrienne .



J’embarque le 11 sur ‘’l’Albatros ‘’ emmenant une section de mitrailleuses, et quelques équipes de fusils-mitrailleurs pour renforcer matériellement et moralement la petite garnison .
Les projecteurs d’un torpilleur, envoyé dès les premieres nouvelles pour surveiller la côte et la ville de Tyr, éclairent complaisamment les récifs à fleur d’eau, dangereux pour ‘’ l’Albatros’’ arrivant au mouillage par une obscurité profonde . Situation stationnaire. Aucune attaque ne s’est produite . Au réveil , Tyr et ses murs moussus qui baignent dans l’eau , ses maisons blanches , la dune d’or de l’isthme encadré des flots d’un bleu de rêve, forme un séduisant tableau , sous le brillant soleil de Mai . Encore une fois, je regrette de n’avoir pas au milieu de sérieuses préoccupations , le temps nécessaire pour faire un peu d’histoire et d’archéologie . Dans cette première visite à l’une de nos plus anciennes villes du monde civilisé ; je n’ai même pas le loisir de rêver aux origines fabuleuses de ce coin de terre .




Où Vénus Astarté, fille de l’Onde amère

Secouait, vierge encor, les larmes de sa mère

Et fécondait le Monde en tordant ses cheveux



Vite au travail ! Le capitaine de la Bassetière , Gouverneur de Tyr, est venu me prendre à bord . Il me met au courant des évènements que je connais déja en partie .Ce sont des Métoualis , vivant à cheval sur la frontière de Palestine , qui sous les ordres d’un brigand du nom de Sadek , se sont rendus coupables des assassinats dont j’ai parlé .Ce sont également des Métalouis qui, avec la complicité des habitants Chiites de Bint Djebaîl , ont massacré les chrétiens , pillé et incendié leurs maisons Dans cette odieuse aventure, la conduite de Kamel Bey Assad , le puissant seigneur de Taîbé , a été tout à fait louche . Il se dit notre ami, tout en recevant , j’en suis sûr, directives, subsides et promesses du Gouvernement de Damas .Il nous faudra évidemment faire une opération de répression dans la région ou Kamel Bey commande , comme un baron féodal . En attendant , occupons nous de Tyr . Après avoir en revue la petite garnison, je vais avec le gouverneur et le commandant des troupes , arrêter sur place les travaux à exécuter pour barrer l’isthme à son point de plus faible largeur . Avec quelques fils de fer et les mitrailleuses utilisées en flanquement , on peut mettre la ville à l’abri de toute insulte , par terre , les Métalouis n’ayant pas d’artillerie ; quant à la mer, nous en sommes incontestablement les maîtres . Il n’y a donc rien à craindre de l’extérieur .


En ci qui concerne l’intérieur, je profite des réceptions officielles, pour rassurer d’abord les chrétiens qui se sont naturellement affolés . Je suis même obligé de réprimer vertement une sortie inconvenante de leur Pasteur et pour inviter très énergiquement les musulmans à se conduire avec sagesse . D’ailleurs, pour plus de sûreté, j’ai fait saisir des otages parmi ces derniers . Ces otages entre les mains du Gouverneur répondront de la fidélité et de la tranquillité de leurs coréligionnaires , sur leur tête. Nous voilà donc plus calmes , du point de vue des complicités possible, dans la ville même.



Retour à Beyrouth dans la nuit .
Sur mon compte rendu le Général Gouraud décide une expédition de répression dans la région de Tyr-Tibnin –Bint Djebaîl . Le groupement de cavalerie, d’infanterie et d’artillerie de montagne, organisé par la 3ème Division, sera commandé par le Colonel Nieger .
A la fin de Mai la colonne a accompli sa tâche, el calme est revenu dans la région malgré les excitations des émissaires de Faycal . Un poste permanent est installé à Tibnin .









LE JARDIN DES PARFUMS









26 Mai . Me voilà de nouveau sur la route de l’Est . Cette fois, je traverse le Liban avec le Lt Colonel d’Exrienne , commandant de mon Artillerie Divisionnaire car nous allons profiter de cette excursion , plus politique que militaire , pour étudier des emplacements de batteries.

Le côté politique de mon voyage provient de l’invitation de la municipalité de Shalé qui désire me recevoir officiellement . En me transmettant cette invitation , le Lt Colonel Riocreux m’a fait connaître que mon acceptation était nécessaire ; car cette ville habitée surtout par des chrétiens est inquiète en ce moment . De fâcheuses rumeurs se propagent , par ondes successives , de Damas au Liban . Les musulmans des villages de la Bekaa escomptent des projets militaires du Gouvernement de l’Emir . Et Zahlé est sur la frontière !
D’autres part quelques brigands du Liban (ou de l’Anti-Liban) ont fait de mauvais coups dans la montagne au Nord de la ville . Cela rend les gens nerveux . Bref, il serait bon de remettre les choses au point de proférer, à la réception des autorités , des paroles les plus réconfortantes .



Dans cette traversée du Liban , il n’est plus question de froid , de brouillard et de neige ; la montagne a déjà pris la parure d’un jeune été . Sans doute, elle est encore bien dénudée par places . Il y a tant de rocher et de pierrailles ! mais partout où elle le peut, elle expose à mes yeux charmés le sourire de sa verdure et de ses fleurs .Lorsque nous débouchons du Col, c’est un éblouissement devant la brusque révélation de cette ‘’coupe de beauté ‘’ qu’est la Bekaa , en cette fin de printemps .Magique chatoiement de teintes où les verts d’opale de la plaine creuse se marient aux roses et aux jaunes des pentes de l’Anti-Liban, sous la transparence d’un voile couleur de perle qui bleuit aux failles des ravines lointaines .



Arrêt à Mréjat, où j’inspecte un nouveau blockaus . Il met, pour ainsi dire , le verrou à la route et interdit à un ennemi toujours possible, les positions d’où il aurait pu facilement arroser de balles l’intérieur du camp et les abords de la station. A Chtorah, sous la voûte fraîche de beaux arbres,nous baignons dans les parfums . On cultive ici la rose pour la fabrication de l’eau et de l’essence . Aussi passons nous entre deux haies de rosiers , limitant des champs où s’épanouissent les belles roses de Damas. Des bosquets ‘’d’oliviers de Bohème‘’ exhalent une étrange odeur, émouvant mélange des senteurs de la fraise, de l’œillet qui se fane et de la vigne en fleurs . Mais nous voici à Noualakah, petite ville sous la coupe de la Zone Est , mais qui a eu quand même l’amabilité d’arborer des drapeaux français en l’honneur de la visite du Général .





Réception enthousiaste à Zahlé . Toutes les maisons sont pavoisées . Les roses et l’eau de rose et de névoli pleuvent des balcons . Au Séraf je suis accueilli aux accords de la ‘’ Marseillaise ‘’ par les membres de la Municipalité et les principaux notables ; de gentilles filles offrant d’innombrables bouquets de roses magnifiques et la série des discours commence .Elle continue, au déssert d’un somptueux déjeuner, et se termine par des toast ‘’au plus grand Liban’’ .C’est le rattachement de la Bekaa à la zone libanaise que cela veut dire . Néanmoins pour le moment, les ambitions des habitants de Zhalé seraient peut-être satisfaites, si la frontière chérifienne était reportée au Litani qui draine en son milieu , les eaux de la Bekaa ; car nos chrétiens sont inquiets au contact immédiat des postes de l’Emir Faycal, étant donné surtout les intentions agressives qu’on lui prête ici, peut être gratuitement.




Ma réponse est un jeu délicate à faire . Du point de vue diplomatique , je n’ai pas le droit de légitimer par mon approbation officielle les espérances libanaises . Il ne faut pas non plus décourager ces braves gens . En tout cas, je m’efforce de calmer leurs appréhensions que rien ne justifie tant que le Groupement Riocreux sera là . Nous nous quittons très bons amis Avant de reprendre la route du retour, visite des travaux du camp qui ont été très activement poussés et de l’organisation de la défense qui ne laisse plus rien à désirer .
L’auto est pleine de roses , comme la voiture d’une étoile de la danse après une représentation à bénéfices . Nous laissons derrière nous un sillage d’odeurs suaves . Elles se mèlent à celles du ‘’Jardin des parfums’’ que nous retraversons à l’heure où la fragance s’exaspère des approches de la nuit chaude . En descendant, rapide crochet par la douce vallée de Hammann . Nous y complétons notre chargement par des gerbes de Rhododendrons Himalayens, dont les larges fleurs mauves tapissent les parois de tous les ravins .










ENCORE CHEICK SALEH









Le 10 Juin je me rends à Tartous pour organiser une nouvelle colonne confiée au Lieutenant Colonel Mensier dans le but de pacifier la montagne des Ansariehs ; de réoccuper Kadmus, de débloquer Banias , de chasser les dissidents qui ont eu l’audace , depuis plusieurs semaines, d’arborer le drapeau Chérifien sur les tours du Kalaat-Markab et d’en finir, si possible avec Cheik Saleh.



La colonne à peine en mouvement, je suis obligé de rentrer à Beyrouth , d’inquiétantes nouvelles arrivant de Djedeideh. Il faut renforcer la défense du sud en expédiant le plus vite possible un bataillon de Nabatieh à Bint Djebaîl et en complétant les garnisons de Nabatieh et de Djedeideh avec des éléments tirés de Zahlé .Il était temps . Le 17 Juin une violente attaque de Bédouins se produit sur Djedeideh et sur le Village Chrétien d’El Klaa . Je m’y rends à la première nouvelle . Le poste de Djedeideh a repoussé les attaques . Le village a été lui-même, un moment, aux mains des assaillants qui ont massacré 20 personnes . Les habitants d’El Klaa , plus courageux, se sont énergiquement défendus et n’ont perdu personne . Ils me montrent avec orgueil de nombreux cadavres abandonnés par l’ennemi ; l’un d’eux porte encore l’uniforme chérifien ! Bonnes nouvelles de la colonne Mensier . Le 19, le drapeau français flottait sur la maison de Cheick Saleh qui a pu s’échapper . Nos troupes marchent sur Kadmus en combattant victorieusement .




Je suis d’autant plus heureux de ce beau résultat que l’organisation de la colonne Mensier a été des plus difficiles . En effet la pauvreté de nos effectifs oblige nos éléments munis d’animaux à d’énormes randonnées le long de la côte , les bateaux ne pouvant les transporter , faute de moyens de débarquement dans les petits ports .

C’était le cas pour les cavaliers, les sections de mitrailleuses et les batteries de montagne . Ceux des éléments destinés à la colonne Mensier avaient été prélevés sur la colonne Nieger après les opérations de Bint Djebaîl . C’est à peine si j’avais pu les arrêter 24 heures à Beyrouth pour renouveler les ferrures ! Ce détail donne une idée des difficultés que nous rencontrions dans l’exécution des ‘’navettes’’ à travers tout le territoire de la Syrie .
Après avoir occupé Kadmus , la colonne Mensier a continué à remplir son programme sans laisser derrière elle la garnison prévue pour cette localité . D’autres part la colonne a subi des pertes assez sérieuses . Je sens que le Général Gouraud serait heureux de me voir là bas.










KALAAT MARKAB









Je pars le 26 . La journée du 27 se passe à organiser un convoi de ravitaillement de 30 chameaux . On ne peut prévoir que quelques hommes d’escorte car il est impossible de dégarnir Tartous , notre base. Je me joins au convoi avec trois officiers . Le 28 nous longeons à cheval le bord de la mer et nous parvenons à Dar Safra sans être attaqués : c’est là que la colonne campe depuis 2 jours .






L’opération sur Kalaat Markab et le déblocus de Banias sont fixés au lendemain .Après déjeuner, réunion des officiers sur la terrasse du P.C. du Lt Colonel Mensier, qui peut ainsi leur expliquer comment il comprend la manœuvre à effectuer . Dar Safra, où nous sommes est bâtie au sommet de falaises blanches qui terminent un plateau allongé , de l’Est à l’Ouest , entre deux ravins profonds . Au Nord, nous apercevons un plateau à peu près semblable, à l’extrémité duquel se dresse un éperon couronné par le Kalaat Markab . Ce plateau séparé du nôtre par plusieurs vallées escarpées. .La distance entre Dar Safra et le Kalsat est à peine de quelques Km. à vol d’oiseau ; mais il ne peut être question d’engager la colonne par un itinéraire passant en ‘’ Cross Country ’’ à travers toutes les déchirures du sol. Bien au contraire, le projet du Lt colonel Mensier, que j’approuve entièrement, consiste à remonter vers l’Est le plateau de Dar Safra , pour aller chercher assez loin la crête où tous les ravins qui nous séparent de Kalaat prennent leurs sources La colonne suivra ensuite cette crête pour gagner l’origine du plateau de Kalnat Markab, et elle attaquera en marchant franchement vers l’Ouest .La manœuvre sera longue, mais nous aurons l’avantage de tenir toujours le ‘’ haut du pays ‘’ De plus, lorsque nous attaquerons , nous prendrons les défenseurs de la vieille forteresse entre notre colonne , la mer qui nous appartient et les éléments français et syriens qui tiennent encore Banias .





L’heure H est 21 H . La lune , une lune digne du ciel de la Chaldée, se lève à temps pour faciliter notre marche d’approche . Nous avons quelques guides du pays qui, sérieusement encadrés par des hommes de confiance, vont nous permettre de suivre l’itinéraire prévu, malgré les difficultés inhérentes à toute marche de nuit , sans fâcheux ‘’bafouillage’’. Je marche à pied, à l’avant-garde , la Colonne a été articulée comme on doit le faire en pays hostile , en prévoyant l’attaque en avant, sur les flancs et même derrière. Elle est prête à faire face de n’importe quel côté , sans avoir à modifier son dispositif. Jusqu’à une heure du matin, la marche se poursuit sans incident et nous avons déjà fait de la route . Soudain, une averse de balles s’abat sur l’avant-garde et plusieurs Tirailleurs tombent près de nous . Une certaine émotion se manifeste , c’est fréquent dans les combats de nuit , parmi quelques jeunes tirailleurs et les conducteurs indigènes de nos pièces de montagne . Nous nous y mettons tous et bientôt le calme est rétabli ; la progression de l’avant-garde un instant arrétée recommence , refoulant les éléments ennemis qui ne tiennent que faiblement devant l’ énergie de notre attaque . Deux autres alertes vivement réglées , l’une d’elles sur notre arrière-garde, se produisent encore avant le jour.




Au lever du soleil, l’opération sur kalsat Markab est déclenchée avec entrain, en utilsant l’appui moral d’un tir d’artillerie , plus impressionnant qu’efficace , car nos obus sont absolument impuissants à écorner, même superficiellement le basalte des murailles. A 8 Heures , les défenseurs de la forteresse, inquiétés par mes mouvements qui les menacent d’enveloppement complet, abandonnent leur repaire inexpugnable ; ils fuient à travers les ravins détournés où ils abandonnent quelques cadavres . De notre côté , nous avons eu trois morts et quelques blessés . Sur la plus haute tour de Kalaat Markab , flotte maintenant le drapeau Français .




Les défenseurs de Banias , libérés par l’opération victorieuse de la colonne Mensier , viennent à notre rencontre . A 10 Heures je fais mon entrée dans la ville , pendant que les troupes établissent leur camp à l’Est de la localité , près d’une source merveilleuse qui sort à gros bouillons d’une paroi de rochers . Je me rends chez le Capitaine Terrier , Gouverneur de Banias . Lui et Madame Terrier me font l’accueil le plus empressé et me prodiguent les soins qu’exige mon état , car une crulle dysenterie dont je souffre depuis plusieurs jours m’a un peu mis à bas . Grâce à la sollicitude de cet excellent ménage et à la satisfaction d’avoir réussi, je serai bientôt complètement remis .




En attendant ‘’L’Albatros’’ qui doit venir me prendre ici, je m’occupe activement avec l’aide du Lt Colonel Mensier et du Capitaine Terrier de la nouvelle organisation des postes de surveillance ; du rétablissement des communications téléphoniques et télégraphiques et de la création d’un modus vivendi qui assure la paix à toute la région . Comme récréation, capture d’un jeune requin sur la petite plage qui s’étend sous ma fenêtre ; c’est un ‘’baby’’ qui n’a encore que 1m50 de longueur Madame Terrier, notre aimable hôtesse, qui dirige habilement une jeune cuisinière chrétienne, a essayé de nous faire manger le produit de cette pêche imprévue A l’unanimité nous avons déclaré que ce squale constitue un met bien médiocre .

Devant le Qalaat Marqab juillet 1920




Le 1er Juillet , au matin, arrive ‘’ l’Albatros ‘’ et je décide le départ pour le soir même.
Je profite de la dernière journée pour visiter complètement le kalsat , dont je n’ai fait que longer les murailles , le jour du combat .C’est une énorme masse de blocs de basalte noir, formant des salles , des corridors, des escaliers, des cours , des remparts et des tours, avec des parois d’ une épaisseur de 3 à 5 m.et des fossés profonds taillés dans le roc . A l’intérieur, comme je l’ai déjà dit, on pourrait loger des foules à pied et à cheval . Dans la plus haute tour, l’ancien donjon sans doute , nous visitons la mosquée, ancienne église gothique où les croisés et plus tard les templiers ont entendu la messe. Nous terminons la visite par un tour d’horizon , du haut de la terrasse supérieure qui fera, pour le poste du Kalast , un ‘’ mirador’’ de premier ordre . Rentrée à Beyrouth le 2 Juillet vers 15 heures. Cette fois encore la main de l’Emir Faycal, du nouveau ‘’ Roi de Syrie ‘’ par sa propre volonté , se montrait d’une manière évidente . Il avait copieusement ravitaillé Cheick Saleh qui, après sa défaite s’était réfugié en Zône Est et le drapeau que je rapportais du Kalsat Markab était un drapeau Chérifien !


Le pavillon français flotte sur le Qalaat Marqab

LA PATIENCE A DES BORNES






Voilà donc rappelés , tantôt avec la sècheresse d’un calendrier parfois d’une manière
Plus prolixe, mais toujours avec exactitude , les évènements qui ont marqué les premiers mois de mon commandement .Voyons maintenant en quelques mots l’influence que ces évènements avaient pu avoir sur la situation des esprits en Syrie. Mes longues randonnées à travers le territoire avaient eu pour résultat non seulement de me faire connaître le pays dans toutes ses parties mais encore, par mes stationnements successifs dans tant de localités , de me faciliter de nombreux contacts avec les populations chrétiennes et musulmanes . Les différentes personnalités, je ne les voyais pas au cours de voyages triomphaux, officiellement réglés, au milieu d’un enthousiasme réel ou quelquefois peut être de commande . Je les rencontrais de manière imprévue, dans des circonstances souvent tragiques , après des combats , à coté de cadavres encore chauds . Bien des fonctionnaires ou des officiers ne jugeaient les évènements et les sentiments des populations qu’en fréquentant l’aimable société chrétienne de Beyrouth , le port Levantin par excellence . Il était difficile d’y savoir la vérité . Au contraire , grâce à ma vie de juif errant, le milieu Beyrouthin m’était presque complètement étranger .




A mon avis, basé sur les considérations qui précèdent, l’état des esprits était le suivant aux premiers jours de Juillet 1920 :


Les Chrétiens étaient certainement déçus : après avoir peut être espéré gouverner à leur tour , leurs anciens maîtres les musulmans , ils constataient que nous traitions tout le monde sur le pied d’égalité , sans distinction de race ou de religion . Ils étaient effrayés, car s’ils reconnaissaient que nous étions facilement vainqueurs dans toutes les rencontres , ils voyaient avec terreur que, ne pouvant mettre une escouade en garnison dans chaque village , nous étions dans l’impossibilité matérielle d’empêcher les massacres sur tel ou tel point . En plusieurs endroits, à Djedeideh par exemple j’ai entendu , à côté des corps mutilés de 20 victimes des plaintes et des récriminations bien pénibles à entendre pour une oreille Française ! Il f allait la vue de mon képi de Général pour en réfréner la violence .
Dans leurs lamentations affolées, les parents en deuil laissaient percer leur regret de n’ être pas Chérifiens, puisque les Français n’étaient pas capables de les défendre .






A Tyr , au moment des attentats de Djebaîl j’ai dû au cours d’une réception officielle imposer sévèrement silence à Monseigneur Maximes, dont les plaintes véhémentes ne pouvaient être tolérées par un représentant de la France et pourtant ces plaintes étaient en grande partie justifiées.




Parmi les musulmans, les fanatiques appelaient de tous leurs vœux la victoire d’un prince Chérifien Mais les plus raisonnables, les plus intelligents se méfiaient de l’entourage aux mains avides du Bédouin qui voulait se hisser sur le trône de Syrie et y exploiter cette riche proie Ces derniers n’avaient donc pas trop de peine à accepter le mandat de la France victorieuse Ils appréciaient hautement notre sympathie pour les musulmans d’Afrique mais craignaient néanmoins notre préférence pour les chrétiens. D’autre part , nous voyant aux prises avec des difficultés sans cesse renaissantes , sachant notre situation pénible en Cilicie , ils n’avaient guère confiance en notre avenir en Syrie. Bref, nous risquions de perdre tout prestige soit auprès des chrétiens, soit auprès des musulmans Il était grand temps de le reconquérir par notre action énergique mettant fin à la comédie sanglante jouée par notre voisin et allié .




Nous allons voir maintenant se lever le rideau sur le dernier acte : la prise de Damas .







LE ROI FAYCAL







A Damas , l’Emir a pris la couronne royale, il augmente le nombre de ses divisions, il mobilise, il défend l’usage de la monnaie Syrienne, il empêche les blés du Hauran de venir dans notre zone , il gène , par tous les moyens possibles , le commerce entre le Liban et les territoires chérifiens , il met de multiples entraves à mes ravitaillements par la voie ferrée vers le Nord . Bien mieux , enhardi par notre apparente inertie, il achète soit par des promesses, soit par des napoléons , la conscience élastique de personnalités syriennes qui doivent aller en Europe demander du secours en faveur de la Syrie tyrannisée par la France . Cette perfide machination disons- le tout de suite , échoua complètement grâce à l’habileté du service de la sûretè du Haut-commissariat , grâce aussi à la vigilance des postes de la 3 ème division qui arrêtèrent les autres suspects et cueillirent à temps les missionnaires de Faycal .




En haut lieu on envisage la nécessité d’avoir un puissant groupement de forces prêtes à repousser une offensive peu vraisemblable d’ailleurs, malgré les rodomontades Damascaines , soit, plutôt , à porter dans l’Etat la menace de nos obus. C’est une division qui sera éventuellement chargée de ces opérations et nous allons examiner quels seront les moyens mis à ma disposition.

Chefs bédouins du Hauran réunis a Deraa


Chefs bédouins du Hauran réunis a Deraa 1



CONCENTRATION DISCRETE







Le 20 Juin avait débarqué à Beyrouth une brigade Sénégalaise commandée par le Général Bordeaux, elle avait servi de suite à compléter à 4 régiments l’Infanterie de la division. Je n’ai pas à faire ici l’éloge de nos troupes noires , elles ont donné, sur tous les champs de bataille, la mesure de leur courage et de leur dévouement . Les régiments qui nous arrivaient étaient composés en majorité de jeunes soldats n’ayant pas fait la Grande Guerre . Relevés en Rhénanie et amenés à Marseille ils avaient protesté assez vivement contre leur embarquement pour la Syrie à l’instant où ils croyaient rentrer dans leurs foyers africains . Le Général commandant le 15 ème Corps et le Général Mangin avaient dû intervenir . Mon premier soin fut de faire discrètement empoigner quelques meneurs, après ce prélèvement nécéssaire, je m’empresse de le dire , ces braves soldats noirs m’ont toujours donné une entière satisfaction.




L’autre brigade de la division était constituée par le 2ème Régiment de tirailleurs algériens Lieutenant Colonel d’Auzac et par le 415 ème régiment d’Infanterie Lieutenant Colonel Riocreux . Elle était commandée par le Colonel Sousselier . La cavalerie comprenait le magnifique régiment de spahis Marocains . 4 Escadrons et une compagnie de mitrailleuses . Lieutenant Colonel Massiet et un Escadron ½ du 1er régiment de Marche de la cavalerie du Levant . L’artillerie sous les ordres du Lieutenant Colonel d’Escrienne comptait 4 batteries de 75 , 2 batteries ½ de 65 , une batterie lourde de 155 court Schneider . Il fallait y ajouter une compagnie du Génie, une compagnie de 15 Chars d’Assaut , une section d’auto-mitrailleuses à 4 voitures.




Comme aviation, je pouvais compter sur une escadrille divisionnaire et sur un groupe de bombardement, ce dernier à la disposition de l’armée . Afin de grouper le plus possible les forces de la division tout en gardant secret le but de nos mouvements , il fut décidé qu’un camp d’instruction serait orgranisé à Ain-Sofar et que la brigade Sénégalaise serait cantonnée soit dans ce camp soit dans les localités voisines. Les autres éléments de la division sauf ceux déjà en place à Mréjat, Saadnafl et Zahlé seraient échelonnés entre Ain Sofar et Beyrouth .La division était donc à cheval sur sa ligne éventuelle de marche, ses avants-postes en bordure de la Bekaa, sur sa tête de colonne prête à Franchir la ligne de faîte du Liban

Artillerie lourde au camp d Ain Jdeideh


Naturellement, les postes de Tibnin et de Djedeideh étaient maintenus mais on rappelait de Banias et de Kalaat – Matrkab à Tripoli et à Tel Kala les garnisons laissées par le Lieutenant Colonel Mensier après ses opérations dans les monts Ansariehs . Il était important en effet, en sens de marche vers l’Est de tenir solidement la trouée Tel Kala-Homs pour empêcher une offensive tentante pour l’ennemi sur la ville et le port de Tripoli . La mise en place effectuée il fallait instruire et entraîner les troupes, notamment la brigade Sénégalaise qui nouvellement arrivée et composée surtout de jeunes soldats avait besoin de se former sur marches et opérations dans une région de montagnes arides et escarpées C’est à cet entraînement et à cette active préparation que fut employée la première quinzaine de Juillet .








ETUDES DE TERRAIN







Pendant que les troupes s’entraînaient et s’assimilaient les principes de la guerre en montagne , j’étudiais avec mon Etat Major notre futur théâtre d’opérations. Etude sur le terrain quand je pouvais pousser mes reconnaissances sans violer la frontière chérifienne et sans attirer trop l’attention des espions de Faycal ; étude sur la carte et d’après des renseignements pour la région à parcourir après la première journée d’opérations.





Pour gagner Damas ou du moins pour tenir la ville Sainte sous la menace de nos canons, il fallait traverser d’abord la vaste plaine de la Bekaa, puis franchir l’Anti-Liban dans toute sa largeur . C’était un trajet total, depuis le bas des pentes Est du Liban, de plus de cinquante kilomètres à vol d’oiseau.

Vue aérienne de la gare du Hedjaz a Damas


Comme moyens de communications nous avions :



1) La Voie ferrée à partir de Rayak par la gorge étroite du Ouadi-yahfoufe, le col de Zerghaya et la vallée du Barada . Il était impossible de songer à cet itinéraire qui, sur une grande partie du trajet forçait à une marche de flanc par rapport à notre objectif et qui d’ailleurs n’était suivi par aucune route carrossable .


2) La route de Beyrouth- Damas qui traverse l’Anti-Liban à une altitude voisine de 1400 mètres C’était évidemment cette route que nous devions choisir comme axe de marche bien qu’elle s’étranglait dangereusement dans les défilés de l’Oued Korn, de Khan Meiseloun et du Barada

Les gorges du Barada à l' entrée de l oasis de Damas



La masse de l’Anti-Liban qui domine la Bekaa de son imposante muraille est divisée en un certain nombre de rides parallèles, que la route rencontre à peu près suivant la normale . La première est marquée par la position de Medjel Anjar . La suivante contient les hauteurs de Kafr Yabous et le col où la route de Damas atteint sa côte maximum (1358 mètres). Elle domine le Sahel d’Ain Djedeideh. La troisième ride est formée au Nord , par la crête rocheuse du Djebel Zebdani, se brise , au profond défilé de l’Oued Korn, se continue au Sud par les hauteurs d’Héloua et va se souder aux pentes Nord du Djebel Hermon . L’oued Zorzor jusqu’à EL Tequié et le Litani jusqu’à Zebdani sert de fossé à cette ride ; puis viennent les hauteurs de Khan Meiseiloun celles de Khan Dimes , le plateau désertique du Sahara Ed Dimes , enfin la chaîne du Kalahat el Mezze dominant les portes rocheuses de l’oasis de Damas et se reliant au Nord avec le Djebel kasyum sur les pentes Sud duquel s’étagent les maisons de Salahié , un des faubourgs de la capitale des omiades .




Pentes raides et dénudées, escarpements rocheux, absence d’eau sauf aux sources de Djedaideh et de Khan Meiseloun telles étaient les caractéristiques de la rude région que la troisième Division allait avoir à parcourir sous les brûlantes ardeurs d’un soleil de Juillet, malgré les balles et les obus des divisions chérifiennes . Les instructions de l’armée en date du 2 Juillet 1920 comportaient d’abord l’occupation des hauteurs du Sahara ed Dimès , c'est-à-dire la menace immédiate de Damas . L’opération ayant pour base de départ la Bekaa (partie Ouest ) à cheval sur la route de Damas , devait être menée par surprise et très rapidement .

Le camp d Ain Jdeideh


La Division avait pour mission , par un premier bond d’atteindre avec ses gros le Sahel d’Ain Djedeideh ; un deuxième bond devait le conduire sur le Sahara el Dimès. Pour résoudre ce problème tactique dans de bonnes conditions il importait tout d’abord de gagner assez de ‘’ large’’ en Bekaa pour assurer le débouché de la Division à la descente du Liban et préparer son déploiement éventuel en face des défenses Chérifiennes de l’Anti Liban .

Train blindé sur la ligne du hedjaz


D’autres part il était nécessaire d’installer dans la Bekaa une base d’aviation et de tenir solidement à Rayak les ateliers de la compagnie de chemin de fer D.E.P. . L’occupation de cette localité nous permettait non seulement de protéger les organisations de la compagnie D.E.P. mais surtout de fermer une porte de la Bekaa aux renforts Chérifiens de Chtorah et de Molakah (gare de zahalé) et de reporter notre frontière au Litani En dehors des avantages indiqués plus haut, cette avance de nos avants postes jusqu'au Litani nous donnait la possibilité d’empêcher les destructions de ponts au moins sur le bras Ouest du fleuve .



Disons tout de suite , que ces mesures indispensables purent être prises en temps utile, grâce aux tergiversations et à la mauvaise foi du Gouvernement de Damas . L’occupation de Rayak et de la rive droite du Litani se fit sans coup férir et nous pûmes organiser un bon terrain d’aviation à côté des vergers de Tan Ain L’exploitation agricole des R.P. Jésuites nous fut aussi d’un grand secours pour dissimuler nos premiers rassemblements , presque à pied d’œuvre . Comme gare de ravitaillement et d’évacuation, je choisis la station de Saadnaîl C’était la première gare en plaine depuis Beyrouth, elle avait déjà servi aux Anglais, pour les mêmes buts, pendant leur occupation de la Bekaa Elle représentait des dégagements suffisants et un développement de quais de fortune assez considérable .


Le camp d Ain Jdeideh 2







PLAN D’OPERATIONS


Damas vue d avion 1920






Articulation de la division pour l’attaque :





1) La colonne de Gauche , sous le commandement du Général Bordeaux, est divisée en deux groupements sous les ordres respectifs du Lt Colonel d’Auzac au Nord et du Lt Colonel Paulet au Sud .


Elle comprend ½ Escadron de cavalerie , ½ Compagnie du Génie , 2 Bataillons de Tirailleurs Algériens , 2 bataillons de Tirailleurs Sénégalais , 2 sections de chars de combat , 2 batteries de 75 m/m , 2 batteries et demi de 65 m/m. Le groupement du Nord, d’Aussac, progressant par Chtorah, Bar Elias Deir Zeinoun, Chalcis, atteindra Kefer Yabous en poussant son avant-garde sur le col et le Piton de Batrouni. Le groupement du Sud (Paulet) passant par El Merdj, Medjel Andjor , Es Soueira , occupera les hauteurs de Soueira et atteindra par son avant- garde Héléo.



2) La colonne de Droite, sous les ordres du Colonel Betrix , commandant le 11 ème R.T.B. comprend 1 Bataillon du 415 ème R.I. . 1 Bataillon de Tirailleurs Sénégalais . 1 Batterie et demi de 75 m/m 1 Batterie de 65 m/m .Elle doit se porter par El Kiara , Douka , sur les hauteurs à l’Est d’Aoîteh et tenir par son Avant-garde le Col d’El Kneisseh




3) Le régiment de Spahis Marocains du Colonel Massiet, liant son mouvement à celui de la Colonne Betrix , couvrira la droite du dispositif de la Division , avec mission de prendre pied sur les hauteurs de Bekka, surveillant les directions de Djeb-Djenin , de Rachaya et de Khan Meiseloun .










Au Nord, un détachement sous les ordres du Lieutenant Colonel Riocreux , Commandant le 415 ème comprenant 1 peloton de cavalerie , 1 Bataillon du 10 ème R. de Tirailleurs Sénégalais , une 1/2 batterie de 75 et une section d’auto-mitrailleuses a pour mission de tenir solidement Rayak et de surveiller les directions d’Homs et de la voie férrée de Damas .





Je garde à ma disposition exclusive : 1 bataillon du 415 ème , 2 bataillons de Sénégalais , 3 pelotons de cavalerie , ½ Compagnie du Génie , une section de Chars d’assaut , la batterie d’artillerie lourde , l’escadrille divisionnaire et le groupe de bombardement dans la région Bar Elias – El Merdj-Tan Aîn . Enfin des troupes d’étapes consistant en cinq compagnies de C.I.D. de la brigade Sénégalaise occupaient les gares d’Aîn Sofar , Kréjat, Saadnaîl ( 2 Cies ) et Rayak .




Les mesures d’exécution prévues étaient les suivantes : Le jour J à partir de l’heure H, les colonnes rompront de leur base de départ en formations largement ouvertes . Elles auront tout d’abord à gagner par un premier bond l’espace nécessaire pour assurer la couverture de la ligne d’artillerie (ligne Bar Elias , Es Stabel , El Kiarah ). L’heure H sera réglée de manière à ce que ce bond soit effectué avant le jour .Seule la batterie de 155 C S sera installée à l’avance de la lisière S. E. de Tan Aîn pour être en mesure de combattre immédiatement toute batterie ennemie qui se révèlerait L’Infanterie utilisera ensuite la préparation d’artillerie pour se rapprocher de ses premiers objectifs et les enlever par une progression continue .



Les chars de combat amenés jusqu’au couvert de Bar Elias accompagneront l’attaque de l’infanterie et s’efforceront de prendre à revers les défenses de la troupe de Medjel Anjar. La colonne d’Auzac, pendant sa progression de Bar Elias sur Kefer Iabous aura pour mission de tenir, par des flancs gardes fixes les hauteurs de Chalois- Kefer Tabous et du col de Betrouni de manière à assurer la sécurité complète de la circulation sur la route de Damas .

Les chars d assaut




En ce qui concerne l’aviation, l’escadrille divisionnaire devait le premier jour effectuer une reconnaissance détaillée de l’Anti-Liban notamment entre la Bekaa et le Sahel de Djedeideh et pousser une reconnaissance à grand rayon pour rechercher les camps et les mouvements de l’ennemi jusqu’à Damas .Le groupe de bombardement participerait à l’attaque et l’accompagnerait en bombardant les objectifs ennemis qui pourraient échapper à l’action de notre artillerie .Je note, en terminant, que pour parer et si besoin était, à la destruction des ponts de Litani (bras Est) par les Chérifiens le matériel de pontage nécessaire devait être envoyé de Beyrouth à la gare de ravitaillement .






ULTIMATUM






Maintenant que les dispositions initiales sont prévues et les ordres prêts à être distribués reprenons le récit des évènements .




Le 14 Juillet le Général Gouraud a renvoyé à l’Emir Faycal un ultimatum énumérant les exigences suivantes :


1) Disposition absolue de la voie férrée de Rayak, Baalbeck, Homs, Hama et Alep surveillée par des commissaires militaires français secondés par un détachement armé destiné à assurer la police des gares et l’occupation de la ville d’Alep, nœud important de communications que nous ne saurions laisser tomber entre les mains des troupes Turques .


2) Abolition de la conscription, le recrutement devant cesser complètement . Les libérations des contingents ramèneront l’Armée aux formations et aux effectifs qu’elle possédait au premier Décembre dernier .


3) Acceptation du mandat francais Le mandat respectera l’indépendance des populations syriennes ; il acceptera le principe du gouvernement par les autorités Syriennes régulièrement investies de leur pouvoir par la volonté populaire. Il ne comportera de la part de la Puissance mandataire qu’un concours apporté sous forme d’aide et de collaboration mais, en aucun cas ne prendra la forme coloniale d’une Annexion ou d’une Administration directe..


4) Acceptation de la monnaie Syrienne . Cette monnaie devenant la monnaie nationale en zône Est , toutes les interdictions ayant atteint jusqu’ici (pour cette zone) la Banque de Syrie sont levées .


5) Châtiment des coupables les plus compromis par leurs actes d’hostilité à la France .



Il faut avouer que le Haut Commissaire faisait preuve d’une grande longanimité en envoyant à Faycal, après tant de preuves de duplicité et de trahison , un ultimatum au lieu d’ordonner immédiatement la marche sur Damas ! Nous tous faisions des vœux pour que ‘’ Le délire des grandeurs ‘’ poussât l’Emir à tergiverser encore ou à répondre carrément : Non !



A l’occasion de la fête Nationale le Général Gouraud passa les troupes en revue successivement au camp d’Aîn Sefar et sur la place des canons à Beyrouth . Ces deux prises d’armes furent très brillantes et de nature à faire sérieusement réfléchir le Gouvernement Chérifien qui recevait au même moment l’ultimatum .



Dans la journée du 15 nos avions survolèrent Damas, Homa, Hama et Alep et y lancèrent une proclamation pour rassurer les populations en les éclairant sur la nature du mandat confié à la Françe pour le bonheur et la prospérité de la Syrie .



Le 19 aucune réponse n’est arrivée . Je quitte Beyrouth avec mon Etat-Major pour coucher à mon P.C. d’Aîn Sofar Les avions vont de nouveau demain survoler les mêmes localités en lançant des proclamations.



Toute la journée du 20 courses en Auto d’un point à un autre d’abord à Alley, où je prends un dernier contact avec l’Etat-Major de l’Armée, puis dans la Bekaa où je vais voir mes chefs de corps à Kab Elias, Malaka – Zahlé . Je n’arrive à mon P.C. chez les pères Jésuites de Tan Aîn , qu’à 21 Heures . Je vais demander à diner à l’hospîtalière popotte de l’aviation où je trouve le Général Garnier Duplessix qui va s’installer à Tain Aîn pendant les opérations . Le terme extrême fixé par le Haut commissaire pour la réponse à l’ultimatum est minuit . Nous attendons avec anxiété.




A minuit le Général Gouraud téléphone : ‘’ Pas de réponse de l’Emir . Le fil télégraphique a été coupé sur le territoire chérifien . La marche sur Damas va commencer le 21, dans les conditions prévues . ‘’


Je donne aussitôt l’ordre d’ exécution .


Croquis operations 3e division infanterie juillet 1920 sur damas

JOUR J , Heure H







Le 21 Juillet à 4h30, nos troupes commencent à traverser le Litani. Les ponts sont intacts . Les chérifiens ont retiré leurs postes de la rive gauche . Peut être n’est ce qu’un piège ? Aussi la marche continue –t-elle en formation préparatoire de combat . Nous montons à cheval, passons à notre tour le Litani et je reçois bientôt un compte rendu me faisant connaître que la garnison chérifienne de Medjel Anjar ne s’est pas défendue ; on la désarme . Notre premier objectif, la ride de Medjel- Anjar était donc atteint sans coup férir . Comme conséquence, le défilé de l’Oued-el-Harir nous était ouvert . Inutile, dans ces conditions, de perdre du temps à continuer l’opération en formation aussi ouverte . Je donnais donc l’ordre au général Bordeaux de former notre avant-garde sur la route de Damas avec une partie du groupement d’Auzac, le reste de ce groupement continuant sa mission de flanquement sur notre gauche . Le groupement Paulet et toute l’artillerie montée se formait en colonne et continuait sa progression par la grande route . Rien de changé pour les colonnes Bétrix et Massiet qui conservaient leurs itinéraires , leurs objectifs et leurs missions .





Marchant moi-même avec notre Etat-major derrière l’avant-garde, je vis arriver une automobile, venant de la direction de Damas, occupée par le Colonel Cousse de la mission francaise auprès de l’Emir Faycal et plusieurs officiers chérifiens .Le Lieutenant-Colonel était pâle d’émotion et me dit ‘’ Que faites vous , mon général ? Vous avez envahi le territoire Chérifien et cependant l’Emir Faycal s’est incliné devant toutes les exigences du Haut-Commissaire ! ‘’


Je lui repondis simplement : ‘’ J’ai l’ordre du Général Gouraud de marcher sur Damas, j’exécute une mission militaire nettement définie . Voyez à l’arrière pour les questions diplomatiques . ‘’ Et nous continuâmes notre marche pendant que l’auto filait sur Aley .





Un défilé sur la route de Beyrouth à Damas


La matinée s’avançait et , dans ces gorges arides et dénudés , la chaleur devenait réellement effroyable. Les noirs souffraient beaucoup du manque d’eau ; d’autre part les bataillons Sénégalais , comme les tirailleurs du 2ème régiment avaient marché une partie de la nuit pour se mettre face à leurs objectifs d’attaque . Il fallut multiplier les haltes, utiliser jusqu’à la dernière goutte des eaux croupissantes de deux citernes que nous savions exister au bord de la route , regrouper les nombreux traînards .Entre temps, les renseignements donnés par les reconnaissances d’aviation viennent confirmer la retraite des Chérifiens vers Damas . En ce qui nous concerne il s’agit de gagner sans répit le plus de terrain possible vers l’avant . Voyant une colonne arriver par sa tête au faîte de l’Anti-Liban je rejoins le Lieutenant Colonel d’Aussac, qui , vers 17 Heures, après une marche épuisante est parvenu à Aîn Djedeideh .Il vient de grouper ses commandants d’unité pour leur donner l’ordre de camper, mais je fais appel à l’énergie de tous pour obtenir encore un gros effort . Il faut absolument que la ligne de hauteurs qui borde à l’Est le Sahel d’Aîn Djedeiedeh domine le fossé de l’Oued Zorzor et commande dans toute la longueur le défilé de l’Oued Korn, soit fortement tenue par mes avants-postes .

 

Défile Oued Korn vu d avion

 

Le groupe d’Auzac se remet donc en marche, cédant son emplacement au gros de la colonne et se porte sur la ligne Col de Batrouni-Héloa. Ala tombée de la nuit la division est est couverte contre toute attaque chérifienne et pourra déboucher le lendemain dans la direction de Khan Meiseloun.





J’installe mon P.C. au centre du bivouac de la division dans les bâtiments ruinés du caravansérail d’Aîn Djedeideh Tandis que je prépare mes ordres pour le 22, le régiment de Spahis marocains , ayant atteint la région de Yanta vers 17 Heures, établit sa liaison avec la colonne vers 18 heures . Pas de nouvelles de la colonne Bétrix qui avait reçu comme objectif de fin de journée le col d’El Kneisseh . Disons de suite que, trompée par son guide cette colonne se rabattait pendant la nuit sur la route de Damas et rejoignait le bivouac de la Division à 3 Heures du Matin.




Un incident nous montre que les chérifiens ont l’intention de tenir sur l’Oued Zorzor pour nous interdire le débouché du défilé de l’Oued Korn : Les chars de combat qui marchaient avec l’avant-garde avaient reçu l’ordre de gagner la sortie du défilé vers l’Oued Zorzor afin de tenir ‘’cette porte’’ à notre disposition ; quatre ou cinq obus de 105 les saluèrent à leur débouché et le Lieutenant commandant la section fut obligé d’abriter ses chars .


Le Lieutenant Colonel d’Auzac ayant dû laisser en flanc garde plusieurs de ses compagnies je complétai et je renforçai son avant-garde par un bataillon de Sénégalais (bataillon Gauthier ) et une compagnie du 415 ème ( La compagnie Klepfenstein )










DIPLOMATIE - HESITATIONS – DECISIONS








Dans l’après midi, le Colonel Pettelat , chef d’Etat-major de l’armée accompagnée du Lieutenant-Colonel Goudet, du même Etat-Major , étaient venu nous rejoindre au camp d’Aîn Djedeideh. Il devait, en cas de difficulté d’ordre politique et de rupture de communications avec Aley, représenter auprès de moi la pensée intime du Haut-Commissaire.



Pendant la nuit une mission Chérifienne accompagnée du Colonel Toulat, chef de la mission Française à Damas se présente à mon P.C. pour rappeler que l’Emir Faycal a accepté tous les termes de l’Ultimatum et pour demander un nouveau délai afin de permettre au gouvernement Chérifien d’étudier la situation nouvelle créée par notre marche en avant. Nous examinons la question avec le Colonel Pettelat Le Colonel Toulat nous apprend que la nouvelle de la marche en avant de la colonne a produit , sur la population de Damas, une émotion considérable Il y a eu des échauffourées assez violentes et les consuls étrangers s’inquiètent à la pensée que le massacre des Chrétiens peut-être la conséquence de notre intervention.





En somme, suspendre la marche pendant 24 H présente pour nous les avantages suivants :


1) Accorder à nos troupes un repos bien utile après une nuit sans sommeil et une marche épuisante à travers des montagnes désolées, sans eau, brulées par le soleil.


2) Resserrer les liaisons dans une division rassemblée pour la première fois depuis 24 Heures et où bien des questions avaient besoin d’être mises au point.

3) Faire preuve de bonne volonté vis-à-vis des consuls étrangers qui représentaient à Damas , l’Europe Chrétienne .



En revanche, notre arrêt sur place présentait le grave inconvénient de nous faire perdre le bénéfice de la rapidité de notre opération et de permettre aux Chérifiens de compléter leurs défenses en face du débouché de l’Oued Korn et de parachever, aux points sensibles, le rassemblement de leur personnel et de leur matériel . Nous décidâmes , néanmoins, d’accorder 24 H d’arrêt dans les opérations . En échange le Gouvernement Chérifien concédait à nos troupes la libre disposition de la voie férrée D.E.P. entre Rayak et El Téquié , et la possession de cette dernière gare pour y opérer notre ravitaillement . A cet effet, nous utiliserions librement le chemin de la rive gauche de l’Oued Zorzor, chemin qu’il nous avait été impossible de reconnaître encore.



Nos conditions étant acceptées par la mission Chérifienne, elle continue vers Aley pour conférer avec le Général Gouraud .


Mon premier soin, le lendemain matin ( 22 Juillet) fut de faire reconnaître la viabilité du chemin de la rive gauche de l’Oued Zorzor. Cette reconnaissance permit de constater qu’il était seulement muletier ; or pour transporter la charge d’un train de ravitaillement d’El Tequié à Aîn Djedeideh, il aurait fallu employer tous les mulets de la colonne y compris ceux portant les canons et les mitrailleuses . On ne peut pas songer à désarmer la colonne même pendant quelques heures . La route carrossable utilisable pour nous était celle de la rive droite qui d’El Tequié rejoignait la route de Damas un peu en aval de Khan Meiseloun .




D’autre part le prolongement de notre stationnement dans le Sahel d’Ain Djedeideh nous mettait en présence de deux angoissants problèmes .



D’abord celui de l’eau . En asséchant quotidiennement les cinq sources d’Aîn Djedeideh nous arrivions à peine à nous procurer 20.000 litres d’eau. Or pour abreuver hommes et animaux il m’en fallait 90.000 litres . C’était donc 70 .000 litres d’eau que des citernes automobiles devaient m’apporter chaque jour de la Bekaa. La division était à la merci de panne d’accidents de route sur ce long trajet à travers les dures pentes de l’Anti-Liban. C’est peut-être ‘’ La bataille pour l’eau ‘’ qu’il nous faudrait livrer.



Un autre motif nous interdisait la prolongation de notre stationnement : le Sahel d’Aîn Djedeideh , emplacement millénaire pour les caravanes , était devenu vraisemblablement un de ces ‘’champs maudits ‘’ dont parle Pasteur où le charbon existe à l’état endémique . En effet brusquement dans la matinée, plusieurs animaux, dont le cheval de l’un de nos officiers d’Etat-Major, mouraient, en une heure, de cette terrible maladie.




J’écrivis donc au Général Gouraud pour insister sur la nécessité absolue d’exiger, en cas d’arrêt des opérations sur Damas, le stationnement de la division autour des abondantes sources de Khan Meiseiloun, avec son ravitaillement assuré par la bonne route d’El Téquié et les rails du D.H.P. jusqu’à la Bekaa. Ma demande se croisa avec la copie des dernières conditions que le Général Haut Commissaire mettait à l’arrêt de l’offensive vers l’Est :







1) Publication à Damas d’un document exposant comment la marche de l’armée Française a été entreprise et comment elle a été arrêtée .

2) Maintien de notre colonne dans la région atteinte limitée à l’Est par le ruisseau d’El Téquié .

3) Disposition absolue de la voie férrée Rayak-El Téquié .

4) Retrait des détachements chérifiens placés à l’Ouest et au Nord de l’Oued Zorzor, y compris ceux de la Bekaa.

5) Cessation immédiate de l’appui donné par le gouvernement de Damas aux bandes opérant en Zone Ouest et notament celles de Cheik Saleh .

6) Remise en magasin des armes des soldats libérés et désarmement progressif de la population .

7) Installation à Damas d’une mission française opérant comme commission de contrôle de l’exécution des conditions imposées et comme centre d’études et de collaboration pour l’organisation et le fonctionnement , sous le mandat de la France, en Zone est , des départements ministériels et services publics .







En cas de non éxécution d’une de ces clauses ou d’hostilité contre les troupes françaises en quelque point que ce fut, la colonne devait reprendre toute sa liberté d’action. Les exigences nouvelles dont j’avais démontré la nécessité ne pouvaient que rendre plus difficile leur acceptation par l’Emir .Aussi ne fûmes nous pas étonnés de voir , dans la nuit, le Colonel Toulat apporter une réponse négative au nouvel ultimatum du Haut Commissaire .




Nous apprimes d’ailleurs qu’une agression chérifienne injustifiable s’était produite dans la journée du 22 sur la route de Homs à Tripoli au poste de Tel Kala.Un détachement de 400 Réguliers munis de 2 canons et de mitrailleuses avait attaqué brusquement les avant- postes du Lieutenant Colonel Mensier qui leur avait infligé un sanglant échec . Je verrai toujours la scène impressionnante qui se joue dans le réduit à peine couvert qui me servait de bureau . Le Colonel Toulat prit le téléphone pour communiquer avec le Général Gouraud et lui rendre compte de la réponse négative de l’ Emir Faycal . Répondant , sans doute , à des objections formulées par le Général , le Colonel Toulat ne lui cacha pas qu’un arrêt dans notre marche sur Damas serait la fin de notre prestige au Levant . Immédiatement après le Haut Commissaire me téléphonait l’ordre de continuer mon mouvement .









LA SCENE ET LES ACTEURS DU DRAME


Le Liban entre Beyrouth et Damas






Avant de passer au réçit de la journée du 24 qui devait être celle de la victoire de Khan Meiseloun il semble indispensable d’essayer de faire un croquis du terrain où nous allions combattre et de faire connaître les ordres donnés à l’avance en vue de la reprise des hostilités .
Seuls le jour J et l’heure H restaient à notifier aus éxécutants . Comme nous l’avions dit plus haut le Sahel d’Aîn Djedeideh est dominé à l’Est par la haute chaine du Djebel Zebdani qui se prolonge vers le sud , jusqu’aux pentes nord de l’Hermon, par les hauteurs d’Héloa et d’El Kneisseh . C’est une des régions les plus abruptes de l’Anti Liban , les crêtes sont déchiquetées , les pentes profondément ravinées et semées de tours et de clochetons rocheux .




Dans la partie qui nous intéresse cette bordure montagneuse est perçée :




1) Au Nord , à l’extrémité sud du Djebel Zebdani , par le sentier du col de Batrouni qui fait communiquer le sahel d’Aîn Djedeideh avec la vallée du Barada, à El Tequié

2) Au centre, par le défilé de l’Oued Korn, suivi par la route de Damas durant 6 kilometres
3) Au sud par le passage d’El Kneissèh permettant de gagner Khan Meiseloun par Deir el Achaîr .
4) Plus au sud , un sentier de crêtes permettant de se rendre de Kiefer Kouch, vallée du Rachaya , vers la route de Damas au-delà de Dinès .


Les communications 1.2.4. étaient des sentiers muletiers Le passage 5 seul était accessible à notre artillerie de campagne et à nos trains, mais son débouché était maîtrisé par la position Chérifienne dont nos observateurs apercevaient les canons et les tranchées sur les hauteurs de la rive droite de l’ Oued Zorzor Il n’était donc utilisable qu’après la prise de ces hauteurs c'est-à-dire après une première victoire . D’autre part les reconnaissances faites par mon ordre avaient permis de constater qu’il était possible de trouver, en dehors des passages indiqués ci-dessus, des cheminements à travers les pentes utilisables par nos fantassins et même, avec quelques précautions, par notre artillerie de montagne . Il résulte de ce qui précède qu’il nous était impossible de faire participer toute notre artillerie à la rupture de la première ligne chérifienne .



L’artillerie de campagne, moins une batterie utilisable à la rigueur vers le débouché de l’Oued Korn en prenant, certes, de grandes précautions de défilement , devait attendre pour entrer en action le couronnement des crêtes de la rive droite . Nous pourrions nous servir, au cours du premier engagement , de toutes nos batteries de montagne et , heureusement , dès que l’ordre en serait donné , de notre puissante batterie de 155 court Schneider . De son emplacement du Sahel Djedeideh elle pouvait battre avec succès les organisations ennemies . Un excellent observatoire , relié par téléphone à la Batterie (P.C.de combat qui devait me servir dans le début de l’action) avait été organisé dès notre arrivée au bivouac . Cet observatoire nous permettait de voir 2 batteries ennemies . Vraisemblablement d’autres batteries étaient installées sur le revers Sud-Est de la position Chérifienne.



Nos avions nous avaient signalé de nombreux mouvements de troupes venant de Damas et s’installant autour de Khan Meiseloun Quelques unités sans doute armées de canons se voyaient vers Zebdani.. Les troupes Chérifiennes qui nous étaient opposées comprenaient plusieurs milliers de réguliers de toutes armes encadrés par des officiers issus de l’école militaire de Constantinople qui pour la plupart avaient fait la Grande Guerre , dans les rangs turcs ou allemands Il fallait y joindre un grand nombre d’irréguliers (principalement de Bédouins) et des volontaires fanatisés par les excitations officielles contre les Français .

 

Vue aérienne route de Beyrouth à Damas et mosquée d El Tekieh


Cette armée était commandée par le Ministre de la Guerre Chérifien, le Colonel Youssef Azme Bey Cet ancien aide de camp d’Enver Pacha, intelligent et très ambitieux, comme son ancien patron , était à la tète des extrémistes de la zone Est et notre irréconciliable ennemi . Il s’était attaché avec beaucoup d’activité et de ténacité à la tache d’organiser l’armée Chérifienne Ce n’était, certes pas , un adversaire à dédaigner . La reconnaissance du terrain des attaques , les renseignements obtenus par divers moyens , les organisations de l’ennemi m’avaient amené à l’idée de manœuvre suivante :




Attaquer de Front avec une puissante avant-garde, les hauteurs de la rive droite de l’Oued Zorzor, à cheval sur la route de Damas en s’efforçant de débarquer la gauche ennemie par le sud de Deir el Achair , avec le régiment de spahis marocains , dont les escadrons composés de vieux spahis étaient habitués à combattre à pied avec l’appui d’une excellente compagnie de mitrailleuses. Cette manœuvre permettra de gagner les hauts de terrain par rapport à la position ennemie et de se porter sur sa ligne de communication avec Damas

Le lieutenant Colonel Massiet devra lier constamment sa manœuvre à l’attaque du Lieutenant-Colonel d’Auzac La batterie de 155 C/S de la position qu’elle occupe à l’entrée du défilé de l’Oued Korn combattra l’artillerie ennemie et brisera les obstacles qui s’opposent à la marche de l’avant-garde. L’heure d’attaque est fixée à 5 heures .


Le poste de commandement du Gènéral Goybet  à la veille du combat de meizeloun

Croquis pour opérations 3eme D.I. sur Damas par le général Goybet

KHAN MEISELOUN




veille de la bataille de Meyzeloun



Au moment où va se produire l’attaque les emplacements de la division sont les suivants :


1) Troupes d’attaques sous le commandement du Lieutenant Colonel d’Auzac

a) La compagnie Guilerme (Bataillon About du 2eme Tirailleurs Algériens ) est au débouché même du défilé sur l’Oued Zorzor.
b) La section de chars de combat Dievard, accompagnée par la Cîe Klopfenstein du 415 éme et par la demi Cie du génie Mauboussin sur la route de Damas prête à déboucher .
c) Le Bataillon Paoletti du 2ème Tirailleur Algériens au Nord de la route sur les crêtes et les pentes de la rive gauche
d) Le Bataillon Meignan ( 10 ème Sénégalais ) sur les hauteurs d’Héloa avec une demi Bie de 65 .
e) Le Bataillon Gauthier (11 ème Sénégalais ) au col d’El Kneisseh avec une ½ Bie de 65 .
f) La Bie de 75 Robert en batterie au débouché Est du défilé .
g) La Bie de 155 C/S en batterie au débouché Ouest du défilé .
N.B. Personnellement je me tiendrai près du Lieutenant Colonel d’Aussac , dès que j’aurai vu le commencement de l’engagement du haut du P.C. de combat que j’ai fait organiser avec téléphone vers l’observatoire de l’artillerie lourde, au piton de Batrouni .

2) Mission spéciale Le régiment de Spahis Marocains dans la région Sud du col d’El Kneisseh .

3) Troupes réservées sous les ordres du Général Bordeaux (l’Escadron de cavalerie , ½ Compagnie du Génie , 1 Bataillon du 415 ème , 1 Bataillon du 11 ème Sénégalais, 2 Bies de 75 ) rassemblées au camp d’Aîa Djedeideh prêtes à serrer sur l’entrée Ouest du défilé (mouvement effectué à 5h30 .)
4) Convoi et arrière – garde ( 1 Bataillon de Sénégalais ) rassemblés au Camp d’Aîn Djedeideh , sous les ordres du Colonel Béatrix, prêts à suivre le mouvement de la colonne .
5) Postes fixes ) Le Piton et le col de Batrouni restent tenus par un flanc-garde fixe d’une compagnie .Une compagnie et une compagnie de mitrailleuses flanquent à Klefer Iabous, le rassemblement de la division .
6 ) L’aviation prendra l’air au petit jour, reconnaîtra les mouvements et les nouveaux travaux de l’ennemi, bombardera ses rassemblements et aidera, le cas échéant, l’artillerie à écraser les défenses Chérifiennes .



Au camp les hommes se réveillent . Certains ont dormi leur dernière nuit, pourtant pas un ne songe au danger prochain, tous sont joyeux, car l’ordre tant attendu est arrivé, enfin le jour qui commence sera un jour de bataille ! Tous le yeux sont tournés vers l’Orient où, sous le soleil qui se lève sur son opulente oasis, s’éveille Damas-la Sainte, Damas la Mystérieuse, dont nous rêvons depuis tant de jours . Je me rends à cheval avec l’un des officiers et quelques cavaliers d’escorte à l’observatoire de l’artillerie lourde au piton sud de Batrouni , d’où je compte suivre les premières phases de l’engagement . Nous nous hâtons , car je veus être sur place au premier coup de canon . Au bout d’un quart d’heure d’une montée rapide nous mettons pied à terre ; nos chevaux commençant à se profiler sur la crête, d’ailleurs notre poste, occupé déjà par nos téléphonistes est tout proche .


Non loin de là le Capitaine Mamessier, commandant la Batterie de 155 C/S, est à son observatoire et s’assure du bon fonctionnement de sa ligne téléphonique . La merveilleuse lumière d’un matin d’Orient éclaire le paysage Les teintes transparentes d’une délicieuse aquarelle étaient à l’horizon les fraîches irisations de gigantesques nacres A nos pieds, les clochetons rocheux du ravin de l’Oued Korn précisent leurs détails et profilent leurs bizarres silhouettes entre lesquelles commencent à se glisser les petites colonnes du Lieutenant Colonel d’Aussac

Général Goybet et ses troupes à Meizeloun

Sur les crêtes Ouest de l’Oued Zorzor, les tranchées ennemies dissimulées dans les pentes rocheuses ne décèlent aucun mouvement Nous apercevons assez nettement les deux batteries signalées par l’aviation, d’autres se cachent, sans doute, sur les pentes descendant vers Khan Meiseiloun . Des coups de feu et le ‘’ Tac–tac-tac ‘’ des mitrailleuses se mettent à crépiter vers le point où la route traverse l’Oued Zorzor . Nous savons par nos reconnaissances que les chérifiens ont organisé une sorte de blockhaus dans une maison en ruines, qui , sur la rive étroite de l’Oued complètement desséché, domine le passage ; c’est là que se produit le premier engagement .


Bientôt la batterie de 75 Robert qui s’est placée dans un élargissement de la gorge de l’Oued Korn, au nord de la route , ouvre le feu pour appuyer la marche de l’infanterie . Elle est immédiatement prise à partie par le canon Chérifien : il lui fait subir des pertes sensibles . Elle continue néanmoins son tir , appuyé bientôt par une ½ batterie de 75 qui réussit à s’installer au Sud de la route, dans une position beaucoup mieux défilée Disons de suite, à la décharge du Capitaine Robert qu’il a dû se mettre en batterie pendant la nuit ce qui rendait difficile d’assurer totalement le défilement de ses pièces et de son personnel .


Notre batterie de 155 C/S prenant pour objectif successivement chacune des 2 batteries ennemies déjà dévoilées commence un tir parfaitement réglé par le Capitaine Maymessier et leur impose silence , au moins pour le moment .
Vers l’extrème droite, j’aperçois , sur les flancs du bassin supérieur de l’Oued Zorzor , des patrouilles de cavalerie qui indiquent que le mouvement prescrit au Colonel Massiet s’exécute dans de bonnes conditions .
A gauche des éléments du 2ème R.T.A. ont franchi l’Oued Zorzor et se mettent à gravir les pentes de la position ennemi sous des feux très denses de fusils et de mitrailleuses .
Au centre, enfin, aidé par les sapeurs du Capitaine Mauboussin et les fantassins du 415ème (Compagnie Klopfenstein) les chars de combat du lieutenant Diévard ont pu traverser l’Oued et la coupure fortifiée organisée sur la route par les chérifiens. Ils s’avancent en mitraillant les tranchées ennemies échelonnées à droite et à gauche de la chaussée, appuyant ainsi la marche du bataillon About qui se manifeste à notre gauche .

Je suis très étonné d’apercevoir encore un campement sur les hauteurs d’Héloa où le bataillon Meigna a passé la nuit . Ce bataillon devrait être déjà dans le lit de l’Oued Zorzor, leur progression est à peine sensible .

Très loin , à droite de Deir el Achnaîr uen violente fusillade indique le combat mené par le Bataillon Gauthier .

Il y a un trou au milieu de notre ligne de bataille. Il devrait être rempli par le Bataillon Meignan ; qui chose incompréhensible n’a pas encore débouché . Nous menons deux batailles séparées, c’est incontestable . Quelqu’en soit le motif, il est urgent de prendre une décision : j’envoie de suite à un Bataillon de la réserve (Bataillon Fourcade du 11ème R.T.S ) l’ordre de se porter en avant et d’opérer à droite des chars de combat en liaison avec leur attaque ; je fais venir le Colonel Paulet du 11 ème RT.S. et lui prescrit avec quelques cavaliers rejoindre le Bataillon Meignan et Gauthier et de se souder, le plus tôt possible , à l’attaque du Lt Colonel d’Aussac . Le Lieutenant Colonel Paulet est au courant de visu de la situation, il est donc à même d’intervenir en toute connaissance de cause. Mais quand ? Je compte beaucoup sur l’action immédiate du Bataillon Fourcade qui, je l’espère, sera décisive . En ce moment nous mordons à belles dents dans l’armée de Faycal , mais ‘’l’os n’a pas encore craqué ‘’ .

A 10 Heures 30 les Tirailleurs Sénégalais du Capitaine Fourcade débouchent enfin du défilé . Sous le feu très vif des fusils et des mitrailleuses , le Bataillon se déploie d’une manière parfaite, comme à la manœuvre . Les unités sont échelonnées vers la droite pour parer à toute éventualité d’agression sur le flanc de l’attaque . Le spectacle de cette progression effectuée avec tant d’ordre et de régularité est réellement impressionnant .Les chars de combat manoeuvrent en zigzag au sommet des pentes . Ils ont l’air de gros scarabées s’agitant au milieu de fourmis affairées .



L’entrée en ligne de nouveaux éléments ne tarde d’ailleurs pas à se faire sentir, les groupes de combat des bataillons Paoletti et About bien appuyés maintenant à leur droite gravissent à leur tour les ressauts successifs des rochers supérieurs et les tireurs ennemis ne tardent pas à évacuer la première crête ; la deuxième est enlevée à son tour à la baïonnette .


Le commandant en chef de l’armée Chérifienne Colonel Youssef Asme Bey vient d’être tué à son poste de commandement , sans doute par un obus lancé par un des chars de combat . Cette fois ‘’l’os a craqué’’ .L’ennemi lâche pied, abandonnant sur le terrain canons et mitrailleuses et fuit dans la direction de Damas , harcelé par nos avions , notre canon et les détachements avancés d’une nouvelle avant-garde rapidement constituée .Je suis arrivé à cheval, avec mon état major , sur la position conquise. Aussitôt nous prenons toutes les dispositions pour poursuivre l’ennemi et occuper, dès que possible le point d’eau de Khan Meiseiloun . C’est une question vitale car c’est bien ‘’ Le combat pour l’eau’’ que nous venons de livrer . Il fait une chaleur torride . Sous un soleil implacable nos hommes ruissellent de sueur et les bidons sont vides depuis longtemps .


En conséquence les ordres suivants sont donnés : Continuer la marche sur Damas avec 2 Bataillons en première ligne à droite et à gauche de la route . 1 Bataillon en réserve immédiate sur la première crête de à l’Ouest de Khan Meiseloun . Artillerie déployée . 2 batteries de 75 encadrées par 2 batteries de 65 sur la crête à 500 m de la source de Khan Meiseloun . Le gros et les convois suivant à leur distance .


Sur la première position enlevée, nous avons trouvé 5 canons et de nombreuses mitrailleuses, une grande quantité de munitions . Le terrain est semé de cadavres parmi lesquels nous trouvons celui du Colonel Asme Bey , près de son P.C. d’où les fils téléphoniques rayonnent sur tout le champ de bataille .


Pendant que le mouvement continue sur Khan Meiseloun , des renseignements nous arrivent sur les actions engagées à notre droite . Le Bataillon Gauthier s’est mis en marche à l’heure prescrite de la région d’El Kneisseh dans la direction de Deir El Achaîr . A son débouché sur le ravin de l’Oued Zorzor son avant-garde est accueillie par un feu violent de mousqueteries et de mitrailleuses^partant des crêtes escarpées de la rive droite . Toute progression devenant bientôt impossible le Capitaine Gauthier fait appel à sa ½ batterie de 65 , celle-ci prise sous un feu très dense, perd rapidement une partie des ses mulets et n’arrive pas à mettre ses pièces en batterie . Après avoir , en vain , cherché la liaison avec le bataillon Meignan et le régiment de Spahis, le Capitaine Gauthier, réduit à ses propres forces , progresse lentement, par infiltration de petits éléments jusqu’à 10 heures 30 , heure à laquelle les Chérifiens attaqués au sud par les spahis marocains, commencent à fléchir et à céder le terrain .


Le Bataillon peut, enfin gagner les hauteurs à l’Ouest de Khan Meiseloun , au contact avec les autres unités d’attaque de la Division .

Le régiment de Spahis marocains a quitté son bivouac à 2 heures 45 . Après une marche à pied sur une piste très difficile, il débouche à 5 H dans l’Oued Zorzor à 2 Kilomètres au sud du village de Mezrat. Un peloton est envoyé sans succès pour faire la liaison avec le Bataillon Gauthier . Arrêtée devant les hauteurs de Deir el Achaîr , vers 6 Heures, l’avant-garde escarmouche avec des groupes de cavaliers chérifiens et prend bientôt sous le feu des ses mitrailleuses une nombreuse troupe de méharistes qui essaie un mouvement tournant sur notre droite . Les méharistes culbutés fuient en désordre vers Khan Meiseloun . Bientôt un escadron et une ½ C.M. prennent pied sur le mouvement de terrain dominant, au sud de Deîr el Achaîr . Entre 9 et 10 heures le régiment tout entier à pris pied sur la rive droite de l’Oued Zorzor et cherche par une pénible ascension à gagner les hauteurs où l’Oued Meiseloun prend sa source, tournant ainsi la gauche de la position chérifienne

Ce mouvement est terminé à midi, trop tard malheureusement pour couper la direction de Damas aux troupe de Faycal s’écoulant sur la route en une retraite désordonnée Les spahis ne font que quelques prisonniers sur les crêtes qui dominent Khan Meiseloun .

Soldats Syriens à la bataille de meizeloun



REVRENONS A L’ATTAQUE DU CENTRE :





A partir de 12 heures l’avant-garde de la division entame la poursuite des forces chérifiennes . Nulle part on ne trouve de résistance . Une centaine de prisonniers restent entre nos mains . Un matériel considérable demeure abandonné par sur la 2ème position et, plus en arrière , 15 canons, une soixantaine de mitrailleuses, une grande quantité de munitions d’infanterie et d’artillerie, du matériel d’ambulance .


Le gros de la division est arrêtée dans la région de Khan Meiseloun couvert par l’avant-garde qui pousse ses unités jusque sur les crêtes au Nord et au Sud de la route à hauteur de Dimès .Vers 15 Heures le Lieutenant-Colonel Massiet me rend compte qu’il est en liaison avec notre avant-garde et qu’il va bivouaquer sur les pentes supérieures du Sahara-ed-Dimès, à 5 Kilomètres au Sud de la route . De ce point le régiment de Spahis surveillera facilement le vaste plateau désert qui nous sépare de l’oasis de Damas et couvrira le flanc droit de la division contre les entreprises possibles des montagnards du Djebel-Hermon. Les belle fontaines de Khan Meiseloun ont permis de désaltérer largement hommes et animaux . Il était temps d’arriver à l’eau ; les chevaux et mulets encore attelés se ruaient vers les abreuvoirs en dépit des efforts de leurs conducteurs !


Les quelques maisons composant le Khan étaient bondées d’approvisionnements de toute espèce. Nos hommes y trouvèrent , notamment, à leur grande joie, d’énormes rouleaux de pâte d’Abricot, une des spécialités de Damas. Une simple distribution put en être faite et contribua à rafraîchir agréablement tous les gosiers altérés .


A 16h30 le Lieutenant- Colonel Chef de la mission Française à Damas Accompagné d’un Colonel Chérifien, franchit les Avant-Postes et vient se présenter à moi. Le gouvernement Chérifien se rend à discrétion Nous ne trouverons plus de résistance organisée Ce qui reste de l’armée Chérifienne s’est retiré à 15 Kilomètres au Sud de la ville . J’exige le ravitaillement de la colonne par le Gouvernement de Damas , pendant trois jours ; l’entrée de la Division dans la ville et le défilé des troupes victorieuses dans les principaux quartiers, le lendemain du 25 Juillet . De plus ceux de nos blessés qui n’ont pas encore été évacués vers l’Armée seront dirigés ce soir même sur l’Hôpital Français de Damas où ils recevront plus vite les soins nécessaires . Toutes ces conditions sont acceptées . Reste à régler les détails du stationnement pour la nuit et de la marche du lendemain .




L’avant-garde sous les ordres du Lieutenant-Colonel d’Auzac (2 Bataillons de tirailleurs Algériens -1 Bataillon de Tirailleurs Sénégalais , 2 batteries de 75 , la batterie de 155 C/S, ½ Escadron occupe la région de Dimès –Col de Dimès ) de manière à assurer le lendemain le débouché de la division sur le plateau du Sahara ed Dimès.
Le gros de la division sur les ordres du Général Bordeaux bivouaque à Khan Meiseloun .

Le convoi s’installera à Khan Meiseloun à l’Ouest du point d’eau . Les camps de Dimès et de Khan Meiseloun seront couverts par un dispositif de sûreté très complet sur toutes les crêtes avoisinantes .
Le Bataillon de Lesdains du 2ème Tirailleurs arrivé de Djedeideh est chargé de recueillir le matériel ennemi et de procéder au nettoyage du champ de bataille .

 

Le soir de la bataille de mayssaloun 24 juillet 1920



Je monte en automobile pour refaire en sens inverse la route que nous avons parcourue le matin en combattant . Le soleil se couche dans la pourpre et l’or . C’est un vrai décor de victoire . En arrivant au haut des pentes qui dominent la rive droite de l’Oued Zorzor , près du P.C. du Colonel Asme Bey J’ai sous les yeux le panorama du terrain de l’attaque Les ombres bleues du soir qui tombe dessinent nettement les différents plissements et font ressortir avec vigueur les escarpements et les ravins . Tous les points de passage des hauteurs d’Keleoa et de Batrouni et, surtout, le débouché du défilé de l’Oued Korn , sont surveillés et puissamment commandés par la crête que j’occupe en ce moment ; je puis me rendre compte des difficultés que nous avons eues à surmonter et de l’excellence de la position défensive choisie par l’armée de Faycal .

Je visite au passage quelques blessés, qui, après un premier pansement attendent le passage des automobiles sanitaires . Je fais charger devant moi sur des camions de ravitaillement retournant à vide vers l’armée, les corps de nos glorieux morts tombés à proximité de la route . Malgré la surveillance exercée sur le champ de bataille, je crains, dans ce pays hostile , pour ces pauvres dépouilles, la nuit propice aux profanations et aux mutilations . Au débouché du défilé de l’Oued Korn, je trouve le Colonel Bétrix, avec l’arrière-garde poussant devant elle le convoi qui s’achemine vers le gros de la division . Le Colonel me rend compte des évènements de la journée à l’arrière de la colonne et des dispositions prises pour le ravitaillement et les évacuations . L’auto me ramène à mon P.C. de Khan Meiseloun .


combat-de-khan-meiseiloun-24-juillet-1920.jpg

 

Telegramme gouraud 24 juillet 1920 apres bataille de meiseloun

LA VILLE DES MILLE ET UNE NUITS






Ce matin, après tant de journées de fatigue et de nuits sans sommeil, j’ai fait un peu la grasse matinée. J’ai l’intention en effet de laisser s’écouler la division, partie à 4h30, et son lourd convoi et de remonter en automobile la longue colonne pour rejoindre, avant l’entrée à Damas , le régiment de Spahis Marocains qui a pris la tête .Le soleil est donc déjà haut dans un ciel implacablement pur. Lorsque nous nous préparons à quitter Khan Meiseiloun , J’y laisse les éléments nécessaires pour continuer le nettoyage du champ de bataille et tenir le point d’eau si important sur nos communications avec la Bekaa et Beyrouth.

A quelques centaines de mètres du P.C. que nous abandonnons, la route traverse un étranglement rocheux et tout de suite après, sur une hauteur à gauche, nous apercevons la petite oasis de Dimès et son village en terrasses superposées A défaut de drapeaux français, les habitants ont hissés sur leurs toits, en signe de soumission , de nombreux fanions blancs .De grands lacets dans un territoire blanchâtre et pulvérulent nous amène sur la lisière ouest dun Sahara ed Dimès C’est bien le désert brûlé par un ardent soleil, que nous comptions rencontrer Les rares blanc Jaunâtres comme tout le paysage , jusqu’à l’horizon où les pentes des montagnes se dégradent dans toute la gamme infinie des bleus et des roses . A notre droite le sommet lointain de l’hermon montre encore dans ses ravins des mouchetures de neige.

La neige ! Nous en sommes loin dans le Sahara de Dimès ! Bien que la matinée soit peu avançée , nos hommes ruissellent de sueur sous leur masque de poussière mais ils supportent gaiement la soif et la fatigue en songeant que Damas ‘’ La perle enchassée dans l’émeraude ‘’ est au bout de cette dure étape. Au bord de la route, à chaque pas, on trouve du matériel abandonné par les chérifiens dans leur fuite précipitée . Des cadavres d’animaux éventrés par les obus ou les bombes d’avions , pendant la poursuite , jonchent par endroits le sol. De grands vautours perchés sur ces charognes déjà gonflées par la chaleur ne dégagent à peine un passage de la colonne..

Bien que retardés par de nombreux arrêts auprès des chefs de corps et de détachements, nous finissons pourtant par dépasser le gros de la colonne puis l’avant-garde . Nous sommes maintenant au bord du plateau, la route plonge soudain dans une déchirure de terrain au tournant de laquelle nous apercevons de la verdure . C’est l’extrémité d’une ‘tentacule ‘ de végétation que l’oasis de Damas , la fertile ‘’ Ghoûta’’ pousse le long du Barada, dont nous voyons bientôt couler les eaux limpides sous l’obscurité fraîche des premiers arbres que nous rencontrons depuis la Bekaa .

 

Avant l'entrée A Damas : le passage du Barada.

Nous traversons la voie ferrée et nous sommes bientôt au premier village, où nous trouvons le Lieutenant-Colonel Massiet et ses Spahis Marocains Nous dépassons le régiment, ne gardant devant nous qu’une pointe de cavalerie Les arbres deviennent de plus en plus nombreux, nous voyageons à l’ombre, A l’ombre ! Cela me semble invraisemblable après tant de jours sans voir un brin d’herbe ; C’est la végétation de France qui nous entoure , peupliers, noyers arbres fruitiers très vigoureux ; certains troncs d’abricotiers sont de la taille de ceux des noyers .

Nous voici à Doumar où les riches Damascains ont des villas d’été . Beaucoup de fleurs. Les belles roses de Damas forment d’épais buissons au milieu des orangers chargés de fruits . Encore quelques Kilomêtres, puis la route franchit une brèche dans la muraille rocheuse qui nous sépare de la plaine de Damas, muraille qui traverse aussi à différentes hauteurs les sept bras formés par le Barada .

Par-dessus les beaux arbres de l’avenue qui longe, la rive gauche, le quai du bras principal du Barada nous apercevons de nombreux minarets parmi lesquels ceux de la grande Mosquée des Omniades dont la coupole domine le centre de Damas. Sur la rive droite, au-delà d’un vaste champ de manœuvre, sur une falaise de conglomérat argile rocheux , s’élèvent les vastes bâtîments de la caserne turque Hamidié . A notre gauche , le Djebel Kasyum échelonne sur ses pentes inférieures les terrasses étagées du faubourg de Salahya

Damas la caserne Hamidié



A 11h30 , le Gouverneur de la place , Général Noury Pacha, vient se présenter à moi, se mettre à notre disposition et régler les conditions de l’entrée des troupes dans la ville. L’étape ayant été très longue et très pénible, je décide d’accorder un long repos aux troupes qui s’installeront sur le champ de manœuvre au fur et à mesure de leur arrivée. L’entrée et le défilé dans la ville auront lieu l’après midi, entre 16 et 17 heures .En attendant, nous déjeunons dans une annexe de l’Arsenal . Les régiments arrivent peu à peu et se placent en formation de rassemblement sur les prairies de la rive droite du Barada . Tous ces mouvements s’exécutent dans un ordre parfait.


trois colonels francais reçoivent le général noury pacha venant régler entrèe à Damas des troupes du général Goybet.


Les comptes rendus des pertes subies sur le champ de bataille de Khan Meiseiloun sont fournis par les différents corps et services . Notre victoire nous a couté 52 tués et environ 200 blessés dont trois officiers . Ceux de nos blessés évacués la veille au soir sur l’Hôpital Français de Damas y sont parvenus à bon port . En traversant le quartier chrétien les voitures ont été littéralement couvertes de roses !

Groupe de prisonniers de l'armée cherifienne


A 16H45 , précédé d’une pointe de cavalerie et suivi par mon état Major je prends la tête de la colonne pour le défilé . J’étais seul entre le groupe de cavaliers et celui des officiers qui m’accompagnaient à la distance règlementaire Je me disais qu’avec mon brillant Képi de Général , j’étais une cible bien tentante pour un patriote damascain exaspéré par notre victoire Rien de plus facile que de tirer d’une terrasse ou de derrière un de ces moucharabiés qui aveuglent les fenêtres des maisons Musulmanes Il faut croire que notre coup de force de Khan Meiseloun avait calmé les nationalistes arabes ; il faut croire aussi que notre entrée dans la ville Sainte et la chute du régime Chérifien n’était peut être pas si mal vu de la population que nous pouvions le supposer ! Dans tous les cas aucun incident ne se produisit, aucune manifestation hostile n’eut lieu pendant toute la durée de la cérémonie Les visages des habitants qui nous regardaient passer indiquaient plus la curiosité que la haine.

 

Le drapeau du 415e rentre à Damas  (25 Juillet)



Les troupes venant du terrain de manœuvre débouchaient sur le quai de la rive gauche par le pont de la Mosquée d’El Tequieh dont les élégants minarets s’élançaient dans le ciel doré .

La mosquée d El Tequieh

 

Après avoir tourné devant l’hôtel Victoria , où un groupe d’Européens nous saluent respectueusement , la tête de colonne s’engage sur un nouveau pont celui de l’avenue de la gare du Hedjas ( avenue à laquelle les Damascains devaient, plus tard, donner mon nom ). Nous longeons ensuite le quai de la rive droite , gagnons la place du Séraf, celle du Mouchirieh , où se dresse la bizarre colonne, monument commémoratif de l’ouverture de la ligne télégraphique entre Constantinople et la Mecque . Nous passons ensuite à l’entrée des bazars et nous nous engageons dans la belle avenue Djemal-Pacha qui nous fait longer la façade monumentale de la gare du Hedjaz et nous conduit vers la grille de la caserne Turque , où je m’arrête pour voir défiler devant moi toute la colonne .

 

 

 

La gare du Hedjaz

 

 


Les troupes gagnent alors les emplacements qui leur ont été fixés de manière à tenir solidement la ville, tout en évitant de les disperser et de les mettre trop en contact avec l'énorme population qui grouille dans Damas. A cet effet, les cavaliers installent leur bivouac sur le champ de manoeuvres entre les casernes et le Barada,. Le 415 ème occupe les casernes turques, une partie de l'artillerie est à l'arsenal, le reste des troupes bivouaquent sur le terrain de l'ancien camp Anglais, vers le village Nezeh. Un bataillon et une batterie occupent la sortie sud du long Faubourg de Meidan, face au Hauran et à la région des bédouins.


Le général Goybet  victorieux entre dans  Damas


Toute la colonne se trouve donc en rassemblement articulé dans la partie Sud-ouest de l'oasis, prête à agir, le cas échéant, dans n'importe quelle direction . Notre artillerie lourde, en batterie au pied du Klaat Mezeh, tient sous son canon la ville aux 243 mosquées.
Les chars d'assaut, les auto mitrailleuses sont prêtes à évoluer dans les rues et les Bazars. Nous pourrons dormir tranquille notre première nuit Damascaine. Je vais m'installer dans la maison occupée jusqu'ici par l'Emir ZEID, le frêre de l'Emir Faycal. Mon état major est dans une maison voisine ; nous sommes entre les casernes et le camp Anglais par conséquent très bien placés par rapport aux différents groupements de la Division .

Damas remise des drapeaux aux tirailleurs senegalais

Après être allé, au- delà du village d'El Mezeh, voir l'ancien camp Anglais ou une partie des troupes de la Division organise leur bivouac, je songe à gagner le haut quartier D'Es-Salayeh, sur les pentes inférieures du Djebel Kasyun De là nous aurons une vue d'ensemble de Damas et de son oasis. C'est d'ailleurs, en ce point que Guillaume II, durant son célèbre voyage en orient, a été conduit pour admirer le panorama de la ville sainte . Notre suite traverse à nouveau le Barada et remonte la longue rue de Salaya . Nous y remarquons l'höpital militaire , les consulats des diverses nations, la maison où s'était installé l'Emir Faycal .
Nous parvenons bientôt aux dernieres constructions et , laissant l'auto nous gagnons à pied le sommet d'une partie basse de terrain collée sur les flancs du Djebel Kasyum .

 

Damas vue generale 1920

 

Damas la foule autour des chars d assaut

 

Vue aérienne de la citadelle

L'oasis de Damas s'étale devant nous . Dans la blonde transparence de cette soirée d'été, les milliers de toits en terrasse, les innombrables minarets se teintent d'un rose doré, sous les derniers rayons du soleil qui se couche derrière nous. Tout autour, sur des kilomètres de profondeur, c'est l'infini moutonnement de sombres frondaisons des fertiles jardins qui font à la "perle de l'orient" la "ceinture d'émeraude "chantée par les poètes arabes .
Vers le Sud , une chaîne de collines teintées de toutes les nuances du bleu, limite notre vue du côté du Hauran; vers l'est, l'horizon plus lointain s'estompe vers les avancées du désert de SYRIE, dans une brume transparente ou dominent les violets exquis et des mauves délicats . Nous restons muets devant la beauté du spectacle et nous jouissons avec ferveur du calme impressionnant qui nous entoure.



Il semble invraisemblable qu'hier encore ce fut la rude journée de combat , l'assaut forcené des lignes chérifiennes, la sanglante victoire de Khan Meiseloun.. Nous nous réunissons pour dîner à mon nouveau P.C. . Pendant le repas je reçois un envoyé de l'Emir Faycal. Le vaincu d'hier, qui après une bataille, s'est réfugié dans un train de la ligne du Hedjaz, demande l'autorisation de rentrer à Damas .Aussi bien sa déchéance ne doit être proclamée que demain matin; je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'il vienne passer une dernière nuit dans son ancienne capitale. J'aime autant d'ailleurs l'avoir sous la main pour le cas ou le Haut Commissaire me donnerait l'ordre de m'assurer de sa personne pour l'envoyer à Beyrouth, j’autorise donc sa rentrée discrète.

Après avoir reçu les derniers comptes-rendus concernant l'installation des troupes, je me prépare, à mon tour, à passer ma première nuit dans cette ville de rêve dont je viens d'admirer l’éblouissante splendeur.


oasis-de-damas-1920.jpg


FIN DE REGNE


Le 26 Juillet sera aussi une journée historique : elle marquera officiellement la fin du règne chérifien .

A 9 Heures du matin, en tenue de campagne, suivi des officiers de mon Etat-Major, je me rends à la mission Française où doivent m’être présentés les membres du nouveau gouvernement de Damas et où, au nom du Haut Commissaire de la République, je dois prononcer la déchéance de l’Emir Faycal comme chef du gouvernement de la zône Est de la Syrie, c'est-à-dire des territoires d’Alep, d’Homs, de Hama, de Damas et du Hauran .

Le nouveau gouvernement se compose d’un président du Conseil et de ministres qui se sont partagés les portefeuilles de l’Intérieur , des Finances , de l’Instruction publique , de la justice, des travaux publics et de la guerre. Ce sont de notables Damascains, appartenant à de vielles familles du pays , grands propriétaires pour la plupart et ayant tous une situation personnelle qui facilitera grandement leur rôle de gouvernants.

Ce qu’il y a de plus intéressant pour nous c’est que ce sont des ‘’ gens de bonne volonté’’ désireux de travailler loyalement avec la France pour donner à leur pays la prospérité dans la paix . La cérémonie, quelque très simple, ne manque pas de grandeur . J’écoute attentivement les protestations de dévouement des Membres du Gouvernement puis je lis la déclaration suivante que j’ai rédigée d’après les directives adressées par le Haut Commissaire de la République Française, et c’est en son nom que je parle .


‘’L’Emir Faycal a conduit son pays à deux doigts de sa perte . Sa responsabilité est trop grande et trop évidente dans tous les troubles sanglants dont la Syrie est le théâtre depuis ces derniers mois pour qu’il puisse continuer à gouverner .Le nouveau gouvernement que vous représentez et qui accepte de collaborer loyalement, sous le mandat français, à l’organisation de la Syrie, aura notre confiance et trouvera en nous le plus ferme appui avec le respect des libertés Syriennes .En assumant les responsabilités de l’heure présente, votre nouveau gouvernement ne peut rejeter celles d’un passé qui représente trop de ruines et trop de sang répandu .Nous aurons donc, tout d’abord, à réparer . Vous aurez à y contribuer pour une somme de 200.000 dinars Or qui sont destinés à indemniser les familles Syriennes ruinées ou décimées .

Nous aurons aussi à punir les principaux coupables , les chefs de bande qui, sous prétexte de patriotisme ont mis leur pays en coupe réglée et ceux qui les ont aidés de leur influence et de leur argent . La liste vous en sera soumise et ils devront être arrêtés et jugés conformément aux lois . S’ils sont en fuite ils seront prescrits et verront leurs biens confisqués .Votre nouveau gouvernement continuera à fonctionner avec ses organismes locaux comme par le passé . Toutes les questions intéressant les populations ou présentant un intérêt pour l’avenir du pays seront étudiés par vous de concert avec le Colonel Toulat, chef de la mission Française , et me seront soumises .


L’armée Chérifienne doit être réduite au rôle de forces de police destinées à maintenir le bon ordre indispensable à la prospérité du pays Tout le matériel de guerre doit être réuni et remis à l’autorité militaire Les questions soulevées par cette nouvelle organisation seront du ressort du Colonel Pettelat , chef d’Etat- Major de l’armée du Levant , qui les règlera avec votre ministre de la guerre. Vous pouvez et vous devez rassurer les populations de Damas qui pour une très grande majorité , ne comprend que des éléments laborieux et sages, auxquels vous vous appuierez . Cette population ne sera molestée en rien. Les ordres les plus sévères seront donnés pour éviter tout incident du fait des troupes . En revanche , il faut qu’aucune manifestation , aucune agitation ne vienne troubler l’ordre public . Tout acte d’hostilité sera réprimé avec la dernière rigueur . La responsabilité de la ville est collective, vous devez donc choisir , dans chaque quartier des personnalités influentes qui seront regardées comme responsables . Le désarmement de la population sera effectué progressivement et commencé immédiatement .Vous avez pu juger par le défilé d’une partie des troupes de ma division, que nous avons les moyens d’imposer au besoin la paix à ce pays qui en a tant besoin. ‘’.

Tout espoir d’être maintenu à Damas, sous notre surveillance est donc enlevé à l’Emir Faycal qui est autorisé à emprunter le chemin de fer du Hedjaz pour se rendre soit auprès de son père le roi Hussein , soit plutôt en Europe où il ira, sans doute, chercher auprès des Anglais, une compensation à la porte de sa royauté syrienne .

Quant à nous, qui avons enfin trouvé notre ‘’ Chemin de Damas ‘’ il ne nous reste qu’à nous organiser dans cette belle contrée qui peut et doit être heureuse et prospère sous le généreux mandat de la France.

Victoire de Damas 25 Juillet 1920


ORDRE GENERAL N° 22





Dans le courrier de l’Armée, je trouve , en rentrant chez moi l’Ordre Général N° 22 qui peut servir d’épilogue à cette histoire de la colonne de Damas .

‘’ Le Général est profondément heureux d’adresser ses félicitations au général Goybet et aux vaillantes troupes : 415 ème de ligne , 2ème Tirailleurs Algériens, 11ème et 10 ème Tirailleurs Sénégalais , Chasseurs d’Afrique , Régiment de Spahis Marocains , Batteries des groupes d’Afrique, Batterie de 155 , 314 ème Compagnie de Chars d’Assaut, Groupe de Bombardement et Escadrille 8 , qui dans le dur combat du 24 Juillet, ont brisé la résistance de l’ennemi qui nous défiait depuis huit mois .

Elles ont inscrit une glorieuse page à l’histoire de la France et de la Syrie .‘’



Aley, le 24 Juillet 1920.

Signé : Gouraud



Armée française à Damas

 

Telegramme gouraud 14 aout 1920

 

 Défilé des troupes du général Goybet avant l'entrée à Damas 25 Juillet 1920

POUR PRENDRE CONGE

J'ai  mis le mot ''fin'' au bas de ces pages et j'avoue que je n'ai pas le courage de les relire. (Mes enfants et mes petits enfants pour qui elles ont été écrites, trouveront sans doute que ''bon papa' général'' aurait pu les polir un peu plus). Tous les soirs, j'inscrivais que"lques lignes sur mon agenda, afin d'avoir des éléments précis pour les longues lettres, aux paragraphes datés comme un journal, que j'envoyais en Savoie par chaque bateau. 

Ces  lettres m'ont été rapportées par ma chère femme lorsqu'elle est venue me rejoindre ici pour m'aider à faire aimer la France dans cette ville lointaine, notre dernière garnison. Et  je les ai copié dans le Palais de l'émir Faycal, mon dernier PC.

le palais ! c'est au bas du Qasioum, une curieuse aglomération de bicoques aux toits térassés de glaide jaun, avec des galeries extérieures aux arcs lancéolés, de petites cours intérieures ou chante un des cent canaux du Barada dans les jets d'eau friache retombant en pluie sur  des roses. Dedans de merveilleux tapis, des meubles incrustés de chez Nassan, le bon faiseur, des carreaux rouges, comme à Marseille, des lustres de Mosquée et des miroirs de pacotille. Les  murs sont en torchis badigeonné d'un blanc rôsatre. Le  tout,  campé au dessu de trois étages de jardins, fait une demeure amusante et je la trouve très belle, avec son drapeau tricolore qui claque au vent du désert. 

Deux sentinelles A Damas   

Je suis à Damas ! Ce nom représentant pour moi quelque chose de fabuleux et de chimérique lorsque, encore enfant, je le lisais dans les archives de ma famille.


Jean Montgolfier, lointain ancêtre de ma grand - mêre paternelle , Louise de Montgolfier , fut fait prisonnier , au cours de la deuxième Croisade, en 1147, et conduit précisément à Damas . Il comptait sans doute parmi ‘’ Les gens de pied ‘’ ; aussi les Sarrasins n’eurent ils pas pour lui les égards réservés aux brillants Chevaliers. Les Damascains du temps en firent tout bonnement un esclave , pour travailler dans une manufacture où l’on fabriquait du papier de coton . Le pauvre Jean y travailla trois ans, durement, s’évada et rejoignit enfin l’armée des Croisés, à travers mille périls .

Rentré dans son pays natal , après dix ans d’absence, il installe le premier moulin à papier connu en Europe.

N’est ce pas ‘’la justice immanente ‘’ qui a permis, au descendant de l’esclave des Croisades , d’entrer en vainqueur dans la ville Sainte ?



La rédaction de ce récit , c’a été comme du temps où j’étais Lieutenant ‘’Mon travail d’Hiver ‘’ . Hiver ! Peut- on prononcer ce nom sous ce ciel toujours transparent , sous ce soleil toujours jeune ardent qui semble, chaque matin, bondir d’un seul élan au dessus de l’horizon lointain où se cache Palmyre ?

Et cependant, aujourd’hui, d’étincelantes blancheurs poudrent les boules d’or de mes orangers , sous l’œil étonné de trois Autruches et de deux gazelles . C’est étrange et charmant , cette neige à Damas . Elle est tombée cette nuit et pendant une heure à peine elle mettra sa miraculeuse poudre au front de la ville des Mille et une nuit . Je relis sur place les récits des conteurs Arabes et surtout leurs poésies si admirablement traduites par le Docteur Mardrus.



‘’ A Damas , j’ai passé un jour et une nuit . Damas ! Son créateur a juré que jamais plus il ne pourrait faire une œuvre pareille . ‘’

‘’ La nuit couvre Damas de ses ailes, amoureusement. Et le matin étand sur elle l’ombrage des arbres touffus . ‘’

‘’ La rose sur les branches de ses arbres n’est point rosée , mais perles, perles neigeant au gré de la brise qui les secoue ‘’.

‘’ Là dans les bosquets c’est la Nature qui fait tout : l’oiseau fait sa lecture matinale ; l’eau vive c’est la page blanche ouverte ; la brise répond et écrit sous la dictée de l’oiseau et les blancs nuages font pleuvoir leurs gouttes pour l’écriture ‘’


C’est ces gouttes qu’il m’aurait fallu pour rendre exactement mon impression profonde devant les formes, les couleurs , les mirages de la divine Oasis d’Ech Cham.  Mais hélas ! ces ''gouttes'' sont sans doute tombées de ma propre écritoire, c'est pour cela que j'ai si peu envie de me relire !





DAMAS DECEMBRE 1920




Signé GOYBET

  

De strasbourg a damas carnet de campagne du general goybet

 

 

Avenue du général Goybet à Damas

 

Réception du Général Gouraud à Damas

 

Le souk Al Hamidie

 

 

Général Gouraud remet les décorations

 



L' esclave de Damas

 

 

 

 

 

En avant Savoie