Famille du Chevalier Goybet

Les Bravais : Pépinière de scientifiques

LA FAMILLE BRAVAIS : PEPINIERE DE SCIENTIFIQUES
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Nous allons aborder ce sujet en evoquant le grand pere de marie Bravais Docteur en medecine, botaniste ainsi que 3 de ses fils scientifiques . Puis nous evoquerons l’eloge historique lue devant l’academie des sciences en 1865 en l’honneur d’Auguste Bravais un de ses fils , Academicien des sciences . Nous citerons Auguste Bravais dans deux texte ''Science pour tous'' de l'université Claude Bernard de Lyon. Nous montrerons le pittoresque article de l'Illustration, relatant "l'Ascension au mont Blanc par MM. Martins, Auguste Bravais et Lepileur" en août 1844. Enfin ,nous retracerons l'intégralité de l'éloge historique de l'academie des science concernant Auguste Bravais. (Eloge numérisée par google).

Académiciens des sciences de la famille , voir également :

Les Bravais : Scientifiques

Famille des frères Montgolfier

Lespieau : General Théodore + Academicien Robert lespieau

Marc Seguin Inventeur

Autres  figures hautes en couleur 

Saint Vladimir de Russie

Saint Louis et son père Louis VIIl le Lion  

Napoleon Theil Révolution 1848

Folco de Baroncelli Camargue

Charles Dullin et Jean Vilar

Pour les officiers généraux  et les autres membres de la famille voir :

 Site Goybet Actu // Syrie-USA


MARIE Louise Bravais est la femme de Jules Goybet . C’est l’ainée des enfants du docteur Louis Bravais qui fut frère d’Auguste Academicien des Sciences , et de l’abbé Camille Bravais professeur d’histoire naturelle. Le père de Louis etait François Victor Bravais .Chimiste, Botaniste, Docteur en Medecine.
Marie Louise est née en 1836. Elle fit ses etudes au sacre Coeur de vienne et les completa auprès de son père et de ses oncles par de serieuses notions de Botanique, d’astronomie et de dessin .

En mars 1857, elle epousa Pierre Jules Goybet et l’accompagna en Espagne ou naquit 2 enfants. Elle en eut trois autres après son retour de Françe. Elle deceda en 1913. D’ un grand devouement et d’une grande abnegation.


François Victor Bravais : c’est le grand pere de Marie . Il est né à St Péray , en 1764 . Il fut éleve des Oratoriens puis etudiant á la faculté de Montpellier ou Chapta le choisit comme préparateur de chimie . Il soutient sa these de medecine . En 1791, il sollicita l’autorisation de se joindre à l’expédition envoyée à la recherche de La Perouse.
Botaniste passionné, il reunit un magnifique herbier . On lui doit nottament l’introduction du Dahlia en Françe . Habile praticien, il fut un ardent propagateur de la vaccine et exerca gratuitement pendant 40 ans les fonctions de médecin de l’hopital d’Annonay. Il décède en 1852.

Louis Bravais : Père de Marie Bravais né en 1801. Docteur en Medecine , savant botaniste, auteur de nombreux mémoires à l’Académie des Sciences notamment avec son frere Auguste . ( Esssai géométrique sur la symétrie des feuilles curvissériées et rectisériées.)
Louis installé sur le Faulhorn avec son frêre Auguste, recueillit de nombreuses observations scientifiques. Il mourut en 1843.


Camille Bravais frère de Louis et oncle de Marie . Il se destine au Sacerdoce et fait ses etudes au Seminaire et comme ses freres montra dès son enfance , les plus grandes aptitudes aux sciences naturelles et au professorat. L’eveque de Viviers le maintint au college d’Annonay comme professeur d’histoire naturelle. L’abbé Bravais classificateur savant et methodiste, fonda le remarquable Musee d’Annonay, malheureusement detruit par un incendie. En 1842 l’Abbe Bravais remplaça son frère Louis dans les experiences faites au Faulhorn par son frere Auguste en 1844. Il tint la station d’experiences de Chamonix pendant qu’Auguste opérait au sommet du Mont Blanc . En 1866, l’abbé mourut après avoir fondé à ses frais , l’Orphelinat d’ Annonay .

 



 

Auguste Bravais, frère de Louis et Oncle de Marie, d’une famille de magistrats, pretres et medecins.23 Aout 1811 Annonay 30 Mars 1863, Le Chesney , France) fut un physicien français, réputé notamment pour ses travaux en Cristallographie. ( les reseaux de Bravais et les lois de Bravais). Il a mené également des recherches en Botanique, physique, meteorologie et astronomie.

François Bravais son pere né en 1764 est docteur en medecine. Botaniste passioné, on lui doit l’introduction de la culture du Dalhia en France.

Il suivit ses études au Collège Stanislas à Paris puis intégra l’ecole Polytechnique en 1829. Il devint officier de marine à la fin de ses études. Grand aventurier, il embarqua sur le Finistère en 1832, puis sur le Loiret et coopéra à des travaux d’hydrographie le long des côtes algeriennes.

A la tète de 37 marins, le Lieutenant de frégate Bravais enleva aux cavaliers d’Abdel Kader, deux de leurs prisonniers, le Commandant et le Chirurgien du ‘Loiret ‘ Pendant ses voyages comme pendant ses conges , Auguste continuait à travailler les mathématiques et les sciences naturelles et en 1837 se faisait recevoir Docteur par la faculté de sciences de Lyon.

Le ministre de la marine attacha Auguste Bravais à la commission scientifique du Nord et le designa pour embarquer avec Monsieur Charles Martins sur la Corvette La Recherche ou il fit plusieurs voyages d’etude. IL participa à l'expédition de la Recherche , envoyée au Spitzberg et en Laponie au secours de la Lilloise . . Il fut blessé à la jambe et fut oblige d’hiverner en Laponie ou il completa ses travaux sur les phénomenes crepusculaires, les halos, les aurores boreales .

Monsieur Villemain Ministre de l’instruction publique obtint du parlement en 1844 après une belle intervention d’Arago , en faveur d’Auguste Bravais, d’organiser une expedition scientifique au Mont Blanc pour y completer les observations de Saussure. Auguste Bravais , Charles Martins et le Docteur Lepileur désignés à cet effet passerent plusieurs jours sur la montagne dont une journèe au sommet même ou ils firent de nombreuses experiences controlées à Chamonix par l’Abbe Bravais .

Il professa un cours de mathématiques appliquées à l'astronomie à la Faculté des sciences à Lyon à partir de 1840 puis il succéda à Lainé à la chaire de physique de l'école Polytechnique entre 1845 et 1856, date à laquelle il fut remplacé par Hureau de Sénarmont. Il reçut la rosette d’Officier de la legion d’honneur.

Il publia un mémoire traitant de cristallographie 1847. Il démontre de facon rigoureuse l’existence des 32 classes cristallines et des 14 reseaux tridimensionnels qui portent son nom. Cofondateur de la Société météorologique, il succéda à Roussin à l’academie des sciences en 1854. On lui doit de nombreux memoires dont - niveau de la mer- phénomènes crépusculaires – Mouvements propres du soleil – arphelies - Arc en ciel Blanc – Halos et phénomenes optiques qui les accompagnent – Influence de la rotation de la terre sur le pendule conique ainsi que plusieurs etudes botanniques en collaboration avec son frere Louis.

Auguste avait épousé en 1847, Antoinette Moulie de Paris, don’t il eut un fils unique mort en bas age , douloureusement frappe par cette perte cruelle , il travailla nuit et jour , tomba gravement malade et mourut à Versailles en 1863. Sa veuve embrassa la vie religieuse au couvent des Clarisses de Versailles, consacra sa fortune à cet ordre et y termina ses jours le 11 Fevrier 1885 comme Vicaire de l’abbesse .




Fragment de l'Éloge historique d'Auguste BRAVAIS, lu devant l'Académie des Sciences, dans sa séance publique du 6 février 1865, par M. Elie de Beaumont, Secrétaire perpétuel,


« En Laponie et sur le mont Blanc, M. Bravais avait eu de nombreuses occasions d'observer les formes cristallines de la neige. Il avait souvent rencontré d'admirables cristallisations d'eau congelée et les avait toujours décrites avec une prédilection particulière. Dans son Mémoire sur les halos, il emploie les notations et les formules qui représentent le système cristallin de la glace, en homme qui les connaît parfaitement et qui en comprend à fond le principe. Mais il ne s'arrêta pas là, et ses études finirent par embrasser la Cristallographie tout entière.

» A ses yeux les cristaux sont des assemblages de molécules identiques entre elles et semblablement orientées, qui, réduites par la pensée à un point unique, leur centre de gravité, sont disposées en rangées rectilignes et parallèles, dans chacune desquelles la distance de deux points est constante.

» Les points d'un assemblage sont alignés en rangées suivant une infinité de directions diverses; mais la connaissance de trois rangées non parallèles et non comprises dans un même plan suffit pour déterminer complètement l'assemblage dont elles font partie. On peut concevoir une infinité d'assemblages entièrement différents. Une étude mathématique approfondie fait découvrir à M. Bravais les degrés de symétrie plus ou moins grands dont ils sont susceptibles. Il trouve les axes et les plans de symétrie qu'ils peuvent présenter. Il établit que, suivant le nombre et la disposition de ces axes et plans de symétrie, les assemblages qui en possèdent se divisent en six classes. En y joignant les assemblages asymétriques, ou il n'existe ni axes ni plans de symétrie, on a sept classes d'assemblages : ce sont là les bases les plus simples et les plus générales des lois de symétrie qu'on observe dans les cristaux. On doit admettre dans la Cristallographie sept systèmes cristallins.
M. Haüy l'avait entrevu ; niais il avait pensé qu'on pouvait confondre deux des systèmes en un seul, et après lui tous les cristallographes avaient admis six systèmes cristallins seulement. M. Bravais démontre qu'il faut revenir au nombre sept, et cette démonstration, accompagnée de toutes les lumières qui résultent d'une analyse géométrique aussi approfondie que la sienne, ne sont pas une addition médiocre à l'immortelle création d'Haüy. Lagrange et Laplace avaient suivi, en 1784, les leçons de l'ingénieux scrutateur des cristaux, mais ils s'étaient bornés à l'admirer. Les fondements de la belle science, due à son génie, n'avaient jamais été étudiés de si haut et avec autant de généralité que dans le Mémoire de M. Bravais sur les systèmes formés par des points. Mémoire auquel notre illustre Cauchy a donné, dans un remarquable Rapport, sa sanction la plus entière.


» Vous n'attendez pas de moi, Messieurs, que j'entre ici dans le détail des procédés aussi simples que rigoureux par lesquels, dans un second Mémoire intitulé : Études cristaliographiques, remplaçant des règles empiriques par des théorèmes de Géométrie, M. Bravais déduit de ses résultats fondamentaux toutes les formules des cristallograplies, avec cette facilité merveilleuse qui dénote presque infailliblement la solution radicale des difficultés d'un sujet. Je me bornerai à dire que dans la deuxième Partie de ce Mémoire, cessant de regarder les molécules comme des points et les considérant comme de petits corps, qu'il appelle polyèdres atomiques, il étudie et il éclaircit les rapports qui existent entre ces derniers et les systèmes cristallins. Il réduit à des lois simples le phénomène, jusqu'ici presque mystérieux, de l'hémiédrie, sur lequel notre savant confrère M. Delafosse, dans un Mémoire justement célèbre, avait déjà répandu des lumières inattendues. M. Bravais démontre qu'il pourrait se présenter trente-cinq cas d'hémiédrie. On n'en avait encore découvert que onze, qui du reste avaient amplement suffi pour exercer pendant longtemps la sagacité des cristallographes.


» Sans oublier le dimorphisme, l'un des titres de gloire de Mitscherlich, ni les découvertes curieuses déjà faites à cette époque par notre ingénieux confrère M. Pasteur, M. Bravais, dans une troisième Partie, s'occupe également avec succès des macles et des hémitropies qui avaient été, de leur côté, une des pierres d'achoppement de la Cristallographie.


» Vers l'époque ou il rédigea ses travaux sur l'Optique atmosphérique et sur la cristallisation, M. Bravais composa en outre un grand nombre de Mémoires sur des sujets tout à fait différents et relatifs pour la plupart a la Météorologie, bien que quelques-uns d'entre eux, et ce ne sont pas les moins remarquables, soient en dehors de cette branche de la Géographie physique. II était doué, en effet, d'une admirable facilité pour toute espèce de travail intellectuel, et il possédait l'aptitude si rare de pouvoir s'occuper à la fois des sujets les plus variés : Hydrographie, Navigation, Astronomie, Optique atmosphérique, Physique proprement dite, Géométrie, Cristallographie, Analyse pure, Sciences naturelles; on pourrait presque dire de lui, malgré l'apparente opposition des mots, que l'universalité était sa spécialité.


» Tous ses Mémoires ont été honorablement accueillis dans nos Comptes rendus, ou publiés, avec un succès mérité, dans les Recueils scientifiques les plus estimés. Ils renferment constamment des aperçus ingénieux et souvent d'une grande profondeur; mais, pressé par le temps, je ne puis les énumérer en ce moment. L'oeuvre de Bravais, prise dans sa totalité, est d'une étendue immense, et il a fallu me borner à en esquisser les traits principaux. De même qu'un astronome, obligé de donner une idée abrégée du firmament, ne pourrait parler en détail que des étoiles de première grandeur, j'ai dû presque me contenter de rappeler ceux des travaux de M. Bravais qui sont devenus ses titres principaux aux suffrages de l'Académie.


» Par son travail sur la Cristallographie, M. Bravais avait associé son nom à celui de notre immortel Haüy ; par son ascension sur le mont Blanc, il l'avait associé a celui de Saussure. Dans ses travaux de Laponie, il était le digne continuateur des voyages célèbres de Léopold de Buch et des profondes études de Hansteen. Ses Mémoires sur les halos, sur les parhélies, sur l'arc-en-ciel blanc, complétaient de la manière la plus heureuse les théories de Mariotte, de Huygens, de Descartes même et de Newton : le nom de M. Bravais ne pouvait plus, Messieurs, rester longtemps éloigné des vôtres. »

 

2014 Annee internationale de la cristalographie

 

Sciences pour tous.univ  lyon1.fr/ comment la cristallographie est, devenue incontournable

Conférence Bravais : Juillet 2018

 

Sciences pour tous - Ramenez votre science !

 

 

Romé de l'Isle, Cristallographie (1783). Collection Teylers Museum, Haarlem (the Netherlands)

 

Auguste Bravais et la structure des cristaux

Naturaliste globe-trotteur et mathématicien de talent, Auguste Bravais a fondé la cristallographie moderne en démontrant l’existence de quatorze réseaux cristallins.

Auguste Bravais

 « Le grand livre de l’univers est écrit en langage mathématique », disait Galilée. Peu de savants l’auront aussi bien pris au mot qu’Auguste Bravais. Chercheur touche-à-tout, il s’est illustré dans des domaines aussi divers que la cristallographie, l’optique, la météorologie, la géologie ou la botanique.

 Associer les maths et l’observation de terrain

Auguste Bravais, c’est un peu le savant idéal : expérience de terrain et puissance d’abstraction s’équilibrent parfaitement chez cet insatiable curieux. En bon polytechnicien, il maîtrise parfaitement les outils mathématiques. Mais les excursions qu’il faisait enfant avec sa famille lui ont aussi appris à observer finement la nature… une aptitude mise en œuvre au cours de nombreux voyages, scientifiques ou non.

Ces talents permettent à Bravais de participer de manière décisive au développement de la cristallographie, une science à l’interface entre minéralogie, géométrie, physique du solide et optique. À partir de 1848, probablement influencé par ses études des phénomènes atmosphériques – comme les « nuages à particules glacées » – ou par les travaux de phytomathématique (botanique mathématique) qu’il a conduits avec son frère Louis, Bravais s’immerge dans la cristallographie.

La cristallographie entre chimie et géométrie

Deux grandes approches caractérisent les travaux sur les cristaux qui l’ont précédé. La première, que l’on peut qualifier d’approche géométrique, s’intéresse en priorité à la forme des cristaux, dont la symétrie fascine les savants depuis Platon. L’Allemand Christian Samuel Weiss est un de ses principaux contributeurs, par ses travaux sur l’orientation dans l’espace des plans et faces des cristaux par rapport aux « axes cristallographiques » – une notion qu’il a définie.

Une autre démarche est  l’approche chimique, qui se focalise sur la nature de la matière. On y retrouve par exemple Haüy, postulant en 1784 que les cristaux sont des édifices constitués d’un empilement régulier de « molécules intégrantes ». Ces dernières marquent la limite de la fragmentation : ce sont en quelque sorte les éléments cristallins de base. Haüy pense néanmoins qu’elles seraient théoriquement divisibles jusqu’à l’obtention de « molécules élémentaires » ou « molécules chimiques » de la substance solide. Il n’existerait donc pas a priori de différence intrinsèque de nature entre les deux « molécules ». Grâce à ces principes, Haüy fournit l’une des toutes premières preuves de la nature discontinue de la matière.

Une vision mathématique des cristaux

Bravais, quant à lui, développe volontairement une approche purement géométrique de la discipline dans un premier mémoire – présenté le 11 décembre 1848 devant l’Académie et publié en 1849. Son but est de « déduire de la géométrie tout ce qu’elle peut nous apprendre relativement à la symétrie des corps cristallisés, afin de séparer les influences qui tiennent à la forme de la molécule constituante de celles qui dépendent de l’arrangement relatif de leurs centres de figures ». S’appuyant sur ce principe de base, Bravais parvient à diverses conclusions, qu’il affine en 1851 dans un second mémoire, intitulé Études cristallographiques.

Bravais y généralise les notions de motif atomique, de maille et de réseau, déjà introduites par ses prédécesseurs – en particulier Delafosse. Il définit ainsi le réseau cristallin : partant du principe que « dans les corps cristallisés les molécules sont disposées en files rectilignes et que les centres de figures sont équidistants entre eux sur chacune de ces files on obtient ce que j’ai appelé un assemblage de points ou système réticulaire ».

La loi de Bravais

Partant de là, Bravais établit les lois mathématiques de symétrie régissant ces assemblages. Il formule en 1849 le postulat portant son nom : « Si l’on prend un point P quelconque dans un cristal, il existe dans le milieu une infinité illimitée dans les trois directions de l’espace, de points autour desquels l’arrangement de la matière (ou arrangement atomique) est le même qu’autour du point P et ce avec une orientation identique. De là découlent toutes les propriétés de symétrie du réseau tridimensionnel cristallin ».

En d’autres termes, les cristaux se forment par la répétition en trois dimensions d’une unité de structure. La symétrie observée est due à l’arrangement ordonné interne des atomes dans la structure cristalline comme cela a été mentionné dans les cours précédents. C’est cet arrangement des atomes dans les cristaux que l’on appelle réseau. Comme l’expose Élie de Beaumont dans son éloge de Bravais, « on doit admettre dans la cristallographie sept systèmes cristallins. M Haüy l’avait entrevu, mais il avait pensé qu’on pouvait confondre deux des systèmes en un seul, et après lui tous les cristallographes avaient admis six systèmes cristallins seulement. M. Bravais démontre qu’il faut revenir au nombre de sept ».

 

En attendant les rayons X

Plus précisément, Bravais dénombre cinq types de réseaux bidimensionnels et quatorze types de réseaux tridimensionnels, qu’il range dans les sept systèmes cristallins – rebaptisés aujourd’hui « systèmes réticulaires ». Chaque système cristallin est caractérisé par une « maille élémentaire », dont Bravais établit les paramètres géométriques.

Plus tard, les études de la diffraction des rayons X par les cristaux – « radiocristallographie » – permettront d’observer et d’affiner les connaissances établies par Bravais par pur raisonnement mathématique. Elles montreront que le réseau cristallin constitue seulement un cadre géométrique, au sein duquel des particules – atomes ou molécules – se répartissent périodiquement dans l’espace. Le contenu particulaire de la maille est le « motif », lequel inclut les nœuds du réseau, de même que toutes les particules disposées sur les faces ou dans le volume même du parallélépipède élémentaire. On a souvent comparé le motif décorant la maille à celui d’un papier peint : l’image se répète à l’infini, lassant le regard. Il faudrait d’ailleurs imaginer – pour être exact – un papier peint tridimensionnel, envahissant la pièce où il a été posé…

 

Bibliographie

  • BALIBAR, Françoise (1991) La science du cristal, Paris, Hachette
  • BIREMBAUT, Arthur (1970) « Bravais, Auguste », in : GILLISPIE, Charles, Dictionary of scientific biography, vol. II, New York, C. Scribner’s sons
  • ÉLIE de BEAUMONT, Léonce (1865) Éloge historique d’Auguste Bravais, lu à la séance publique annuelle du 6 février 1865, Institut Impérial de France, Académie des Sciences, Paris
  • ORCEL, Jean (1938) « Histoire de la chaire de Minéralogie du Muséum national d’histoire naturelle », Bulletin du Muséum national d’Histoire naturelle, 2e série, vol. 10
  • ORCEL, Jean (1961) « Les sciences minéralogiques », in : TATON, René, Histoire générale des sciences, t.III, La science contemporaine, vol.I, Le XIXème siècle, Presses Universitaires de France, Paris
  • PÉNICAUD, (1999) Les cristaux, fenêtres sur l’invisible, Paris, Ellipses
  • REYNAUD, Marie-Hélène (1991) Auguste Bravais – De la Laponie au Mont-Blanc, Éditions du Vivarais, Annonay

 

 

Auguste Bravais : Une vision mathématique de la cristallographie

 

 

 

 

The French corvette "La Recherche" close to Bear Island, Svalbard, August 7 1838

Auguste Bravais : le scientifique aventurier

Savant globe-trotteur, talentueux et touche-à-tout, Auguste Bravais a mis le monde en mathématiques, fondant la cristallographie moderne et irriguant de nombreuses autres disciplines.

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Tout semble prédisposer le jeune Auguste Bravais à s’intéresser aux sciences de la nature. Son père François-Victor a étudié la médecine à Montpellier, où il fut le préparateur du chimiste Chaptal, futur ministre de l’Intérieur de Napoléon Bonaparte. Après la Révolution, François-Victor s’est établi praticien à Annonay (Ardèche) où il est devenu un notable respecté et un botaniste fervent, composant un herbier de six mille plantes. On lui doit des travaux sur la flore cévenole et alpine et l’introduction du dahlia en France.

Auguste Bravais naît le 23 août 1811 à Annonay. C’est le quatrième de cinq enfants et le plus jeune des quatre garçons du couple Bravais.

Une passion précoce pour la nature et les mathématiques

Auguste est encore au berceau lorsque sa mère décède, après avoir confié ses enfants à une personne de son entourage. Enfant aimé et précoce, il apprend tout seul à lire à l’âge de trois ans puis se joint aux excursions naturalistes de la famille Bravais. A dix ans, il gravit en solitaire le Mont Pilat, afin de récolter des spécimens de roches, de plantes et d’insectes. Deux de ses frères collaboreront plus tard à ses travaux scientifiques : Louis Bravais, médecin botaniste, et de l’abbé Camille Bravais, professeur d’histoire naturelle au collège d’Annonay.

Bravais manifeste très tôt une véritable passion pour les mathématiques. Ayant achevé à quatorze ans ses études au collège d’Annonay, il passe deux années au collège Stanislas de Paris pour faire sa philosophie et sa rhétorique. Bravais prépare ensuite le concours d’entrée à l’École polytechnique. Il échoue en 1828, mais son examinateur, le mathématicien Louis Bourdon, persuade son père de l’inscrire en mathématiques spéciales au collège Saint-Louis de Paris. Reçu deuxième à Polytechnique à seulement dix-huit ans, Bravais sera major de sa promotion au classement final. C’est dans la Marine qu’il choisit de faire carrière.

L’aventure… et toujours les mathématiques

Bravais embarque à bord du Finistère qui croise en Méditerranée (1832). Il participe à une expédition géographique sur le brick Le Loiret, dont le commandant doit établir un relevé exact des côtes de l’Algérie. En 1834, Bravais est nommé lieutenant de vaisseau. Son examinateur de sortie à Polytechnique, le mathématicien Siméon Poisson, l’a encouragé à préparer un doctorat ès sciences. Conciliant ses devoirs militaires avec sa passion pour la science, Bravais conduit des recherches mathématiques dans sa cabine et profite des escales pour se livrer à des excursions naturalistes. Les randonnées à terre ne sont pas sans danger. Ainsi le 12 août 1836, Bravais prend la tête d’un groupe de marins pour libérer le commandant et le chirurgien du Loiret des troupes d’Abd-el-Kader, homme politique et chef de guerre algérien luttant contre la colonisation française.

Le jeune officier soutient sa thèse de mathématiques en 1837 devant la Faculté des sciences de Lyon.  Elle est composée de deux mémoires conçus dans sa cabine du Loiret. Le Ministère de la Marine décide alors de tirer pleinement parti des compétences de Bravais : il l’adjoint à la commission scientifique du Nord (1838). Cette instance franco-scandinave est présidée par le médecin de la Marine Paul Gaimard. Elle rassemble des artistes et des savants, comme le botaniste et météorologue Charle-Frédéric Martins ou le dessinateur d’histoire naturelle Louis Bevalet.

Expédition scientifique au Grand Nord

La commission scientifique du Nord s’embarque à Brest sur la corvette La Recherche, pour rejoindre le Spitzberg (1838), au large de la Norvège et tout près du Pôle Nord. Sont réalisées de nombreuses observations astronomiques, météorologiques, géologiques et océanographiques. Bravais participe activement à ces travaux, notamment au relevé topographique précis de la baie de Bell-Sound. Il gravit un pic que ses collègues baptisent de son nom.

Puis La Recherche repart pour Brest, laissant au port d’Hammerfest cinq membres de l’expédition. Ce groupe, constitué de Bravais, de Louis Bevalet, de l’astronome et physicien Victor Lottin ainsi que de deux physiciens suédois, choisit d’hiverner au village de Bossekop, dans le comté norvégien de Finnmark. Les savants conduisent durant sept mois des études sur le climat et les aurores boréales, avant de rejoindre Hammerfest. Là, le petit groupe doit embarquer sur La Recherche pour séjourner une seconde fois au Spitzberg (1839).

Mais Bravais s’est fracturé le genou en cueillant une plante. Il doit donc attendre sur place le retour de ses compagnons, poursuivant ses observations scientifiques. Lorsque l’expédition s’achève, Bravais choisit de rejoindre la France par voie de terre. Il traverse alors la Laponie en compagnie de Martins, passe par Stockholm et retrouve finalement Paris au mois de janvier 1840. Ce dernier périple offre à Bravais l’opportunité de récolter une ultime moisson de données sur le terrain.

Expedition polaire avec la Recherche

Astronome à Lyon, physicien à Paris

En récompense de ses services, Bravais reçoit la Légion d’honneur (1839) et peut arborer l’insigne de l’ordre de l’Épée de Suède. Toujours accommodant, le ministère de la marine estime que les obligations de service de Bravais n’excluent pas l’occupation d’une chaire professorale. Le jeune savant est nommé professeur de mathématiques appliquées à l’astronomie dans l’une des Facultés des sciences récemment créées : celle de Lyon, dont le doyen est Charles-Henry Tabareau, fondateur du lycée de la Martinière. Charles-Henry Tabareau épousera par la suite Marie, la sœur de Bravais.

Ce dernier va profiter de son affectation à Lyon – une ville dont il dirigera l’Observatoire –  pour se livrer à l’alpinisme scientifique. Il gravit successivement le Faulhorn en Suisse (1841-1842), puis le Mont blanc (1844) avec ses frères Louis et Camille. Une ample moisson d’observations météorologiques et physiques en résulte. Par ailleurs, Bravais participe à la fondation de la Commission hydrométrique de Lyon (1842).

Sa mission à la commission scientifique du Nord touchant à sa fin avec la publication du voyage de La Recherche, Bravais hésite à solliciter une nouvelle affectation. Celle-ci l’éloignerait de Lyon, mais en revanche lui permettrait de poursuivre sa carrière d’officier de marine. C’est le hasard qui tranchera, en ouvrant une troisième voie. Gabriel Lamé ayant abandonné la chaire de physique à l’École Polytechnique, Bravais est désigné pour occuper le poste devenu vacant. Selon les témoignages dont on dispose, le nouveau professeur n’est peut-être pas un brillant orateur, mais il montre beaucoup de bienveillance envers ses étudiants, qui l’apprécient.

Un bonheur de courte durée

Bravais épouse le 8 décembre 1847 Marie Antoinette Eugénie Moutié, de douze ans sa cadette. L’un des témoins des mariés est le physico-chimiste Henri Victor Regnault, spécialiste des propriétés des gaz. Le couple Bravais est très uni. Antoinette aide son époux à réaliser ses expériences scientifiques et la naissance d’un fils couronne le tranquille bonheur familial. Mais, le malheur va bientôt frapper durement Bravais. En 1853 son père meurt des suites d’une chute sur la glace et son fils unique succombe à la fièvre typhoïde. Son frère Jules, directeur de l’usine à gaz de Dijon, décède ensuite d’une intoxication accidentelle (1854), une dizaine d’années après la disparition de son frère aîné Louis (1843).

Ces deuils répétés affectent le moral du savant : même son élection à l’Académie des sciences dans la section de géographie et de navigation (1854) ne suffit pas à le tirer d’un profond état dépressif. Bravais tente de s’immerger dans le travail, profitant de ses insomnies pour écrire et buvant du café en excès. Mais, il perd rapidement ses moyens intellectuels. La médecine se révèle impuissante à lutter contre une affection jugée inéluctable et sans remède. Peut-être aurions-nous diagnostiqué aujourd’hui une forme rapide de la maladie d’Alzheimer ?

Dès 1856, Bravais doit abandonner son enseignement à Polytechnique et les séances de l’Académie. Le gouvernement, qui s’est opposé à sa nomination au Collège de France comme successeur de Cauchy, l’élève au grade d’officier de la Légion d’honneur (1856). Bravais n’est bientôt plus que l’ombre de lui-même. Son épouse établit la résidence familiale dans la campagne versaillaise, afin qu’il puisse s’y promener en compagnie d’amis fidèles. Le 30 mars 1863, Bravais s’éteint au Chesnais près de Versailles.  Sa femme achèvera ses jours dans un couvent.

Bibliographie

  • Élie de BEAUMONT, Léonce (1865) Éloge historique d’Auguste Bravais, lu à la séance publique annuelle du 6 février 1865, Institut Impérial de France, Académie des Sciences, Paris, 91 (XCII) p.
  • REYNAUD, Marie-Hélène (1991) Auguste Bravais – De la Laponie au Mont-Blanc, Éditions du Vivarais, Annonay, 236 p.

 

Une Ascension au mont Blanc
par MM. Martins, Bravais et Lepileur
août 1844

Gazette de l’ile barbe N 5 suivant article de Michel Jaillard et extrait de l'Illustration
journal universel, octobre 1844, pp.68-74




Au sujet d'Auguste Bravais, je signale un intéressant et pittoresque article de l'Illustration, relatant avec moult détails "l'Ascension au mont Blanc par MM. Martins, Bravais et Lepileur", ascension qui réussit à la troisième tentative, en août 1844. A la première tentative, en juillet, l'expédition ne comptait pas moins de trente-cinq porteurs et trois guides : Jean Mugnier, Michel Couttet et Gédéon Balmat. Cette expédition avait laissé sur place des tentes qui furent retrouvées sous 1,20 m de neige lors de la troisième tentative, conduite avec un succès total ; il n'y avait alors plus que deux guides et cinq porteurs.


Il s'agissait d'une expédition scientifique commandée par le gouvernement, et "ces messieurs" étaient encombrés de nombreux instruments de mesure : "les observations furent continuées toute la nuit, excepté de minuit à quatre heures ; pendant cet intervalle, M. Camille Bravais, qui faisait à Chamounix les observations correspondantes, cessait aussi d'observer..."

En attendant le beau temps, "ces messieurs" avaient pu faire de nombreuses observations dans la région et accomplir le tour du mont Blanc. Il y a cent cinquante ans déjà...
Michel JAILLARD

Auguste Bravais (Annonay, 1811 - Versailles, 1863) eut 33 ans au cours de ce mois d'août 1844 (le 23). Charles Martins (Paris, 1806- ibidem, 1889) était botaniste et géographe. Le docteur Lepileur était physiologiste.

L'article prend la forme d'une lettre à Adolphe Joanne (Dijon, 1813 - Paris, 1881), géographe, fondateur des Guides Joanne.

Le premier paragraphe fait allusion, à propos des Anglais, à un fait d'actualité. En 1843, à la demande de la reine Pomaré, les îles anglaises de Tahiti avaient été placées sous protectorat français. En mars 1844, de sa propre initiative, l'amiral DupetitThouars prit possession des îles de la Société au nom de la France. L'Angleterre protesta et mena les autochtones à se soulever. En l'absence de l'amiral, MM. Bruat et d'Aubigny expulsèrent l'ex-consul Pritchard et maîtrisèrent le soulèvement par les armes. La reine Pomaré s'était réfugiée à bord d'un batiment anglais, et la France annexa l'archipel en 1880.


Chamounix, 6 septembre 1844.

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Mon cher Joanne,

C est à l'auteur de l'itinéraire en Suisse que reviennent de droit les détails sur une ascension au mont Blanc ; aussi je m'empresse de vous envoyer ceux que j'ai pu recueillir sur le voyage scientifique de nos compatriotes. Depuis près de six semaines, il n'est question dans la vallée que du voyage des trois Français. Les Anglais, qui abondent toujours ici, n'entendent parler, de Genève à Chamounix, que des trois Français, et ce mot, qui sonne mal à leurs oreilles, surtout en ce moment, augmente encore l'air sérieux et tant soit peu morose du touriste britannique. Enfin les journaux impriment toutes les nouvelles qu'ils peuvent avoir sur les tentatives plus ou moins heureuses de nos voyageurs, et il ne manque absolument à la publicité de l'entreprise qu'un numéro de l'Illustration. Vous allez pouvoir combler cette lacune.

MM. Bravais et Martins s'étaient déjà, depuis plusieurs années, occupés d'observations scientifiques dans les Alpes. Ayant reçu du gouvernement, au printemps dernier, une mission spéciale pour continuer leurs travaux dans ces contrées, ils pensèrent à répéter sur le mont Blanc une partie des expériences déjà faites par eux au Faulhorn, en y ajoutant d'autres recherches qu'il pouvait être intéressant de faire sur cette montagne inexplorée depuis de Saussure au point de vue scientifique. Les questions à étudier se présentaient en foule, et ces messieurs, jugeant utile de s'adjoindre un collaborateur, proposèrent à un de leurs amis, M. le docteur Lepileur, de prendre part à l'expedition. Cette offre fut acceptée avec empressement, et dès lors on s'occupa en commun des préparatifs de toutes sortes, de l'achat des instruments, des vêtements nécessaires, d'une tente, en un mot de tout le matériel, tandis que, par des travaux préliminaires, on procédait à l'étude des phénomènes qui devaient se présenter à l'observation.


De Paris à Chamonix par Genève


Partis de Paris le 16 juillet, ces messieurs arrivèrent à Chamounix le 28, après s'être arrêtés quelques jours à Genève pour comparer leurs instruments à ceux de l'observatoire de cette ville.
Le début de leur voyage n'avait pas été heureux. En traversant pendant la nuit un vallon du Jura, la diligence faillit verser sur une route en réparation, et les voyageurs, penchés sur le bord d'un ravin de quatre à cinq mètres avec la voiture qui portait leur fortune, crurent pendant quelques instants que leur ascension se terminerait aux environs de Saint-Laurent ou de Champagnole. Heureusement, la voiture se releva, grâce aux efforts de chacun, et cet incident n'eut de suites fâcheuses pour personne, excepté pour un avocat italien, voyageur du coupé, qui, devenu fou de frayeur, passa le reste de la nuit à voir autour de lui des précipices et à vouloir sauter par la portière pour les éviter.

De Genève à Chamounix, tout alla bien d'abord : la douane sarde avait reçu des instructions spédales ; une lettre de monsieur l'ambassadeur de Sardaigne, destinée à faire reconnaître ces messieurs, fit sur les préposés d'Annemasse l'effet d'un talisman, et ce fut seulement pour sauver le principe qu'ils ouvrirent la botte d'une boussole, dont la vue sembla leur inspirer beaucoup d'intérêt.

C'est une belle chose que la douane, puisqu'avec un mot de bonne recommandation, on peut passer comme si elle n'était pas ; mais par malheur, il n'est pas de recommandation qui puisse rendre facile aux voitures la route de Sallanches à Chamounix.

Figurez-vous, mon cher ami, une de ces longues charrettes à quatre roues que dans ce pays on nomme pompeusement un char. Ce char, encombré de caisses, de ballots, d'effets de toutes sortes, est attelé d'une ou deux haridelles qu'il menace d'entraîner en arrière sur la pente qu'elles gravissent, ou qu'il pousse à la descente en leur tombant sur la croupe. Autour du char manoeuvrent de leur mieux quatre ou cinq individus portant des baromètres, des bâtons de montagnes, poussant à la roue, retenant la voiture dans les descentes rapides, tremblant sans cesse de voir cette caisse écrasée par cette autre, ou l'essieu se rompre au passage d'un torrent, et tout le voyage tomber dans l'eau. Ce fut ainsi que l'expédition arriva à Servoz, et le lendemain à Chamounix

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Une caravane de 43 personnes


Je ne vous dirai rien des difficultés que ces messieurs rencontrèrent dans les préparatifs de leur ascension. Il ne leur fallait pas moins de trente-cinq hommes pour porter leurs instruments, leur tente, leurs vivres et les vêtements destinés à les préserver du froid et des intempéries dans les régions élevées. Ils se choisirent de plus trois guides parmi les plus habiles et les plus robustes de la vallée.
Enfin tout s'arrangea ; le départ fut fixé au 31 juillet, et, le 30 au soir, on divisa par lots d'un poids égal, autant que possible, les objets à transporter. Chaque porteur devait être chargé d'environ 12 kilogrammes, et de ses vivres pour trois jours. Quelques lots excédaient la limite fixée ; ainsi la tente pesait 15 kilogrammes. Pour prévenir toute difficulté à cet égard, les lots furent tirés au sort, et cette façon de procéder reçut l'approbation générale, parce qu'elle excluait tout soupçon de préférence.

Le 31 juillet, à quatre heures du matin, guides et porteurs étaient réunis dans la cour de l'hôtel de Londres.

C'était un spectacle curieux de voir tous ces hommes différents de taille et de costume disposer chacun à sa manière, dans des sacs, dans des hottes ou sur des crochets, les objets qu'ils devaient transporter dans ces régions glacées où le soleil brillait déjà de tout son éclat, tandis que le jour commençait à peine dans la vallée.

On fit la distribution des vivres ; chaque homme reçut sa ration de pain, de viande, de fromage, de fruits secs et de sucre ; enfin, à sept heures et demie, on se mit en marche.

Le plus beau temps semblait devoir favoriser le voyage ; toutefois le vent du sud-ouest régnait sur les cimes, et le baromètre baissait un peu depuis quelques heures ; mais ces signes de mauvais augure pouvaient faire place à ceux d'un temps plus certain, et d'ailleurs on était alors trop avancé pour reculer.

La caravane se composait de trente-cinq porteurs et de trois guides, Jean Mugnier, Michel Couttet et Gédéon Balmat. Deux jeunes gens de la vallée s'étaient joints à leurs camarades, et montaient avec eux par partie de plaisir. C'étaient donc quarante-trois personnes qui allaient à la fois tenter d'escalader le mont Blanc, et jamais colonne si nombreuse n'était partie de Chamoumix.


Montée vers la Pierre-de-l'Echelle


On atteignit bientôt le hameau des Pèlerins et la demeure modeste de Jacques Balmat. C'est là que naquit cet homme, le héros de sa vallée ; c'est de là qu'il partit, en 1786, pour gravir le premier la cime du mont Blanc, et, quarante-trois ans après, pour aller périr misérablement dans les glaciers qui dominent la combe de Sixt. Cette pauvre maison de bois est maintenant tout ce qui reste de lui dans son pays natal. Ses enfants sont dispersés dans les contrées lointaines, et pas une pierre ne rappelle au voyageur le nom du montagnard intrépide, du guide habile et dévoué qui fraya la route du mont Blanc à de Saussure, et qui rendit à jamais les étrangers tributaires de ses concitoyens.
A quelques pas de la maison de Jacques Balmat, la caravane s'enfonça dans la forêt des Pèlerins, en laissant à gauche la belle cascade du même nom. Au printemps dernier, une énorme avalanche, descendue de l'aiguille du Midi,a renversé une partie de la forêt; c'est un aspect désolant que celui de ces beaux arbres brisés et couchés sur le sol. La montée rapide qui conduit à la Pierre-Pointue fut franchie sans peine, et l'on se remit en marche après quelques instants de repos. Un peu plus loin, à gauche de la moraine des Bossons, s'ouvre un couloir, le long duquel roulent fréquemment des pierres, débris des rochers voisins ; il fut traversé rapidement, et bientot on atteignit la Pierre-de-l'Echelle. Ce gros bloc est ainsi nommé parce qu'on abrite sous sa base l'échelle qui sert quelquefois à passer les crevasses du glacier voisin. On s'y arrête ordinairement pour déjeuner, et c'est là un de ces usages respectables auxquels on ne doit jamais déroger en voyage.
Pendant la montée, plusieurs fois déjà le baromètre avait été observé pour déterminer la hauteur de limites végétales ou de points intéressants. La température, en s'abaissant un peu, n'en devenait que plus agréable, et facilitait la marche, toujours pénible pour des gens chargés. Un horizon magnifique allait s'agrandissant, tandis qu'au nord, la chaîne du Bréven, les rochers des Fiz, les monts Vergi, et, au sud, l'aiguille du Midi, semblaient à chaque pas diminuer de hauteur.
Vous connaissez, mon cher Joanne, l'admirable panorama que l'on decouvre de la Pierre-de-l'Echelle. En songeant que cette vue, déjà si belle, devait s'agrandir et s'embellir encore d'heure en heure, en voyant un beau ciel leur promettre la réussite, nos voyageurs et leurs guides se félicitaient mutuellement. Les vivres furent attaqués avec cet appétit que donne l'air des montagnes, et bientôt les porteurs se trouvèrent allégés d'un poids notable.


Une mer de glaces et de neiges


A midi et demi, chacun reprit son fardeau, et l'on se dirigea vers le glacier des Bossons, qu'il faut traverser pour gagner les Grands-Mulets. La moraine de ce glacier est comme une barrière qui sépare la terre ferme d'un océan de glaces et de neiges ; au-delà, quelques rochers seulement apparaissent comme des ilots sur cette mer éblouissante ; cependant on se sent heureux en franchissant la moraine, car c'est au moment où l'on aborde le glacier que commence la partie sérieuse du voyage, c'est alors que les phénomènes intéressants se présentent en foule à l'observateur, et qu'on s'attend à voir du nouveau, but que poursuivent tous deux, quoique sous des points de vue différents, l'homme de science et le touriste.

En abordant le glacier des Bossons, on est obligé de côtoyer le pied de l'aiguille du Midi. Cette aiguille commande le passage comme une forteresse destinée à le défendre ; de ses nombreux couloirs descendent incessamment des pierres, qui traversent an bondissant la route du voyageur; et sur une largeur d'au moins 200 mètres, un petit glacier domine la pente qu'il faut traverser pour atteindre les Bossons. De temps en temps, des blocs de glace roulent en se brisant sur les rochers et les balayent sur une partie de leur étendue ; plusieurs de ces avalanches tombent chaque semaine, quelquefois dans le même jour, et, quand on revient du mont Blanc, on trouve ordinairement la trace de la veille couverte par une avalanche récente. Aussi les guides franchissent-ils ce pas dangereux le plus vite possible et l'oreille au guet, toujours prêts, au moindre craquement, à reculer ou à s'élancer en avant, suivant la direction que prendrait cette redoutable mitraille : au reste, depuis qu'on fait l'ascension du mont Blanc, ce passage n'a jamais été funeste à personne.

Le glacier des Bossons fut traversé facilement : la neige, très abondante cette année, couvrait les crevasses de ponts épais, et sa surface permettait au pied de prendre un appui solide. L'échelle emportée par mesure de précaution fut abandonnée comme un poids inutile au milieu des séracs, et la troupe voyageuse continua de gravir le glacier, marchant à la file, et décrivant de longs zigzags sur les pentes escarpées. Elle atteignit ainsi les Grands-Mulets à trois heures et demie. C'était là qu'on devait passer la nuit.


Coucher de soleil aux Grands Mulets


Vers le sommet du premier de ces rochers, que l'on rencontre en montant, se trouve une plate-forme naturelle bordée çà et là d'un mur en pierres sèches, et sur laquelle cinq à six hommes peuvent se tenir couchés ; plus bas, d'étroites fentes, quelque saillie de rocher ou le dessous de quelques gros blocs sont les seuls abris que l'on trouve. Tous ces gites ont été installés, tant bien que mal, par les guides dans les différentes ascensions. Au pied du rocher, on voit une caverne naturelle qui s'enfonce sous des blocs éboulés. L'entrée est en partie fermée par un mur en pierres sèches, et elle peut contenir trois personnes. Cette cabane est, dit-on, celle où coucha de Saussure à son retour du mont Blanc. Ce fut là que ces messieurs établirent leur observatoire ; et, pendant que les guides se reposaient ou erraient dans les rochers, ils s'occupèrent activement de leurs travaux. Le degré d'ébullition de l'eau, l'intensité magnétique, les phénomènes météorologiques et physiologiques étaient observés, et le temps s'écoulait repidement. Déjà le soleil s'abaissait derrière les monts Vergi, les vallées de Chamounix et de Sallanches étaient depuis longtemps dans l'ombre, tandis que les aiguilles qui les dominent prenaient la teinte du fer rouge, et que les neiges des hauteurs se révélaient d'un rose éclatant. Bientôt l'aiguille de Varens et les rochers des Fiz s'éteignirent, l'ombre montait sur la base du mont Blanc, et quelques instants après, elle avait enveloppé les Grands-Mulets. Ces neiges si lumineuses se couvrirent d'une teinte livide, les immenses crevasses qui entourent le rocher semblaient plus bleues et plus profondes, tandis que leurs parois et leurs bords, capricieusement accidentés, changeaient à chaque instant de couleur, et se montraient tour à tour verts, roses ou violets. L'aiguille du Gouté, le dôme, les monts Maudits pâlirent successivement, la cime du mont Blanc resta seule éclairée pendant quelque temps encore, puis le rose fit place à un blanc verdâtre, et tout fut fini.


Bivouac dans le vent


Aucun détail de cet admirable tableau ne fut perdu pour les observateurs, qui se faisaient remarquer l'un à l'autre les phénomènes dont ils étaient frappés. Les dégradations de la lumière, les phases du crépuscule furent l'objet de leur étude attentive, et ce spectacle sublime leur a laissé des souvenirs ineffaçables. La nuit venue, les guides allumèrent des feux avec le peu de bois qu'ils avaient apporté, puis se mirent à chanter en choeur des airs de leur pays. Parmi ces mélodies, généralement empreintes de tristesse, quelques-unes étaient belles, et les voix pures et fortement timbrées des montagnards faisaient un effet saisissant au milieu du silence de la nuit. Peu à peu, le sommeil gagna les chanteurs, et l'on n'entendit plus rien que le bruit de quelques avalanches tombées des hauteurs voisines. La lune se leva bientôt derrière les monts Maudits, dont les grandes ombres se projetaient sur le glacier, tandis que le dôme et l'aiguille du Gouté s'édairaient peu à peu ; la nuit était belle, mais les étoiles scintillaient de plus en plus, et le vent du sud-ouest régnait sur le mont Blanc. Ce vent redoutable augmentait sans cesse, et l'on pouvait juger de sa violence dans les hautes régions, en voyant, vers une heure du matin, l'ombre de gros nuages qui passaient devant la lune traverser le glacier avec la vitesse d'une locomotive lancée à toute vapeur.

Tout annonçait un temps peu favorable au succès de l'entreprise ; au point du jour, nos observateurs étaient debout, les yeux fixés sur le ciel. Le lever du soleil fut d'abord assez beau ; cependant, de longs nuages lie de vin s'étendaient à l'horizon du côté de l'est ; à l'ouest, on remarquait une belle teinte rosée au-dessous de laquelle l'ombre de la terre dessinait sur le ciel un arc d'un bleu foncé. Le soleil se leva au milieu des nuages qui, de temps en temps, voilaient ses rayons


Marie Couttet devance la caravane


Malgré ces signes fâcheux, on se préparait à quitter les Grands-Mulets, quand bien des causes de retard vinrent encore entraver la marche. Il fallut peser de nouveau les charges des porteurs, qui avaient changé la répartition du bagage et se plaignaient de l'inégalité des fardeaux. Enfin, vers six heures, la caravane était sur le glacier ; mais un homme l'y avait précédée depuis longtemps. C'était un vieillard du village des Prats, qui, dans sa jeunesse, servit plusieurs fois de guide à de Saussure ; il se nomme Marie Couttet, et fut jadis surnommé le Chamois à cause de son incroyable agilité. Agé de quatre-vingts ans, il vit dans la plus profonde misère, presque sans autre ressource qu'une pension de 50 francs que lui fait le gouvernement ; cependant, malgré sa vieillesse et les privations, il conserve encore une force extraordinaire, et ses yeux sont vifs et perçants comme ceux d'un jeune homme. Ce vieillard est possédé de la monomanie du mont Blanc, et prétend avoir découvert un passage encore inconou pour parvenir à la cime. Lorsqu'il sut qu'une grande ascension se préparait, il vint à Chamounix et s'efforça inutilement de se faire agréer comme guide de l'expédition. Enfin, le jour du départ, il quitta les Prats dans l'après-midi, et, seul, sans autres vivres qu'un peu de pain et d'eau-de-vie, il se dirigea vers le glacier des Bossons, le traversa et gravit pendant la nuit l'escarpement dangereux des Grands-Mulets, dont il atteignît le sommet à dix heures du soir par le chemin le plus difficile. Les guides furent bien surpris de le voir arriver au milieu d'eux ; ils lui firent fête et lui offrirent à souper : mais, avec sa fierté ordinaire, il répondit qu'il n'avait besoin de rien et se coucha près du feu en attendant le jour. A quatre heures et demie, il partit seul, et quand la caravane se mit en marche, il avait déjà presque atteint le petit plateau. On le voyait s'élever d'un pas égal et rapide ; courbé sur la neige, il s'aidait quelquefois des mains dans les pentes trop roides ; le vent violent qui soufflait alors lui enleva son chapeau, qui alla s'engloutir dans une crevasse ; mais sans s'inquiéter de cette perte, il continua sa route la tête couverte seulement d'un bonnet de laine ; enfin, on le perdit de vue derrière une ondulation du glacier.


La caravane rejoint Marie Couttet


Cependant, voyageurs et guides s'élevaient sur le glacier Taconnaz et voyaient à leurs pieds les derniers rochers des Grands-Mulet. La neige était excellente et permettait d'assurer les pas sans enfoncer ; les porteurs montaient avec courage et sans qu'un seul d'entre eux restât en arrière. C'était un fort beau spectacle à voir de Chamounix que cette longue file sillonnant les neiges éternelles et s'avançant lentement mais d'un pas soutenu. Malheureusement, le temps devenait toujours moins favorable. Vers le haut de la pente longue et ardue qu'il faut gravir pour arriver au petit plateau, on se reposa pendant un quart d'heure et l'on prit un peu de nourriture ; puis on gagna une plaine de neige inclinée d'environ 12° et dont la largeur est à peu près de 800 mètres ; c'est ce qu'on nomme le petit plateau. Situé au pied du dôme du Gouté et dominé par les séracs qui hérissent ses escarpements, il est souvent traversé par leurs débris qui roulent en avalanches ; c'est là un des plus mauvais passages qui se trouvent sur la route du mont Blanc. On le traversa heureusement en contournant la limite de la dernière avalanche, qui paraissait déjà ancienne. Un peu au-dessus du petit plateau, le vieux Couttet fut rejoint par la caravane. Le temps se gâtait de plus en plus ; peut-être aussi, malgré toute sa vigueur, le pauvre vieillard se sentait-il fatigué ; on voulut lui faire accepter un peu de vin, mais il avait été blessé de ce qu'en l'abordant, les guides l'avaient appelé Moutélet (belette), sobriquet patois qu'il porte depuis son enfance. Il refusa donc et redescendit d'un pas ferme sur sa trace, pendant que toute la troupe continuait de s'élever vers le grand plateau. Peu d'instants avant qu'elle l'atteignit, le soleil brillait encore, et l'on découvrait, au fond de la vallée, le Prieuré avec ses maisons blanches et l'Arve qui le traverse. Cependant, un vent violent du sud-ouest soufflait toujours et soulevait, à la surface de la neige, une poussière fine et glacée ; le froid était assez vif, mais aucun des phénomènes que produit chez l'homme un air raréfié ne s'était encore montré, sauf une diminution notable de l'appétit et un peu de battement dans les carotides ; encore ces effets étaient-ils loin d'étre généraux.


Séparation de la caravane


Tout à coup, et au moment où la dernière crevasse qui précède le grand plateau allait être franchie, des vapeurs grises s'élèvent de la vallée, et en un dm d'oeil tout se trouve enveloppé dans le brouillard. La vue ne s'étendait guère au-delà de 150 à 200 mètres, et ce fut ainsi qu'on arriva au grand plateau. Il était alors dix heures un quart, et le thermomètre marquait -2°C.

Que faire dans des circonstances pareilles ? fallait-il redescendre à Chamounix avec un matériel considérable, qu'on n'avait pas transporté si haut sans beaucoup de peine ? fallait-il faire tête à l'orage, dans l'espoir qu'au bout de quelques heures le temps deviendrait meilleur ? Ce dernier parti fut adopté sans hésiter. Ces messieurs congédièrent les porteurs en demandant seulement deux hommes de bonne volonté qui devaient, avec les trois guides, partager leur bonne ou leur mauvaise fortune. Deux hommes sortirent aussitôt du groupe principal : c'étaient Auguste Simond, taillandier au hameau de Lavanché, et Jean Cachet, petit-fils de Cachat le Géant.

Nous les retrouverons dans le cours du voyage.


L'abri précaire d'une tente


Les autres porteurs s'étaient précipitamment débarrassés de leurs fardeaux et prenaient à la hâte un peu de nourriture, pendant qu'instruments, vivres, habits de voyage, étaient étendus pèle-mêle sur la neige. De leur côté, les voyageurs et leurs cinq compagnons, après avoir choisi l'emplacement qui parut le plus convenable et le plus sur, déployèrent la tente et s'occupèrent de la dresser. Le neige fut creusée avec la pelle à une profondeur de 25 centimètres, dans un espace de 4 mètres de long sur 2 de large, les piquets furent disposés à l'entour, aux places qu'ils devaient occuper; puis deux hommes enlevèrent la tente, garnie de sa traverse et de ses supports, et la dressèrent, tandis que les autres faisaient passer les boucles de corde autour de la tête des piquets. On passa ensuite le milieu d'une corde sous la tôle d'un des boulons qui unissaient la traverse au support vertical, puis cette corde fortement tendue fut attachée par ses deux extrémités à deux bâtons profondément enfoncés dans la neige du côté d'où venait le vent. On eut ainsi deux haubans qui donnaient à l'ensemble une plus grande solidité.

Pendant ce temps, un grésil fin et serré tombait et couvrait déjà les objets déposés sur la neige du grand plateau ; les porteurs, craignant de ne pouvoir retrouver les traces, qui, par ce temps, devaient être bientôt effacées, s'étaient hâtés de redescendre et avaient disparu dans le brouillard. Vingt minutes avaient suffi pour installer la tente, car tout le monde avait pris part au travail, et c'étaient deux de ces messieurs qui l'avaient dressée pendant que le troisième et les guides tandaient ses parois à l'aide des piquets ; on se hata d'y abriter les instruments les plus précieux, les vêtements, la poudre et une partie des vivres, en laissant dehors les objets qui devaient le moins se détériorer aux injures du temps. Cependant, le vent soufflait par raffales de plus en plus violentes, et la brume permettait à peine de voir à 50 mètres, tout le monda était transi de froid, et dès que cela fut possible, chacun entra sous la tente. On eut bien de la peine à s'y caser; les planches minces de bois de sapin qu'on avait apportées pour couvrir la neige se trouvaient en nombre insuffisant ; d'autre part, viande, pain, vin, fromage, sucre, étaient entassés pêle-mêle avec les actinomètres, les pelisses, les boussoles, les couvertures, la poudre et les instruments de toutes sortes. C'était un chaos inévitable en pareille circonstance mais qui n'en était pas moins pénible, et dont il était impossible de se tirer.

En effet, la tente avait été calculée pour six hommes qui devaient occuper 6 mètres carrés sur 8 d'aire totale, les deux autres mètres étaient réservés aux instruments ; or, la tente contenait alors huit hommes et les instruments en plus.

Une longue attente dans la tourmente
On s'arrima le mieux possible ; les guides se placèrent tête-bêche à l'une des extrémités ; et les trois voyageurs, enveloppés de leurs pelisses, ocupèrent l'autre moitié ; un étroit espace fut réservé dans le milieu pour le fourneau et les instruments à observer. Les baromètres avaient d'abord été placés dehors ; plus tard, on en rentra un, qui fut suspendu à l'un des supports de la tente.

On s'occupa ensuite d'un repas qui ne pouvait pas être splendide, mais que la fatigue et le froid rendaient nécessaire. Le fourneau avec la lampe à alcool furent installés. Le neige, placée dans une casserole de fer-blanc, se fondit lentement, on y ajouta du vin, et quand ce mélange fut presque bouillant, chacun en but un verre. Les vivres furent aussi mis à contribution, mais personne n'avait le même appétit que dans la vallée, et le sommeil était pour tous un besoin irrésistible ; l'influence d'un air plus rare se faisait sentir. La fatigue des jours précédents et de deux nuits passées presque sans dormir, étaient aussi pour beaucoup dans ces phénomènes ; et pour ces messieurs, la douleur de voir tous leurs projets compromis, car ils n'espéraient plus alors que le temps pût s'améliorer.


Envisager calmement les pires eventualites


Le vent augmentait sans cesse de force, et les raffales devinrent bientôt si violentes qu'on craignit sérieusement que la tente ne fût emportée. Chaque fois qu'un de ces affreux redoublements de la tourmente venait s'abattre sur le grand plateau, la toile cédait de dehors en dedans comme une voile que le vent gonfle, et le bord de la porte du côté de l'ouest, que l'on tenait fermée, les courroies, les boucles, tout ce qui pouvait donner prise au vent bruissait sous ses efforts. Les deux supports en bois de sapin, de 5 centimètres d'équarrissage, vibraient sans cesse comme une corde de violon, et quand le mugissement du vent annonçait une raffale, on portait instinctivement la main aux supports, dont la rupture pouvait amener bien des malheurs. D'autres haubans furent ajoutés à ceux qu'on avait déjà placés ; puis on fit fondre de la neige, et quand on eut de l'eau chaude, on la versa sur les piquets. De cette manière, la neige dans laquelle ils étaient enfoncés fut fondue, puis se congela bientôt en une masse au milieu de laquelle le piquet se trouvait comme soudé ; enfin, toutes les précautions possibles furent prises pour assurer la solidité de cette tente alors si précieuse.

La journée s'avançait, et la tourmente augmentait toujours de violence. Il était impossible de faire hors de la tente d'autres observations que celle du baromètre et du thermomètre ; sous la tente, l'espace ne permettait pas d'observer d'autres instruments. On se désolait en pensant à tant de peines inutiles, on se demandait ce qui resterait à faire si les supports se brisaient, si la tente était emportée ; une de ces catastrophes pouvait arriver d'un instant à l'autre, et l'on convenait tranquillement des mesures à prendre dans cette extrémité ; ce qui semblait le plus grave, c'était le cas où un pareil accident arriverait pendant la nuit, qui déjà était proche. Toutes ces hypothèses, toutes ces discussions sur la meilleure manière de s'en tirer, finissaient toujours par ces mots : "bah ! elle résistera". Ce qui rassurait surtout ces messieurs, c'était de voir que, parmi leurs guides, pas un ne perdait courage. Sans doute, là comme à la mer, le sang-froid et la tranquillité des chefs de l'expédition soutenaient le moral de l'équipage, mais c'était vraiment un équipage d'élite.


L'équipage d'élite de Jean Mugnier


Il avait été choisi par Mugnier, à qui son habileté bien connue, et sa réputation aussi bonne que méritée, avaient valu la confiance de ces messieurs, et le rang de premier guide de l'expédition. Habitué dès l'enfance à courir les montagnes pour y chercher des cristaux, il a le pied sûr et l'agilité du chamois. Toujours calme, même dans les moments les plus critiques, possédé de l'amour de son métier, et sans cesse à la recherche de quelque passage nouveau, il semble destiné à recueillir l'héritage de ces guides justement célèbres dont les ouvrages de l'illustre de Saussure ont immorlalisé les noms.

Tandis que le vent donnait l'assaut à la tente, il abondait en ressources pour tous les malheurs qu'on pouvait prévoir, et protestait en riant que rien de tout cela ne lui ferait perdre l'appétit.

Gédéon Balmat, dont la tête fortement accentuée aurait pu servir de modèle à Salvator, et Michel Couttet, avec son sourire fin et son expression de bonne humeur, tous deux excellents guides, tous deux attentifs, prudents et robustes, étaient dignes de figurer à côté de leur camarade.

Mais celui qui se distinguait surtout par sa gaieté tranquille et inaltérable, par son talent d'être toujours prêt à tout, toujours content, toujours parfaitement heureux, c'était Auguste Simond. Il a 27 ans, près de 6 pieds de haut, et une force herculéenne ; outre son métier de taillandier, il fait aussi quelquefois celui de chercheur de cristaux, et c'est ainsi qu'il a acquis la connaissance et l'habitude des glaciers. Cet homme, disait M. Bravais, ferait un excellent matelot, sans souci, toujours de bonne humeur, et paraissant d'autant plus à l'aise que le temps devient plus mauvais. L'autre porteur, Jean Cachat, était le digne compagnon de ces braves gens.

Aucune amelioration

La nuit vint sans apporter au temps la moindre amélioration ; aussitôt après le coucher du soleil, le vent augmenta plutôt qu'il ne diminua de force, et le thermomètre s'abaissa sensiblement. Cependant, on avait alors plus de confiance dans la solidité de la tente, sa résistance à tant de rudes épreuves était un gage pour l'avenir ; d'ailleurs, la fatigue et le sommeil rendaient chacun assez indifférent aux éventualités sinistres.

Le fanal fut allumé ; les causeries des guides continuèrent encore quelque temps, puis bientot le sommeil s'empara de tous. La plupart d'entre eux étaient dans une position très gênée ; Balmat fut obligé de rester assis presque toute la nuit, la tete appuyée contre l'un des supports. Quand une raffale plus violente que les autres venait ébranler la tente, on entendait quelques exclamations, quelques mots inarticulés, puis tout se taisait. Le froid, vif au-dehors, était supportable à l'abri du vent ; d'ailleurs, la réunion d'un certain nombre d'individus dans un espace étroit en échauffait l'air, et l'aurait même vicié rapidement s'il n'eût été fréquemment renouvelé. L'un des observateurs sortait souvent de la tente pour noter le baromètre et le thermomètre placés au-dehors. Le mercure du thermomètre continuait à descendre, la veille entre trois et quatre heures, il marquait -5°C ; on l'observa successivement à -7°C, à -8°C, et enfin, à trois heures quarante-cinq minutes du matin, le 1er août, il était à -13,1°C. Sous la tente, il oscillait entre +2° et +3°C, mais du moment que la porte restait ouverte quelques instants, on le voyait descendre à 0°C. Cependant, personne ne souffrait du froid, les guides étaient munis de bonnes couvertures et de sacs en peau de mouton. Quant aux voyageurs, enveloppés dans des paletots de peau de chèvre, ils pouvaient braver le vent et le froid. Une pelisse de peau de chèvre doublée de peau de mouton était destinée à celui d'entre eux qui occupait l'extrémité de la tente, et qui, pour avoir un espace suffisant, était obligé de refouler avec son corps, et de tenir ainsi tendue, cette toile revêtue de glace et que la neige surchargeait incessammant. Grâce aux vêtements dont on s'était muni, personne ne souffrit du froid, et cependant , quand on changeait de position, le poil de la pelisse s’arrachait et restait attaché par la glace à la paroie de la tente . Pendant la nuit , le vent diminua de violence mais la neige continua de tomber. Le jour n’ amena aucun changement favorable, et quand ces messieurs sortirent pour observer le temps , ils reconnurent que 50 Centimètres de neige étaient tombés depuis la veille sur le grand plateau. Je vous ai dit que la tente avait été placée dans un creux ; on s'attendait à le trouver comblé et à voir la toile céder au poids de la neige, surtout du côté du vent ; ce fut tout le contraire ; chaque raffale balayait la tente, puis, se réfléchissant et tourbillonnant à sa base, elle rejetait la neige au-delà du fossé, dont elle modelait bizarrement les parois. Le même phénomène se produit dans les crevasses des glaciers lors des chutes de neige nouvelle, et même, pendant l'hiver, on peut l'observer dans les fossés et le long des berges qui bordent nos routes.
La toile, couverte de givre, que faisait fondre à la surface la chaleur de l'intérieur, était roide et fortement tendue.
Un vent très fort du sud-ouest continuait à chasser horizontalement le grésil et soulevait en tourbillons la neige du grand plateau ; le thermomètre marquait -8°C, et le baromètre se tenait aussi bas que la veille au plus fort de la tourmente.

 

 

 



 

Retour à Chamonix sans les instruments


Se voyant dans l'impossibilité de faire aucune observation, sans espoir que le temps pût s'améliorer, ces messieurs durent se résoudre à regagner la vallée. Les préparatifs de départ se firent promptement ; on rangea sous la tente les divers objets qu'elle contenait et qui jusque-là y étaient restés en désordre, on y abrita tout ce qui se trouvait dehors. Quand tout fut prêt, on boucla la porte, et, comme la toile et les courroies gelées ne permettaient pas de la fermer hermétiquement, on entassa de la neige au-devant.

Il n'aurait pas été prudent de traverser le glacier sans s'attacher les uns aux autres, on devait s'attendre à trouver des crevasses cachées sous la neige nouvelle, qui d'ailleurs rendait plus scabreux certains passages. Il fallut, au grand regret de tous, prendre pour cet usage une des cordes servaient de haubans. C'était une garantie de moins pour la conservation de tant d'objets, dernier espoir des voyageurs, mais on ne pouvait hésiter. Chargée des instruments les plus precieux, la petite troupe se mit en marche, non plus joyeuse comme la veille en partant des Grands-Mulets, mais triste et désolée ; au moment ou elle quittait la tente, le brouillard se déchira tout à coup, et le mont Blanc se montra dans toute sa splendeur ; on découvrait un cirque admirable dont le soleil faisait étinceler les neiges, mais nos voyageurs avaient trop d'expérience pour se laisser séduire à ces apparences de beau temps.

De la cime du mont Blanc partait une fumée légère qui se dirigeait vers le nord-est. C'était la neige que le vent du sud-ouest, toujours furieux sur les hauteurs, chassait à travers les airs ; des monts Maudits, du Dromadaire, de dôme du Gouté, de semblables aigrettes de neige se dessinaient sur le ciel. La violence du vent sur les cimes rendait impossible toute ascension, et quand le vent se serait calmé, on n'aurait pu, sans une imprudence coupable, s'engager sur des neiges nouvelles et risquer de voir, comme en 1820, dans des circonstances pareilles, la caravane emportée par une avalanche.

On prit donc la route des Grands-Mulets ; il était sept heures et le thermomètre marquait encore à l'air libre -7°C. Le descente ne présenta pas de difficultés sérieuses ; en une heure et demie, la troupe avait atteint la cabane de Saussure, qu'elle trouva presque remplie de neige ; l'accès des rochers était devenu plus difficile à cause de la neige qui les encombrait et cachait des intervalles où le pied s'enfonçait. Après quelques instants de repos aux Grands-Mulets, le glacier des Bossons fut traversé rapidement, et l'on gagna la Pierre-de-l'Echelle. La neige, tombée bien plus bas encore, rendait fort mauvais le sentier qui conduit à la Pierre-Pointue, quelques chutes firent courir des risques aux baromètres et à ceux qui les portaient ; cependant, instruments et observateurs arrivèrent heureusement quelques heures après à Chamounix.


Attente d'une occasion favorable


On avait eu des inquiétudes sur leur compte, pendant la nuit surtout ; car la tempête avait régné aussi dans la vallée ; le thermomètre était descendu à +5°C, température extraordinaire dans cette saison, et la neige était tombée jusqu'à environ 500 mètres du prieuré, bien au-dessous de la limite supérieure des sapin.

Les bruits les plus sinistres avaient couru dans les vallées voisines, et l'on avait été jusqu'à dire à Sallanches que vingt personnes avaient péri dans l'ascension. Les touristes abondaient à Chamounix ; tous les jours, on se portait en masse à la Fegère, d'où l'on pouvait voir la tente à l'aide d'une lunette d'approche. Ces messieurs, depuis leur retour, s'occupaient dans la vallée de recherches scientifiques ; l'étude des moraines et des traces laissées par d'anciens glaciers, le jaugeage de l'Arve, sa température, observée chaque jour par M. Camille Bravais, enfin quelques excursions sur les glaciers, remplissaient leurs journées. Le temps parut vouloir se remettre, et le 6 août, on se décida à tenter une seconde fois l'ascension. Le baromètre était plus élevé de 3 millimètres que lors du premier départ ; cependant, le vent du sud-ouest régnait toujours dans les hauteurs ; quelques doutes, quelque hésitation se glissaient bien dans l'esprit de chacun, mais personne n'osait parler de délai, car on craignait de perdre ainsi la seule occasion qui pût se présenter de longtemps.


Nouvelle tentative le 7 août


Le 7 août, ces messieurs quittèrent Chamounix à sept heures et demie du matin avec deux guides et cinq porteurs ; les deux guides étaient Mugnier et M. Couttet ; Balmat avait été engagé dès le 3 août pour plusieurs semaines par un voyageur. Les porteurs étaient A. Simond, J. Cachat, A. Frasserand, Alexandre Couttet, frère du guide, et Dévouassous ; ces trois derniers avaient pris part comme les autres à la première ascension.
La montée fut moins facile que le première fois à cause des neiges nouvelles et encore molles, dans lesquelles on enfonçait. Le guide qui frayait la trace se fatiguait promptement, surtout pendant les trois dernières heures. Enfin, on atteignit le grand plateau à six heures et demie. Ce fut avec joie que chacun retrouva le tente ; on y arrivait comme chez soi, comme dans une maison connue, on pouvait compter sur sa solidité, enfin c'était une vieille connaissance, une compagne d'infortune, que l'on retrouvait.

Obligés de renoncer au projet de la transporter à la cime, à cause de son poids et surtout de l'impossibilité d'arracher les piquets, ces messieurs avaient fait faire à Chamounix une autre tente, beaucoup plus petite et pouvant recevoir seulement deux hommes. A l'aide de cette tente, un des observateurs avec un guide aurait pu passer à la cime au moins une nuit ; mais le mauvais temps vint encore cette fois contrarier leurs projets et se jouer de leur persévérance.


Orage nocturne sur le grand plateau


A peine avait-on mis en ordre sous la tente les objets qu'on y avait laissés et ceux qu'on y rapportait, à peine avait-on dressé le petite tente dans le voisinage de la grande et rangé sous cet abri des vivres et quelques instruments, que la neige commença à tomber comme la première lois, tandis q'un vent de sud-ouest, trop connu de nos voyageurs et qui, toute la journée, les avait tenus dans l'inquiétude, balayait le grand plateau et venait ébranler leur refuge.

Bientôt le tonnerre gronda ; enfin un orage violent se déchaîna sur le grand plateau ; les détonations de la foudre n'étaient pas très fortes ; on s'attendait à des éclats retentissants, qui ne se présntèrent pas mais le bruit suivait de très près l'éclair, et en comptant les secondes d'intervalle, on reconnut que l'explosion électrique devait avoir lieu à 1.000 mètres au plus de distance. Un paratonnerre construit au moyen d'un bâton de montagne et d'une petite chaîne fut installé près de la tente.

Cette nuit se passa comme la première ; on avait de plus à courir les dangers de la foudre, mais d'autre part, les raifales étaient peut-être un peu moins violentes. Le thermomètre ne descendit pas au-dessous de -6,2°C.
Le 8 août, dans la matinée, l'orage, qui avait duré sans discontinuer toute la nuit, parut se calmer un moment, puis reprit avec plus de force ; la neige était si abondante que, de dix à onze heures, il en tomba 33 centimètres sur le grand plateau.

Désespérés du malheur qui les poursuivait avec tant d'acharnement, ces messieurs ne savaient pas à quoi se résoudre, et c'était avec un profond découragement qu'ils s'occupaient des opérations que le temps ne rendait pas impossible. On fit avec soin l'expérience de l'ébullition de l'eau, on recueillit aussi quelques observations de météorologie et de physiologie. A dix heures du matin, trois des porteurs, dont on n'avait plus besoin, furent renvoyés à Chamounix, et l'on ne garda avec les deux guides que Simond et Cachat.


Nouveau retour dans le brouillard


Cependant la journée s'avançait, et pendant que l'appareil à ébullition fonctionnait encore, Mugnier, après avoir interrogé le temps et consulté ses camarades, déclara à ces messieurs qu'il croyait urgent de descendre. "La neige continue à tomber, leur dit-il ; déjà nous ne pouvons plus compter, pour nous guider, sur les traces des hommes partis ce matin. Les séracs, qui surplombent en plusieurs endroits la route que nous devons suivre, sont chargés d'une couche de neige qui va sans cesse augmentant d'épaisseur, et dont le poids peut d'un moment à l'autre entraîner la chute des blocs de glace qu'elle surmonte. (Il était tombé depuis la veille plus de 60 centimètres de neige.) Plus nous attendrons, plus le danger augmentera, car on ne peut espérer que le temps s'améliore. Descendre demain serait impossible, et l'on ne trouverait à aucun prix à Chamounix des hommes qui voulussent risquer leur vie pour venir nous porter secours ; si donc nous ne descendons pas aujourd'hui, nous pouvons rester ici plusieurs jours assiégés par le mauvais temps et sans qu'il soit possible de prévoir comment nous en sortirons."

En présence d'une pareille alternative, que pouvait-on faire ? L'homme qui s'exprimait ainsi était digne de toute confiance ; son opinion était partagée par tous ses camarades, et d'ailleurs, ces messieurs connaissaient trop bien les montagnes pour ne pas penser comme lui. On était sur le grand plateau ; tout près de là s'ouvre la crevasse où trois malheureux furent engloutis par la faute d'un homme qui ne voulut pas écouter les conseils de ses guides ; pouvait-on penser à encourir une responsabilité pareille ?

Dès que l'expérience de l'ébullition de l'eau fut terminée, on se prépara au départ. Les deux ou trois premiers hommes seulement furent attachés, car on manquait de corde ; le brouillard était si épais qu'on pouvait à peine distinguer un homme à vingt pas ; le vent chassait avec force une neige épaisse en petits flocons qui glaçait le visage et les mains. Il semblait impossible qu'on pût retrouver sa route par un pareil temps, mais les guides connaissaient trop bien le glacier pour s'égarer un instant. Une heure et demie après, la caravane, qu'enveloppait toujours le brouillard, se trouvait en face d'un rocher qui, par sa position, ne pouvait être que celui des Grands-Mulets, mais qui semblait aussi grand et aussi reculé que l'aiguille du Midi. Tout à coup, le brume venant à se dissiper, on se trouve à 50 mètres au plus de la cabane de De Saussure, bien reconnaissable alors, et près de laquelle on prit quelques instants de repos.

A neuf heures du soir, voyageurs et guides rentraient sains et saufs à Chamounix.


Autour du mont Blanc


Forcés de renoncer pour quelque temps à gravir le mont Blanc, ces messieurs voulurent au moins en faire le tour, et ce fut dans cette intention qu'ils partirent de Chamounix le 10 août, avec Mugnier et Cachat. Ce voyage fut pour eux fertile en faits scientifiques du plus haut intérêt, et ils revinrent au prieuré le 19, enchantée de leur tournée. Toutefois, le vent du sud-ouest les avait poursuivis constamment et leur avait interdit le passage du col du Géant, en couvrant d'une neige épaisse les rochers qui, de Cormayeur, conduisent au sommet du col.

Decidés à persévérer dans leur entreprise, et sentant cependant la nécessité de se fixer une limite, ils résolurent d'attendre à Chamounix jusqu'au 31 août, et, si alors le temps n'était pas favorable peur tenter l'ascension, de remonter encore une fois au grand plateau pour y chercher leurs instruments et leur tente, afin de ne quitter la vallée qu'après ce qu'on pourrait appeler une capitulation honorable.

Vous dire ce qu'ils eurent à souffrir pendant les jours suivants, ce qu'ils avaient déjà souffert depuis trois semaines, serait impossible. Ils se désolaient de cette publicité donnée, bien malgré eux, à une entreprise dans laquelle il fallait maintenant réussir à tout prix, sous peine d'encourir le ridicule, ou tout au moins cette condoléance ironique de tant de gens heureux de voir échouer les autres dans leurs projets. Peu de personnes savent ce que c'est qu'une course de glaciers, bien peu se font une idée d'un voyage au mont Blanc, et d'ailleurs, chez nous comme partout, celui qui échoue a toujours tort.

Le terme fatal approchait, et, pour faire diversion à leurs tristes pensées, nos observateurs, après avoir étudié à fond la vallée de Chamounix, étaient allés chercher de nouveaux sujets d'étude à Saint-Gervais, sur la Forclaz et dans les environs de Sallanches. Le 25 août, le baromètre commençait à remonter ; il était temps ; le 26, les trois voyageurs étaient de retour à Chamounix, décidés à monter le 27 au matin. Mais dans la nuit, le baromètre fléchit un peu. Ne voulant rien donner au hasard, on décida qu'il fallait attendre encore. Dans la journée, le mercure remonta ; le vent était depuis deux jours au nord, indinant à l'est. Tout présageait le beau temps, et l'espérance de réussir enfin commençait à remplacer le découragement.


Dernière tentative le 28 août


Pour gagner du temps et rendre la montée plus facile, on fixa l'heure du départ à minuit Le 27 août, à onze heures et demie, Mugnier vint réveiller ces messieurs ; et à minuit un quart, le 28, ils passaient sur le pont de l'Arve, avec leurs deux guides et cinq porteurs, comme la seconde fois ; seulement, deux des anciens porteurs, absents de Chamounix, avaient dû être remplacés par Ambroise Couttet et un autre dont j'ai oublié le nom. Le pleine lune favorisait leur marche, Jupiter s'élevait dans tout son éclat au-dessus des aiguilles, la brise descendante de la vallée et le peu de scintillation des étoiles annonçaient le beau temps. On marchait avec confiance, et chacun se croyait cette fois sûr du succès. L'étroit défilé qui s'étend du bas du glacier des Bossons à la Pierre-de-l'Echelle, et que l'on traverse au-dessus de le Pierre-Pointue, présentait au clair de lune un aspect effrayant : c'était grand et sauvage plus que toutes les créations possibles de l'imagination. Ces rochers immenses, ce noir précipice, surmontés par le chaos du glacier, par ces blocs entassés qui, de temps en temps, roulent avec fracas, et vont se perdre au fond de l'abîme, tout cela, grandi par la lumière fantastique de la lune, semblait destiné à servir de cadre à quelque scène de Freyschutz ou de Faust.

Au point du jour, on était à la Pierre-de-l'Echelle ; chacun de ces lieux trop connus, le chalet de la Pierre-Pointue, la Pierre-de-l'Echelle, qu'on avait vus déjà deux fois dans une si triste disposition d'esprit, semblaient alors se parer de toutes leurs beautés pour faire bon accueil à ceux qui revenaient les revoir avec tant de persévérance. Le panorama de la Pierre-de-l'Echelle était baigné par la lumière douteuse de l'aurore : les monts Vergi et la chaine des Fiz étaient couverts d'un léger voile de vapeurs transparentes, à travers lesquelles on distinguait les grands détails des montagnes. De longs nuages légers et minces comme des flèches s'étendaient à l'horizon vers le nord-est, mais ils n'étaient pas de nature à inspirer de l'inquiétude.


La tente a résisté sur le glacier




A quatre heures quarante minutes, on entra sur le glacier, qui fut traversé, comme la seconde fois avec assez de peine, à cause des neiges nouvelle. Le lever du soleil fut magnifique, et les phénomènes qu'il présenta furent étudiés avec soin. Un peu plus haut que les Grands-Mulets, auxquels on n'aborda pas, un des porteurs (celui dont j'ai oublié le nom) se sentit défaillir ; Mugnier prit un sac pour le soulager, mais le pauvre garçon ne put continuer, même sans fardeau ; il était tout à fait pris de ce mal de montagne si analogue au mal de mer. On fut obligé de la renvoyer à Chamounix ; dès qu'il eut commencé à descendre, ses forces revinrent, et il arriva chez lui, quelques heures après, en parfaite santé. Cependant, il fallut partager entre Mugnier et Michel Coutet la charge de ce porteur ; heureusement, ces deux braves guides ne manquaient ni de courage ni de force, et toute la troupe arriva sans autre incident remarquable au grand plateau. Il était onze heures au moment où ceux qui marchaient les premiers aperçurent la tente ; ils poussèrent des cris de joie, et se hâtèrent de s'en approcher pour s'assurer de l'état où elle était. En effet, on n'était pas sans quelque inquiétude sur les dégradations qu'elle avait pu subir dans le cours de trois semaines, et par un temps si souvent mauvais. Du Breven, où ces messieurs étaient montés quelques jours auparavant pour l'examiner avec une longue-vue, elle semblait ensevelie sous la neige du côté du sud-ouest, tandis que le côté nord-est en était tout à fait dégarni. Enfin on la revoyait, et elle avait résisté. Seulement la neige s'élevait autour d'elle jusqu'à 1,20 m de hauteur au nord-est, et encore plus haut vers le sud-ouest. Le fossé creusé par le vent existait toujours du côté où il avait soufflé constamment depuis un mois ; mais au nord-est, la neige pesait sur la toile, qu'elle avait tiraillée par-dessus la traverse, et sur laquelle elle dessinait de gros plis.

Au reste, rien de brisé, rien de déchiré. Quand on eut enlevé la neige qui en obstruait les abords, elle se redressa et se tendit aussi régulière et aussi coquette que le premier jour, seulement le soleil et le beau temps la faisaient paraître beaucoup plus jolie aux yeux de ses habitants.


Effets de la raréfaction de l'air


A midi, les observations commencèrent, pour ne plus être interrompues pendant le cours du voyage. Chacun de ces messieurs s'occupait de sa part de travail, et quelquefois deux d'entre eux se réunissaient pour les études qui devaient être faites en commun.

Les effets de la raréfaction de l'air furent, cette fois encore, les mêmes que lors des deux premières tentatives. L'exercice musculaire n'amenait pas très rapidement l'essoufflement ; on pouvait, par exemple, travailler assez longtemps avec la pelle à déblayer la tente, et quand, au bout de cinq à six minutes, on laissait ce travail à d'autres, c'était plutôt par ennui que par fatigue. Cependant, la journée avait été rude pour tout le monde : on avait peu dormi la nuit précédente, et chacun ressentait plus ou moins l'influence de ces prédispositions, dont les effets se confondaient avec ceux de la raréfaction. Cette dernière cause agissait cependant d'une manière évidente sur l'état de l'estomac ; l'appétit était toujours moins fort chez tout le monde ; deux des porteurs, presque malades de fatigue, restaient couchés sur la neige en plein soleil, sans pouvoir se rendre utiles. A. Simond, ce géant, fut sur le point de tomber en syncope pendant qu'on observait son pouls ; il était debout, et il fallut qu'il se couchât, sous peine de perdre connaissance. Ces messieurs étaient aussi, à divers degrés, impressionnés d'une manière analogue, et ils éprouvaient de temps en temps une sensation semblable à celle qui précède la défaillance ou un peu de nausée ; c'était quelque chose d'aussi rapide que la pensée, l'instant d'avant et l'instant d'après ne s'en ressentaient absolument en rien.


La vue du grand plateau par beau temps


Le grand plateau se montrait enfin dans toute sa beauté. Le ciel, sans nuage, avait une teinte d'outre-mer foncé, sur laquelle se détachaient les cimes admirables qui forment le cirque et dont le mont Blanc occupe le fond. Une brise légère de nord-est avait remplacé l'horrible vent de sud-ouest, et l'on ne voyait plus ces traînées de neige emportées par les raffales. Le mont Blanc, disaient les guides, avait fini de fumer sa pipe, il était maintenant de bonne humeur.

Le côté du nord est le seul, au grand plateau, où la vue ne soit pas bornée par la chaîne du mont Blanc. le dôme du Gouté, à l'ouest, et le mont Blanc du Tacul, à l'est, forment le cadre dans lequel se développe un des plus beaux tableaux du monde. A ses pieds, on decouvre, au-delà des pentes et des abimes des glaciers, la vallée de Chamounix, avec l'Arve, qui la sillonne de ses eaux verdâtres et chargées de sable ; du nord-est à l'ouest s'étendent les montagnes qui dominent Sion, la Cheville, la dent de Morcle, le massif admirable de la dent du Midi, la tour Sailière, le Buet, et au-dessus, la chaîne des aiguilles Rouges et le Breven, les rochers des Fix, superbe muraille repliée à angle droit sur elle-même comme l'enceinte d'une immense forteresse ; les aiguilles de Varens, la chaîne des monts Vergi, du milieu desquels s'élève au-dessus de la montagne des Fours une pyramide gigantesque qui, de toute la chaîne, s'abaisse la dernière au-dessous du Jura, quand on monte des Grand~Mulets, et que de Saussure indique comme l'aiguille du Reposoir ; enfin, le môle et le lac de Genève ; à l'horizon, le Jura, et au-dessus, deux bandes légères comme de la vapeur : ce sont les Vosges et les montagnes de la forêt Noire, puis une longue bande bleue sans ondulations, qui s'étend du nord-est à l'ouest, la France.

Voilà ce qu'on voit du grand plateau.


Approche terminale


Cette journée se termina par un admirable coucher de soleil ; malheureusement, l'horizon n'était pas assez étendu an largeur pour qu'on put en voir l'ensemble. La nuit fut aussi fort belle, et le matin, on se préparait à partir au point du jour ; mais les guides craignirent que, si l'on montait avant que le soleil fut sur l'horizon, il n'arrivât quelques accidents de congélation dont un de ces messieurs avait été menacé la veille en montant des Grands-Mulets au grand plateau. Il restait d'ailleurs bien des préparatifs à faire, plusieurs observations devaient être répétées avant le départ : enfin, quelque hâte qu'on put y mettre, il fut impossible de partir avant dix heure. La troupe, chargée de tous les instruments qu'elle put emporter, se dirigea, en traversant dans sa longueur le grand plateau, vers cette partie du mont Blanc que l'on nomme la Côte. C'est une pente escarpée qui s'étend depuis la base de la pyramide terminale jusqu'à la hauteur des rochers Rouges les plus élevés. Du pied de la Côte tombent deux avalanches qui roulent en convergeant jusque sur le grand plateau ; l'une, de glace, tombe fréquemment, l'autre, de neige, n'a lieu qu'après de fortes chutes de neige nouvelle. Ce fut celle-ci qui emporta, en 1820, cinq guides, dont trois périrent.

La route suivie par de Saussure passe sur le lit de ces avalanches, et c'est pour cela que, depuis le malheur de 1820, on l'a généralement abandonnée. Cependant, elle a sur la nouvelle l'avantage d'être plus courte d'au moins deux heures, et beaucoup moins pénible à parcourir. Cette dernière passe au-dessous des rochers Rouges, qu'elle laisse à droite, les contourne à l'est, et vient rejoindre l'ancienne route au-dessous des Petits-Mulets.

Mugnier fit suivre à la caravane la route de De Saussure, et l'on s'éleva doucement en reprenant haleine tous les trois à quatre cents pas. Après une heure environ de montée, la conversation, jusqu'alors générale, languit un peu ; la neige molle laissait enfoncer la jambe jusqu'au mollet, et le guide qui marchait le premier avait beaucoup de peine à frayer la route. Cependant, on put encore marcher pendant assez longtemps sans être obligé de faire des haltes plus fréquentes. Mais une demi-heure environ avant d'atteindre le col qui sépare les rochers Rouges des Petits-Mulets, il devint impossible de faire plus de cent pas sans reprendre haleine. La pente était toujours excessivement roide et présentait sur quelques points une inclinaison de 42°.


Le vent des hauteurs


Arrivée au-dessus des rochers Rouges, la caravane fut assaillie par un vent de nord-ouest assez fort et qui bientôt devint très violent ; ce vent glaçait le visage et coupait la respiration, même quand on lui tournait le dos.

Mugnier, craignant de se voir enlever son chapeau de paille, bien léger pour un pareil climat, l'avait assujetti sur sa tête avec une ficelle ; mais le vent triompha de cette précaution insuffisante, et tout à coup on vit le chapeau de ce brave guide rouler sur la neige avec une vitesse effrayante. Il le regarda philosophiquement s'en aller, et, lui faisant de la main un geste d adieu, "bon voyage, lui cria-t-il, j'irai te réclamer quelque jour à Cormayeur" ; puis, enfonçant sur ses oreilles un bonnet de laine, "nous autres, dit-il, prenons par ici" ; quelques minutes après on était aux rochers des Petits-Mulets. Celui de ces rochers sur lequel on passe est à environ cent mètres de la cime ; au sud-ouest de celui-ci s'en trouve un autre, un peu plus élevé mais d'un accès fort difficile parce que la pente escarpée qui l'entoure est toute de glace. Les Petits-Mulets sont d'une belle protogine, et la foudre qui les frappe quelquefois disperse leurs éclats sur la neige ; cependant, on n'y remarque pas de bulles vitreuses comme sur les roches de la cime au-dessus de Cormayeur et du dôme du Gouté. Au-dessus des Petits-Mulets, chacun déploya toutes ses forces pour franchir aussi rapidement que possible la dernière montée. On touchait enfin au but désiré, on allait fouler aux pieds ce mont Blanc qui depuis tant de jours semblait narguer tous les efforts. A 60 mètres environ du sommet, M. Bravais, voulant voir combien de pas il pourrait faire en allant aussi vite que possible, se mit à monter rapidement. Il fut obligé de s'arrêter au trente-deuxième pas ; il sentait qu'il aurait pu en faire encore deux ou trois peut-être, mais qu'alors un de plus lui aurait été complètement impossible. Ses deux compagnons pouvaient en ce moment faire quarante à cinquante pas sans s'arrêter, mais en montant avec lenteur et d'un pas mesuré. Au reste, chacun ressentait là, comme plus bas, les effets de la raréfaction de l'air à des degrés différents, et toujours dans la même proportion relative………Un fait assez intéressant se présenta chez l'un des observateurs. Une fatigue des jambes très intense et accompagnée de douleurs, qu'il ressentait en montant la côte à 600 mètres environ du sommet, se dissipa un peu plus haut, et pendant les vingt dernières minutes, il n'éprouva absolument aucun malaise, sauf un peu d'essoufflement tous les cinquante pas.


Sur la cime de l'Europe


Enfin, à une heure quarante-cinq minutes, on atteignit la cime. Le vent froid et violent qui tourmentait la caravane pendant la dernière montée cessa tout à coup de se faire sentir, et la chaleur du soleil était si forte sur le versant méridional qu'on éprouvait quelque chose d'analogue à ce qu'on ressent en hiver quand on passe de l'air extérieur dans un appartement chauffé.

Chacun s'empressa de jeter un coup d'oeil sur l'immense horizon qu'on découvrait.

Les Alpes bernoises avaient leurs sommets cachés dans les nuages, le Cervin ne se laissa voir qu'un instant, les cimes du mont Rose étaient aussi voilées, ainsi que les belles plaines de la Lombardie et du Piémont. Dans la direction de la mer, l'horizon était également couvert de vapeur. Les vallées d'Aoste et de Cormayeur apparaissaient comme un paradis terrestre au-delà de l'immense coupole de neige ; la belle pyramide de Rema, le Ruiztors et le groupe de montagnes qui les entourent fermaient au sud l'horizon au-dessus duquel s'élevait pourtant, comme un cône de vapeurs bleues, le mont Viso. L'allée blanche et le col de la Seigne touchaient à la cime, la vallée qui conduit au Petit-Saint-Bernard, les montagnes de la Tarentaise, l'Iseran, le Pelvoux, allaient rejoindre les montagnes tabulaires du Dauphiné, dont les plans successifs, revêtus de vapeur, semblaient superposés. Du côté de Lyon, ce hâle si commun dans les Alpes par le beau temps couvrait l'horizon d'un voile qui ne permettait de rien distinguer nettement. Genève était aussi couverte par cette vapeur, et le lac apparaissait comme à travers une gaze. Les plaines de la Bourgogne et toute la vue du grand plateau se déployaient à l'ouest et à l'est, et la dent du Midi s'élevait à l'horizon de manière à défendre ses droits même en présence du mont Blanc.


Observations scientifiques au sommet


Il fallut s'arracher à la contemplation de cet admirable panorama pour s'occuper des instruments, car le temps s'écoulait trop vite ; pendant que chacun s'occupait de ses observations particulières ou se livrait à quelques instants de repos, les guides allèrent chercher, sur la cime qui domine l'allée blanche de Cormayeur, des échantillons de roches foudroyées.

Quelques heures s'écoulèrent bien rapidement, pendant lesquelles les observateurs s'accordèrent à peine le temps nécessaire pour examiner avec soin la vallée de Chamounix, qui paraissait plongée dans l'ombre, et plus près d'eux les aiguilles de la chaîne du mont Blanc, le beau cirque au milieu duquel est situé le jardin et les glaciers qu'on traverse pour passer le col du Géant. Ce fameux col, naguère l'objet de leurs voeux, leur paraissait alors quelque chose de très petit et de fort peu important. On devient si dédaigneux quand on s'élève.

Cependant, on avait déjà fait l'expérience de l'ébullition de l'eau ; l'intensité et l'inclinaison magnétiques avaient été observées, ainsi que le pouls et les phénomènes physiologiques qui se présentaient ; le baromètre, noté d'heure en heure, se tenait à 424 millimètres ; le thermomètre, au moment de l'arrivée, marquait à l'ombre -7°C, et s'abaissait insensiblement. M. Bravais s'occupa alors de relever, au moyen du théodolite, les angles de position des montagnes principales de l'est à l'ouest


Féérie de lumières et d'ombres


Pendant que ces travaux divers s'exécutaient, le soleil s'était rapproché de l'horizon, et la température baissait rapidement. On avait porté à la cime des fusées et des artifices préparés pour faire des signaux quand la nuit serait venue ; mais les guides ne se souciaient pas de descendre au clair de lune, et l'on savait par expérience que dans cet air rare, la lumière directe est la seule qui permette de distinguer nettement les objets. Ainsi, quand on veut lire ou écrire au soleil, rien de plus facile, tant que les rayons frappent le papier ; mais si on se met à l'ombre, il devient alors très difficile, et pour quelques personnes même presque impossible, d'y voir. De même, en marchant au clair de lune, quand on se porte ombre, il est impossible de savoir où l'on met le pied. On ne pouvait songer à passer la nuit sur la cime, car le malaise subit du porteur, forcé la veille de redescendre, avait mis dans l'impossibilité de faire porter au sommet la petite tente et les vêtements nécessaires ; les porteurs n'avaient pas voulu se charger de plus de 8 à 10 kilogrammes pour monter à la cime, et d'ailleurs, les piquets de la petite tente avaient été brisés en voulant les arracher de la neige. Il fallait attendre jusqu'à neuf heures et demie si l'on voulait faire les signaux à l'heure convenue, puis descendre au grand plateau. Lyon et Genève étaient couverts de vapeur, le froid devenait intense, et l'on ne crut pas devoir courir les risques auxquels exposait un séjour prolongé sur la cime, avec si peu de chances que les signaux pussent réussir à être vus. On se préparait donc au départ, quand tout à coup, au moment où l'on allait regagner la pente qui descend vers Chamounix, un spectacle admirable s'offrit aux regards. L'ombre du mont Blanc se projetait sur les montagnes du côté de l'est. Cette ombre montait comme un cône immense, et bientôt on la vit se dessiner sur le ciel. Les côtés du cône étaient bordés d'une bande rose, et vers sa base, les ombres des montagnes de second ordre venaient successivement s'ajouter à l'ombre principale, en s'allongeant comme elle à mesure que le soleil se rapprochait de l'horizon. Toute la troupe s'arrêta d'un commun accord, et pendant un quart d'heure, tous restèrent immobiles, admirant ce tableau sublime que jamais on n'avait contemplé du haut du mont Blanc.

Enfin, il fallut descendre ; on s'y résigna, non sans regretter de ne pouvoir observer le crépuscule sur un aussi vaste horizon. Ces messieurs quittèrent la cime du mont Blanc à six heures cinquante minutes ; le thermomètre marquait alors -12°C à l'air libre ; à la surface de la neige, il marquait -17,6



Encore quelque temps au grand plateau


La descente se fit aisément, et l'on arriva promptement à l'avalanche du grand plateau ; là, il fallut s'arrêter quelques instants : un de ces messieurs souffrait de palpitations violentes et ne respirait qu'avec une extrême difficulté ; on était sur le lit même de l'avalanche, au milieu des blocs de glace ; cependant, Mugnier accorda une minute pour reprendre haleine, et au bout de ce temps, on continua d'avancer. Presque tout le monde ressentit encore dans cette circonstance un malaise semblable ; le grand plateau ne fut traversé qu'avec peine : il est vrai que cette fatigue pouvait bien tenir à la nécessité de suivre la trace du matin, sur laquelle on ne pouvait marcher que difficilement ou d'en frayer une nouvelle, ce qui n'était guère moins pénible. En cinquante-cinq minutes, on était revenu du sommet à la tente. Chacun prit de son mieux un repos bien nécessaire ; cependant, les observations furent continuées toute la nuit, excepté de minuit à quatre heures ; pendant cet intervalle, M. Camille Bravais, qui faisait à Chamounix les observations correspondantes, cessait aussi d'observer chaque nuit.

Le lendemain, le travail continua, et MM. Martins et Lepileur achevèrent la série d'observations physiologiques. A deux heures, M. Lepileur quitta le grand plateau avec Michel Couttet et deux porteurs, chargés d'une partie du matériel et de quelques instruments qui ne devait plus servir. MM. Bravais et Martins restèrent pour achever les travaux qui les concernaient plus spécialement. Le soir, ces deux messieurs allèrent observer le crépuscule sur la partie orientale du dôme du Gouté, et M. Bravais acheva d'y relever les angles de position des montagnes de l'ouest à l'est. Quand ils redescendirent au grand plateau, le thermomètre marquait -13°C.

Pour la première fois, la tente n'était pas encombrée de monde, et l'on pouvait s'y coucher à l'aise ; mais un froid vif s'y faisait sentir, et le thermomètre y descendit à -3°C. Le nuit fut froide aussi dans la vallée.

Le lendemain à deux heures des porteurs chargés de vivres frais arrivèrent à la tente. Rien ne pouvait être plus agréable à la colonie du grand plateau, car le peu de vivres qu'on avait montés le 28 avaient promptement disparu, malgré toute l'économie possible, et depuis le 29 au soir, on n'avait pour toute ressource que le pain, la viande et le vin, reste des vivres de la première ascension, et gelés à fond depuis un mois ; encore n'y avait-il qu'une petite partie de ces provisions qui fût mangeable à la rigueur.

La journée du samedi, la nuit suivante et la matinée du dimanche furent employées à terminer la série d'observations barométriques et thermométriques, ainsi que celles du psychromètre, de l'actinomètre et du pyrhéliomètre ; on continua aussi d'étudier les phénomènes relatifs à la formation des glaciers, aux propriétés physiques de la neige et aux modifications qu'elle subit sous l'influence des agents extérieurs.

Il faut descendre


Enfin, le dimanche à dix heures, les instruments furent emballés, les pelisses roulées, puis on s'occupa de démonter la tente ; mais elle était si solide qu'on eut de la peine à y réussir. Quand on voulut arracher les piquets, ils cassèrent, et l'on fut obligé de couper les cordes qui se bouclaient alentour ; les supports et la traverse furent laissés en place, avec les planches qui couvraient la neige à l'intérieur; puis la caravane, qui s'était augmentée de deux autres hommes de renfort, quitta le grand plateau, rapportant ses instruments et tout son bagage dans le meilleur état de conservation, et, ce qui valait mieux encore, sans qu'aucun de ceux qui, dans ces courses aventureuses, avaient affronté la tourmente ou le soleil ardent des glaciers, eut éprouvé le moindre accident, la moindre indisposition dont il restât des traces.
Voilà, mon cher Joanne, les détails que vous m'aviez demandés sur cette expédition. Peut-être les trouverez-vous bien longs, mais quand on a assisté d'assez près aux différentes scènes que j'ai essayé de vous décrire, et qu'on les a, comme moi, entendu raconter par ceux mêmes qui y jouaient un rôle, il est bien difficile de n'être pas prolixe, et l'on regrette toujours quelque détail intéressant qui n'a pu trouver place dans le récit.




 

INSTITUT IMPÉRIAL DE FRANCE. 

ACADÉMIE DES SCIENCES. 

ÉLOGE HISTORIQUE 

D'AUGUSTE BRAVAIS 

PAR M. ÉLIE DE BEAUMONT 

SECRÉTAIRE PERPETUEL 

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PARIS, 

TYPOGRAPHIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C", 

Imprimeurs de L'institut impérial, Rue Jacob, 86. 

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ACADÉMIE DES SCIENCES.

ÉLOGE HISTORIQUE

D'AUGUSTE BRAVAIS

PAR M. ÉLIE DE BEAUMONT

SECRÉTAIRE PERPETUEL

Lu à la séance publique annuelle du 6 février 1865.

Messieurs,

L'un des dons les plus sublimes de l'intelligence humaine est de s'élever à la contemplation de l'avenir; de jouir à l'avance des bienfaits qu'elle prépare aux races futures; de se sentir déjà récompensée de longs et pénibles efforts par la pensée qu'un peu de gloire entourera quelque jour un nom encore inconnu.

Vous avez, Messieurs, le noble privilége de payer ce tribut de l'avenir, d'acquitter même par avance la dette léguée à la postérité, par ceux surtout qu'une mort prématurée a empêchés de jouir de leurs succès; et si un savant ravi

avant l'âge à ses études, laisse des travaux encore peu connus, quoique dignes de l'être, privés du brillant cortége dont il les eût bientôt entourés, ce sont des orphelins dont le patronage vous appartient.

Tels sont les motifs qui ont décidé votre commission administrative à rappeler aujourd'hui votre attention sur un confrère qui, frappé dans vos rangs presque au moment où il venait d'y entrer, laissera dans plusieurs branches des sciences des traces ineffaçables, parles travaux qui lui avaient mérité vos suffrages.

Auguste Bravais naquit à Annonay, département de l'Ardèche, le 23 août 1811. Sa famille paternelle était originaire d'une ville voisine, Saint-Péray, où elle jouissait depuis plusieurs siècles de la considération et de l'estime qu'ont obtenues, dans tous les temps, de longues traditions d'honneur et de loyauté.

Son père, né à Saint-Péray, en 1764, avait fait ses études scientifiques à Montpellier, où il était devenu préparateur du cours de chimie de Chaptal, et où il avait été reçu docteur en médecine, en 179o. Passionné pour l'histoire naturelle, il avait successivement sollicité l'honneur de faire partie de deux expéditions envoyées en 1791 et 1792 à la recherche de La Pérouse; mais il avait été arrêté par différents obstacles et, en dernier lieu, parla résistance de sa famille, effrayée des premiers symptômes de la Révolution, par laquelle, comme tant d'autres, elle fut assez sévèrement éprouvée.

Lorsque le calme reparut, le docteur Bravais s'établit à Annonay, petite ville pittoresquement située à l'entrée d'une des gorges du Vivarais, connue par ses fabriques de papier et pour avoir été la patrie du célèbre Montgolfier.

Il ne tarda pas à y être recherché comme un excellent praticien et y exerça gratuitement, pendant quarante ans, les fonctions de médecin de l'hôpital.

A son dévouement aux malades et au bien-être de ses concitoyens s'allia toujours chez le docteur Bravais un goût très-vif pour la botanique. Il entreprit une flore des Cévennes et des Alpes. Une correspondance suivie et un commerce d'échanges s'établirent entre lui et les botanistes les plus célèbres de Paris et de Montpellier. Il reçut un jour de cette manière des graines de Dahlia, plante alors nouvelle en Europe, et c'est à lui qu'on doit l'introduction de cette belle fleur dans le centre de la France.

M. le docteur Bravais était devenu l'un des hommes les plus considérés de la ville d'Annonay. Il y épousa dans les premières années du siècle une personne éminemment distinguée, appartenant à l'ancienne et noble famille des Thomé qui avait donné des conseillers aux parlements de Paris et de Grenoble, un échevin à la ville de Lyon, un lieutenant-général aux armées du roi.

Il ne tarda pas à se voir entouré de cinq enfants, quatre fils et une fille. Le plus jeune des quatre fils était Auguste Bravais, notre futur confrère.

Leur mère mourut peu de temps après la naissanced esa fille, et ni elle, ni le petit Auguste, ne purent se rappeler de l'avoir vue. Sentant la mort approcher, madame Bravais songea surtout à ses enfants et, ayant déjà remarqué la piété et les sentiments élevés de l'une des personnes attachées à son service, elle lui fit promettre de ne pas les quitter.

Jamais confiance n'avait été mieux placée. L'excellente fille resta quarante ans dans la maison, et ce fut d'elle que les deux enfants encore au berceau reçurent, avec les soins maternels que réclamait leur jeune âge, ces premières impressions de l'enfance qui ne s'effacent jamais. Le développement rapide de leur intelligence fit honneur à la sienne. A trois ans, le petit Auguste lisait, sans qu'on sut bien exactement comment il avait appris; et il n'avait pas de plus grand plaisir que de ramasser avec sa sœur les belles fleurs, les cailloux singuliers, les insectes aux brillantes couleurs, qui dans leurs promenades excitaient déjà leur curiosité: ce furent les hochets de leur enfance.

Bientôt ils furent en état de suivre leurs frères aînés dans les promenades, d'où ils les voyaient rapporter chaque jour un butin qui leur faisait envie. Lorsque ses occupations le lui permettaient, le docteur Bravais dirigeait les excursions lui-même. C'était alors un tableau touchant que celui de cette jeune famille herborisant, classant les plantes, les insectes, les minéraux, sous les yeux et l'intelligente direction du chef de famille, à la fois père et professeur, dont l'âme profondément religieuse élevait en même temps celle des jeunes naturalistes jusqu'à l'auteur de la création. Son esprit fin et enjoué savait rendre attrayantes pour tous les explications que la récolte du jour lui inspirait, et il y mêlait fréquemment des citations classiques propres à stimuler ses enfants dans leurs études; car il avait reçu lui-même, chez lesOratoriens, une instruction très-solide qui a contribué au bonheur de sa vie et qui a donné plus tard des consolations à sa belle et sereine vieillesse.

La mémoire de cet homme de bien est toujours en vénération à Annonay, où l'on voit encore plus d'un ouvrier soulever instinctivement son chapeau, en passant devant sa maison inhabitée. Ses enfants, tout en suivant leurs aptitudes diverses, conservèrent l'empreinte de l'éducation première qu'ils y avaient reçue. Le jeune Auguste montra de bonne heure un grand penchant pour l'observation et une volonté ferme de s'y livrer. Encore enfant, il était attentif aux phénomènes atmosphériques. On le voyait descendre le matin sur la terrasse pour observer le ciel, le vent, les nuages. Plus tard, devenu un peu plus savant, il établissait chaque soir son observatoire sur le balcon et faisait remarquer à la famille rassemblée, mille phénomènes qui, sans lui, auraient passé inaperçus : les effets de quelques rayons de soleil couchant; la lune avec les accidents de lumière qui l'entouraient; les arcs-en-ciel, les halos, dans lesquels il ne savait pas qu'il trouverait un jour un titre de gloire.

La maison paternelle avait pour horizon une montagne assez modeste et cependant d'une élévation suffisante pour la faire servir, comme on dit, de baromètre. On l'appelle Roche de Vent. Les nuages s'y amoncelaient, la neige y laissait souvent sa trace, la brume la voilait quelquefois. Elle joua bientôt un rôle dans cette existence d'enfant. Son père et ses frères l'y menèrent, et depuis lors c'était le point de mire de ses petites observations, et souvent le but de ses promenades, quoiqu'il fallût quatre ou cinq heures pour monter et redescendre.

Son ambition devint bien plus grande lorsqu'il vit ses frères revenant du Pilat, montagne très-connue des naturalistes, mais jusqu'alors ignorée de lui, en rapporter des fleurs nouvelles, des insectes inconnus, et dépeindre le soleil se levant radieux derrière le mont Blanc.

Il n'avait pas dix ans. et il fallait cinq ou six heures pour arriver au sommet. Après avoir bien rêvé de ce mont Pilat, il fait son plan et part seul un matin. 11 va coucher, lui aussi, au sommet de la montagne. Il revient le lendemain avec les plantes tant désirées, les pierres, les insectes; il avait bu à la source du Gier et vu le soleil se lever derrière le mont Blanc en dessinant merveilleusement la longue chaîne des Alpes. Voilà déjà le voyageur en herbe destiné à monter un jour sur le mont Blanc lui-même.

On.ne s'était pas inquiété de son absence; on le croyait chez des amis; et on ne pensa pas qu'il se fût exposé à de bien grands dangers, parce que, déjà, son coup d'œil explorateur était familiarisé avec la topographie compliquée des montagnes du Vivarais, où il retrouvait son chemin avec une facilité peu commune.

Des habitudes de méditation annoncèrent de bonne heure l'aptitude qu'il devait montrer un jour pour les sciences. Ceux qui fréquentaient la maison paternelle se souviennent d'y avoir rencontré souvent un enfant absorbé dans de profondes réflexions, et qui répondait avec une naïveté charmante à l'étonnement dont il était l'objet : Je pense.

La pensée de cet enfant était en effet active et féconde, car il avait terminé à quatorze ans toutes ses études classiques et littéraires dans le collége d'Annonay. Son père alors jugea convenable de l'envoyer à Paris, pour y faire une année de rhétorique et une année de philosophie au collége Stanislas. Le jeune Auguste y apportait des habitudes d'obéissance et de modestie qui ne lui permettaient pas d'être un élève insoumis. Il suivait exactement les classes, faisait les devoirs, apprenait les leçons et achevait d'acquérir ce style pur, clair et précis, signe habituel d'une bonne éducation : mais il ne montrait pas, pour les études classiques, cette ardeur à laquelle sont réservées les couronnes de la fin de l'année. Ses préoccupations se portaient ailleurs. Quelques livres, cachés au fond de sa malle, avaient échappé à tous les regards. C'étaient des livres de mathématiques. La nuit il trouvait moyen de les feuilleter. Il résolvait des problèmes et il écrivait des lettres pleines de verve à M. Reynaud, le modeste et savant professeur du collége d'Annonay, qui déjà lui avait donné des leçons d'arithmétique et de géométrie.

A onze ans sa vocation pour l'École polytechnique était décidée, mais elle n'entrait pas alors dans les vues que son père avaitsur lui. Cependant, lorsqu'il revint à Annonay, après les deux ans passés au collége Stanislas, il fut remis entre les mains de M. Reynaud, dont il était devenu l'ami plus encore que le disciple. M. Reynaud lui fit voir, dans le courant d'une seule année, tout ce qui est exigé pour entrera l'École polytechnique, si bien qu'en 1828, il osa aller à Nîmes, se présenter aux examens; mais sa préparation avait été trop rapide: il ne fut pas reçu.

Heureusement pour lui et pour la science, dont il devait plus tard reculer les bornes, il était tombé entre les mains d'un digne examinateur, M. Bourdon, qui, en constatant l'insuffisance de ses études, reconnut ce qu'il y avait en lui d'heureuses dispositions. L'excellent M. Bourdon, auquel plusieurs d'entre nous, Messieurs, ont dû aussi de la reconnaissance, songea à l'avenir de ce jeune homme de dix-sept ans qu'il était obligé de refuser et, avec cette chaleur toute juvénile qu'il déploya, plus d'une fois, en faveur des élèves dont il augurait favorablement, il plaida près de son père la cause du jeune Auguste Bravais et réussit à lui persuader que l'avenir du candidat malheureux était cependant dansla carrière polytechnique. Dès lors le docteur Bravais n'hésita plus; à la rentrée des classes il envoya de nouveau son fils à Paris et le plaça dans l'institution de M. Barbet, citée déjà à cette époque comme l'une des meilleures pour la préparation à l'École polytechnique.

Auguste Bravais suivit, au collége Saint-Louis, sous M. Delille, le cours de mathématiques spéciales. A la fin de l'année, il obtint, au concours général, le premier prix de mathématiques et fut reçu à l'Ecole polytechnique avec le numéro deux de la liste. Au passage dans la première division, après une année d'études, il fut classé le premier, et à la sortie, avec le consentement de son père, il opta pour la marine.

La mer /c'était l'occasion de voir des plages lointaines, d'y étudier la nature dans ses différents aspects et de continuer, avec plus de science, des études qui avaient fait la joie d'une heureuse enfance.

Il s'embarqua au mois de janvier 1832 à bord du Finistère, qui naviguait dans les eaux de la Méditerranée. Mais bientôt après il passa sur le brick le Loiret, commandé par M. Bérard, que nous avons compté depuis parmi les correspondants de notre section de géographie, et qui était chargé alors de l'exploration des côtes de l'Algérie.

Le Loiret, sur lequel se trouvait aussi M. de Tessan, ingénieur hydrographe, aujourd'hui notre confrère, employa deux étés à relever le littoral de nos possessions d'Afrique, et le travail était terminé lorsqu'il rentra à Toulon, le 25 octobre i833.

Le ministre de la marine qui, avec un tact dont on peut faire honneur à sa mémoire, avait su composer de futurs (9)

académiciens l'état-major d'un bâtiment qu'il chargeait d'une mission, scientifique, donna des témoignages de satisfaction à tous les officiers du Loiret, et M. Bérard, en rédigeant son excellente Description nautique des cotes de l'Algérie, s'empressa d'exprimer à ses collaborateurs, et nominativement à M. Bravais, combien il reconnaissait que leur part avait été grande dans les travaux qu'ils avaient exécutés ensemble.

Le brick le Loiret commença alors à être employé au service de la correspondance entre Alger, Bône et Oran. 11 dut être armé en guerre à cause des dispositions hostiles des habitants du littoral. M. Bravais continua à faire partie de l'état-major, et, dès le premier février i834, à l'âge de vingtdeux ans, il était nommé lieutenant de frégate.

Dans ses traversées incessantes d'une extrémité à l'autre des côtes de l'Algérie, le Loiret faisait de nombreuses relâches dans les différents ports. M. Bravais obtenait alors la permission de descendre à terre, ce qui lui donnait de précieuses occasions de satisfaire son goût passionné pour l'histoire naturelle. Une flore et une faune différentes de celles des Cévennes lui offraient une foule d'objets propres à piquer sa curiosité. Il recueillait de magnifiques collections de plantes, d'insectes, de crustacés, de poissons, de mollusques terrestres et marins; il en faisait de fréquents envois à Annonay et quelquefois il y portait ses récoltes luimême, car, depuis son départ pour l'École polytechnique, c'était toujours à Annonay qu'il passait ses vacances et les congés qu'il pouvait obtenir.

Dans ces retours au pays natal, il ne manquait jamais d'aller revoir ses chères montagnes de Pilat et Roche de Vent, et quelquefois recommençaient alors, mais sur une plus vaste échelle, les promenades et les herborisations qui avaient fait autrefois le bonheur de la famille Bravais.

Le jeune marin faisait même de longues excursions, le sac sur le dos, avec celui de ses frères dont l'âge s'éloignait le moins du sien, M. l'abbé Camille Bravais, licencié ès-sciences naturelles, aujourd'hui professeur d'histoire naturelle au collége d'Annonay et conservateur du musée de la ville, composé en grande partie de ses dons et de ceux de sa famille.

Mais c'était avec son frère aîné, M. Louis Bravais, docteur en médecine et botaniste déjà très-exercé, que notre futur confrère se livrait aux études les plus approfondies. Au commencement de l'année i835, les deux frères présentèrent en commun, à l'Académie, un mémoire intitulé : Essai géométrique sur la symétrie des feuilles curvisériées et rectisériées. Ce mémoire n'avait rien de comparable aux travaux ordinaires de botanique relatifs à la description des espèces, ou à la géographie botanique. Ce n'était pas non plus un mémoire de physiologie végétale, dans l'acception ordinaire du mot. C'était un travail d'une nature tout à fait spéciale et originale sur les rapports de symétrie que présentent les insertions, sur différents points de la tige, des feuilles et des organes qui en dérivent. Ce sujet, sans que MM. Bravais en eussent connaissance, avait été depuis peu l'objet d'un travail publié par deux botanistes distingués,MM. Schimperet AlexandreBraun, qui en avaient fait ressortir l'importance et étaient parvenus à des résultats déjà fort curieux. Mais M. Adolphe Brongniart, dans le rapport qu'il fit à l'Académie en 1837, déclara que MM. Louis et Auguste Bravais avaient étudié les faits nombreux réunis par eux avec plus de précision qu'on ne l'avait fait jusqu'alors. Ce sujet ne pouvait d'ailleurs être élucidé complètement sans une connaissance approfondie de l'hélice et des diverses spirales suivant lesquelles les insertions des feuilles se trouvent alignées, avec une si remarquable régularité, et sans une dextérité particulière dans le maniement des fractions continues, des séries récurrentes et autres combinaisons mathématiques assez délicates. M. Auguste Bravais avait su les employer avec l'élégante simplicité, qui est toujours le cachet d'un mathématicien distingué, pour formuler les rapports de position des feuilles entre elles et arriver d'une manière claire et précise à des conséquences qu'on ne pouvait obtenir, sans cela, que par des tâtonnements longs et fastidieux. Ces déductions ont mis en lumière, dans les organes des végétaux, d'une manière assez inattendue peutêtre pour beaucoup de personnes, une régularité de disposition, qui, sans être précisément analogue aux lois de la cristallographie, est tout aussi précise et aussi admirable.

Ils firent encore en commun différents mémoires de botanique, et ce ne fut pas seulement à Paris que les travaux de MM. Louis et Auguste Bravais obtinrent un succès mérité. Ils excitèrent également l'attention des botanistes dans les autres parties de l'Europe, et M. de Candolle dédia aux deux frères, sous le nom de Bravisia, un genre nouveau de la famille des Bignioniacées.

On appréciait beaucoup aussi les objets d'histoire naturelle que M. Auguste Bravais envoyait d'Algérie. En i835, il trouva sur l'île de Rachgoun un serpent nouveau pour lui, X Amplûsbene cendrée, dont il fit hommage à M. de Blainville, qui témoigna sonétonnement de la rencontre d'un semblable habitant dans ces contrées. D'autres envois de graines et de plantes vivantes, recueillies dans la province d'Oran, lui valurent des lettres de remercîment de l'administration du Muséum et de vifs encouragements à compléter l'herbier de Desfontaines et à continuer ses recherches en botanique dans les voyages qu'on espérait le voir entreprendre vers d'autres parages.

De pareils succès redoublaient l'ardeur du jeune marin et lui faisaient quelquefois oublier qu'il n'était plus là dans les paisibles montagnes de l'Ardèche ou du Dauphiné, de façon que souvent il s'attirait les bienveillants reproches de ses chefs pour sa témérité.

Mais ces reproches se changèrent en félicitations lorsque, le 12 août 1836, à la tête de trente-sept marins, il dégagea le commandant et le chirurgien du Loiret, cernés, pendant une partie de chasse, par les soldats de l'émir.

Malheureusement, il n'arriva pas à temps pour sauver un autre officier, que les cavaliers arabes avaient déjà emmené au loin. Mais, du point où il se trouvait, M. de France avait vu le combat, qu'il raconte dans son intéressant ouvrage sur les prisonniers d'Abd-el-Kader. « Je ne termi« nerai pas, ajoute-t-il, sans dire la bravoure, le sang-froid « et l'habileté de mon collègue, M. Bravais, lieutenant de « frégate. Ce courageux ami commandait les matelots qui « volèrent à notre secours; il disposa si bien sa troupe, il « fondit si vigoureusement sur les Arabes, qu'il les força, en « un clin d'œil, à prendre la fuite, et, si l'audace et l'intrépi« dité avaient pu me sauver, certes l'audace et l'intrépidité « de M. Bravais auraient assuré ma délivrance.»

Le commandant blessé au bras et à la main ne pouvait pas écrire, et, le premier lieutenant étant prisonnier, l'obligation de faire le rapport, à l'amiral, sur le combat, dans lequel deux matelots avaient été tués, retombait sur M. Bravais. M. Bravais fit un rapport en effet, et tellement empreint de sa modestie naturelle qu'il évitait autant que possible de parler de lui-même. Le Ministre de la marine donna des éloges au Loiret; mais l'auteur du rapport ne fut pas décoré comme on l'aurait désiré autour de lui, et, aux yeux de ceux qui connaissaient les détails de l'affaire, l'omission involontaire du Ministre fit plus d'honneur au jeune lieutenant de frégate que n'aurait pu lui en faire la décoration elle-même.

Il fut décoré dans une autre circonstance et pour des services d'un ordre tout différent.

La nature avait largement doté M. Bravais. Avec le brillant officier de marine et le naturaliste passionné, il y avait en lui, suivant l'expression de M. Cauchy, juge compétent assurément en pareille matière, un véritable géomètre. L'ancien élève du collége Stanislas, qui, durant sa rhétorique et sa philosophie, passait les nuits à étudier des livres de mathématiques, avait repris à bord du Loiret des habitudes analogues. Avec l'assentiment de chefs dont il était apprécié, des camarades également pleins de distinction, avec une tournure d'esprit différente, le remplaçaient au banc de quart quand son tour de commandement arrivait, et M. Bravais s'enfermait dans sa cabine où il passait la nuit à exécuter ses calculs ou à résoudre les problèmes qu'il s'était posés. Il fit d'abord ainsi les calculs nécessaires à la réduction des levés hydrographiques des côtes de l'Algérie. Il composa de même la partie mathématique du mémoire de botanique qu'il publia avec son frère aîné. De là, enfin, sortit pour lui une carrière toute spéciale, ce^lle à laquelle ses dispositions naturelles l'appelaient le plus directement.

Entre autres travaux mathématiques que M. Bravais avait exécutés dans sa cabine sur le Loiret, il avait composé deux mémoires, l'un sur les Méthodes employées dans les levés sous voiles, et l'autre sur U Équilibre des corps flottants. Ayant obtenu un congé du Ministre de la marine, il fit de ces mémoires deux thèses qu'il soutint, au mois d'octobre 1837, devant la Faculté des sciences deLyon et à la suite desquelles il fut reçu docteur es-sciences. Ces deux thèses furent remarquées à juste titre, et le Ministre de la marine souscrivit à un certain nombre d'exemplaires de la seconde pour les bibliothèques des ports.

En se faisant recevoir docteur ès-sciences mathématiques, M. Bravais se conformait aux avis bienveillants de M. Poisson, qui, après lui avoir fait subir son examen de sortie de . l'Ecole polytechnique, lui avait demandé pourquoi il n'entrait pas dans la carrière des sciences. Il les suivit encore en présentant à l'Académie plusieurs mémoires d'analyse et de géométrie, sur lesquels MM. Poisson, Sturm et Savary firent des rapports favorables.

A partir de cette époque, le Ministre de la marine voulut que M. Bravais cessât de faire de la science à la dérobée et lui assigna pour service une mission purement scientifique. Il l'adjoignit à la commission scientifique du Nord, présidée par M. Gaimard, dont M. Victor Lottin, lieutenant de vaisseau, faisait déjà partie depuis plusieurs années.

La commission scientifique du Nord avait été formée dans une circonstance douloureuse. M. de Blosseville, lieutenant de vaisseau, déjà célèbre par deux grands voyages scientifiques, avait reçu, en i833, le commandement du brick la Lilloise, chargé de surveiller la pêche dans les parages de l'Islande. Il avait pour second M.Raoul LePeletier d'Aunay, animé comme lui d'une grande ardeur de découvertes. Les deux jeunes officiers s'étaient promis de faire, pour les progrès de la science, tout ce qui serait compatible avec l'objet de leur mission officielle. Après une exploration approfondie des côtes de l'Islande, ils résolurent de reconnaître les côtes orientales du Groenland, qui étaient bloquées par les glaces depuis plusieurs siècles. Dans une première tentative, ils pénétrèrent, le 29 juillet i833, au milieu des glaces brisées, jusqu'à a4 lieues environ du Groenland. Ils pouvaient déjà en relever les montagnes; mais la Lilloise, dont la construction n'était pas appropriée à une entreprise de ce genre, ayant éprouvé de fortes avaries par le choc des glaces flottantes, ils avaient été contraints d'en sortir pour réparer le bâtiment, décidés à faire ensuite une tentative nouvelle. On eut lieu de supposer qu'ils s'étaient engagés, en effet, une seconde fois dans les glaces vers la fin d'août. A partir du 25 aucune des barques de pêche n'avait aperçu la Lilloise.

L'hiver suivant, le sort de ce bâtiment avait préoccupé très-vivement la marine et tous ceux qui avaient pu connaître et apprécier les deux jeunes officiers qui le dirigeaient. Dès le printemps de i834, le brick la Bordelaise avait été expédié dans les mers de l'Islande, avec la mission spéciale de rechercher la Lilloise, mais il était revenu sans rapporter autre chose que des motifs d'inquiétude.

En i835, la corvette la Recherche, commandée par M. Tréhouart, lieutenant de vaisseau, fut chargée à son tour de suivre les traces de la Lilloise.

M. Gaimard, qui, six ans auparavant, avait pris une part active à la découverte, sur les récifs de Vanikoro, des débris dû naufrage de La Pérouse, s'offrit avec le plus noble empressement pour coopérer à la recherche de M. de Blosseville. Il s'embarqua sur la corvette la Recherche, et, désirant que l'exploration qu'il allait faire servît les intérêts de la science, en même temps que ceux de l'humanité, il s'adjoignit plusieurs savants, artistes et littérateurs distingués. Ce fut là le noyau de la commission scientifique du Nord.

Tous les efforts pour retrouver la Lilloise restèrent malheureusement sans résultat, mais, la commission scientifique ayant recueilli en Islande les éléments d'un magnifique ouvrage, on forma le projet d'explorer de même le Spitzberg, ainsi que la Laponie, et de laisser une partie de la commission scientifique hiverner dans ce dernier pays, pour y faire des observations de physique et de météorologie. Le nombre des savants qui composaient la commission dut être augmenté. M. le docteur Martins, l'un de nos meilleurs botanistes, et météorologiste des plus distingués, y fut adjoint, ainsi que M. Bravais, et plusieurs savants Scandinaves.

Des instructions furent demandées# à l'Académie des sciences, et la rédaction en fut confiée à une commission spéciale, dont le projet fut adopté dans la séance du 23 avril i838.

La corvette la Recherche fut armée de nouveau, et, sous le commandement de M. Fabvre, lieutenant de vaisseau, elle quitta le port du Havre, le i3 juin i838, et se dirigea vers le Nord, emportant à son bord, avec la plus grande partie des membres de la commission, présidée par M. Gaimard, tout le matériel nécessaire pour ses opérations. Après avoir touché à Drontheim, ancienne capitale de la Norvége, où elle reçut les savants suédois, norvégiens et danois, désignés par leurs gouvernements, et à Hammerfest, où elle déposa le matériel préparé pour l'hivernage, la Recherche mit le cap sur le Spitzberg et mouilla, le 25 juillet, dans la rade de BellSound, sur la côte occidentale de ce groupe d'îles, par 7o°3o' de latitude boréale.

Les savants et les officiers de marine se mirent immédiatement à l'œuvre. L'astronomie, la physique, la météorologie, les mouvements et la température de la mer; les magnifiques glaciers descendant des cimes des montagnes jusque dans la baie; la constitution géologique de ces montagnes nues et escarpées; les faibles traces d'une végétation bien différente de celle de l'Algérie, répandues à leur pied le long du rivage, furent l'objet de nombreuses études. M. Bravais, exercé dès l'enfance à gravir les rochers, atteignit le premier la cime d'un pic de difficile accès, auquel la commission donna son nom. Les officiers composant l'état-major de la Recherche levèrent un plan détaillé de la baie de Bell-Sound, de concert avec MM. Lottin et Bravais, qui déterminèrent l'azimuth de la baie, la hauteur des montagnes et la déclinaison de l'aiguille aimantée.

Mais l'été dure peu dans ces latitudes élevées. Dès le 5 août, le commandant dut donner le signal du départ, et, le 12, la Recherche vint de nouveau jeter l'ancre dans le port de Hammerfest. Pendant le trajet, MM. Bravais et Martins firent de curieuses observations sur les températures des eaux de la mer Glaciale à différentes profondeurs.

MM. Lottin et Bravais, M. le professeur Siljestrôm, physicien suédois, M. le professeurLilliehôôk, physicien et astronome norvégien, ainsi que M. Bevalet, dessinateur, débarquèrent à Hammerfest pour hiverner en Laponie, et la corvette rentra à Brest.

Le climat des côtes occidentales de la Norvége et des côtes de la Laponie est d'une douceur remarquable comparativement à celui des autres points du globe situés à la même latitude. Les eaux tièdes du golfe du Mexique, amenées par le courant marin, connu sous le nom de Gulf-stream, les réchauffent sans cesse et les font jouir d'une température tout à fait exceptionnelle. Il en résulte que les entrées des bra> de mer profonds qui, sous le nom de fiords, découpent profondément ces côtes, si singulièrement dentelées, ne sont presque jamais obstruées par les glaces. Au lieu d'être suspendue pendant plusieurs mois, comme dans la mer Blanche et dans la mer Baltique, la navigation y est généralement libre : et cette circonstance donne aux vastes et excellents ports, contenus dans les fiords de la Laponie, une certaine importance stratégique, naturellement destinée à accroître l'intérêt scientifique, inhérent à la singularité même du climat qui y règne. Mais, par l'effet de sa température comparativement élevée, la partie boréale de l'océan Atlantique se couvre, pendant l'hiver, de brumes presque permanentes, dont la sombre épaisseur dérobe la vue du ciel aux habitants du littoral. Le port de Hammerfest étant trop rapproché de la mer, nos physiciens ne pouvaient y faire d'une manière suivie les observations confiées à leur habileté. Ils choisirent pour leur hivernage le village de Bossekop, petit comptoir situé au fond d'un bras de mer, l'Altenfiord, qui pénètre à 7o kilomètres dans les terres, d'où il résulte que le climat y est plus froid et le ciel plus souvent serein que sur le bord de l'Océan.

Le ier septembre, les quatre physiciens étaient réunis à Bossekop et occupés déjà à installer les nombreux instruments, télescopes, théodolites, boussoles gigantesques, baromètres, thermomètres, actinomètres, pyrhéliomètres, etc., que la corvette avait débarqués. Ces instruments avaient été construits à Paris par les meilleurs artistes et sur les modèles les plus perfectionnés. Une petite maison de bois fut achetée pour être démontée et rebâtie ailleurs; ce fut l'observatoire astronomique; cinq autres cabanes, plus ou moins voisines,devinrent des observatoires météorologiques, magnétiques, etc..

Bossekop est situé à 69° 58' de latitude boréale et par conséquent à 3° 25' au-delà du cercle polaire. 'Le soleil ne s'y lève pas tous les jours de l'année, et le jour du solstice d'hiver, à midi, son centre se trouve à 3° 25' au-dessous de l'horizon. Dès le milieu de novembre son disque ne se montre plus en entier; la partie inférieure demeure cachée, et, à dater du 17 novembre, il reste même complétement invisible. Pendant quelque temps, une lueur crépusculaire illumine encore vers midi le contour méridional de l'horizon, et répand une clarté douteuse ; mais, en approchant du 21 décembre, cette lueur même s'évanouit. Elle reparaît dans le commencement de janvier, et elle grandit par degrés. Enfin, le 3i janvier, le disque solaire recommence à se montrer légèrement. Il projette un premier rayon qui est accueilli par les acclamations universelles de la population placée aux fenêtres ou sur les hauteurs pour saluer l'astre bienfaisant dont l'absence a mieux fait sentir tout le prix. Ce jour-là, tout travail est suspendu, on se félicite, on danse, on boit à la résurrection du soleil, et on juge les paris faits sur la marche des horloges qui, n'ayant pas été réglées depuis deux mois et demi, ont pu se déranger plus ou moins. Le soleil se lève ensuite chaque jour, d'abord pendant quelques instants seulement; mais les jours croissent graduellement; àl'équinoxe ils sont égaux aux nuits; puis les nuits décroissent encore et s'annulent, le soleil cesse de se coucher, et un jour continu de près de trois mois vient former la compensation de la longue nuit hivernale.

Le jour perpétuel de l'été polaire n'a jamais manqué de témoins, mais il fallait tout le courage que peut donner un ardent amour de la science pour aller attendre à Bossekop la fête de la résurrection du soleil.

Il fallait plus de courage encore pour y entreprendre les travaux que la commission était chargée d'y exécuter. Malgré cette douceur relative de climat, dont j'ai parlé, le thermomètre descend souvent à Bossekop, non pas à la vérité à 4o ou 5o degrés centigrades au-dessous de o°, comme dans le nord de l'Asie et de l'Amérique, mais, d'après les observations de la commission, à 2o°ou 25°: et l'abaissement n'est pas restreint, comme dans nos climats, aux dernières heures de la nuit; ici la nuit ne finit pas, et la variation diurne de la température, évidemment indépendante de l'action du soleil, le maximum ayant lieu à onze heures du matin et le minimum à six heures du soir, ne dépasse pas en moyenne un dixième de degré.

Le vent le moins froid, à Bossekop, est le vent du nord, soumis à l'influence de l'océan Boréal, et le plus froid est celui du midi, qui apporte l'air glacé des Alpes Scandinaves couvertes de neige. La température de l'air est à son minimum à la surface du sol; elle s'élève graduellement de quelques degrés jusqu'à environ 1o0 mètres de hauteur, et s'abaisse ensuite suivant la loi ordinaire.

Tous les éléments du climat de Bossekop ont été recueillis par nos physiciens, au moyen des observations qu'ils ont faites, sans interruption, de deux heures en deux heures et quelquefois d'heure en heure, sur le baromètre, le thermomètre, la direction du vent, l'état du ciel, la température de la terre à sa surface, sur les appareils magnétiques, etc. Toutes ces déterminations, inscrites sur des registres tenus constamment avec un ordre parfait, ont été publiées dans le grand ouvrage de la commission scientifique du Nord.

Les quatre observateurs se partageaient le travail et la veille. Les deux marins et les deux professeurs faisaient le quart avec la même régularité que sur un bâtiment de guerre; mais, si une aurore boréale présentait un éclat extraordinaire, c'était un branle-bas général : tout le monde était à son poste. Quelques gouttes de café prises à propos chassaient le sommeil si impérieux par une nuit glaciale de Laponie. Les uns suivaient les perturbations de l'aiguille aimantée, sur laquelle on sait que l'aurore boréale exerce une grande influence, et, dans ce cas, on notait la position de l'aiguille de cinq en cinq minutes. Les autres, en plein air, notaient, de leur côté, montre en main, les diverses phases du phénomène, et mesuraient les hauteurs au-dessus de l'horizon. Les têtes des vis de leurs instruments devenaient souvent tellement froides, qu'ils étaient obligés de les couvrir de drap. Sans cette précaution leurs doigts restaient collés au cuivre par l'humidité de la peau qui se congelait subitement.

Indépendamment du journal détaillé des observations d'aurores boréales, imprimé dans le grand ouvrage de la commission scientifique du Nord,et des magnifiques planches de l'atlas physique, qui représentent les apparitions les plus remarquables observées par les quatre physiciens, M. Bravais a inséré, dans la même publication, un Mémoire sur les aurores boréales, cité déjà par des juges compétents comme ce qui a été écrit de plus net à leur sujet, et dont l'Académie accueillera peut-être un résumé rapide avec quelque intérêt.

Lorsque les premières clartés, encore douteuses, d'une aurore boréale commencent à se répandre dans le ciel, on aperçoit d'abord à l'horizon, un peu à l'ouest du nord, un segment obscur, qui, suivant les conjectures très-vraisemblables de M. Bravais, ne serait autre chose que la masse compacte des brumes dont se couvrent presque constamment les eaux tempérées de la mer polaire. Au-dessus du segment obscur apparaissent bientôt des lueurs semblables à celles d'un incendie, résultant peut-être simplement des feux encore lointains de l'aurore boréale reflétés sur la surface des vapeurs marines. Quelque temps après un arc lumineux se dessine au-dessus du segment obscur. Ses deux extrémités, ses deux pieds, s'appuient sur l'horizon, et son point culminant, qui le partage en deux parties égales et symétriques, est situé le plus souvent dans le voisinage du méridien magnétique. En moyenne il tombe un peu à l'ouest de ce méridien, dont il s'éloigne progressivement à mesure qu'il se trouve plus éloigné du bord septentrional de l'horizon, surtout lorsque, dépassant le zénith, il se rapproche de l'horizon méridional, dont il est éloigné, dans certains cas, de quelques degrés seulement.

Quelquefois plusieurs arcs différents se montrent en même 

temps : très-souvent on en voit deux, plus rarement trois; on en a compté jusqu'à neuf à la fois.

Leur largeur, qui est moyennement de 7 à 8 degrés, excède quelquefois aS degrés, notamment dans la partie culminante lorsqu'elle passe près du zénith. Par la combinaison des mesures, cette dernière remarque conduit à admettre que les arcs de l'aurore boréale sont aplatis parallèlement à la surface de la terre; et elle a suggéré à M. Bravais un des moyens propres à fournir la mesure de la hauteur à laquelle ils se trouvent au-dessus du sol.

Depuis longtemps on s'était préoccupé de cette hauteur, et l'on avait pensé avec raison qu'on pourrait la calculer d'après la parallaxe résultant de deux observations d'un même arc, faites simultanément par deux observateurs placés à une distance connue. Afin de se ménager ce moyen de détermination, M. Bravais a été passer treize jours, du 9 au 22 janvier i838, à Jupvig, lieu situé à i5 kilomètres vers le nord de Bossekop, pour y suivre de son côté les aurores borales, que ses collaborateurs observaient aux mêmes instants dans l'endroit ordinaire.

Les formes d'un grand nombre d'arcs, et surtout celles des arcs les plus réguliers, ont été relevées par la commission avec un grand soin, et M. Bravais, en les discutant, au moyen de constructions géométriques élégantes et de formules trigonométriques très-habilement réduites à une grande simplicité, a fait voir que tous ces arcs pouvaientêtre considérés, conformément à l'hypothèse de notre illustre correspondant M. Hansteen,de Christiania, comme les perspectives d'anneaux circulaires ayant leur centre sur le rayon terrestre dirigé vers le pôle magnétique et leur plan perpendiculaire à ce rayon.

Ses formules lui ont donné, pour chaque cas, l'élévation de l'anneau au-dessus de la surfacede la terre, et ce moyen de mesure, combiné avec les deux autres déjà indiqués, l'a conduit à conclure que les arcs d'aurore boréale sont placés à une élévation de 1o0 à 2oo kilomètres, dans la région où les étoiles filantes et les bolides deviennent incandescents et lumineux, c'est-à-dire vers les limites extrêmes de l'atmosphère terrestre, dont on avait supposé pendant longtemps l'étendue moins considérable.

La couleur des arcs de l'aurore boréale est ordinairement le blanc jaunâtre uniforme. Ils sont doués d'assez de transparence pour qu'on puisse apercevoir les étoiles à travers. L'éclat des arcs les plus brillants égale celui des étoiles de première grandeur; mais le plus grand nombre ne peuvent se comparer qu'aux étoiles de deuxième, troisième, quatrième grandeur.

La position de chaque arc n'est pas invariable pendant toute la durée de son existence. Souvent au contraire elle varie avec beaucoup de rapidité, ce qui oblige l'observateur à opérer avec une grande prestesse, pour donner aux différentes parties d'un même arc des positions exactement correspondantes entre elles. Dans leurs mouvements, tantôt les arcs se rapprochent du zénith, et tantôt ils s'en éloignent, soit vers le nord, soit vers le sud. Leur bord le plus voisin de l'horizon est ordinairement le mieux terminé. Ils n'ont pas toujours des formes régulières; on les voit prendre mille configurations bizarres, telles que celle d'une draperie ondulante ou bien celle d'un crochet. Ils montrent quelquefois, surtout vers la fin, une tendance à se décomposer en rayons courts dirigés dans le sens de la largeur de l'arc.

Après les arcs, à une heure un peu plus avancée, apparaissent les rayons proprement dits, qui sont le second type auquel peuvent se rapporter les lueurs de l'aurore boréale. Les rayons sont des colonnes lumineuses beaucoup plus longues que larges, dont la prolongation vers le haut irait aboutir au zénith magnétique, point du concours apparent de toutes les lignes parallèles à l'aiguille d'inclinaison, situé, à Bossekop, à i3° seulement vers le sud du zénith astronomique.

L'éclat des rayons est variable comme celui des arcs, et généralement plus vif.

Les rayons sont susceptibles de deux mouvements, l'un en vertu duquel le rayon s'allonge vers le zénith ou vers l'horizon ; l'autre, qui le déplace latéralement et parallèlement à luimême. Ces mouvements sont parfois d'une excessive rapidité et il n'est pas rare de voir les rayons darder leur lumière, par un mouvement vibratile, vers le zénith et plus souvent encore vers l'horizon, avec une vivacité extrême. Lorsque ces mouvements sont alternatifs, le rayon semble jouer ou danser. Ce sont les Caprœ saltantes des anciens auteurs, les Marionnettes des habitants de Terre-Neuve, les Merry dancers des Anglais. En général, plus les mouvements sont rapides et plus les rayons deviennent brillants.

La couleur des rayons de l'aurore boréale est ordinairement blanche ou jaune pâle, quelquefois rougeâtre. Lorsque les mouvements vibratiles des rayons deviennent trèsprécipités, la teinte jaune brillante se concentre dans leur partie moyenne et les extrémités opposées se colorent en • rouge violacé et en vert, le rouge se montrant toujours du côté où le rayon darde sa lumière.

Les rayons se réunissent quelquefois au zénith magnétique pour y former une couronne complète ou incomplète. Lorsque ces rayons, entrant en mouvement, prennent un vif éclat et se dépouillent de leur teinte jaunâtre habituelle pour se colorer en rouge et en vert, la couronne offre le plus haut degré de magnificence que puisse déployer l'aurore boréale.

Les mouvements vibratiles dont les rayons sont animés se changent, à des moments donnés, en une sorte de palpitation générale qui s'empare de toutes les lueurs de l'aurore boréale, des arcs aussi bien que des rayons. C'est l'annonce plus ou moins prochaine de la décroissance du brillant météore.

Les splendeurs de l'aurore boréale semblent avoir été données aux régions polaires, comme un dédommagement de l'absence du soleil; et ces clartés polaires, à peine visibles deux ou trois fois par an sur l'horizon de Paris, illuminent presque tous les soirs les horizons dont l'astre du jour s'est éloigné. On ne les y observe pas pendant le jour non interrompu de l'été : c'est à la fin d'août et surtout à l'époque del'équinoxe d'automne qu'elles commencent à se multiplier en Laponie, où leur fréquence diminue à l'équinoxe du printemps et surtout vers la fin du mois d'avril. Pendant cet intervalle de plus de six mois, les nuits privées d'aurore boréale sont en très-petit nombre.

Les aurores sont donc soumises dans leurs apparitions au cours des saisons, et, ce qui n'est pas moins remarquable, c'est que, même pendant la nuit hivernale, les heures de leur -commencement et de leurs différentes phases restent dans un rapport constant avec l'heure du passage au méridien du soleil devenu invisible. Elles se montrent toujours pendant les heures correspondant à la nuit de nos zones tempérées. C'est généralement entre 1o et 11 heures du soir qu'elles se revêtent des éclatantes couleurs qui en distinguent quelquesunes. Cette époque de la nuit est la période la plus brillante du météore qui disparaît ordinairement vers le matin.

M. Bravais a constaté qu'à la lumière d'une brillante aurore boréale, il pouvait lire une page imprimée en petit texte presque aussi facilement qu'à la lumière de Ja pleine lune. La lune dans son plein est en opposition avec le soleil, et, là où le soleil ne se lève pas, on la voit presque constamment sur l'horizon. La double lumière de l'astre des nuits et de l'aurore boréale diminue beaucoup pour les régions polaires l'obscurité de la nuit hivernale. Ces clartés irrégulières suffisent aux Lapons, aux Samoyèdes, aux Esquimaux, traînés par leurs rennes ou par leurs chiens, pour parcourir en traineau les neiges sans limites qui couvrent leur pays ; et, lorsque l'absence du soleil tend à assombrir leurs idées, l'éclat capricieux des apparitions lumineuses leur présente des images fantastiques, bien propres à réveiller leur imagination, et sur lesquelles elle s'est merveilleusement exercée.

Malgré les mouvements dont sont doués les arcs et les rayons de l'aurore boréale, il est évident qu'ils suivent le mouvement de rotation de la terre. L'aurore boréale est donc un phénomène atmosphérique et non un phénomène cosmique. Canton, M. Becquerel et d'autres physiciens ont signalé la ressemblance qu'offrent les teintes rouges violacées de ce météore avec celles que déploie l'électricité en se mouvant dans le vide. Cette circonstance, jointe à l'action si souvent constatée de l'aurore boréale sur l'aiguille aimantée, a porté les physiciens à la ranger parmi les phénomènes électriques. M. Bravais a adopté cette opinion, dont notre illustre confrère, M. de la Rive, a récemment vérifié l'exactitude par une magnifique expérience.

Après un séjour de sept mois, la commission quitta Bossekop le 19 avril 183g, et retourna à Hammerfest, où. elle devait poursuivre divers travaux et attendre la corvette la Recherche, chargée de venir la reprendre pour la conduire une seconde fois au Spitzberg. ,

La végétation renaissait et se développait avec cette étonnante rapidité que lui donne en Laponie, dès le commencement du mois de mai, un jour à peu près continuel. M. Bravais ne put résister au plaisir d'herboriser. Malheureusement, en voulant aller cueillir une plante qui sortait d'une fente de rocher, il fit une chute violente et se fractura un genou. Pendant plusieurs semaines il se vit réduit à l'immobilité.

La Recherche parut alors à l'horizon, et vint jeter l'ancre dans le port; tous les collaborateurs de M. Bravais s'y embarquèrent, mais il eut le chagrin de ne pouvoir les suivre et de rester seul à Hammerfest, jusqu'à ce que la lin de l'été polaire y ramenât la commission.

Loin d'être découragé par un si fâcheux contre-temps, il continua la série des observations météorologiques et magnétiques, et, aussitôt que sa blessure lui permit de marcher, il travailla à compléter deux grands travaux, déjà commencés pendant son séjour à Bossekop, l'un sur les marées, et l'autre sur les lignes d'ancien niveau de la mer.

Un séjour de plus d'un an, tant à Hammerfest qu'à Bossekop, lui avait permis d'étendre et de perfectionner l'observation des marées. Il réunit plus tard, à ses propres mesures, les mesures analogues, exécutées à Reikiavik en Islande et à BellSound, au Spitzberg, parMM.Lottinetde Laroche-Poucié, et, après les avoir soumises à une discussion approfondie, il détermina les heures de l'établissement du port et les unités de hauteur des marées dans plusieurs ports de l'Océan atlantique boréal. M. Bravais a aussi calculé pour ces parages la valeur de la marée semi-diurne et celle de la marée diurne pour le soleil et pour la lune. Il a été frappé de l'importance relative qu'y prend la marée diurne, et cette circonstance, rapprochée du fait analogue déjà observé dans la mer du Kamlschatka, le porta à penser que les marées des deux océans, Atlantique et Pacifique, s'influencent mutuellement par le détroit de Behring.

Les rives de l'Altenfiord, aux environs de Bossekop et de Hammerfest, ainsi qu'en beaucoup de localités intermédiaires, présentent des terrasses, à surfaces presque horizontales, dont la régularité rappelle les ouvrages de fortification, niais qui n'ont rien d'artificiel. Chacune d'elles s'arrête, au pied des rochers, à une ligne marquée par des érosions pareilles à celles que la mer opère sur son rivage actuel. On reconnaît aisément dans chaque terrasse une ancienne plage marine, où la mer a battu pendant longtemps à un niveau bien défini. En quelques endroits on en voit plusieurs, l'une au-dessus de l'autre. M. Bravais s'est occupé de déterminer l'élévation actuelle de toutes ces traces du niveau ancien de la mer, et ici la botanique lui a prêté un utile concours. Une plante marine , le Fucus vesiculosus, très-répandue dans ces parages, ne croît sur les rochers que jusqu'à une certaine distance au-dessous de la surface moyenne de la mer, et elle forme une zone jaunâtre dont la limite supérieure est bien tranchée et parfaitement horizontale. Cette ligne a fourni le point de repère auquel M. Bravais a rapporté, par des nivellements précis, les anciennes marquesd'érosion de la mer. Il a constaté ainsi que toutes ces traces de son ancien niveau forment cinq séries plus ou moins nettes, dont deux surtout sont parfaitement suivies; que ces deux dernières en particulier sont légèrement inclinées de l'intérieur du continent vers la mer; que l'une d'elles se partage même en deux parties dont les inclinaisons sont différentes. De là il est permis de conclure que ces terrasses et le sol qui les supporte ont été soulevés au-dessus du niveau de la mer; car,' si c'était la mer qui se fût abaissée, chacune des deux séries de terrasses serait parfaitement de niveau.

La mobilité de l'écorce solide de notre globe s'est trouvée par là pleinement démontrée. On a pu dire que l'expression ferme comme un roc, si on la prenait dans un sens trop absolu, ne serait que l'expression d'une illusion, et conclure que ce qu'il y a de moins instable autour de nous, c'est le niveau moyen de la mer.

M. Bravais s'occupa de tous ces travaux jusqu'au moment où la corvette, revenant du Spitzberg, entra de nouveau à Hammerfest. Les membres de la commission, présidée par M. Gaimard, se séparèrent alors, une dernière fois, pour retourner dans leurs pays respectifs par petits groupes, en suivant des routes différentes.

M. Bravais, malgré la guérison encore imparfaite de sa blessure au genou, s'associa à M. le docteur Martins pour revenir parla voie de terre. Le baromètre à la main, ils traversèrent en herborisant le plateau de la Laponie, où ils déterminèrent avec précision les altitudes des limites supérieures et inférieures des différentes zones de végétation. Us complétaient ainsi, non pas la flore atlantique de Desfontaines comme M. Bravais avait paru destiné à le faire, mais les beaux travaux de géographie botanique de M. Léopold de Buch et la flore célèbre de Wahlemberg.

Dans les vastes forêts de la Suède, MM. Martins et Bravais eurent de nombreuses occasions d'observer le Pinus sylvestris (pin d'Écosse), qui les compose en grande partie et que M. Bravais avait déjà étudié attentivement dans un grand bois de conifères qui domine Bossekop. Ils publièrent à leur retour un intéressant mémoire sur la croissance du pin sylvestre; ce travail qu'ils ont étendu au frêne et au chêne avait été recommandé par M. de Candolle. Il les a conduits à une formule mathématique qui donne l'âge probable d'un pin dont le diamètre serait connu.

Pendant leur séjour à Stockholm, MM. Bravais et Martins comparèrent soigneusement leurs instruments météorologiques et particulièrement leurs baromètres à ceux qu'on employait pour les observations météorologiques quotidiennes. Ils répétèrent cette comparaison dans toutes les capitales et les grandes villes qu'ils traversèrent en revenant en France. Leurs instruments ayant été compares avant leur départ et devant l'être après leur retour avec ceux de l'Observatoire de Paris, ils créaient ainsi un moyen de mettre en parfaite harmonie et de rapporter en quelque sorte à un même diapason les observations météorologiques qui se poursuivent dans une grande partie de l'Europe.

Revenus à Paris, au mois de janvier 184.o, ils adressèrent à M. Arago une lettre circonstanciée sur les travaux de la commission scientifique du Nord, qui a été insérée, Messieurs, dans les Comptes rendus de vos séances. Leurs nobles efforts furent justement appréciés et ils obtinrent des récompenses bien méritées.

M. Bravais reçut la décoration de la Légion d'honneur et l'autorisation de porter celle de l'ordre de l'Épée de Suède.

En sa qualité de lieutenant de vaisseau, il fut chargé par le Ministre de la marine de réunir, conjointement avec M. Lottin, toutes les observations de physique générale faites par la commission et d'en soigner la publication.

L'accomplissement de ce devoir, qui promettait d'être de longue haleine, n'exigeait pas une résidence continue à Paris. On jugea qu'il n'était pas incompatible avec ceux du professorat et qu'il permettait à M. Bravais d'occuper une chaire dans l'une des Facultés des sciences créées, depuis peu, en différentes villes de France. Le Ier février 1841, il fut nommé professeur de mathématiques appliquées à l'astronomie, à la Faculté des sciences de Lyon.

Cette Faculté avait pour doyen M. Tabareau, le savant et célèbre fondateur de l'école de la Martinière, devenu depuis son beau-frère. Tout ce que la ville de Lyon possédait de ressources pour les observations fut mis à sa disposition. M. Bravais en fît plusieurs à l'observatoire de Lyon qui mériteraient d'être citées, particulièrement sur une magnifique apparition de la lumière zodiacale, au mois de février 1842.

Les recherches auxquelles le nouveau professeur dut se livrer, pour la préparation de son cours, le conduisirent à composer un important mémoire sur le mouvement de translation du soleil, qu'il vous adressa en i843.Par de profondes considérations de mécanique sur les attractions mutuelles des étoiles et du soleil, il y établit que le mouvement propre de tout notre système est dirigé vers l'étoile n de la constellation d'Hercule

Élu, à son arrivée, membre de l'Académie de Lyon, M. Bravais prit avec son père et deux de ses frères une part trèsactive aux travaux du congrès scientifique réuni dans cette ville et y développa d'importantes considérations sur la météorologie du midi de la France. En 1842, il contribua puissamment, avec M. Lortetet M. Fournet, à la fondation de la Société hydrométrique de Lyon, dont on connaît les importants et utiles travaux.

Pendant les trois ans qu'il passa à Lyon, M. Bravais travailla assidûment à la rédaction de l'ouvrage intitulé Patria, dans lequel il avait pour collaborateurs MM. Lalanne, Le Pileur, Martins et plusieurs autres jeunes savants. Cet ouvrage, entrepris dans un but d'utilité, présente, sous une forme trèslaconique et dans le format le plus portatif, une véritable encyclopédie en miniature de ce qu'il est surtout désirable d'avoir présent à la mémoire ou de pouvoir retrouver à l'instant relativement à la France. M. Bravais rédigea pour ce recueil les articles Géographie, Physique du sol et plusieurs autres, qui sont de véritables chefs-d'œuvre de concision et de clarté.

Mais Lyon est voisin de la Suisse et de la Savoie. La vue des sommets des Alpes, ces anciens amis de son enfance, la vue des neiges éternelles, qui lui rappelaient le Spitzberg et la Laponie, réveillèrent facilement chez M. Bravais ses instincts de voyageur.

En i841* après la clôture de son premier cours, il entreprit un voyage en Suisse, et, pour le rendre utile à la continuation de ses travaux météorologiques, il s'installa sur le Faulhorn avec son frère aîné, M. Louis Bravais, et son ami M. Martin s.

Le Faulhorn est une montagne isolée, élevée de 268o mètres au-dessus de la mer et placée comme un belvédère en face des plus hautes montagnes du canton de Berne, l'Eiger, le Mùnch, la Jungfrau. Des milliers de touristes montent chaque été sur ce pic, afin de jouir de la vue magnifique des neiges et des glaciers de l'Oberland. L'auberge établie pour les recevoir devint la station météorologique de MM. Martins et Bravais. Ils y rétablirent l'observatoire de Bossekop, et, du 17 juillet au 5 août, ils firent une série d'observations semblables à celles de la Laponie, sauf l'absence des aurores boréales.

L'histoire naturelle ne fut pas oubliée. MM. Louis et Auguste Bravais et M. Ch. Martins, habitués tous les trois aux montagnes, et familiers avec les applications de la physique à la géographie des plantes,recueillirent sur les pentes et dans les environs du Faulhorn une ample moisson d'observations.

MM. Bravais et Martins firent aussi des expériences de physique d'un haut intérêt. M. Dumas, notre illustre confrère, avait fait préparer, à Paris, plusieurs ballons de verre munis de robinets, dans lesquels on avait fait le vide aussi complètement que possible. M. Martins les porta lui-même au Faulhorn. Ces ballons furent remplis de l'air qui enveloppait le sommet de la montagne, puis refermés avec le plus grand soin et renvoyés à M.Dumas. L'analyse montra que l'air, renfermé dans ces ballons, contenait les mêmes proportions d'oxygène et d'azote que l'air puisé à Paris, par M. Dumas, dans la cour de son laboratoire. Il en résultait que, contrairement à l'ancienne opinion de Dalton, déjà combattue par M. Gay-Lussae et M. de Humboldt, la proportion des éléments constituants de l'air ne varie pas avec la hauteur.

M. Bravais consacrait les soirées où le ciel était suffisamment pur à l'étude des phénomènes crépusculaires. Ses observations, réunies à celles d'autres météorologistes et soumises au calcul, lui fournirent une mesure nouvelle de la hauteur de l'atmosphère, égale tout au moins à 1oo kilomètres, résultat assez rapproché de celui que lui avaient donné les auroresboréales de Bossekop.

En 1842, la réunion au Faulhorn se répéta; les mêmes séries d'observations météorologiques y furent continuées, mais MM. Bravais et Martins s'y livrèrent à des recherches de physique d'un genre nouveau. M. Peltier, l'un de nos physiciens les plus distingués et les plus exacts, ravi trop tôt à la science, vint se réunir à M. Bravais pour mesurer la température d'ébullition de l'eau sous diverses pressions barométriques. Ces études avaient pour but de perfectionner les tables qui servent à déterminer les hauteurs au-dessus de la mer, d'après le degré du thermomètre auquel l'eau entre en ébullition, méthode d'une application moins incommode que la méthode barométrique.

MM. Bravais et Martins, avec le concours de M. Camille Bravais, qui cette fois remplaçait au Faulhorn son frère aîné, firent aussi d'importantes expériences sur la propagation du son. Des boîtes étaient tirées sur le Faulhorn et sur les bords du lac de Brienz, à 2o41 mètres plus bas. De chaque station on voyait la lumière, et l'on entendait le bruit des boîtes tirées à l'autre station. La perception de la lumière pouvait être regardée comme instantanée, et en mesurant, avec une montre à secondes, le retard du bruit, on déterminait la vitesse de propagation du son. Nos physiciens trouvèrent ainsi que, pour l'air sec, à la température de la glace fondante, la vitesse de propagation du son, soit ascendant, soit descendant, est de 332 mètres 4 cent, par seconde. Ce résultat concorde avec celui des expériences célèbres faites entre Villejuif et Montlhéry, où le son se propageait horizontalement.

En i843, M. Bravais ne fit pas de voyage : ce fut pour lui une année de deuil. Son frère aîné, M. Louis Bravais, le collaborateur de son mémoire sur la disposition symétrique des feuilles, mourut au commencement de l'été, après six mois de souffrances, supportées avec une résignation chrétienne , au milieu desquelles il s'occupa, jusqu'à son dernier jour, de recherches de botanique,

Cette cruelle séparation ne ralentit que passagèrement les travaux de M. Auguste Bravais. Il y revint bientôt avec son ardeur accoutumée, et l'année suivante il s'occupa d'un nouveau voyage, le dernier, et peut-être le plus remarquable de ceux qu'il lui a été donné d'accomplir.

11 n'est pas improbable de supposer que deux illustres secrétaires perpétuels, toujours heureux de se rencontrer sur un terrain neutre, échangèrent vers ce temps-là quelques paroles au sujet de M. Bravais. M. Arago l'avait cité à la tribune de la Chambre des députés comme un des officiers qui, par leur savoir, faisaient le plus d'honneur à notre marine, le comparant même, dans son improvisation, aux géomètres de l'antiquité. M. Villemain, alors ministre de l'instruction publique, éclairé aussi par notre savant confrère M. Pouillet, eut le mérite de comprendre l'à-propos d'un voyage qui couronnerait, par l'ascension du mont Blanc, les précédents travaux de M. Bravais, et préleva sur le budget de son ministère les fonds de cette difficile entreprise.

Saussure avait été le premier physicien qui eût fait l'ascension du mont Blanc; M. Bravais a été le second. Il a partagé cette gloire avec son ami M. Ch. Martins et avec M. le Dr Le Pileur, son collaborateur dans la rédaction àePatria.

L'Europe savante s'était émue, à juste titre, en apprenant que,le3août 1787, M. de Saussure,déjà célèbre par ses voyages dans les Alpes, avait réussi à porter son baromètre sur la cime du mont Blanc, et en avait fixé la hauteur à' a,45o toises. M. de Saussure avait fait en même temps, sur le mont Blanc, plusieurs expériences de physique qui n'ont jamais cessé d'avoir une place d'honneur dans tous les traités de météorologie. Mais la physique avait fait de grands progrès dans l'espace de cinquante-sept ans : il devenait opportun de renouveler les expériences de Saussure, et d'y en ajouter de nouvelles, dont on ne pouvait avoir l'idée de son temps.

Telle était la carrière que la libéralité heureusement inspirée de M. Villemain ouvrait à MM. Bravais, Martins et Le Pileur.

Partis de Paris, le 16 juillet i844> avec une série complète des meilleurs instruments qu'on eût jamais employés dans une opération de ce genre, les trois physiciens s'arrêtèrent à Genève pour les comparera ceux qu'on observait journellement, avec un soin et une habileté bien connus, dans la patrie de Saussure; et, le 28 juillet, ils arrivèrent à Chamounix.

Saussure, après une tentative infructueuse, faite l'année précédente, avait attendu à Chamounix, pendant quatre semaines, en 1787, que le temps devînt propice à sa courageuse résolution. MM. Bravais, Martins et Le Pileur ne furent guère plus favorisés.

Une première et une seconde tentative échouèrent, par 

l'effet d'accidents atmosphériques, qui ne furent pas sans danger pour les hardis voyageurs. Mais enfin, le 28 août, ils arrivèrent pour la troisième fois sur un grand plateau de neige situé à 88o mètres au-dessous du sommet du mont Blanc. Leurs instruments y étaient en permanence depuis trois semaines, sous une petite tente destinée à les abriter. Ils furent remis immédiatement en expérience.

La nuit fut froide et sereine, et le lendemain, 29 août, les observations du matin terminées, on partit à dix heures pour monter sur la cime du mont Blanc, qu'on atteignit, sans difficultés extraordinaires, à une heure quarante-cinq minutes. Le vent était du nord-ouest et très-fort, le thermomètre marquait 7° au-dessous de zéro. Le soleil brillait, mais des vapeurs voilaient les parties les plus lointaines du vaste horizon, qui s'étend de la Côte-d'Or aux montagnes de la Ligurie. Les montagnes circonvoisines se voyaient au contraire très-distinctement. Après avoir promené leurs regards sur ce magnifique panorama, MM. Bravais, Martins et Le Pileur se hâtèrent d'installer leurs instruments : baromètre, thermomètre, hygromètre, psychromètre, pyrhéliomètre, actinomètre, boussole; instrument pour mesurer l'intensité magnétique horizontale; instrument pour mesurer l'inclinaison de l'aiguille aimantée; instrument pour mesurer la tension électrique; instrument pour mesurer la température d'ébullition de l'eau; instruments pour observer les teintes du ciel et la transparence de l'atmosphère, etc., etc. Le génie de Saussure lui avait suggéré une partie des mêmes expériences, mais ses instruments improvisés étaient moins compliqués que ceux d'aujourd'hui, dont on paye la précision par les précautions minutieuses qu'exige leur maniement.

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Pendant les cinq heures qu'ils passèrent sur le sommet du mont Blanc, nos trois physiciens eurent le temps de tirer de leurs instruments tout ce qu'ils pouvaient donner, et recueillirent une série de mesures qui laissait bien peu de chose à désirer.

Aux approches du soir, les principales expériences de physique étant à peu près terminées, M. Bravais installa le théodolite, et, avec l'ai de de M. Le Pileur, qui écrivait les angles sous sa dictée, il commença à relever un tour d'horizon, mesurant l'angle de dépression de chacune des montagnes qui le formaient, et l'azimuth qui exprimait la direction dans laquelle on l'apercevait. Ce tour d'horizon du mont Blanc, qui n'avait jamais été fait, car Saussure s'était borné à des remarques générales, restera un monument précieux pour la géodésie et pour la géologie. Le travail était presque achevé, et M. Bravais n'avait plus à relever que les parties les moins intéressantes du panorama, lorsqu'il fut interrompu par un phénomène qui surprit également les huit personnes (guides et voyageurs) réunies alors sur le mont Blanc, parce que, dans aucune des ascensiorls faites précédemment, on ne s'était aventuré à y rester jusqu'au coucher du soleil.

« A six heures quarante minutes, dit M. Bravais, dans le « petit ouvrage qui contient son tour d'horizon, le soleil « approchant de l'heure de son coucher, nous jetâmes les « yeux du côté opposé à l'astre, et nous aperçûmes, non « sansquelqueétonnement, l'ombre du mont Blanc qui sedes« sinaitsur les montagnes couvertes de neige de la partie Est de « notre panorama; je relevai le sommet de cette ombre au « théodolite et j'obtins la dépression — i°. Une minute « après elle était à — o°48' (elle montait à mesure que le soa leil s'abaissait); nous restâmes encore environ dix minutes « occupés à serrer notre bagage., et un peu pressés de des<r cendre à cause de la brièveté du crépuscule sur les hautes a montagnes... J'ai dessiné, dans le panorama, la forme que « prit alors l'ombre du mont Blanc. Elle s'éleva graduelle« ment dans l'atmosphère, la prenant pour un tableau sur <r lequel elle venait se peindre. La séparation de l'ombre « et de la lumière était fort tranchée dans ses contours; elle « continua à s'élever ainsi, dépassant les montagnes de la « vallée d'Aoste, et elle atteignit la hauteur de i°, restant « encore parfaitement visible.

a L'air, au-dessus du cône d'ombre, était teint de ce rose « pourpre que l'on voit dans les beaux couchers du soleil « colorer les hautes sommités. Le bord de cette teinte, tout « le long de la ligne de séparation du cône d'ombre, offrait « un rose plus intense, et cette bordure continue rehaussait « l'éclat du phénomène.

« Que l'on imagine maintenant les montagnes de la grande « vallée d'Aoste projetant, elles aussi, à ce même moment, « leurs ombres dans l'atmosphère; les bords de ces grands « cylindres visibles à l'œil; leur partie inférieure sombre, « avec un peu de verdâtre, et, au-dessus de chacune de ces « ombres, la nappe rose purpurine, avec la ceinture rose « foncée qui la séparait d'elles; que l'on ajoute à cela la rec« titude des cônes d'ombre et principalement du contour de « leur arête supérieure, et, enfin, les lois de la perspective « faisant converger toutes ces lignes l'une vers l'autre, et <r vers le sommet même de l'ombre du mont Blanc, c'est-à« dire au point du ciel où nous sentions que les ombres de « nos corps devaient être placées, et l'on n'aura encore qu'une « idée incomplète delà richesse du phénomène météorologi« que qui se déploya pour nous pendant ces quelques instants.

« Il semblait qu'un être invisible était placé sur un trône « bordé de feu, et que, à genoux, des anges aux ailes étince« lantes l'adoraient, tous inclinés vers lui.

« A la vue de tant de magnificence, nos bras et ceux, de « nos guides restèrent inactifs, et des cris d'enthousiasme « s'échappèrent de nos poitrines. J'ai vu les belles aurores « boréales du Nord avec leurs couronnes zénithales aux coa lonnes diaprées et mobiles, que nos plus beaux feux d'ar« tifice ne sauraient égaler par leurs effets; eh bien! la vue <r de l'ombre du mont Blanc sur le ciel me paraît plus gran« diose encore.

a Après dix minutes de contemplation, il fallut songer au « départ : heureusement la pleine lune, qui se levait brillante « au-dessus de l'horizon oriental, devait protéger la course « que nous avions à faire pour regagner notre tente, où « nous arrivâmes après cinquante minutes d'une descente « très-rapide. »

Cet élan poétique permet de juger si le froid de ia degrés qui régnait alors sur le mont Blanc et le maniement des instruments divisés avaient refroidi les imaginations! On peut être certain que des observateurs restés accessibles, au déclin du jour, à d'aussi vives impressions n'avaient rien négligé, pendant la journée, de ce qui avait formé l'objet spécial de leur pénible et périlleuse ascension : et, disons-le sans autre commentaire, des physiciens habiles qui ont pu consacrer quinze heures d'un travail assidu à faire fonctionner, sur la cime du mont Blanc, les meilleurs instruments connus, qui, de plus, ont employé quatre jours à en suivre lamarche sur le grand plateau, à proximité du sommet, ont nécessairement créé par là des documents scientifiques d'une très-grande valeur, devant lesquels doivent s'évanouir une foule de doutes et d'incertitudes.

Revenus à leur tente, sur le grand plateau, les voyageurs, après avoir complété les quatre journées d'observations, descendirent le Ierseptembre à Ghamounix. Ils y retrouvèrent M. l'abbé Camille Bravais, frère de notre futur collègue, qui avait fait, de son côté, de deux en deux heures, des observations correspondantes, à l'endroit même où M. Théodore de Saussure, devenu si célèbre par ses travaux de physiologie végétale, avait concouru d'une manière semblable aux travaux de son illustre père, pendant qu'il opérait sur le mont Blanc.

La famille et les amis de M. Bravais s'étaient vivement préoccupés des chances de son ascension. Depuis un mois son père et sa sœur allaient s'asseoir chaque jour, à l'entrée de la vallée d'Auvonay, dans un endroit d'où l'on découvre le mont Blanc et la crête neigée des Alpes, et d'où luimême, dans son enfance, les avait souvent contemplés. Ils n'avaient pas manqué d'y retourner le 29 août; mais la zone de vapeurs qui, du mont Blanc, voilait les plaines, leur avait tout caché. Deux jours après seulement ils apprirent, par une lettre affectueuse, le succès de la grande entreprise.

La même déception s'était produite à Lyon. Avec les meilleures lunettes on ne put apercevoir les voyageurs sur la cime du mont Blanc, et les préparatifs que de savants collègues, M. Tabareau, M. Fournet, M. Lortet et d'autres physiciens distingués avaient faits, avec tout le zèle de l'amitié,pour concourir, par leurs propres travaux, à une opération importante dont la Faculté devait s'honorer, demeurèrent en partie inutiles.

Ils avaient tous conçu beaucoup d'affection pour le professeur d'astronomie, dont le commerce était très-agréable. D'un caractère gai, quoique réfléchi; plein de bonté, de délicatesse et de désintéressement, M. Bravais savait jouir des succès des autres, et jamais ombre de rivalité n'e st parvenue jusqu'à lui. Excellent collègue, toujours disposé à rendre service et à donner ses conseils, quand on les lui demandait, il remplissait ses devoirs avec la plus scrupuleuse exactitude. Son cours attirait de nombreux auditeurs; il savait l'animer par des rapprochements que la variété de ses études et de ses observations présentait sans effort à sa pensée et dont son imagination vive et colorée embellissait l'expression. Malgré l'aridité supposée inhérente aux préoccupations mathématiques, sa conversation était pittoresque et enjouée, rehaussée souvent par des saillies où la science s'alliait à la poésie.

Ce n'était donc jamais sans regret que ses collègues de Lyon l'entendaient parler de s'éloigner; cependant M. Bravais devait y songer, caria publication du voyage de la commission scientifique du Nord avançait, et avec elle devait finir la mission dont il était chargé par le Ministre de la marine.

Pour rester alors à Lyon, il aurait dû renoncer à sa carrière d'officier de marine, et quelquefois il pensait à demander au Ministre un nouveau voyage. Ceux qui voyaient en lui, à bon droit, l'idéal du voyageur scientifique, ne pouvaient que l'y encourager; mais une circonstance imprévue vint mettre fin à ses hésitations.

iNotre illustre confrère, M. Lamé, venait de quitter la chaire de physique de l'Ecole polytechnique pour occuper la place d'examinateur desortie. Le conseil de perfectionnement, à l'unanimité, désigna M. Bravais pour lui succéder. M. Bravais, lieutenant de vaisseau, fut donc nommé pour remplacer M. Lamé, ingénieur en chef des mines, dans une école qui fournit aussi bien des officiers à la marine que des ingénieurs aux corps des mines et des ponts et chaussées.

La préparation d'un cours aussi élevé que celui dont il venait d'être chargé, imprima pendant quelque temps une direction particulière aux travaux de M. Bravais, et il ne tarda pas à publier d'excellents mémoires sur l'optique atmosphérique et sur la constitution moléculaire des corps.

Un an après son ascension sur le mont Blanc, il présenta à l'Académie un mémoire sur l'arc-en-ciel blanc qui complétait d'une manière très-heureuse l'une des plus belles théories de la physique.

Jusqu'à ces derniers siècles, les hommes avaient vu dans l'arc-en-ciel un signe d'espérance sans connaître les causes de son apparition. Théodorich, De Dominis, Descartes, avaient expliqué sa formation par les réfractions et les réflexions éprouvées, dans les gouttes de pluie, par les rayons du soleil. Newton avait complété cette explication par la considération de l'inégale réfrangibilité des couleurs; mais aucun de ces illustres physiciens et aucun de ceux qui, après eux, s'étaient occupés de tous les détails du phénomène, n'avait expliqué d'une manière satisfaisante la formation de Xarc-en-ciel blanc, qu'on voit quelquefois apparaître sur des brumes généralement peu élevées et peu éloignées du spectateur, avec un rayon sensiblement inférieur à celui de l'arc-en-ciel ordinaire. Il était réservé à M. Bravais de concevoir et de démontrer que, si un nuage est formé de petites sphères creuses dans lesquelles l'épaisseuï de l'enveloppe aqueuse est comprise entre les 38 et les 55 centièmes du rayon du vide interne, il doit se former un arc lumineux blanc de 34 à 4o degrés de rayon, et par conséquent moins large que l'arc-en-ciel du premier ordre ordinaire, dont le rayon est de 42° 2o'. Dans les nuages ordinaires, l'enveloppe des globules de vapeur vésiculaire est plus mince que ne l'exige la théorie de l'arc-en-ciel blanc, ce qui fait qu'il ne s'y forme pas. On ne le voit que sur des brouillards pesants attachés à la surface de la terre ou de la mer.

Sans doute l'arc-en-ciel blanc n'est pas un de ces phénomènes qui captivent fortement les imaginations:mais il suffit à la gloire de notre confrère de remarquer que tous les physiciens et Newton lui-même l'avaient laissé sans explication. Son mémoire a comblé une lacune dans les travaux des premiers maîtres de la science.

L'arc-en-ciel n'est pas le seul phénomène qui dessine sur la voûte du ciel des figures géométriques plus ou moins brillantes, plus ou moins vivement colorées. Les parhélies et les halos, moins fréquents, mais non moins frappants que l'arc-en-ciel, se forment au milieu de circonstances si visiblement différentes que, loin de paraître de bon augure, ils ont paru souvent aux populations étonnées des signes de la colère céleste.

Mariotte avait proposé d'attribuer ces apparitions lumineuses à l'action exercée sur les rayons du soleil ou de la lune par les particules glacées qui restent quelque temps suspendues dans l'atmosphère avant de tomber sous la forme de neige ou de pluie. Mais Huygens avait combattu cette explication et, pendant plus d'un siècle, elle était re stéedans l'abandon. Brandes, Young, M. Galle, M. Kaemtz et d'autres physiciens célèbres l'avaient reprise avec succès. M. Bravais a levé tous les doutes en représentant par des formules ramenées, avec la dextérité ingénieuse dont il avait le secret, à une grande simplicité, la marche des rayons réfléchis et réfractés, et en déduisant de leur discussion les formes, en apparence les plus bizarres, des phénomènes observés.

Suivant l'abaissement plus ou moins grand de la température des régions élevées de l'atmosphère, la vapeur s'y condense en eau qui donne la pluie ou en particules de glace qui donnent la neige, le grésil, la grêle.

La glace cristallise en prismes hexagonaux réguliers qui, dans leur forme la plus élémentaire, sont terminés par des faces planes perpendiculaires à l'axe du prisme. Le prisme est quelquefois très-allongé et quelquefois, au contraire, extrêmement court. Dans le premier cas les particules glacées formées dans l'air sont de petites aiguilles d'un diamètre microscopique; dans le second, ce sont de petites plaques hexagonales ou étoilées, d'une épaisseur à peine mesurable. Dans l'un et l'autre cas ces petits cristaux sont très-légers. Ils voltigent dans l'air comme ces grains de poussière qu'on voit s'agiter par myriades dans un rayon de soleil. Ils tombent cependant, mais avec lenteur, dans un air parfaitement calme. Quoique microscopiques ils ont des formes d'une netteté parfaite^ carla régularité de la cristallisation n'est jamais plus admirable que dans les dernières particules des corps.

Lorsque les particules glacées sont des prismes aciculaires, les rayons lumineux partis du soleil ou de la lune, en se rétractant à travers deux faces non contiguës du prisme, sous l'angle de déviation minimum, sont brisés et poursuivent leur route, en faisant avec leur direction première un angle d'environ 220. Dans ce cas, si les petits prismes voltigent dans l'air, il se produit un arc coloré assez comparable à un arc-en-ciel, mais de 22° seulement de rayon, dont l'astre éclairant occupe le centre et dans lequel la bande rouge est placée du côté intérieur. C'est le halo de 22°, le plus fréquent de tous. Si les petits prismes, ou seulement une partie d'entré eux, tombent doucement à travers un air tranquille, et prennent une position verticale, il se forme, de chaque côté du soleil et à la même hauteur, une image de l'astre qu'on nomme parhélie et qui en est éloignée, à peu près comme l'arc du halo, d'environ 22°. Les rayons de lumière qui se réfractent, sous l'angle de déviation minimum, à travers un angle dièdre de 90°, comme celui qui résulte de l'incidence rectangulaire des faces du prisme hexagonal sur ses bases, sont déviés plus fortement que dans le cas précédent et produisent le halo de 46°. Si les prismes sont verticaux, ils donnent naissance à des cercles horizontaux, parés de très-vives couleurs, qui sont tangents à la partie supérieure, ou à la partie inférieure du halo de 46° •

Lorsque les particules glacées ont la forme de petites plaques hexagonales très-minces, les angles dièdres de 9o° que présente le contour de leur base concourent à la formation du halo de 46°, et si leur chute à travers un air tranquille rend verticale une de leurs diagonales, on voit apparaître le parhélie de 46° et l'anthélie.

Les rayons réfléchis, sans dispersion des couleurs, sur les faces verticales des prismes et des tables hexagonales produisent le cercle parhélique de M. Babinet, qui est brillant, mais incolore.

On peut concevoir d'autres combinaisons , presque toutes réalisées dans la nature; et de plus les cristaux de glace microscopiques, outre leurs faces principales, présentent quelquefois des facettes secondaires, qui donnent lieu aussi à des réfractions et à des réflexions dont l'effet est de briser le rayon de lumière, dans chaque cas, sous un angle spécial.

L'analyse de tous les cas possibles de ce genre, et l'explication complète qui en résulte de tous les phénomènes observés, même des plus singuliers et des plus rares, ont fourni à M. Bravais le sujet du grand et magnifique mémoire que l'Europe savante a admiré.

Considérant le phénomène sous tous les points de vue, M. Bravais complète l'étude que M. Arago avait faite de l'état de polarisation de la lumière dans les halos proprement dits, en l'étendant à toutes les parties de ce genre de météores.

Aussi habile expérimentateur qu'exercé au maniement des formules analytiques, il imagine un ingénieux appareil qui, par la rotation rapide d'un prisme transparent à axe vertical, représente assez exactement la multitude des aiguilles ou des lames verticales de glace suspendues dans l'atmosphère, dont l'orientation horizontale, répartie dans toutes les directions, produit le plus grand nombre des illuminations atmosphériques. Au moyen de cet instrument nouveau et d'une lumière artificielle nous pouvons aujourd'hui reproduire, dans un cabinet de physique, la plupart des phénomènes de l'optique météorologique.

En Laponie et sur le mont Blanc, M. Bravais avait eu de nombreuses occasions d'observer les formes cristallines de la neige. Il avait souvent rencontré d'admirables cristallisations d'eau congelée et les avait toujours décrites avec une prédilection particulière. Dans son mémoire sur les halos il emploie les notations et les formules qui représentent le système cristallin delà glace, en homme qui les connaît parfaitement et qui en comprend à fond le principe. Mais il ne s'arrêta pas là et ses études finirent par embrasser la cristallographie tout entière.

A ses yeux les cristaux sont des assemblages de molécules identiques entre elles et semblablement orientées, qui, réduites par la pensée à un point unique, leur centre de gravité, sont disposées en rangées rectilignes et parallèles, dans chacune desquelles la distance de deux points est constante.

Les points d'un assemblage sont alignés en rangées suivant une infinité de directions diverses; mais la connaissance de trois rangées non parallèles et non comprises dans un même plan suffit pour déterminer complétement l'assemblage dont elles font partie. On peut concevoir une infinité d'assemblages entièrement différents. Une étude mathématique approfondie fait découvrir à M. Bravais les degrés de symétrie plus ou moins grands dont ils sont susceptibles. Il trouve les axes et les plans de symétrie qu'ils peuvent présenter. Il établit que, suivant le nombre et la disposition de ces axes et plans de symétrie, les assemblages qui en possèdent se divisent en six classes. En y joignant les assemblages asymétriques, où il n'existe ni axes ni plans de symétrie, on a sept classes à'assemblages : ce sont là les bases les plus simples et les plus générales des lois de symétrie qu'on observe dans les cristaux. On doit admettre dans la cristallographie sept systèmes cristallins. M. Haûy l'avait entrevu; mais il avait pensé qu'on pouvait confondre deux des systèmes en un seul, et après lui tous les cristallographes avaient admis six systèmes cristallins seulement. M. Bravais démontre qu'il faut revenir au nombre sept, et cette démonstration, accompagnée de toutes les lumières qui résultent d'une analyse géométrique aussi approfondie que la sienne, ne sont pas une addition médiocre à l'immortelle création d'Haùy. Lagrange et Laplace avaient suivi, en 1784, les leçons de l'ingénieux scrutateur des cristaux, mais ils s'étaient bornés à l'admirer, fies fondements de la belle science, due à son génie, n'avaient jamais été étudiés de si haut et avec autant de généralité que dans le mémoire de M. Bravais sur les systèmes formés par des points; mémoire auquel notre illustre Gauchy a donné dans un remarquable rapport sa sanction la plus entière.

Vous n'attende/ pas de moi, Messieurs, que j'entre ici dans le détail des procédés aussi simples que rigoureux, par lesquels, dans un second mémoire intitulé : Études cristallographiques, remplaçant des règles empiriques par des théorèmes de géométrie, M. Bravais déduit de ses résultats fondamentaux toutes les formules des cristallographes, avec cette facilité merveilleuse qui dénote presque infailliblement la solution radicale des difficultés d'un sujet. Je me bornerai à dire que dans la deuxième partie de ce mémoire, cessant de regarder les molécules comme des points et les considérant comme de petits corps, qu'il appelle polyèdres atomiques, il étudie et il éclaircit les rapports qui existent entre ces derniers et les systèmes cristallins. Il réduit à des lois simples le phénomène, jusqu'ici presque mystérieux, de Yliémiédrie, sur lequel notre savant confrère M. Delafosse, dans un mémoire justement célèbre, avait déjà répandu des lumières inattendues. M. Bravais démontre qu'il pourrait se présenter trente-cinq cas d'hémiédrie. On n'en avait encore découvert que onze, qui du reste avaient amplement suffi pour exercer pendant longtemps la sagacité des cristallograph.es.

Sans oublier le dimorphisme, l'un des titres de gloire de Mitscherlich, ni les découvertes curieuses déjà faites à cette époque par notre ingénieux confrère M. Pasteur, M. Bravais, dans une troisième partie, s'occupe également avec succès des mdcles et des hémitropies qui avaient été, de leur côté, une des pierres d'achoppement de la ciistallographie.

Vers l'époque où il rédigea ses travaux sur l'optique atmosphérique et sur la cristallisation, M. Bravais composa en outre un grand nombre de mémoires sur des sujets tout à fait différents et relatifs pour la plupart à la météorologie, bien que quelques-uns d'entre eux, et ce ne sont pas les moins remarquables, soient en dehors de cette branche de la géographie physique.

Il était doué, en effet, d'une admirable facilité pour toute espèce de travail intellectuel et il possédait l'aptitude si rare de pouvoir s'occuper à la fois des sujets les plus variés: hydrographie, navigation, astronomie, optique atmosphérique, physique proprement dite, géométrie, cristallographie, analyse pure, sciences naturelles; on pourrait presque dire de lui, malgré l'apparente opposition des mots, que l'universalité était sa spécialité.

Tous ses mémoiresont été honorablement accueillis dans nos Comptes rendus, ou publiés, avec un succès mérité, dans les recueils scientifiques les plus estimés. Ils renferment constamment des aperçus ingénieux et souvent d'une grande profondeur; mais, pressé par le temps, je ne puis les énumérer en ce moment. L'œuvre de Bravais, prise dans sa totalité, est d'une étendue immense et il a fallu me borner à en esquisser les traits principaux. De même qu'un astronome, obligé de donner une idée abrégée du firmament, ne pourrait parler en détail que des étoiles de première grandeur, j'ai dû presque me contenter de rappeler ceux des travaux de M. Bravais qui sont devenus ses titres principaux aux suffrages de l'Académie.

Par son travail sur la cristallographie, M. Bravais avait associé son nom à celui de notre immortel Haûy; par son ascension sur le mont Blanc, il l'avait associé à celui de Saussure. Dans ses travaux de Laponie , il était le digne continuateur des voyages célèbres de Léopold de Buch et des profondes études de Hansteen. Ses mémoires sur les halos, sur les parhélies, sur l'arc-en-ciel blanc, complétaient de la manière la plus heureuse les théories de Mariotte, de Huygens, de Descartes même et de Newton : le nom de M. Bravais ne pouvait plus, Messieurs, rester longtemps éloigné des vôtres.

Au commencement de l'année i854, une place étant venue à vaquer dans la section de géographie et de navigation, par le décès de M. l'amiral Roussin, M. Bravais fut élu pour le remplacer. Vous jugeâtes que c'était, dans vos rangs, la place la plus naturelle d'un marin et d'un voyageur qui avait enrichi d'une si grande masse d'observations le domaine de la géographie physique.

Admis à s'asseoir parmi vous, M. Bravais vous en témoigna sa reconnaissance par son assiduité, par le nombre et l'importance de ses communications; et cependant il ne parut pas jouir, comme il l'aurait fait, quelques années auparavant, de l'élection, longtemps et vivement désirée, qui couronnait si dignement une longue carrière de travail semée d'éclairs de génie.

Un changement visible s'était opéré en lui. Un voile de tristesse était maintenant répandu sur cette physionomie si ouverte, si modeste et si douce.

M. Bravais avait épousé, à la (in de l'année 1847, Mlle Antoinette Moutié, de Paris, et il avait trouvé dans cette heureuse union tous les charmes d'une nouvelle vie, partagée entre les douceurs de la famille et la continuation de ses travaux. Jamais il n'y avait apporté plus d'ardeur, jamais il n'avait pris une part plus active au mouvement scientifique. Indépendamment de ses innombrables publications,il avait concouru à établir l'Annuaire météorologique de la France, et il avait été l'un des principaux fondateurs de la Société météorologique, dont les suffrages, dans sa première séance, en 1862, l'avaient désigné comme président annuel.

Mais l'année i853, qui précéda son élection à l'Académie, s'était levée pour lui sous de sinistres auspices. Dès le commencement de cette année fatale, il perdit son père, ce vieillard vénérable qui, après avoir été son premier maître, avait constamment suivi ses travaux avec une tendresse mêlée d'une noble fierté. Presque en même temps, son fils unique était enlevé à son affection par une épidémie de fièvre typhoïde dont la funeste influence sévissait particulièrement, à Paris, sur les enfants. Ce fut pour lui un coup mortel. Depuis lors il ne fit plus que languir.

Né pour les affections de famille, qui avaient été le charme et le soutien de sa vie, il voyait disparaître avec son père le prestige de ses plus doux souvenirs. Un de ses frères venait encore de succomber; il avait perdu l'aîné dix ans auparavant. Avec son enfant chéri s'évanouissaient pour lui les joies de la paternité.

Il lui restait le travail : il s'y appliqua sans relâche. Il y était stimulé par le désir de répondre à votre bienveillant accueil et par les conseils de ses amis qui l'engageaient à y chercher l'oubli de ses douleurs. Il acheva de nombreux mémoires, il vous lut d'importants rapports, et peut-être dépassa-t-il la mesure de ses forces. Elles commencèrent bientôt à le trahir. Le sommeil fuyait sa paupière pendant la nuit et l'accablait pendant le jour. Il voulut, comme dans sa cabine du Loiret, consacrer ses nuits au travail. Il voulut, comme en Laponie, vaincre le sommeil par le café; mais ses organes n'avaient plus la flexibilité de la jeunesse.

C'était un spectacle doux et navrant à la fois. Mme Bravais, persuadée que le travail pouvait être une distraction salutaire pour son mari, en redoutait en même temps la fatigue et l'excès. Sa tendresse la rendait ingénieuse à éviter cet écueil. On la voyait assise jusqu'à quatre heures du matin près de sa table de travail, oubliant ses propres chagrins, essayer, tour à tour, de modérer son ardeur, ou de relever son courage abattu. Mais le mal s'aggravait sans cesse. Son travail n'aboutissait plus. Sa mémoire lui faisait défaut; il n'y retrouvait plus les idées ingénieuses qu'il lui avait confiées sans les écrire. II voulut mettre la dernière main à un grand mémoire sur le mirage qui devait compléter ses travaux sur l'optique météorologique, et que, dans sa modestie habituelle, il appelait la moins imparfaite de ses œuvres; il le ratura, il le coupa, il le gâta et il comprit... quelle douleur nouvelle!... l'impossibilité où il était désormais de le rétablir. Il sentit la nuit se faire dans cette intelligence naguère encore si vive et si brillante; il quitta l'Ecole polytechnique et nous cessâmes de le voir parmi nous.

Une maladie cérébrale se déclara, accompagnée de fièvre et de vives souffrances. Il n'eut plus à leur opposer que ses sentiments toujours profondément religieux, la douceur inaltérable de son caractère et une admirable résignation.

Madame Bravais alla s'établir avec lui à Versailles. Elle se fixa à l'entrée du parc et plus tard à proximité des bois de Vaucresson et de Lamarche, changeant au besoin de résidence pour se l'approcher des sites champêtres et pittoresque qui d'abord paraissaient lui plaire. M. Bravais faisait d'assez longues promenades avec des amis restés fidèles à son malheur, particulièrement avec M. le docteur Bérigny, son collaborateur dans l'Annuaire météorologique, qui lui montra jusqu'à la fin un admirable dévouement. Il conservait encore des forces; il conservait toute la douceur et l'expression gracieuse de sa physionomie; mais sa mémoire se perdait sans retour. Il ne reconnaissait plus ni les objets ni les personnes qui l'entouraient; peut-être même ne reconnut-il pas toujours distinctement celle qui, devenue pour lui une tendre mère, consacrait son existence à soulager ses maux!

Quelques lueurs vinrent traverser cette nuit cruelle et faire naître des espérances qui malheureusement s'évanouirent bientôt.

Un jour il vit, en rentrant, son habit d'officier de marine étendu sur une chaise. Sa figure s'épanouit et une larme s'échappa de ses yeux!

Un autre jour il sourit en prenant un bouquet de fleurs des champs que sa sœur avait cueilli pour lui et déposé sur ses genoux.

Ce fut, hélas! son dernier sourire ! Notre confrère acheva de s'éteindre le 3o mars i863.

Madame Bravais ne quitta son chevet que pour aller prier près de son cercueil. La tombe seule la sépara de celui dont elle était depuis sept ans l'ange gardien. Ayant perdu tout ce qu'elle aimait ici-bas, son fils unique et son mari, elle trouva qu'elle n'avait plus de place en ce monde. Elle a embrassé la vie religieuse, dans un couvent appartenant à l'un des ordres les plus austères; heureuse désormais, en se vouant à la prière, de renouer dans le ciel les liens qui s'étaient brisés sur la terre.

Puisse, Messieurs, le souvenir que vous donnez aujourd'hui à unépoux bien-aimé pénétrer dans cet asile de la douleur et devenir un baume salutaire pour une blessure quele temps même ne saurait adoucir! La voix du cœur se fait entendre sous ces voûtes sacrées où les voix du monde ne pénètrent pas.

".m-. — Typographie de Firmio Didot freres, irapruuears de ['Institut, rue Jicob, 56.

NOTES

Page 2. Son père... avait successivement sollicité l'honneur de faire partie de deux expéditions envoyées, en 1791 et 1792, à la recherche de la Pérouse; mais il avait été arrêté par différents obstacles...

Il fut remplacé dans l'expédition de 1791 (celle de l'amiral d'Entrecasteaux) par M. de la Billardiôre, et dans l'expédition de 1792 (celle du capitaine du Petit-Thouars), par M. Aubert du Petit-Thouars, frère du capitaine.

M. le docleur Bravais fit don à M. du Petit-Thouars de toutes les notes rassemblées par lui pour ce voyage. M. du Petit-Thouars, non moins passionné pour la botanique que le docteur Bravais, voulut herboriser le long de la route, en allant de Paris à Brest. Il fut arrêté comme suspect et retenu quelque temps en prison. Quand il arriva à Brest, le vaisseau commandé par son frère avait déjà pris le large. Il s'embarqua, pour aller le rejoindre, sur un autre bâtiment, qui le déposa à l'Ile de France, et, la guerre avec l'Angleterre ayant éclaté sur ces entrefaites, il y séjourna près de dix ans. En 1802, M. du PetitThouars revint en France et fut bientôt connu comme un de nos botanistes les plus distingués.

On pourrait conjecturer qu'Auguste Bravais, dans son enfance, entendit souvent parler de toutes ces circonstances et que leur souvenir, gravé dans sa mémoire, ne fut pas étranger à son penchant pour la marine et pour les voyages.

Page 3. M. le docteur Bravais... exerça gratuitement, pendant quarante ans, les fonctions de médecin de l'hôpital {d'Annonay).

Pendant les quinze ou vingt dernières années de sa vie, il ne faisait plus que la médecine des pauvres.

Il était membre de l'ancienne société des amis-médecins de Lyon, de la société de médecine de Toulouse, de l'institut de salubrité de Nîmes, etc.

Le préfet de l'Ardèche, dès 1802, l'avait chargé des observations météorologiques, médicales et statistiques pour l'annuaire du département.

En 1800, la vaccine, introduite pour la première fois en France, trouva dans le docteur Bravais un ardent propagateur.

En 1816, il fut nommé membre du Comité central pour les écoles primaires; en 1817, adjoint de la ville d'Annonay.

Page 3. M. le docteur Bravais entreprit une flore des Cévennes et des

Alpes.

Il a laissé un herbier de 6,000 plantes, toutes recueillies, classées et desséchées par lui.

Il a publié différents ouvrages sur des sujets variés, savoir: 1° Une Notice sur un fragment de sculpture antique trouvé dans un envoi de débris égyptiens; 2° Discussion sur le Dragon volant; 3° Notice sur quelques plantes peu connues en Europe; 4° Discours sur l'histoire naturelle;

5° Méthode pour distinguer, parmi les écrits d'Hippocrate, ceux qui sont à lui et ceux qui lui sont faussement attribués.

Page 10... Le jeune marin faisait même de longues excursions, le sac sur le dos, avec celui de ses frères dont l'âge s'éloignait le moins du sien, M. l'abbé Camille Bravais, licencié ès-sciences naturelles, Aujourd'hui professeur d'histoire naturelle au collège d'Annonay et conservateur du musée de la ville, composé en grande partie de ses dons et de ceux de sa famille.

L'officier marchait assez volontiers en tête, donnant souvent aux explorations une direction quelque peu hardie et aventureuse : les montagnes du Vivarais et du Dauphiné, malgré leur âpreté, présentaient peu d'escarpements capables de les arrêter. Les plantes n'étaient pas le seul objet de leurs recherches. Ils étaient parvenus à rassembler dans leurs cartons plus de 8,000 espèces de coléoptères.

M. Auguste Bravais aimait aussi à s'occuper de paléontologie. Dans ses excursions de 1834, il avait réuni une nombreuse collection des fossiles célèbres d'Uchaux, dans la Drôme, et recueilli une ammonite d'espèce nouvelle, que M. Alcide d'Orbigny, enlevé si jeune lui-môme à la science, dont il était une des lumières, a voulu lui dédier, sous le nom d'ammonites bravaisianus.

Page 11... /b firent encore en commun différents mémoires de botanique, et ce ne fut pas seulement à Paris que les travaux de MM. Louis et Auguste Bravais obtinrent un succès mérité.

Après le Mémoire sur la symétrie des feuilles curvisériées et rectisériées, ils publièrent un travail, fait également en commun, sur la Disposition symétrique des inflorescences. Ce nouveau sujet ne se prêtait pas autant que le premier à l'application des mathématiques; M. Auguste Bravais a cependant ajouté au mémoire des notes ingénieuses où certaines relations géométriques sont soumises au calcul. (Voir les tomes VII, VIII et XII des Annales des sciences naturelles.)

M. Louis Bravais, reçu docteur en 1829, a été, comme son père, médecin à Annonay et sut comme lui allier à l'exercice de sa profession d'importantes recherches en botanique. Indépendamment de sa coopération aux travaux déjà cités, on lui doit un mémoire sur l'Inflorescence des graminées, présenté au congrès scientifique du Mans ; un autre travail sur les Nectaires, etc., etc..

Une foule de lettres, conservées par la famille, à Annonay, prouvent que les botanistes reconnaissaient la justesse des observations des deux frères.

Page li... M. Bravais avait composé deuxmémoires, l'un sur les Méthodes employées dans les levés sous voiles....

Ce mémoire intitulé : Recherche des erreurs de position des points d'un levé sous voiles, n'a jamais été imprimé. Une analyse, accompagnée d'une noteaditionnelle, en a été présentée à la Société philomathique,le!7février 1838.

Il traite de l'erreur que peut introduire dans la construction graphique des cartes marines la méthode sous voiles des segments capables, soit par une inexactitude possible dans la position des trois points primordiaux, soit par l'omission de la correction azimuthale des relèvements, soit enfin par l'erreur des observations angulaires.

Page 14... Il les suivit encore en présentant à l'Académie plusieurs mémoires d'analyse et de géométrie, sur lesquels MM. Poisson, Sturm et Savary firent des rapports favorables.

L'un de ces mémoires, dont M. Sturm fut le rapporteur, est intitulé : Reeherches sur les lignes formées sur un plan par des points dont les coordonnées sont desnombres en tiers. Le sujet a des rapports, à la fois, avec celui que l'auteur avait traité en s'occupant de la symétrie des feuilles curvisériées et rectisériées, et avec celui qu'il traita plus tard dans son grand travail sur la cristallographie.

Un autre mémoire, dont M. Savary fut le rapporteur, a pour titre : Essai sur les probabilités des erreurs de situation d'un point.

M. Savary terminait son rapport en disant : « Nous proposons à l'Académie l'insertion du travail de M. Bravais dans le Recueil des Savants étrangers. L'Académie accordera, sans doute avec plaisir, cette distinction à un jeune officier appelé à faire partie de l'expédition scientifique du Nord, et aussi capable de bien discuter ses observations que de les bien faire. »

Voyez Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des Sciences, t. VII, p. 77, séance du 9 juillet 1858.

Le mémoire a été inséré dans le neuvième volume des Savants étrangers, p. 255.

Page 14. M. de Blosseville, lieutenant de vaisseau, déjà célèbre par deux grands voyages scientifiques.

M. de Blosseville avait fait partie de I'état-major de la corvette la Coquille, commandée par M. Duperrey, dont le voyage de circumnavigation jouit d'une juste célébrité; et, plus tard, sur la gabare la Chevrette, il avait recueilli dans les mers de l'Inde, avec son ami M. Reynaud, chirurgien de la marine, d'importantes observations de physique, de météorologie et d'histoire naturelle.

Voyez le rapport de M. Cuvier et le mémoire de M. Reynaud, Annales des sciences naturelles, t. XVI, p. 331, et t. XX, p. 43.

Page 15. En 1835, la corvette la Recherche, commandée par M. Tréhouart, lieutenant de vaisseau, fut chargée à son tour de suivre les traces de la Lilloise.

Pendant les étés de 1835 et 1836, la corvette la Recherche, commandée par M. Tréhouart, fit les plus grands efforts pour retrouver la Lilloise; elle explora tous les rivages de l'Islande, les bords fortement consolidés par des hivers très-rigoureux du vaste champ de glaces, ou Banquise, qui entoure les côtes orientales du Groenland; elle pénétra même en 1836 jusqu'au port de Frederikshaab, situé sur la côte occidentale, dans le détroit de Davis, où M. Tréhouart fit de curieuses observations sur les mouvements des glaces flottantes. Nulle part, on ne put donner aucune nouvelle de la Lilloise, nulle part on n'en avait môme vu de débris, et Ton dut accepter la douloureuse conviction qu'il était désormais inutile de poursuivre les recherches dont elle était l'objet depuis trois ans.

Page 17. MM. Lottin et Bravais, M. le professeur Siljestrom, physicien suédois, M. le professeur LilliehOok, physicien et astronome norvégien, ainsi que M. Bavalet, dessinateur, débarquèrent à Hammerfest pour hiverner en Laponie.

Les circonstances pleines d'intérêt de cette expédition scientifique sont racontées avec beaucoup de détail et d'animation dans un article intitulé : un Hivernage scientifique en Laponie, publié par la Revue indépendante, livraison du 25 décembre 1813.

Page 18. Ils choisirent pour leur hivernage le village de Bossekop...

Entre autres avantages, Bossekop présentait celui d'être voisin de la mine de cuivre de Raafiord, où 1500 ouvriers étaient employés toute l'année. Ce voisinage fut précieux à nos savants; car ils trouvèrent dans le chef de l'établissement, M. Crowe, et dans les deux ingénieurs, MM. Thomas et Ihle, des collaborateurs zélés qui continuèrent la série météorologique interrompue par le dépari des observateurs de Bossekop.

Page 21. Toutes ces déterminations, inscrites sur des registres tenus constamment avec un ordre parfait, ont été publiées dans le grand ouvrage de la commission scientifique du Nord.

Cet ouvrage est intitulé : Voyages de la commission scientifique du Nord en Scandinavie, en Laponie, au Spitzberg et aux Féroé, pendant les années 1838, 1839 et 1840, sur la corvette la Recherche, commandée par M. Fabvre, lieutenant de vaisseau, sous la direction de M. Paul Gaimard, président de la commission scientifique du Nord.

Il se compose de 20 volumes grand in-8° et de sept atlas in-folio. «

Les registres des observations météorologiques, magnétiques, des observations d'aurores boréales, etc., y occupent une place importante.

Page 22... M. Bravais a inséré dans la même publication un Mémoire sur les Aurores boréales.

Ce mémoire a pour titre : Résultats des observations faites sur les Aurores boréales à Bossekop et à Jupvig, en 1838 et 1839, par M. A. Bravais, membre de la commission scientifique du Nord.

Il est suivi, dans l'ouvrage publié par la commission, d'un Historique, fort curieux, rédigé par M. Bravais, des hypothèses faites sur la nature et la cause des aurores boréales, depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours.

Le môme ouvrage contient plusieurs mémoires de MM. Lottin et Bravais: sur les Variations diurnes de la déclinaison magnétique dans les hautes latitudes boréales ; sur la Variation diurne de l'intensité magnétique horizontale, à Bossekop (Laponie), pendant les années de 1838 à 1839, etc.

Page 24... Les arcs d'aurore boréale sont placés à une élévation de 100 à 200 kilomètres.

L'application pure et simple de la formule qui donne le haussement du niveau apparent, montre qu'un arc d'aurore boréale, placé à 140 kilomètres de hauteur, qui se trouve à l'horizon méridional de Bossekop, répond au zénith d'un point situé à 12° environ au sud de ce lieu. Ce même arc se trouve nécessairement en même temps à l'horizon septentrional d'un point situé lui-même à 12° au sud du dernier, c'est-à-dire à environ 45° de latitude; latitude qui est à peu près celle de Bordeaux. La réfraction et quelques autres circonstances ont pour effet d'étendre encore vers le sud la visibilité du phénomène. De là on pourrait être tenté de conclure que les rares aurores boréales que nous apercevons en France sont celles dont les arcs s'abaissent sur les horizons des régions polaires, de manière à en toucher presque et à en dépasser peut-être quelquefois le contour méridional.

Page 27. Cette circonstance, jointe à l'action si souvent constatée de l'aurore boréale sur l'aiguille aimantée, a porté les physiciens à la ranger parmi les phénomènes électriques.

Déjà en 1716, Halley, le célèbre astronome anglais, avait présumé que l'aurore boréale était un phénomène magnétique.

Page 28. Un séjour de plus d'un a n, tant à Hammerfest qu'à Bossekop, lui avait permis d'étendre et de perfectionner l'observation des marées.

Voyez : Comptes rendus, t. XXXVIII, p. 488, séance du 13 mars 1851.

Page 30... Le baromètre à la main, ils traversèrent le plateau de la ljiponie, où ils déterminèrent avec précision les altitudes des limites svpérieures et inférieures des différentes zones de végétation.

Chemin faisant, M. Bravais releva les latitudes de Syragervi et de Karesuando. Cette dernière ville est peu éloignée de Pello, où s'était arrêtée, en 1736, la triangulation de Maupertuis et d'Outhier. Dans le cours de l'expédition, M. Bravais avait déjà déterminé les latitudes de Bossekop, Jupvig, Hammerfest, et celle de Bell-Sound, au Spilzberg.

Page 31... Pendant leur séjour à Stockholm, M M. Bravaiset Martins comparèrent soigneusement leurs instruments météorologiques et particulièrement leurs baromètres à ceux qu'on employait pour faire les observations météorologiques quotidiennes. Ils répétèrent cette comparaison dans toutes les capitales et les grandes villes qu'ils traversèrent enrevenant en France...

Les physiciens attachèrent une importance bien motivée à ce minutieux travail. Les comparaisons barométriques, rapportées du nord de l'Europe par MM. Bravais et Martins, furent imprimées dans le tome XIV des Mémoires de l'Académie de Bruxelles, avant de l'être dans l'ouvrage de la commission scientifique du Nord.

Voyez Comptes rendus, t. XI, p. 710, séance du 2 novembre 1840.

Page 32... Les recherches auxquelles le nouveau professeur dut se livrer pour la préparation de son cours le conduisirent à composer un important mémoire sur le mouvement de translation du soleil...

Ce grand travail, intitulé Mémoire sur le mouvement propre du système solaire dans l'espace, a été imprimé dans le Journal de mathématiques pures et appliquées de M. Liouville, t. VIII, p. 435 (1843).

Page 32... Observations... M. Bravais en fit plusieurs à Pobservatoire de Lyon, qui mériteraient d'être citées, particulièrement sur une magnifique apparition de la lumière zodiacale, au mois de février 1842.

Voyez Comptes rendus, t. XIV, p. 345, séance du 28 février 1842.

Il y suivit aussi les phases du violent orage qui passa sur la ville de Lyon, dans la nuit du 24 au 25 juin 1844, et sur lequel M. Fournet, dans un autre point de la même ville, fit de son côté de très-curieuses observations.

Voyez Comptes rendus, t. XIX, p. 240, séance du 22 juillet 1844.

Page 33... Pendant les trois ans qu'il passa à Lyon, M. Bravais travailla assidûment à la rédaction de l'ouvrage intitulé Patria...

Patkia. La France ancienne et moderne, morale et matérielle, ou collection encyclopédique de tous les faits relatifs à l'histoire intellectuelle et physique de la France et de ses colonies.

L'Académie des sciences a accordé, à cet ouvrage, [en 1848, une partie du prix de statistique.

Page 34... L'analyse montra que l'air renfermé dans ces ballons contenait les mêmes proportions d'oxygène et d'azote que l'air puisé à Paris, par M. Dumas, dans la cour de son laboratoire.

Voyez Comptes rendus, t. XIII, p. 634, séance du 20 septembre 1841.

Page 35... Ses observations, réunies à celles d'autres météorologistes et soumises au calcul, lui fournirent une mesure nouvelle de la hauteur de l'atmosphère, égale tout au moins à 100 kilomètres.

Voyez Comptes rendus, t. XVIII, p. 727, séance du 22 avril 1844.

Page 35. M. Peltier, l'un de nos physiciens les plus distingués et les plus exacts, ravi trop tôt à la science, vint se réunir à M. Bravais pour mesurer la température d'ébullition de l'eau sous diverses pressions barométriques.

Voyez Comptes rendus, t. XVIII, p. 572, séance du 1er avril 1844.

Page 35. MM. Bravais et Martins, avec le concours de M. Camille Bravais, qui cette fois rem plaçait au Faulhorn son frère aîné, firent aussi d'importantes expériences sur la propagation du son.

Voyez Comptes rendus, t. XIX, p. 1164, séance du 25 novembre 1844, et Annales de Chitnie et de Physique, 3* série t. XIII, p. 5.

Page 36... Son frère ainé, M. Louis Bravais, le collaborateur de son Mémoire sur la disposition symétrique des feuilles, mourut au commencement de l'été...

Dans une lettre adressée, le 4 juin 1843, à son ami et ancien condisciple, M. Léon Lalanne, ingénieur des ponts et chaussées, M. Auguste Bravais s'exprime ainsi au sujet de ce douloureux événement:

« ...Un grand sujet d'affliction est venu me frapper depuis mon départ de a Paris, la mort de mon frère aîné, le collaborateur de mes recherches bota<( niques, celui à qui, plus qu'à moi, était due la découverte des propriétés des « spirales des végétaux. C'est pour moi une grande perte qui me sépare bien de <i ma chère botanique, la première science que j'ai apprise ; car je connaissais

« le système de Linné avant le théorème de Pythagore mais il faut en prendre

« son parti : une époque arrive à laquelle nous sommes obligés de nous spé« cialiser, plus ou moins, bien entendu; une époque à laquelle nous reculons « effrayés devant l'immensité de l'abîme des choses inconnues dans le domaine « des sciences... »

Page 37. Saussure après une tentative infructueuse faite l'année précédente... Voyez Saussure, Voyages dans les Alpes, 4e voyage, chapitre 2 et suivants.

Page 38... Le 28 août, ils arrivèrent pour la troisième fois à un grand plateau de neige situé à 880 mètres au-dessous du sommet du mont Blanc.

Le grand plateau est une vaste plaine de neige en pente douce qui occupe le centre d'un grand cirque que forment à l'Est, au Sud et à l'Ouest, les hautes sommités voisines du moût Blanc. Elles le dominent sous les angles de 20 à 30°. La cime du mont Blanc n'en dépassant le niveau que de 880 mètres seulement, on conçoit qu'une série d'observations répétées jour et nuit, pendant plusieurs jours, au grand plateau, est un puissant auxiliaire pour celles faites pendant un temps plus court à la cime elle-même.

Page 42. Revenus à leur tente, sur le grand plateau, les voyageurs, après avoir complété les quatre journées d'observations, descendirent le 1" septembre à Chamounix.

Le rapport adressé, le 15 septembre 1844, à M. Villemain, ministre de l'instruction publique, par MM. Bravais et Martins, sur leur ascension au mont Blanc, a été publié dans le Moniteur du 18 septembre.

Un récit pittoresque et circonstancié de cette ascension et de toutes les péripéties qui l'ont précédée a été inséré dans le journal l'Illustration, numéro du samedi 5 oc tobre 1844, sous la forme d'une lettre à M. Joanne, le savant auteur de VItinéraire de la Suisse.

Page 42... Les préparatifs que de savants collègues, M. Tabareau, M. Fournet, M. Lortet, et d'autres physiciens distingués, avaient faits avec tout le zèle de l'amitié, pour concourir par leurs propres travaux à une opération importante, dont la Factilté devait l'honorer, demeurèrent en partie inutiles.

MM. Tabareau, Bineau, Lortet, Fournet, Girard©*, en un mot tous ceux d'entre ses collègues qui avaient quelque habitude des observations, s'empressèrent de promettre leur concours à M. Bravais. Il s'agissait de suivre, pendant le jour et la nuit, d'heure en heure, les oscillations du baromètre, la marche du thermomètre, les indications de l'hygromètre, et de mesurer les hauteurs angulaires de la montagne, en tenant compte des autres détails météorologiques.

La journée convenue primitivement pour l'ascension était celle du 3 août; mais avant ce moment chacun s'était familiarisé avec l'usage des instruments, et, pour plus de sûreté, M. Lortet était allé à quelques lieues au Nord-Ouest de Lyon, sur les montagnes du Grand-Saint-Bonnet-le-Froid ^altitude, 787 mitres), afin d'y allumer des feux de diverses couleurs et de familiariser les opérateurs avec les mensurations nocturnes.

Les premières tentatives d'ascension avortèrent par l'effet de fâcheux accidents atmosphériques, et, à certains points de vue, les journées des 29, 30 et 31 août ne furent guère plus favorables; d'abord, les 29 et 30, un rideau opaque voilait l'étendue des Alpes et même celle des montagnes subalpines; ensuite le ciel devint pur; mais les signaux de M. Bravais n'ont pas été aperçus, par la raison qu'il lui fut impossible d'en faire aux moments fixés d'avance.

Cependant toutes ces peines ne furent pas entièrement perdues, car elles eurent pour résultat la constatation de phénomènes atmosphériques singuliers. En effet, au début de la nuit du 31 août au 1er septembre, Vénus scintillait comme une étoile, et, pendant le reste de la nuit, les étoiles se montrèrent rayonnantes et radieuses. L'aurore fut non moins belle et, dès que la clarté le permit, nous vîmes le mont Blanc, m'écrivait dernièrement M. Fournet, de la manière la plus nette, mais allant continuellement en se déformant, par suite d'un effet de mirage; les lignes de ses flancs devenaient alternativement concaves et convexes; le sommet s'élançait en pointes et s'aplatissait tour à tour; les dentelures des bords apparaissaient plus prononcées ou bien s'annihilaient, et tous ces effets nous parurent provenir de la même cause que celle qui avait provoqué la scintillation de la planète; enfin le soleil levant fit disparaître tous ces jeux de lumière.

Page 44 // présenta à l'Académie un mémoire sur l'Arc-en-ciel blanc qui

complétait d'une manière très-heureuse l'une des plus belles théories de la physique.

Voyez Comptes rendus, t. XXI, p. 756, séance du 29 septembre 1845.

Le mémoire sur l'Arc-en-ciel blanc a été inséré dans le Journal de l'Ecole polytechnique, XXXe cahier, 1843, et ensuite, avec quelques additions, dans les Annales de chimie et de physique, 3e série, t. XXI, p. 348, 1847.

Page 45... LesParhélies et les Halos...

Le mémoire de M. Bravais sur les Parhélies situés à la même hauteur que le soleil a été présenté à l'Académie en même temps que son mémoire sur VArcen-ciel blanc et inséré, en môme temps aussi, dans le Journal de l'École polytechnique.

En 1847, M. Bravais présenta à l'Académie un mémoire plus général sur les Phénomènes optiques auxquels donnent lieu les nuages à particules glacées. Voyez Comptes rendus, t. XXIV, p. 962, séance du 31 mai 1847.

Son grand mémoire sur les Halos, qui forme un volume in-4° de 266 pages, a été inséré, en 1847, dans le XXXIe cahier du Journal de l'École polytechnique.

Indépendamment de ces travaux fondamentaux, M. Bravais a publié, dans les Comptes rendus de l'Académie et ailleurs, des observations sur plusieurs halos.

Voyez particulièrement Comptes rendus, t. XXII, p. 740, séance du 4 mai 1846.

Et ibid., t. XXXII, p. 952, séance du 30 juin 1851.

Il recherchait toutes les occasions de faire et de discuter des observations de ce genre. Il avait chargé en particulier son ami M. Fournet de noter tous les halos qu'il pourrait remarquer, en ayant soin de lui signaler les divers incidents qui les accompagnaient. M. Fournet lui envoya un jour le dessin d'un halo remarquablement persistant et complet, qui avait été observé, le H septembre 1851, du côté de Lamure, en Dauphiné, par M. Thévenet, directeur des mines. M. Bravais, dans sa réponse, signalait les circonstances curieuses que présentait cette observation, et il ajoutait : Je la mets dans un carton général qui en contient une quantité énorme, depuis Leucosthène jusqu'à nos jours. Malheureusement il n'eut pas le temps d'utiliser cette précieuse collection, et il paraît que depuis sa mort elle n'a pas été retrouvée.

Page 50... Haûy... Les fondements de la belle science due à son génie n'avaient jamais été étudiés de si haut et avec autant de généralité que dans le mémoire de M. Bravais sur les Systèmes formés par des points, mémoire auquel notre illustre Cauchy a donné, dans un remarquable rapport, sa sanction la plus entière.

Voyez Comptes rendus, t. XXIX, p. 133, séance du 6 août 1849.

La commission était composée de MM. Biot, Beudant, Dufrénoy, Regnault, Lamé, Cauchy, rapporteur.

Le second mémoire de M. Bravais, intitulé : Etudes cristallographiquès, a été l'objet d'un nouveau rapport non moins favorable de M. Cauchy. La commission était composée de MM. Dufrénoy, Regnault, Lamé, Cauchy rapporteur.

Voyez Comptes rendus, t. XXXII, p. 284, séance du 25 février 1851.

Dans les conclusions de l'un et de l'autre rapport, M. Cauchy déclare, au nom de la commission, que, dans le mémoire qui en est l'objet, M. Bravais a donné de nouvelles preuves de la sagacité' qu'il avait déjà montrée dans d'autres recherches;et les conclusions du second rapport ajoutent que ce nouveau travail contribuera notablement aux progrès de la cristallographie.

L'illustre géomètre comprend dans son second rapport et dans son approbation les propositions dont la démonstration est l'objet d'un autre mémoire de M. Bravais sur les Polyèdres de forme symétrique, publié séparément par le Journal de Mathématiques pures et appliquées, de M. Liouville, t. XIV, année 1849, p. 141. Ce mémoire, en effet, forme comme les Prolégomènes des travaux de l'auteur sur la cristallographie.

Ce dernier mémoire est précédé, dans le môme volume du journal de M. Liouville, par une note de M. Bravais sur les Polyèdres symétriques de la géométrie, qui éclaircit un point essentiel des lois de la symétrie.

L'ensemble des travaux de M. Bravais, sur la Cristallographie, se compose donc des quatre parties suivantes:

1° Note sur les Polyèdres symétriques de la géométrie (Journal de Mathématiques, t. XIV, p. 137).

2° Mémoire sur les Polyèdres de forme symétrique (Journal de Mathématiques, t. XIV, p. 141).

3" Mémoire sur les Systèmes formés par des points (Journal de l'Ecole polytechnique, XXXIIIe cahier, p. 1).

4° Études cristallographiquès (Journal de l'École polytechnique, XXXIV" cahier, p. 101).

Ces quatre parties forment en tout 350 pages in-4".

Si, à l'exemple de M. deSénarmont, dont j'ai l'exemplaire sous les yeux, on décompose les trois volumes, où ces quatre parties ont été imprimées séparément, pour les faire relier ensemble, on en composera un volume très-portatif, qu'on pourra regarder comme l'une des bases les plus solides de développements ultérieurs de la cristallographie.

La réimpression, en un seul et même volume, de ces quatre parties, dispersées aujourd'hui dans deux recueils différents, serait, sans aucun doute, un bienfait pour la science.

Page 50. // réduit à des lois simples le phénomène jusqu'ici presque mystérieux de l'hémiédrie, sur lequel notre savant confrère, M. Delafosse, dans un mémoire justement célèbre, avait déjà répandu des lumières inattendues.

Ce mémoire est intitulé : Recherches sur la cristallisation, considérée sous les rapports physiques et mathématiques, par M. Delafosse, professeur de minéralogie à la Faculté des sciences de Paris. Il a été imprimé, par ordre de l'Académie, dans le tome VIII du Recueil des Savants étrangers, p. 641 (1843).

Page 51. Ses mémoires.... renferment constamment des aperçus ingénieux et souvent d'une grande profondeur; mais, pressé par le tempe, je ne puis les énumérer en ce moment. . . . ,

Je ne puis môme en placer ici un tableau complet. Les travaux de M. Bravais ont été disséminés dans un grand nombre de recueils différents imprimés à Paris, à Lyon, à Bruxelles, etc.. Il faudra beaucoup de loisirs pour en dresser un catalogue complet. Je me borne à citer dans cette note ceux dont j'ai actuellement les titres et que je n'ai pu indiquer dans le cours de ma notice.

Mémoires sur les lignes formées sur un plan par les points dont les coordonnées sont des nombres entiers, par M. A. Bravais. (Commissaires, MM. Poisson, Sturm.)

Voyez Comptes rendus, t. V, p. 27, séance du 3 juillet 1837.

Sur l'incertitude qui subsiste dans la détermination géométrique du lieu de l'espace occupé par un point donné, ou Essai sur les probabilités des erreurs de situation d'un point, par M. A. Bravais. (Commissaires, MM. Poisson, Savary.)

Voyez Comptes rendus, t. VI, p. 372, séance du 26 mars 1838.

Observations relatives aux sciences physiques et naturelles faites dans le cours de l'expédition scientifique envoyée dans le nord de l'Europe, adressées à l'Académie par M. le Ministre de la marine, savoir:

Observations relatives au Magnétisme terrestre et à la Météorologie, par M. V. Lottin;

Observations relatives à l'Hydrographie et à la Physique, par M. A. Bravais;

Observations concernant la Botanique, la Géographie botanique et la Météorologie, par M. C. Martins;

Observations relatives à diverses parties de la physique du globe et de l'histoire naturelle, par quelques savants étrangers qui se sont adjoints aux membres de l'expédition.

Voyez Comptes rendus, t. VII, p. 837, séance du 12 novembre 1838.

Lettre de MM. Lottin, Bravais et Ch. Martins à M. Ârago, relative aux travaux de la commission scientifique du Nord.

Voyez Comptes rendus, t. X, p. 289, séance du 17 février 1840.

Sur les lignes d'ancien niveau de la mer, dans le Finmark, par M. Bravais. (Extrait par l'auteur.)

Voyez Comptes rendus, t. X, p. 691, séance du 4 mai 1840.

Sur un moyen de déterminer la Hauteur des nuages, note de M. Bravais, communiquée par M. Arago. Cette note est, comme M. Bravais le déclare, le développement analytique d'une idée de M. Arago.

Voyez Comptes rendus, t. XIII, p. 231, séance du 26 juillet 1841. Voyez aussi Annales de chimie et de physique, 3« série', t. XXIV, p. 497 (1848).

Extrait d'une lettre [de M. Bravais à M. Arago sur les Perturbations du magnétisme terrestre.

Voyez Comptes rendus, t. XIII, p. 827, séance du 18 octobre 1841.

Sur fes Phénomènes crépusculaires, par M. A. Bravais, professeur d'astronomie à la Faculté des sciences de Lyon. (Extrait par l'auteur.)

Voyez Comptes rendus, t. XIV, p. 922, séance du 13 juin 1842.

Nouvelle table des dépressions du mercure dans les tubes du baromètre; par M. A. Bravais.

Voyez Annales de [chimie et de physique, 3e série, t. V, p. 492 (1842).

Note de M. Bravais sur la Variation diurne du thermomètre, en hiver, à Bossekop (lat. 69" 58' nord). Voyez Comptes rendus, t. XV, p. 1217, séance du 26 décembre 1842.

Sur les Variations diurnes de la déclinaison magnétique dans les hautes latitudes boréales, par MM. Bravais et Lottin. Voyez Comptes rendus, t. XVBI, p. 729, séance du 22 avril 1844.

Note sur les observations des températures d'ébullition de l'eau, faites par MM. Martins et Bravais, pendant leur ascension au mont Blanc. Voyez Comptes rendus, t. XX, p. 166, séance du 20 janvier 1845.

Lettres adressées à M. Quetelet, sur les Probabilités considérées dans l'étude des phénomènes naturels (1845).

Voyez l'ouvrage de M. Quetelet sur la Théorie des probabilités, imprimé à Bruxelles en 1846 (p. 412).

Sur un Halo solaire, vu le 22 avril 4846, à Paris. (Extrait d'une lettre de M. Bravais à M. Arago.)

Voyez Comptes rendus, t. XXII, p. 740, séance du 4 mai 1846.

Observations sur l'intensité du magnétisme terrestre en France, en Suisse et en' Savoie, par M. A. Bravais.

Voyez Annales de Chimie et de Physique, 3* série, t. XVIII, p. 206, octobre 1846.

Sur l'indice de réfraction et la dispersion de la glace; par M. A. Bravais.
Voyez Annales de chimie et physique, 3e série, t. XXI, p. 361, 1847.

Sur la Variation diurne de l'intensité magnétique horizontale, à Bossekop
(Laponie), pendant l'hiver de 1838 à 1839, par MM. Lottin et Bravais.
Voyez Comptes rendus, t. XXIV, p. 1101, séance du 21 juin 1847.

Sur les propriétés géométriques des assemblages de points régulièrement distribués dans l'espace, par M. A. Bravais.

Voyez Comptes rendus, t. XXVII, p. 601, séance du 11 décembre 1848.

Applications de la Théorie des Assemblages à la cristallographie (suite et fin), par M. A. Bravais.

Voyez Comptes rendus, t. XXIX, p. 143, séance du 6 août 1849.

De la température de l'air à diverses hauteurs ati-dessus du sol, dans les contrées boréales, par M. A. Bravais. (Extrait par l'auteur.)

Voyez Comptes rendus, t. XXX, p. 697, séance du 3 juin 1850.

Sur l'Influence qu'exerce l'heure de la journée relativement à la mesure barométrique des hauteurs, par M. A. Bravais. (Extrait d'une lettre adressée à M. Mathieu.)

Voyez Comptes rendus, t. XXXI, p. 175, séance du 5 août 1850.

Étoiles filantes observées dans la nuit du 10 au H août 1850, par M. Raoul Anglès. (Extrait d'une lettre de M. Bravais à M. Arago.)

Voyez Comptes rendus, t. XXXI, p. 253, séance du 19 août 1850.

Description d'un nouveau polariscope et Recherches sur des doubles réfractions peu énergiques, par M. A. Bravais. (Extrait par l'auteur.)

Voyez Comptes rendus, t. XXXII, p. 112, séance du 27 janvier 1851.

Sur les Systèmes dans lesquels les vibrations dextrogyres et lévogyres ne s'effectuent pas de laméme manière, par M. A. Bravais.

Voyez Comptes rendus, t. XXXII, p. 166, séance du 10 février 1851.

Sur un Halo observé leVSjuin. (Note de M. A. Bravais.)

Voyez Comptes rendus, t. XXXII, p. 952, séance du 30 juin 1851

Mémoire sur l'Influence qu'exerce la rotation de la terre sur le mouvement d'un pendule à oscillations coniques, par M. A. Bravais.

Voyez Comptes rendus, t. XXXIII, p. 195, séance du 18 août 1851.
Voyez aussi Journal de mathématiques pures et appliquées, publié par M. J.
Liouville, t. XIX, p. 1, janvier 185-4.

Note de Dioptrique (sur la théorie des Lunettes) par M. A. Bravais.
Voyez Annales de chimie et de physique, 3e série, t. XXXIII, p. 494 (1851).

Note sur la Vitesse du son, par M. A. Bravais.

Voyez Annales de chimie et de physique, t. XXXIV, p. 82 (1852).

Note sur l'action qu'exerce un courant circulaire formant la base d'un cône sur une aiguille aimantée placée au sommet de ce cône, par M. A. Bravais.

Voyez Comptes rendus, t. XXXVI, p. 193, séance du 24 janvier 1853. Voyez aussi Annales de chimie et de physique, t. XXXVIH, p. 301 (1853).

Recherche des erreurs de position des points d'un levé sous voiles, par M. A. Bravais.

Voyez Comptes rendus, t. XXXVIII, p. 493, séance du 13 mars 1854.
Sur l'Observation de la température de l'air, par M. A. Bravais.
Voyez Comptes rendus, t. XXXVIII, p. 1077, séance du 19 juin 1854.

Note sur le Rapport géométrique qui lie le mouvement réel d'une étoile filante à son mouvement apparent, par M. A. Bravais.

Voyez Comptes rendus, t. XL, p. 323, séance du 12 février 1833.

IL Bravais fait hommage à l'Académie d'un exemplaire de sa Description d'un nouveau Polariscope.

Voyez Comptes rendus, t. XL, p. 404, séance du 19 février 1855.

M. Bravais présente à l'Académie une Note, de M. Rochard, préparateur du cours de physique à l'institution de Sainte-Barbe, sur l'Electricité.

Voyez Comptes rendus, t. XL, p. 1148, séance du 21 mai 1835.

M. Bravais présente au nom de l'auteur, M. Raffenel, un mémoire intitulé: Second Voyage d'exploration dans l'intérieur de VAfrique.

Voyez Comptes rendus, t. XL, p. 1352, séance du 25 juin 1835.

Rapport sur un Mémoire de M. Raffenel, sous-commissaire de la marine impériale, relatif à quelques phénomènes météorologiques observés par l'auteur dans le haut Sénégal.

(Commissaires, MM. Pouillet, Babinel, Bravais, rapporteur.)

Voyez Comptes rendus, t. XLI, p. 114, séance du 23 juillet 1855.

M. Bravais présente à l'Académie, de la part de M. Siljestrom, professeur à l'Université de Stockholm, un volume écrit en suédois, intitulé: Dissertations sur des matières de physique et de philosophie. Stockholm, 1854.

Voyez Comptes rendus, t. XL1I, p. 274, séance du 11 février 1856.

Travaux de M. Auguste Bravais, insérés dans les Voyages en Scandinavie, en Laponie, etc., publiés sous la direction de M. P. Gaimard.

Magnétisme terrestre. — 3 volumes en 6 parties occupant les livraisons 2, 8, 16, 21, 23 et 32.

Aurores boréa'es. — Un vol. en 2 parties, livr. 9 et 13. Géographie physique, botanique, etc. — 2 vol. en 4 parties, livr. 3, 10, 12 et 20.

Météorologie, 3 vol. en B parties, livr. 5,11, 19, 22, 30 et 31.

Astronomie et hydrographie, -t- 1 vol., livr. 27 et 28.

Les plus importants de ces mémoires sont, dans le Magnétisme teftestre té l" (2e livr.) : Considérations préliminaires, p. 2; Généralités sur les variations de la déclinaison magnétique (en commun avec M, Lottin), p. 27.

T. 2e (16° et 21° livr.), Mesures de la déclinaison magnétique, variations et mesures de l'intensité magnétique horizontale.

T. 3e (23" et 32" livr.), Variations de l'intensité magnétique verticale. — Variations de l'inclinaison magnétique. — Mesures de l'inclinaison magnétique , etc.

Dans les Aurores boréales (13e livr.), Résultats des observations faites à Bossckop et à lupvig en 1838 et 1839, contenant la description de 130 aurores boréales.

Dans la Géographie physique, t. lw (13e fivf.), Sur les lignes d'ancien niveau de la mer dans le Finmark, précédé du rapport de M. Élie de Beaumont.

T. 2 (20e livr.), Recherches sur la croissance du pin sylvestre, du chêne et du frêne dans le nord de l'Europe.

Dans la Météorologie, 1.1" (5e et 11e livr.), Observations faites en divers points.

T. 2 (22e livr.), Sur la manière de représenter les variations diurnes des éléments météorologiques, par des séries trigonométriques.

T. 3 (30e et 31e livr.), Sur la manière d'observer la température de l'air. — Décroissements des températures de l'air observées sur le flanc des montagnes. — Température du sol et des sources, etc.

Dans l'Astronomie et l'Hydrographie (27e et 28e livr. ), Sur le mirage qui accompagne les grandes dépressions de l'horizon. —Phénomènes crépusculaires. — Étoiles filantes. — Densité de l'eau de la mer.

Travaux de M. A. Bravais publiés dans l'Annuaire météorologique de la France.

1" année (1849), p. 311. Notice sur l'arc-en-ciel, suivie d'instructions sur l'observation de ce phénomène. 2e année (1830), p. 93. Formules pour représenter les variations périodiques

des -phénomènes météorologiques. Mémoire déjà publié dans les voyages en Scandinavie, en Laponie, au Spitzberg et aux Ferôe, pendant les années 1838, 1839 et 1840 [Météorologie). (Analyse de ce mémoire par M. J. Uaegens.)

Jbid., p. 185. Observations sur les phénomènes crépusculaires.

Dans ce mémoire, M. Bravais confirme les conclusions d'un mémoire antérieur, cité plus haut, en trouvant 115,000 mètres pour la hauteur de l'atmosphère.

Ibid., 2e partie, p. 87 (en commun avec M. Martins). Séries météorologiques faites au sommet du Faulhorn, au grand plateau du mont Blanc, à Brienz et à Chamounkt, par MM. A, et C Bravais, Ch. Martins, Ath. Pellier et F. Wachsmuth.

3* année (1851), p. 161. Notice sur les Halos, suivie d'instructions pour l'observation de ces phénomènes.

Cette notice est un abrégé des travaux antérieurement publiés par M. Bravais sur les Parhélies et les Halos. 11 y a joint quelques observations faites depuis leur impression.

Ibid., p. 256. Note sur la hauteur des nuages.

Après avoir fait connaître un moyen ingénieux de mesurer la hauteur des nuages, M. Bravais termine en disant qu'il n'a jamais rencontré de nuages dont la hauteur observée fût décidément supérieure à 10,000 mètres.

Ibid., p. 318. Note sur l'influence qu'exerce l'heure de la journée relativement à la mesure barométrique des hauteurs. (Extrait d'une lettre de M. Bravais à M. Mathieu.)

4e année (1852), p. 227. Notice sur le mirage.

Outre les mémoires qui viennent d'être cités, M. Bravais a calculé pour Y Annuaire météorologique, où elles ont été publiées, diverses tables telles que: les tables des heures du lever et du coucher du soleil; celles de la durée du crépuscule civil et astronomique, etc.

Travaux de M. A. Bravais publiés dans Y Annuaire de la Société météorologique

de France.

1" année (1833), p. 55. Séance du 8 mars 1853, présidée par M. Bravais. Notice sur le mirage. Cette notice très-courte est presque une analyse de la notice publiée dans

l'annuaire de 1852. M. Bravais y annonce des travaux ultérieurs sur le mirage qu'il ne lui a pas été donné de pouvoir achever.

Ibid., p. 127. Séance du 10 mai 1853, présidée par M. Bravais.

Remarques sur la manière d'observer la température de l'air, par M. Bravais.

De nombreuses communications de M. Bravais, faites pour la plupart à la Société philomath ique, ont été publiées dans le Journal de l'lnstitut,i. VI (1838), IX (1841). X (1842), XIV (1846), XV (1847), XVI (1848), XVII (1849), XVIII (1850), XIX (1851), XXI (1853).

Plusieurs articles de lui sont insérés dans le Cours complet de Météorologie de M. Kaemtz, traduit et annoté par M. Ch. Martins (1843). i ', % +

On doit à M. Bravais l'article Étoiles de l'Encyclopédie nouveltfy -

Page 55 Il quitta l'École polytechnique et nous cessâmes de le voty paripi

nous.

M. Bravais lut encore à l'Académie, dans la séance du 10 mars 1836, un rapport circonstancié sur une lettre de M. Wils Brown, indiquant une nouvelle méthode pour le calcul des distances lunaires observées à la mer.

Voyez Comptes rendus, t. LII, p. 494, séance du 10 mars 1856.

Le 21 avril 1856, M. Bravais signa pour la dernière fois notre liste de présence.

Par décret en date du 3 octobre 1856, rendu sur la proposition du ministre de la guerre, dans les attributions duquel se trouve l'École polytechnique, l'Empereur éleva M. Bravais au grade d'officier de tordre de la Légion d'honneur.

Il a été admis à la retraite, comme lieutenant de vaisseau, le 26 novembre 1856.

Décédé le 30 mars 1863, M. Bravais a été remplacé, dans la section de géographie et navigation, par M. l'amiral Paris, élu le 22 juin 1863.

FIN DES NOTES.

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.

Recherche des erreurs de position des points d'un levé sous voiles, par M. A. Bravais.

Voyez Comptes rendus, t. XXXVIII, p. 493, séance du 13 mars 1854.
Sur l'Observation de la température de l'air, par M. A. Bravais.
Voyez Comptes rendus, t. XXXVIII, p. 1077, séance du 19 juin 1854.

Note sur le Rapport géométrique qui lie le mouvement réel d'une étoile filante à son mouvement apparent, par M. A. Bravais.

Voyez Comptes rendus, t. XL, p. 323, séance du 12 février 1833.

IL Bravais fait hommage à l'Académie d'un exemplaire de sa Description d'un nouveau Polariscope.

Voyez Comptes rendus, t. XL, p. 404, séance du 19 février 1855.

M. Bravais présente à l'Académie une Note, de M. Rochard, préparateur du cours de physique à l'institution de Sainte-Barbe, sur l'Electricité.

Voyez Comptes rendus, t. XL, p. 1148, séance du 21 mai 1835.

M. Bravais présente au nom de l'auteur, M. Raffenel, un mémoire intitulé: Second Voyage d'exploration dans l'intérieur de VAfrique.

Voyez Comptes rendus, t. XL, p. 1352, séance du 25 juin 1835.

Rapport sur un Mémoire de M. Raffenel, sous-commissaire de la marine impériale, relatif à quelques phénomènes météorologiques observés par l'auteur dans le haut Sénégal.

(Commissaires, MM. Pouillet, Babinel, Bravais, rapporteur.)

Voyez Comptes rendus, t. XLI, p. 114, séance du 23 juillet 1855.

M. Bravais présente à l'Académie, de la part de M. Siljestrom, professeur à l'Université de Stockholm, un volume écrit en suédois, intitulé: Dissertations sur des matières de physique et de philosophie. Stockholm, 1854.

Voyez Comptes rendus, t. XL1I, p. 274, séance du 11 février 1856.

Travaux de M. Auguste Bravais, insérés dans les Voyages en Scandinavie, en Laponie, etc., publiés sous la direction de M. P. Gaimard.

Magnétisme terrestre. — 3 volumes en 6 parties occupant les livraisons 2, 8, 16, 21, 23 et 32.

Aurores boréa'es. — Un vol. en 2 parties, livr. 9 et 13. Géographie physique, botanique, etc. — 2 vol. en 4 parties, livr. 3, 10, 12 et 20.

Météorologie, 3 vol. en B parties, livr. 5,11, 19, 22, 30 et 31.

Astronomie et hydrographie, -t- 1 vol., livr. 27 et 28.

Les plus importants de ces mémoires sont, dans le Magnétisme teftestre té l" (2e livr.) : Considérations préliminaires, p. 2; Généralités sur les variations de la déclinaison magnétique (en commun avec M, Lottin), p. 27.

T. 2e (16° et 21° livr.), Mesures de la déclinaison magnétique, variations et mesures de l'intensité magnétique horizontale.

T. 3e (23" et 32" livr.), Variations de l'intensité magnétique verticale. — Variations de l'inclinaison magnétique. — Mesures de l'inclinaison magnétique , etc.

Dans les Aurores boréales (13e livr.), Résultats des observations faites à Bossckop et à lupvig en 1838 et 1839, contenant la description de 130 aurores boréales.

Dans la Géographie physique, t. lw (13e fivf.), Sur les lignes d'ancien niveau de la mer dans le Finmark, précédé du rapport de M. Élie de Beaumont.

T. 2 (20e livr.), Recherches sur la croissance du pin sylvestre, du chêne et du frêne dans le nord de l'Europe.

Dans la Météorologie, 1.1" (5e et 11e livr.), Observations faites en divers points.

T. 2 (22e livr.), Sur la manière de représenter les variations diurnes des éléments météorologiques, par des séries trigonométriques.

T. 3 (30e et 31e livr.), Sur la manière d'observer la température de l'air. — Décroissements des températures de l'air observées sur le flanc des montagnes. — Température du sol et des sources, etc.

Dans l'Astronomie et l'Hydrographie (27e et 28e livr. ), Sur le mirage qui accompagne les grandes dépressions de l'horizon. —Phénomènes crépusculaires. — Étoiles filantes. — Densité de l'eau de la mer.

Travaux de M. A. Bravais publiés dans l'Annuaire météorologique de la France.

1" année (1849), p. 311. Notice sur l'arc-en-ciel, suivie d'instructions sur l'observation de ce phénomène. 2e année (1830), p. 93. Formules pour représenter les variations périodiques

des -phénomènes météorologiques. Mémoire déjà publié dans les voyages en Scandinavie, en Laponie, au Spitzberg et aux Ferôe, pendant les années 1838, 1839 et 1840 [Météorologie). (Analyse de ce mémoire par M. J. Uaegens.)

Jbid., p. 185. Observations sur les phénomènes crépusculaires.

Dans ce mémoire, M. Bravais confirme les conclusions d'un mémoire antérieur, cité plus haut, en trouvant 115,000 mètres pour la hauteur de l'atmosphère.

Ibid., 2e partie, p. 87 (en commun avec M. Martins). Séries météorologiques faites au sommet du Faulhorn, au grand plateau du mont Blanc, à Brienz et à Chamounkt, par MM. A, et C Bravais, Ch. Martins, Ath. Pellier et F. Wachsmuth.

3* année (1851), p. 161. Notice sur les Halos, suivie d'instructions pour l'observation de ces phénomènes.

Cette notice est un abrégé des travaux antérieurement publiés par M. Bravais sur les Parhélies et les Halos. 11 y a joint quelques observations faites depuis leur impression.

Ibid., p. 256. Note sur la hauteur des nuages.

Après avoir fait connaître un moyen ingénieux de mesurer la hauteur des nuages, M. Bravais termine en disant qu'il n'a jamais rencontré de nuages dont la hauteur observée fût décidément supérieure à 10,000 mètres.

Ibid., p. 318. Note sur l'influence qu'exerce l'heure de la journée relativement à la mesure barométrique des hauteurs. (Extrait d'une lettre de M. Bravais à M. Mathieu.)

4e année (1852), p. 227. Notice sur le mirage.

Outre les mémoires qui viennent d'être cités, M. Bravais a calculé pour Y Annuaire météorologique, où elles ont été publiées, diverses tables telles que: les tables des heures du lever et du coucher du soleil; celles de la durée du crépuscule civil et astronomique, etc.

Travaux de M. A. Bravais publiés dans Y Annuaire de la Société météorologique

de France.

1" année (1833), p. 55. Séance du 8 mars 1853, présidée par M. Bravais. Notice sur le mirage. Cette notice très-courte est presque une analyse de la notice publiée dans

l'annuaire de 1852. M. Bravais y annonce des travaux ultérieurs sur le mirage qu'il ne lui a pas été donné de pouvoir achever.

Ibid., p. 127. Séance du 10 mai 1853, présidée par M. Bravais.

Remarques sur la manière d'observer la température de l'air, par M. Bravais.

De nombreuses communications de M. Bravais, faites pour la plupart à la Société philomath ique, ont été publiées dans le Journal de l'lnstitut,i. VI (1838), IX (1841). X (1842), XIV (1846), XV (1847), XVI (1848), XVII (1849), XVIII (1850), XIX (1851), XXI (1853).

Plusieurs articles de lui sont insérés dans le Cours complet de Météorologie de M. Kaemtz, traduit et annoté par M. Ch. Martins (1843). i ', % +

On doit à M. Bravais l'article Étoiles de l'Encyclopédie nouveltfy -

Page 55 Il quitta l'École polytechnique et nous cessâmes de le voty paripi

nous.

M. Bravais lut encore à l'Académie, dans la séance du 10 mars 1836, un rapport circonstancié sur une lettre de M. Wils Brown, indiquant une nouvelle méthode pour le calcul des distances lunaires observées à la mer.

Voyez Comptes rendus, t. LII, p. 494, séance du 10 mars 1856.

Le 21 avril 1856, M. Bravais signa pour la dernière fois notre liste de présence.

Par décret en date du 3 octobre 1856, rendu sur la proposition du ministre de la guerre, dans les attributions duquel se trouve l'École polytechnique, l'Empereur éleva M. Bravais au grade d'officier de tordre de la Légion d'honneur.

Il a été admis à la retraite, comme lieutenant de vaisseau, le 26 novembre 1856.

Décédé le 30 mars 1863, M. Bravais a été remplacé, dans la section de géographie et navigation, par M. l'amiral Paris, élu le 22 juin 1863.

FIN DES NOTES.

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