Famille du Chevalier Goybet

Famille Lespieau : Un général , un académicien des sciences

LA FAMILLE LESPIEAU
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Médecins , militaires , scientifiques émaillent cette famille .Sens du devoir et instruction poussée la caractérisent . Ce texte est tiré des notes de Marguerite Lespieau , arrière Grand Mère d’Henri Goybet femme de Mariano





Le père de mon grand père , Gérard Lespieau était docteur Toute cette famille avait fourni nombre de médecins , dont quelques uns sont restés célèbres à Bordeaux



Ayant eu le tort de ne pas demander à mon père tout ce qui concernait les siens , j’ignore si mon gr and père avait eu des frères Je sais qu’il n’avait pas de sœurs !



Les Lespieau vivaient dans le Gers ; mon Grand Père fit à Bordeaux ses études de médecin sous la surveillance de son oncle , l’un des fameux docteurs Lespieau Il lui servit d’aide lorsqu’il fut appelé à Blaye pour les couches de la duchesse de Berry Mon grand père devint médecin militaire Il alla en Algérie , à Lyon ; à Briançon , à Strasbourg Je ne sais dans quel ordre .J’ai raconté ses relations avec Napoleon III J’ajoute qu’il fut médecin major du 20 eme d’infanterie ou ses deux fils étaient officiers et qu’il était depuis peu en retraite lors de la guerre de 1870 . Il a laissé longtemps un nom dans la médecine militaire .



En 1823 il avait connu ma grand-mère en Espagne . Etait ce à la suite des guerres de Napoleon I er ? . Ma grand-mère Thérese Paler y Capdeville habitait Figueras . Son père était le professeur de latin Elle avait deux frères , dont l’un , Ignacio, était l’homme qui avait le plus voyagé , savait le plus de langues et était fort original . Il mourut jeune sans postérité .



Ma grand mère était petite , châtain avec une chevelure traînant à terre , une jolie main, une jolie tournure et remarquablement instruite et intelligente .

Elle eut trois enfants soit un fils tous les 7 ans . L’ainé, mon père , s’appelait Théodore , né en 1829, un an après le mariage de ses parents .






Le second Camille , né en 1836 fut mis à la flèche à 7 Ans et y resta 7 autres années sans aller en vacances . On était plus dur , jadis que de nos jours envers les enfants …… Le résultat est il meilleur ?...... Il entra à St Cyr en bon rang , il en sortit de même. Il était gai , aimait la vie ……. Cependant il fut tué héroïquement le 2 Septembre 1870. dans le fond de Gironne près de Sedan. Un obus amputa la tète de son cheval et une partie de sa jambe à lui…………
Il demandait qu’on lui donnât une autre monture pour continuer à se battre . L’amputation fut jugée nécessaire . Comme il n’y avait pas assez de chirurgiens militaires pour soigner les blessés de cette hécatombe , ce fut un boucher qui la fit ! ……et elle aurait réussi si cet ignorant n’avait fait boire à mon oncle du chloroforme ….. Il ne se réveilla plus . Mon père alla le chercher plus tard et il le reconnut au milieu de tous les morts tant le chloroforme l’avait conservé .


A chaque génération nous pouvons dire qu’au moins l’un de nos fils meurt pour la France , quand ce n’est pas deux comme les miens !



En 1843 naquit Paul enfant délicat qui eut trop de nourrices différents pour lequel mes grands parents s’étaient installés à Condom , à cause du bon climat , et qui y mourut à peu avant le mariage de mes parents .


Ma grand-mère était fort pieuse et très pratiquante . J’ai d’elle un souvenir précis. C’était en 70 durant la guerre ….. Mon père ayant été blessé, une fausse nouvelle fit se répandre à Condom le bruit qu’il était mort …. Alors le désespoir de ma grand-mère fut immense …
Je me vois lui essuyant les yeux de mon petit tablier . Puis l’on reçut de mon père une lettre très postérieure à la date où on le croyait tué . Grande joie de la maison ! Mais hélas peu de jours après on apprit la mort de mon oncle Camille . Nouveau désespoir . Ma pauvre grand-mère cria, par instants, surtout le soir dans sa chambre « Ciomme une bête à qui l’on a pris son petit . » Je ne trouve pas d’expression plus juste.






 

LE GENERAL THEODORE LESPIEAU mon père








Mon père fit des études faciles , servi outre son intelligence, par une mémoire impeccable sans doute dans les collèges ou lycées des villes où son père tenait garnison .
Quand nous-mêmes étions à Briançon et qu’il vint nous y voir , il se fit un plaisir de retrouver au collège et y retrouva les marques qu’il avait faites à son bureau (1912).
Elève au lycée de Grenoble , il fut reçu à St Cyr en 1848. On y a longtemps conservé les cartes qu’il y fit , modèles de précision. C’était un bon travailleur mais qui craignait « le chahut . » Pour le jour du triomphe , il n’hésita pas à se couper un habit de Général dans le milieu des rideaux du parloir ! Le plaisant de la chose est que , devenu général, il apprit que les élèves de St Cyr étaient punis pour avoir découpé les rideaux en question…. Persuadé que c’était toujours les mêmes et qu’il était lui le coupable , il envoya à l’école un mandat pour les consoler .



Sorti de l’école mon père fut envoyé à Bougie en Algérie où il se fit remarquer par son entrain , sa gaïté , soit dans la ville , soit dans l’expédition de Kabylie . Il prit part ensuite à la guerre de Crimée 1855 où il reçut à la fois la légion d’honneur et le troisième Galon .. Il y connut notre oncle plus tard, le Général Charles Goybet. Au retour ( 20 eme R.I. ) , il fut envoyé au Havre ; à Rouen , puis, après son mariage à Dreux, puis à Soissons, Givet , où ma sœur Mathilde naquit , puis à Verdun , où je suis née, puis au Camp de Chalon ( 63 Eme R.I.) …………. Puis vint la guerre .




Mon père partit , ma mère, mes frères et moi étions allés d’ abord à Provins , mais le 6 Aout 1870, mon père fut blessé à la cuisse droite (Blessure Spicheren) Il ne se fit panser que le Dimanche 8 Aout La gangrène commençait On l’évacua sur l’hopital de Beauvais où mon mon grand Pêre le retrouva après l’avoir cherché vraiment dans tous ceux de Paris .
Peu de temps après, sa blessure protégée par une plaque de métal, il repartit et fit ensuite le siège de Paris pour en déloger la commune .




A la révision des grades, mon père fut nommé Général …..mais ne voulant pas accepter ce grade ‘’ J’étais commandant au début des hostilités , dit il , je n’ai été que 2 mois Lt Colonel, être Colonel me suffit ! ‘’ Exemple bien rare sinon unique d’une modération admirable !



Jusqu’en 1870 , la France ne possédait que 100 régiments de ligne , on en créa d’autres .
Mon père fut chargé de commander le 109 ème et de le former à un choix avec les officiers connus de lui. Ce régiment comptait un moment 26 ménages et , fait inoubliable !, il n’y eut jamais de graves cancans , ni d’histoires de femmes . Le 109 ème demeura . .3 Ans à Langres ( Hte Marne ) puis fut envoyé à Chaumont.. En 1878 , mon père nommé Général de Brigade faillit refuser cet honneur tant il lui en coutaît de quitter son cher régiment . Il y était si aimé que son épée, sa ceinture, son claque, ses éperons d’or lui furent offerts par souscription volontaire des officiers , sous officiers et soldats .C’est au milieu des larmes de tous que nous partîmes pour Bourg en Bresse , chef lieu du département de l’Ain . Nous y sommes restés jusqu’en 1883 pour débarquer à Oran 2 jours après .






C’est à Mascara que j’ai connu mon mari . 7 Fevrier 1886 , qu’il ma demandée en mariage le 5 Juin de la même année , que nous nous sommes mariés le 1 er Fevrier 1887 en l’église St Pierre et St Paul . Deux mois après , mon père recevait la 3 eme étoile et rentrait en France pour y diriger la 27 eme D.I. à Grenoble où il fut atteint , le 15 Avril 1894 , par la limite d’age Lui et ma mère se retirèrent alors dans le Gers à Condom . Ils y resterent 3 Ans , puis s’installèrent à Paris , 110 rue Denfert – Rochereau .



Mon père y mourut , presque subitement le 18 Avril 1911. Les obsèques embellies des honneurs militaires dus à un Grand Officier de la Légion d’honneur furent imposantes. A condom, les discours retraçaient sa vie avec émotion. Il avait 92 ans , toutes ses dents intactes, aucune infirmité, chantait juste, lisait à haute voix sans fatigue durant des heures, marchait chaque jour longuement dans Paris, cédait sa place aux dames, dans les tramways, mangeait et dormait comme à 20 ans .





Mon père avait toujours été très croyant .
Outre ses capacités militaires, mon père avait de grandes qualités . D’abord affable, de caractère gai , même Gaulois, très serviable, s’occupant avec bonté de ses subordonnés , de ses enfants, de ses petits enfants. Ses chefs l’estimaient profondément et j’ai assez montré qu’ils le pouvaient !. Il était bon orateur , écrivait bien et nettement, avait l’oreille juste , chantait avec agrément et lisait très bien. Chaque soir ,tandis que ma mère tirait l’aiguille , mon père lui faisait la lecture à haute voix …. C’est l’une de mes joies d’enfant . Etre couchée bien chaudement dans son petit lit et , savourer ce sentiment de sécurité que la présence des parents vous donne , s’endormir aux accents de cette voix bien timbrée , c’était une jouissance . Le 17 Avril au soir , veille de sa mort , il lut à ma mère fort tard dans la soirée la belle pièce de Lavedan « Servir ». Est-ce seulement une coïncidence , cette dernière lettre d’un homme , d’un chretien, d’un soldat qui , lui, avait si bien servi ?.



Au Physique, il était de taille moyenne, avait une très jolie tournure. Les cheveux noirs et frisés . Il rappelait ces races Basque et Catalanes dont il avait la gaité , la tournure d’esprit et le courage au feu.








MA MERE











Ma mère, de la même taille que mon père , une chevelure chatain çendré , des yeux bruns clairs très expressifs , un beau profil , des épaules , des bras superbes , de jolis pieds , un beau teint, de jolies dents , une tournure fière, ma mère avait beaucoup de sa belle grand mêre paternelle.

Son caractère ne lui procura guère que des amis….. et des ennemis. Capable des plus grands dévouements , incapable de cacher ses sentiments , . Elle soignait sans hésiter durant des jours et des nuits des malades contagieux …. Et refusait d’aller voir un personnage politique, dont l’appui eut été utile , s’il lui déplaisait . Ma mère était , est encore, de première impression . Elle ne change pas d’avis. Si on lui plait à première vue ou si on lui déplait, c’est pour la vie ! Elle ne croit pas possible que ceux qui l’ont attirée puissent mal agir….. J’ai hérité de sa fidélité en amitié mais hélas je conserve envers les êtres qui nous ont fait ou voulu nous faire du mal une rancune tenace . En cela je tiens de mon père qui n’oubliait rien .



Ma mère a été une excellente musicienne, assise à son piano , jouant à quatre mains avec quelque amie ou ami . Elle en aurait oublié les repas . Elle avait l’art , d’ailleurs sous toutes ses formes , sensible à l’éloquence , à la poésie ….. et à la beauté à laquelle , vraiment elle vouait un culte Athénien . Est on laid ? c’est en fait une mauvaise note à ses yeux ….. mais on est tout de même reçu à l’examen si on a de l’esprit et du talent .Elle s’est beaucoup occupée de nous , ne nous confiant jamais ou presque aux domestiques , veillant à notre bien être , fière de nos succès ; nous soignant dans nos maladies de toutes ses forces et de tout son cœur . Elle trouvait une aide admirable chez mon père, qui dans ces cas était plutôt maternel que paternel .



Quand nous étions à Bourg , une femme pauvre en face de chez nous eut deux jumeaux et pour qu’elle puisse par la suite faire son travail , ma mère prenait les petites dans une grande corbeille et les gardait auprès d’elle dans sa chambre., tout en cousant… et mille choses autres d’actes de charité , qui , si je les cite, feraient un volume !




Avec cela fière de ses prérogatives, imbue de sa valeur officielle et se rappelant de sa situation dès que les autres l’oubliaient . Ma mère fut aussi autoritaire envers ses enfants , ses inférieurs, qu’elle avait été à ‘’ pieds baisés ‘’ devant ses parents . Comme on dit à présent , ma mère a cru toute sa vie que c’était arrivé C’est peut être un défaut parfois mais combien supérieur au jmenfichisme actuel On croyait en soi, à ce que l’on pouvait entreprendre et réaliser lorsqu’on était ainsi fait , cela avait un prix





Après la mort de mon frère ainé Frédéric, tué à l’ennemi à Dienné Soudan Français , ma mère , encore belle et encensée dans le monde , s’en retira tout à fait , n’allant plus même au théatre et refusant toute invitation.


C’est à Condom en août 1914 qu’elle apprit d’abord la déclaration de guerre . Le 19 du même mois la mort de mon fils fredey . Au début de 1915 , elle me rejoignit à Yenne . Elle était près de moi lorsque j’appris le 29 Octobre la mort de mon cher Adrien tombé dans la tranchée des Vandales ……. Son chagrin fut immense . Je dus la consoler . Un jour que j’avais laissé crier ma douleur , elle en fut si bouleversée que depuis j’imposai silence à ma peine , retenant mes larmes, proclamant en toute occasion ma foie dans la victoire……mais la manière dont ma mère a pleuré et regretté mes fils , m’a fait oublier les dissentiments causés par nos divergences d’opinions ou de manière de voir qui me furent jadis pénibles et douloureux .




Ma mère a eu 4 Enfants . J’ai parlé de la petite mathilde morte au Fort de Pierre Chatel à 2 Ans et demi. C’etait le second enfant de mes parents . Le premier était mon frère Frederic .








LE CAPITAINE FREDERIC LESPIEAU mon frère







Mon frère naissait à Paris le 2 Juin 1859 . De très bonne heure il marqua ses qualité d’audace , de décision , de mépris du danger . Il était parfaitement joli avec ses yeux bruns expressifs et ses yeux chatain bouclés Il avait déjà une âme apte à commander, mais le cœur chaud et tendre. Lorsque notre sœur Mathilde est morte , son chagrin fut vif et durable, bien qu’il n’eut que trois ans et demi.



Lorsque, durant la guerre , ma mère et ses trois enfants partirent pour le Gers par le dernier train s’en allant de Paris ; Frederic fut déjà notre protecteur. Il avait 11 ans ! Nous étions entassés avec des mobiles , dans un wagon à bestiaux dans l’obscurité., moi agée de 2 ans et demi dans les bras de ma mère , Robert 6 ans , dans sa jupe et Frederic Veillant sur nous ……
Il avait fiché en terre une Baïonnette et avait installé une bougie dans la partie qui s’adapte au canon ……Je m’en souviens ! J’ai aussi présent à la mémoire ce fait me concernant .




Au buffet d’Auch je voulus à toute force que l’on me serve du vin. Je n’en avais jamais bu et levant mon verre , je m’écriais . ‘Je bois du sang de Prussien ! ‘ . La destinée m’apparaissait elle confusément ? . Devinais je déjà ce que les Prussiens me réservaient ?



Pendant notre séjour à Condom nous voyons souvent passer des soldats . Un jour , mon frère les suivit durant plusieurs étapes …..Pendant que l’on se mourrait d’inquiétude à la maison, il était parti pour se battre ! Il fit sa première communion dans ces temps troublés à la chapelle de Pièté .Après la guerre , il fut interne au lycée d’Orléans , puis à St Louis et entra à St Cyr assez tard : extrêmement brillant en Français , poète , parfait en latin , remarquable en histoire et géographie. Les mathématiques ne lui plaisaient pas .




A St Cyr sa vocation se dessina. Il choisit l’Infanterie de Marine , alors si dangereuse .
En 1883, il partait pour le Tonkin ou il demeura 7 ans en deux fois . Il revint pour être mon garçon d’honneur . C’était l’époque héroïque où les troupes devaient traverser jusqu'à 45 ‘arroyos’ glacés par jour. Envoyé au Neach-Guia ou les pirates venaient de scier entre deux planches le fils du général Gaté . Il vécut de l’isolement complet, n’ayant pour distraction qu’une guenon et ses petits . La nuit les rats venaient lui ronger les ongles , les boutons de ses vètements . Les tigres venaient lui enlever ses hommes . Une fois, il dut se battre avec l’un deux qui n’emporta que le bras de son sergent ….. Le même passant à Grenoble en Septembre 1893 vint voir mon père à la division pour avoir des nouvelles de son capitaine , et apprenant sa mort, se trouva mal !



Mon frère était soigneux de sa personne , très distingué de manières , élégant . Il était toujours impeccable et aurait été facilement de gaité …Comme nous l’avons vu par des lettres de subordonnés , il était sublime durant la souffrance .L’un dit :

« Lorsque l’un de nous avait le Choléra , il le roulait dans ses propres couvertures , le frictionnait le réchauffait et si le malade mourrait , le froid du matin venu, il reprenait sa couverture pour lui-même. . »

Un autre écrit : « Dire que cette balle impertinente, a osé labourer cette jolie figure . »

Généreux avec cela , payant de son argent comme de sa personne. Si 9 ans de plus que moi , on en avait fait un second père ; je l’aimais profondément et mon mari a perdu en lui un véritable frêre , un grand ami.






Il revint encore une fois en Françe avant de repartir pour le Soudan . Il assista le 6 Aout 1891 à la naissance de son filleul , mon fils Frédé qui devait comme lui , avoir la glorieuse mort du champ de bataille . Sa dernière nuit de Grenoble, il la passa à écrire son testament en chantant ‘le Champ du départ ‘.



Je l’accompagnai à la gare avec mes parents . Je lui avais donné une médaille :

- Elle reviendra dit il , moi pas !
- Mon frère que dis tu là !
- Oui ce pays là , lorsque ‘on y fait son devoir , on ne revient pas . !

Le train s’ébranlait , il me souriait à la vitre du Wagon ……Je ne devais pas le revoir ….




Au mois de Février 1893 , j’eus un accident grave , puis la dypterie prise dans mon lit ….
Mon frère m’écrivait « L’avantage de l’éloignement c’est que l’on apprend à la fois la maladie et la guérison . » .Et dans sa lettre du 9 Avril, la dernière de toutes , adressée à mon mari . « Vous allez bientôt passer capitaine , ou serais je moi, dites vous bien que mort ou vivant , ce sera un beau jour pour moi.



Il fut tué à midi 15 à Dienné Soudan Français . On avait bombardé toute la nuit , la brèche n’était pas assez large. Mon frère , officier d’ordonnance du Général Archinard , ne devait pas se battre , d’autant qu’il souffrait cruellement de la dysenterie . Il supplia le capitaine Ponty de lui céder sa place , car il pouvait être décoré après cette affaire. Il courait au devant de ses hommes , jeunes nègres, novices au feu et qui tremblaient …. Il était assez loin d’eux . Il trouva une maison d’où sortaient des coups de feu . Il enfonce la porte, regarde à droite, le défenseur était à gauche et le foudroie d’une balle en plein front . Il tombe . On le retrouve , la gachette de son revolver n’avait pas bougé. La victoire était venue , on fait défiler les troupes devant mon frère et les autres morts. On le coud dans un drapeau, on l’entoure. Le Général Archinard accablé de chagrin pendant 48 heures en était malade .




Le 20 Avril à Sept Heures mon père m’avait fait demander pour m’annoncer la nouvelle.
Mes parents donnaient un grand bal ce soir là en l’honneur du Général Baron Berge , gouverneur de Lyon . Les invités arrivaient , se retiraient nausés…. Le General Berge se montra plein de cœur …..mais supplia mon père d’avoir le courage de paraître le surlendemain à la Revue , et mon père y alla ….. Tous ceux qui le virent passer furent émus et lorsqu’à cheval , il arriva devant le front des troupes , chaque officier pleurait .Cependant, ni lui , ni mon mari , n’avait eu le courage d’avertir ma mère C’est moi qui me résignai .






....…..J’entends encore ses pas résonner sur les marches de l’escalier lorsqu’elle descendait au bureau voir pourquoi l’on ne dinait pas ? Notre ami , le Docteur Annequin était là avec nous trois . Je pris tous les ménagements , j’étais décomposée…….et lorsque j’eus répondu à sa demande ‘’ Mon fils est mort ? ‘’ par un signe de tête, elle me repoussa avec horreur et j’allai buter contre le mur. On lui fit une piqûre de Morphine. On la mit au lit . Mon père avait pris 10 ans de plus . Quand à moi ce coup si rude tarit presque ma source de larmes ….et je n’ai presque pas pu pleurer mes enfants !



Le Colonel Bonnier mort Général , lorsqu’il alla chercher le corps de son frère au Soudan, ramena avec les autres victimes de ce guet–apens , celui de Frederic .
Le 17 Août 1896, la ville de Condom fit des obsèques superbes et émouvantes au jeune homme de 33 ans , mort à l’age du Christ et comme lui pour la civilisation, lui qui était né le jour de l’Ascension.



Mon frère avait une belle âme de soldat, bon camarade au suprême degré , jusqu’à refuser au General de Courcy , après Bac-Ninh, la croix ou le grade en disant ‘’ Si je n’ai rien fait de plus que mes camarades , je ne veus rien de plus ! ‘’ Vrai , Bon samaritain ? envers les blessés , les malades, chef juste et adoré , mais le col raide vis-à-vis des supérieurs . Nul doute que , camarade des Mangin, des Gouraud, dont il me parlait souvent dans ses lettres, il n’eut porté comme eux glorieusement les étoiles pendant la grande guerre.




Pour perpétrer la mémoire de mon frère , la rue principale de Dienné (à l’epoque 10000 habitants ) porte son nom, ainsi que le bateau qui fait le service sur le lac Taguibine .Fréderic dès l’age de 10 ans , voulait entrer le 1 er à Tombouctou …..peu s’en est fallu ! car c’est la victoire de Dienné qui nous l’a donné…..Les anciens camarades de mon frère disent encore ‘’le courageux Lespieau ‘’.








ROBERT LESPIEAU









Né le 15 Juillet 1864 à Paris. On l’attendait que le 15 Août , mais ma grand-mère Theil étant morte tandis que ma mère le portait , celle-ci fut très impressionnée et l’évènement se précipita …Le petit ne pesait pas 3 livres , ne semblait pas viable et le médecin estimait « qu’il fallait le soigner et non s’y attacher ». On peut dire que seul l’amour maternel put accomplir le miracle de la faire vivre : les couveuses étant pas inventées , ma mère porte son enfant sur elle , dans son courage durant 3 mois . Nuit et jour il y dormait et buvait et elle le mit ainsi au monde une seconde fois.



C’était un enfant aux cheveux châtain bouclés, aux traits délicats , d’une sensibilité très renfermée, ne s’extériorisant pas . Timide en apparence , réfléchissant beaucoup . Dans son enfance , voulait t’on lui faire dire bonjour à quelque visiteur, il se retirait vite et on l’entendait murmurer ‘ je n’aime pas le monde ! ‘




Cela n’empêche que de très bon heure , il eut le goût du travail consciencieux , fit d’excellentes études à Langres, Chaumont, Bourg C’est dans cette dernière ville qu’il prépara ses deux baccalauréats où il fut reçu de prime abord et à la limite inférieure de l’àge et son mérite est d’autant plus grand qu’il était tombé de cheval en se promenant avec notre frère ainé, avait perdu une quantité de sang et était resté faible au point de ne pouvoir s’asseoir, que de fois ne m’a t’il pas dicté des équations, des chiffres , rébarbatifs que j’écrivais pour lui au tableau noir ! Puis nous partîmes pour l’Algérie Robert entra au lycée Louis Legrand comme interne , lui qui avait toujours été libre à 19 Ans et ne se plaignait jamais .



Il se présente à l’Ecole Normale Supérieure et y échoua la première fois , étant encore souffrant, il était énervé de ne pas saisir de suite un problème . Il venait d’avoir un prix au concours général . A peine au dehors, il trouve ce problème. Rien à faire lui semble t’il .



Peu de jours , après il est appelé devant Pasteur , Prieckel et Joly . Ces menteurs lui disent : « Que pensez vous de vos compositions ?. »
« Je pense que j’ai composé comme si j’avais 3 mois de maths spéciales .! »

« ah ! et que diriez-vous si, eu égard à vos antécédents scolaires , nous vous recevions pourtant ? . »

« Je dirai que c’est une grave injustice et je refuserais , je ne veus pas entrer par cette porte là !!! . »

L’an suivant, il entra 4eme de la Section Science , la deuxième année fut reçu 1er à la licence , et la troisième année 2 eme à l’agrégation .



Nommé d’abord professeur à Chaptal, il fut ensuite préparateur à l’Ecole Normale Supérieure , puis nommé au laboratoire de Pasteur et enfin Professeur à la Sorbonne et à l’Ecole Centrale . C’est lui qui remplace Valot à l’observatoire Jansen au Mont Blanc . Il a eu deux fois le prix Jecker donné pour les plus belles découvertes scientifiques tous les 4 ans .



Il est l’auteur de la Chimie Lespieau dont on reçoit dans tous les établissements scolaires de France . Il pousse la conscience à la remanier chaque année . Son livre sur la molécule chimique a fait du bruit . Il a été aussi l’un des inventeurs des fameuses balles traçantes pour avion , dont Guynemer s’est servi , je crois , le premier.



Officier de réserve au 1er bataillon de Chasseurs Alpins , bataillon de Poincaré ! en 1914, malgré ses 50 ans , il a rejoint son unité…..Mais on n’a pas voulu l’y laisser . On l’a placé à la pyrotechnie de Bourges puis à Puteaux Malgré les services éminents qu’il y a rendus et l’ont fait décorer, il ne peut se consoler de ne pas avoir été au vrai front



Mon frère est proposé pour l’institut , et s’il y rentre , comme je l’espère, il sera à sa place Il a l’habitude des sommets étant excellent Alpiniste .



Bien que surtout mathématicien, Robert a fait de très bonnes études de lettres , Francais , Latin, Grec . Il aurait rimé facilement , même , il déchiffrait aussi à 4 mains . S’il parle peu , il écrit d’une façon fort originale , mordante à l’occasion , son intégrité, sa droiture, lui ont valu l’estime de tous, chefs , camarades, subordonnés . Auprès d’eux , il fait autorité d’honneur. Fils et frères parfait , sous des dehors peu expansifs , mari exemplaire et père excellent, c’est un de ces savants qui font respecter la science . Il a épousé à Toulouse le 27 Décembre 1900 à l’age de 37 Ans , alors que nous désespérions de le voir se marier , Mademoiselle Gabrielle Caune qui en avait 23 . Ils ont eu deux filles intelligentes et jolies. Madeleine épouse Edouard Tapissier et Clémence épouse Marcel Clavel Jeune Normalien . sorti 1er de l’école, reçu à l’agrégation 2 eme . Parti à 20 ans se battre , il était fait à 21 ans , Chevalier de la Légion d’Honneur, étant l’un des deux plus jeunes capitaines de notre armée.


Mon frère a été Officier de la Legion d’Honneur . Il a reçu de plus la médaille du sauvetage.

Il a eu un sacré nombre d’accidents supportés avec le plus grand courage, dont plusieurs en service commandé scientifique.



 

ROBERT LESPIEAU ACADEMICIEN DES SCIENCES (1864-1947)
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Robert Lespieau est le beau frêre de Mariano Goybet qui épousa Marguerite Lespieau . C’est un grand scientifique qui laissa de nombreux ouvrages de chimie et forma un grande quantité d’ingénieurs .





Par Georges Dupont extraits du bulletin de la société chimique de France. (1949).Masson et Cie






Le 21 Avril 1947 s’éteignait à Cannes , Robert Lespieau , membre de l’institut, Officier de la Legion d’Honneur , ancien professeur à la Sorbonne et à l’Ecole Centrale , ancien Directeur du laboratoire de Chimie de l’Ecole Normale Superieure.

Il est né le 15 Juillet 1864 à Paris et il était fils du Général Lespieau , l’un des pacificateurs du Sud Algerien

Un goùt marqué pour les sciences physiques , en même temps peut être , qu’un esprit critique, une originalité et une indépendance de caractère qui marqueront les étapes futures de sa carrière, l’orientent vers l’Ecole Normale Supérieure où il est reçu en 1886.


Lespieau est par son gout porté vers les études chimiques. A l’Ecole Normale , il trouve un milieu particulièrement favorable . . Il est reçu à l’agrégation des sciences physiques en 1889.
Il abandonne pendant deux ans le laboratoire de l’Ecole Normale pour aller s’initier chez Charles Friedel , aux méthodes de la Chimie Organique dont il pressent l’énorme développement . Il revient comme agrégé préparateur de Chimie à l’Ecole Normale en 1891 et ne quittera plus , dès lors le vieux laboratoire de la rue d’Ulm jusqu’à la fin de son active carrière . L’ année suivante , cependant, (1892), pour des raisons pécuniaires , il prend un poste de professeur au collège Chaptal. C’est donc dans des conditions particulièrement difficiles qu’il poursuit , en vue de sa thèse, des travaux de recherche . Il ne peut en effet , y consacrer que les heures de loisir que lui laisse un lourd service d’enseignement . Il est Docteur ES Science en 1897. Cette distinction pas plus que son mariage en 1900 n’interrompirent ses travaux scientifiques. Leur ampleur et leur qualité le font , en 1904, nommer maitre de conférence à la Sorbonne et Directeur du laboratoire de l’Ecole Normale ou il succède à Gernez .



Dès lors , il peut consacrer à la recherche tout son temps et sa production scientifique s’amplifie . En 1912, il est nommé professeur adjoint à la Sorbonne .



La guerre de 14-18 vient détourner son activité.
Il a demandé en Aout 1914, à reprendre son poste de lieutenant dans un bataillon de chasseurs mais, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres cas célèbres , les services de l’armée jugent plus utiles la présence de Lespieau dans les laboratoires : Il est affecté à l’école de pyrotechnie militaire de Bourges ou il rend les services que l’on peut imaginer ‘et qui lui valurent la croix de la légion d’honneur .


Après la guerre Lespieau reprend son activité scientifique formant sans cesse des élèves
auxquels il communique son goût ardent pour la recherche et ses qualités de méthode et de précision . Il est nommé professeur titulaire à la Sorbonne en 1922 et est élu à l’institut en 1934. ( Académicien des Sciences ) . La même année, il est touché par l’age de la retraite , mais il a le plaisir et l’orgueil de voir, avant son départ , s’édifier les nouveaux laboratoires dont il a dressé les plans et précisé toute l’installation avec un soin méticuleux .




L’œuvre scientifique de Lespieau se rattache à 4 grands chapitres :



1/ Etude des méthodes physico-chimiques et de la stereochimie , qui seront pour lui un moyen précieux de contrôle de l’hypothèse atomique et de la structure de la molécule organique ;

2/ Recherches sur les composés éthyléniques et études de leurs isoméries stéréochimiques ;


3/ Recherches sur les composés acétyléniques ;

4/ La synthèse de Sucres .


L’ ensemble des travaux sur les sucres constitue , sans doute, l’œuvre maitresse de Lespieau , sont aujourd’hui classiques au point que leur auteur a été appelé, par les Américains, à rédiger, pour l’important ouvrage intitulé ‘ Advances in Carbohydrate Chemistry ‘ , un article sur la synthèse des Hexites et des Pentites où se trouvent développés ses travaux et ceux de ses élèves . Lespieau a eu la joie ultime de voir publier , avant sa mort, cet ouvrage qui consacrait une partie importante de son œuvre scientifique.


La tradition veut qu’à l’Ecole Normale, le chef de laboratoire, qui donne un sujet de thèse d’etat ou du moins l’orientation de celle- ci au jeune chercheur qui l’aide de ses conseils et de son expérience, lui laisse publier seul les résultats de ses travaux . Ces éleves que Lespieau a initié à la recherche et dont beaucoup sont, à leur tour , des maîtres, sont nombreux : 15 thèses d’ Etat et 40 diplômes d’études supérieures ont été en effet préparés sous la direction active du maître .





En dehors de l’œuvre purement scientifique de Lespieau , il convient de rappeler , ici, son œuvre pédagogique, son influence sur la formation de toute une génération de chercheurs, d’universitaires et d’ingénieurs.


Lespieau , en effet , après avoir été 12 ans professeur d’enseignement secondaire, a , pendant 30 ans été chargé de l’enseignement de la chimie à l’Ecole Normale. Dans ce milieu, sélectionné mais qu’une formation mathématique initiale trop exclusive a des tendances à écarter des sciences purement expérimentales, Lespieau a su , par la clarté de son enseignement , par ses conseils et les directives données au laboratoire, par son exmple enfin, créer des vocations enthousiastes , former des savants à son image dont certains, comme Bourguel , pour ne citer qu’un d’entre eux très prématurément disparu, ont fait honneur à la science Francaise


Lespieau , pendant 14 ans , a été professeur de chimie à l’Ecole Centrale . Il a collaboré à la formation de quelques 3000 ingénieurs sortis de cette Ecole et si, parmi ceux-ci, on ne compte en réalité que peu de chimistes de métier, la place toujours plus considérable prise par la chimie dans l’art de l’ingénieur, quelque soit sa spécialité, permet de penser que l’enseignement clair et précis de Lespieau a eu des conséquences particulièrement heureuses sur l’esprit et le développement de l’industrie dans notre pays .




Enfin l’œuvre pédagogique de Lespieau a été complétée par la publication d’ouvrages de valeur.

C’esr d’abord un traité de Chimie à l’usage des lycées, traité classique s’il en est, et donc les éditions successives ont initié à la Chimie de nombreuses générations d’élèves .. Puis, en 1920, un livre intitulé la Molécule chimique dans lequel Lespieau fait , de Lavoisier à Le Bel et Van r’Hope , l’historique des découvertes qui ont conduit à la notation chimique actuelle . C’est en somme l’exposé de toute l’évolution qui a captivé l’esprit de Lespieau au début de sa carrière scientifique. Ce petit livre clair et attachant a été distingué par l’Académie ( Prix de Parville 1922 ) . Il faut citer également l’opuscule publié en 1938 sur la ‘ Détermination des Poids moléculaires ‘. Il a participé au dictionnaire de Wurtz et au traité de chimie organique de Grignard.




Robert Lespieau eut 2 filles . L’ainée Madeleine épouse Noel Tapissier (Soieries de Lyon)
La seconde Clémence épousa Marcel Clavel..




Nous allons nous consacrer à l’étude de ce personnage fascinant , gendre de Robert Lespieau .











MARCEL CLAVEL ( 1894-1976 ) gendre de Robert Lespieau
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Extrait de l’annuaire des anciens élèves de l’Ecole Normale Supérieure par Jean Loiseau en 1977. Doyen honoraire de la faculté de Bordeaux


C’était un homme hors du commun , excellemment évoqué par tel de nos camarades d’alors qui me rappelait « sa haute stature et sa belle figure calme , claire énergique » . Il avait derrière lui une longue lignée d’hommes en qui on peut voir de grands bourgeois ruraux . Ses ancêtres maternels étaient originaires du Tarn : On les trouve à Réalmont dès le seizième siècle , menuisiers et ébénistes. Toulouse était leur capitale , et ils y faisaient figure de commerçants prospères. Son père , lui était percepteur et avait passé plusieurs années à Aunlon, près de St Gaudens , où le jeune Marcel fut parfaitement heureux Peut-on rêver plus homogène enracinement ? c’était l’homme d’une province, d’un climat, d’une race. Le sachant , on comprend d’où venaient ses qualités maîtresses, sa solidité, son équilibre, sa droiture, et ce qu’on pourrait appeler sa simplicité . Il n’y avait en lui ni angoisses ni doutes . Il suffisait de le voir « calme , clair, énergique . » pour sentir qu’il vivait dans un monde de certitudes , le monde que lui avaient légué ses ascendants.




A première vue il n’était pas destiné à la carrière universitaire , avec ce que celle – ci comporte de penchant pour l’analyse , la critique , et pour la subtilité raffinée des coupeurs de cheveux en quatre qui hantent les Khâgnes . Il était à vingt ans un superbe athlète , et on le voyait plus volontiers sure les terrains de sport , sur les pelouses du Stade Toulousain, ou n°4 dans un huit de l’Emulation Nautique Il fréquentait les deux clubs et y était également populaire Mais il était aussi ce rare phénomène , à une époque où les bons sportifs ne faisaient que, croyait – on , de mauvais élèves , un brillant sujet en classe . Doté d’un esprit vif et d’une parole facile , il donna la preuve éclatante de sa vigueur intellectuelle quand il fut reçu en Juillet 1914 au concours d’entrèe à l’Ecole Normale Supérieure , sans avoir besoin de faire à Paris son temps de purgatoire Pareil succès n’était pas arrivé depuis dix ans à la khàgne Toulousaine Ce n’était pas un mince exploit Et l’on vit , à cette occasion monter à Paris pour l’encourager son maître , l’archicube René Dufor , ce qui témoignait de la sympathie qu’il inspirait Il lui en garda une reconnaissance attendrie .




Mais, on était en Juillet 1914. Marcel fut bientôt mobilisé avec sa classe en Septembre, et ne tarda pas à manifester ses exceptionnelles qualités de meneur d’hommes . Sorti premier du peloton réservé aux élèves des Grandes Ecoles , il monta au front en Janvier 1915, comme sous lieutenant au 81 eme d’Infanterie . En juin il était promu lieutenant et en Octobre à 21 ans , il devenait le plus jeune capitaine de l’armée bleu-horizon. Puis ce fut Verdun, ou son régiment fut décimé et ou il fut blessé , mais trop légèrement , jugea t’il, pour être évacué . La croix de guerre avec palmes et plusieurs citations , puis la Legion d’Honneur récompensèrent sa bravoure . Mais ce dont se souvenaient ses camarades , c’était l’acharnement qu’il avait mis à obtenir de l’Etat Major que les attaques de l’infanterie soient appuyées par des tirs de barrage efficaces . Marcel était un héros authentique.




En juin 1917, sa qualité d’angliciste lui valut d’être désigné pour faire partie de la première mission Française chargée d’instruire les divisions américaines en formation . Il partit pour le Nouveau Mexique . Comme il le disait, il fut retiré du front « au moment où son tour de faire un macchabée avait sonné depuis longtemps . » Il sera rappelé en 1940 avec le grade de capitaine , bientôt promu commandant, et affecté cette fois au G. Q. G. britannique pour la traduction des documents confidentiels ; et plus tard il quittera l’armée comme Lieutenant Colonel de Réserve




1919 l’avait ramené rue D’Ulm ; c’est à lui que l’administration de l’Ecole confia la mission délicate d’amalgamer , comme « Cacique général . » , les promotions des jeunes , frais émoulus de leur Khâgne ou de leur taupe, et celle des combattants d’hier reçus au concours spécial de 1919. Il s’en acquitta avec sa bonne humeur et sa faconde naturelles, et la conviction que cette mission était de première importance . Car il avait un véritable culte pour l’Ecole .


Ses études se poursuivirent sans heurts Après quelques mois passés à Oxford , dont il ramena un diplôme sur Kipling et l’armée des Indes , il fut reçu sans peine à l’agrégation en 1921. Sa turne était naturellement le centre de ralliement des anglicistes . On y discutait ferme. On sortait aussi : on allait au théatre, à l’œuvre et au vieux Colombier , généreux en billets de faveur ; on dansait dans les grands bals de l’avenue Hoche .



Une fois agrégè , il fut de ceux qui choisirent de partir pour les Etats-Unis . Peut-être voulait il retrouver un peu de l’atmosphère de son stage au nouveau Mexique ? Gràce à la recommandation du « clou », Gustave Lanson , il obtiint un poste à l’université d’Ann Arbor ( Michigan) , d’abord comme ‘instructor ‘ , mais dès la seconde année , comme ‘assistant – Professor ‘. En 1922 , il se maria avec la fille du grand chimiste , l’archicube
Lespieau , membre de l’institut . Son épouse devint d’autant sa collaboratrice qu’elle savait l’Anglais . c’était « une conseillère avisée ».


Au bout de quatre ans , ils décidèrent de rentrer en France , dans leur cher Midi ? et après un bref séjour à Marseille , au lycée Thiers , Clavel fut nommé à la faculté des Lettres d’Aix en 1927. C’était le moment ou les études américaines prenaient place à coté des études Anglaises . Il fut le premier occupant de la chaire quand elle fut crée et devint un de nos plus ardents americanistes.



Il avait pensé prendre comme sujet de thèses le sentiment de la nature dans la littérature américaine : mais apprenant qu’un autre chercheur travaillait déjà en ce sens , il se tourna vers Fenimore Cooper, qu’il avait commencé d’étudier précisément à cause de son amour de la nature et qu’il voyait le chantre des grands espaces et des grandes aventures Il devint son champion , et , pendant quarante ans , son tempérament de lutteur trouva à s’employer, car il considérait que le romancier populaire qu’était Cooper n’était pas apprécié à sa juste valeur , Cooper était un homme selon son cœur Il y avait entre son héros et lui des affinités profondes qu’il a exposées à maintes reprises et qu’il continuait à exposer , inlassable , à la veille de la retraite , comme en témoigne encore l’article publié dans les ‘’Etudes Anglaises ‘’de Mars 62.



Il a été le plus dévoué des professeurs au risque de se faire taxer de paternalisme.

Quand nous avons crée la ‘ Société Angliciste de l’Enseignement Superieur , il a pris une part active à sa mise en train , et les membres de la S.A.E.S. ont encore dans l’oreille ses interventions véhémentes en face du scepticisme de certains.


Passionné de musique, il s’était fait compositeur, membre actif de la société des compositeurs dont il portait toujours sur lui carte. Il a laissé un nombre considérable de mélodies signées Felix Serge , en souvenir de ses aîeux sergers .Il avait entrepris une réforme phonétique de l’orthographe .



Il s’était initié aux techniques généalogiques . Si j’ai insisté au début de cette étude sur ses ancêtres, c’est qu’il en parlait souvent , avec amour et admiration. Il fallait l’entendre évoquer son grand père paternel , ce capitaine d’artillerie qui avait combattu à Verdun en 1870 et y avait gagné la Legion d’honneur, ou ce bisaîeul qui avait fait la campagne de Russie et reçut la médaille de St Hélène . Du côté de la famille Lespieau il pouvait aussi faire une ample moisson d’hommes éminents . Leur berceau était Condom . On comptait parmi eux beaucoup d’officiers , dont un général de division qui eut des funérailles exceptionnelles en 1911 : Grand officier de la Légion d’honneur alors qu’il était en activité , les troupes faisaient la haie depuis le boulevard de Port Royal jusqu’au « Lion de Belfort . » Leur descendant pouvait être fier d’eux .



Il pratiquait tout naturellement la devise du club Americain : « Servir . ». Il avait été pendant la guerre un homme brave , ô combien ! il fût, toute sa vie, ce qui , pour moi, est tout aussi élogieux, un brave homme.





 

MARGUERITE LESPIEAU - MADAME MARIANO GOYBET ( 1868-1963).
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Fille du Général Théodore Lespieau , femme de Général Mariano Goybet, Sœur de l’Academicien Théodore Lespieau, mère de l’Amiral.Pierre Goybet , d’Adrien et de Frederic morts pour la France en 1914. C’est une femme instruite et spirituelle avec le sens du devoir et de la famille qui se livre ici. Une vie qui ne fut pas de tout repos dans ces temps troublés . Les qualités de mon Arrière Grand-Mère n’en ressortent que mieux C’était bien la digne compagne de Mariano.





Tiré de ses notes


Il est assez difficile de parler de soi même sans orgueil, comme sans fausse modestie.
Je tacherai pourtant d’être impartiale .


Je suis née à Verdun le 23 Juillet 1868, rue du Général Chevert n° 7 : Cette maison a été bombardée par le Boche et il n’en restait que la hauteur d’un mètre lorsque mon mari la vit durant la grande guerre .

Mes ainés avaient Frédérique 9 ans et Robert 4 . Mon parrain était le capitaine Paul Diétrich qui est mort Général et une amie de ma mère , mademoiselle de Levad et madame Pimpernel . Je n’ai commencè à travailler qu’à 6 ans : Ma sœur Mathilde étant morte à deux ans et demi parce que trop développée on ne me poussa pas Pourtant à 6 ans et demi , je suivais avec succès les classes de mon âge .



Nous étions au Camp de Chalons en juillet 70 , j’avais 2 ans à peine….. et je garde cependant un souvenir confus, mais réel du départ de Napoléon III pour la guerre, au milieu des vivats et des acclamations …. Jusque là le second Empire avait été vainqueur !




J’a déjà conté notre départ de Paris juste avant le siège, notre séjour à Condom dans le Gers . Après la guerre , nous avons rayonné autour de Paris, à Noisy le Sec, Romainville , Marnes, Langres et puis Chaumont ou mon père commandait le 109 eme de ligne à Bourg en Bresse ou il était Général de Brigade , enfin à Mascara ou je me suis mariée …. Il y a aujourd’hui même 40 ans .



J’ai été une enfant précoce sans doute par mes atavismes Basque et Catalan
J’ai ‘ chanté dans le monde ‘ à partir de 3 ans et n’ai cessé qu’en 1914. Mes premiers vers datent de ma 7 eme année à quatorze ans . J’écrivais plus facilement en Rimes qu’en Proses.
J’étais musicienne née, me rappelant par cœur toute mélodie entendue et j’avais un bon coup de crayon . A quinze ans et demi je fus reçu à mon brevet simple le 9 Juillet 1884. . Je suppose que je le méritais malgré le grade de mon père puisque la fille du Général de Division fut refusée . Sans doute, si je m’étais mariée moins jeune , aurais je pu acquérir un vrai talent dans l’un ou l’autre des arts pour lesquels j’étais douée. Peut être aussi, avec moins de facilités , aurais je travaillé davantage ?




Mais à vrai dire ma mère m’élevait très sérieusement et je n’avais pas le temps de m’adonner au superflu . Nous avions peu de fortune, la solde était employée d’abord à l’instruction de mes frères puis aux réceptions brillantes et répétées d’obligation jadis dans de telles fonctions . Ma mère fut sage en m’initiant au raccommodage , à l’entretien des vêtements et de ma chambre : Malgré de nombreux domestiques , je m’en occupai entièrement . Le soir, mes devoirs faits , mes leçons sues, je reprisais , je mettais des pièces. S’il m’arrivait à 10 heures de plier mon ouvrage sans permission , ma mêre m’ordonnait de continuer jusqu’ à nouvel ordre . Le Dimanche mon père me réglait mes travaux comme à une ouvrière :



Je n’eus jamais d’autre argent de poche….. et je faisais des cadeaux . Des amis venaient quelquefois causer ou jouer avec moi, pas souvent , on trouvait que le plaisir doit être la récompense de l’effort à cette époque et non la loi de la vie. Cependant j’ai connu même alors, de très futiles jeunes filles et je crois que mon éducation personnelle a été plus sévère que la leur .




A Bourg , après avoir eu durant un an une institutrice , j’ai suivi les cours des Mlle Leurtet et Blary . C’est là que j’ai rencontré mon amie Louise de 2 ans mon ainée , à présent épouse du Colonel Ch . Leclerc avec laquelle nous avons fondé une amitié solide puisqu’elle dure , sans accroc, depuis 28 ans . Robert avait , lui, quantité de camarades, dont le Général E. Debeney , fils du notaire . Tous deux sont ceux qui sont arrivés le plus haut dans la vie . Peut être l’éducation civile que je recevais au milieu de tant de garçons a-t-elle été une des causes de mes qualités plutôt masculines ?......... Qualités qui m’ont parfois nui .







Qui songe à consoler une femme dont l’énergie se maintient presque toujours à la hauteur de tous les discours lançés ? . Comment croire qu’elle puisse avoir le cœur aussi tendre qu’une autre, si elle a horreur des flirts, des petites vanités, des envies féminines ? et pourtant j’etais comme les autres et la tendresse avait plus de prise sur moi que la colère :


J’ai toujours ignoré la crainte, j’ai toujours eu le caractère indépendant , j’ai toujours eu horreur de l’obéissance et j’ai plus obéi que quiconque Je reconnais d’ailleurs en toute sincérité que mes parents eurent raison d’exiger qu’il en soit ainsi La personnalité peut avoir sa raison d’être , sa nécéssité absolue chez un adulte et avoir de très mauvais cotés chez un être sans expérience .



Physiquement, on dit que je ressemblai à mon père . Il est certain que je suis de sa race . Avec l’age, je me suis mis à ressembler à ma mère. J’avais 1 m 63 ; une tournure cambrée, des mains et des pieds fins, des dents bien rangées ; des yeux bruns assez spirituels,. dirait t’on mais….. que j’aurai préférés plus grands, un nez droit… que j’aurai aimé plus fin, une magnifique chevelure châtain fonçé et des beaux sourcils Mon teint s’éclairait le soir, j’avais les épaules et les bras très blanc à la lumière ….
Mais dans le jour je manquai de teint ce qui dans ma jeunesse me vieillissait . Si je n’avais pas eu de si solides principes, j’aurai mis un peu de rouge …..Qui sait, c’est peut être à cause de cette honneteté que j’ai paru moins bien que celles , sachant s’arranger un tantinet !



Qu’importe en somme, puisque telle que j’étais, j’ai plu à ceux auxquels j’ai voulu plaire ?
Intellectuellement j’aimais les Arts, la lecture et surtout la nature ; goûts que j’ai gardés Je prisais beaucoup l’éloquence ….. même la mienne . Un peu trop paraît il même quand je n’étais qu’une jeune femme ! Possible , en tout cas, je n’éprouvais aucune spéciale volupté à déchirer le prochain , ni à déguiser la vérité On a pu dire de moi : « Madame Goybet c’est un honnête homme . » éloge dont je suis assez fière !





Nous nous sommes embarqués ma mère et moi le premier Novembre 1883 sur le Moise . Cdt Lota pour Oran, nous y sommes arrivés le 3 .


Ma mère avait beaucoup pleuré et beaucoup peiné pendant notre déménagement . Elle se trouvait fatiguée de notre installation à Mascara, une péritonite se déclara . Elle fut administrée le 13 Novembre et opérée par le docteur Annequin . Mais avant , elle avait exigé que le curé l’abbé Leausère lui lut sur la tête l’évangile de St Jean . Le docteur Drieux de passage et totalement incroyant , fut obligé de reconnaître que son état ; s’était déjà amélioré ensuite avant l’intervention du docteur Annequin


J’avais soigné ma mère de mon mieux mais je ne supposais pas que je pouvais la perdre Le docteur me prévient du danger imminent si brusquement que je m’évanouis
Il me porte sur mon lit et ferme la porte . Je revins à moi et je pénètre par une autre porte près de ma mère dont je tiens la main durant une heure et demi que dura l’opération. J’attribue à cette émotion violente et à un travail intensif de préparation d’examen les maux de tête dont j’ai souffert cruellement et souvent dans toute mon existence .


J’étais assez sujette aux bronchites et aux angines . De mon enfance, j’ai eu la rougeole à 6 mois et à deux ans , la scarlatine et la fièvre muqueuse à Bourg vers 13 ans , un accident grave à 22 ans suivi de la dyphtérie et une grippe infectieuse intestinale à Briançon .
Depuis l’ age de 20 ans je n’ai jamais manqué d’avoir le rhumes des foins suivi d’asthme .
Voilà le bilan de 58 ans d’existence et d’une réelle santé …..Que dire de ceux qui n’en ont pas ?




Jusqu’au 7 Février 1886 ma plus grande tendresse a été celle que je ressentais pour mon frère aîné . Ce jour là , il y avait un courrier partant pour Marseille , d’où il devait prendre le bateau pour le Tonkin . Mon frère venant de changer de résidence, je vins au salon demander à ma mère sa nouvelle adresse ….



J’étais trop jeune encore pour recevoir avec elle . C’était son jour .
Etaient présents quatre jeunes officiers de tirailleurs nouvellement arrivés au 2 eme Mrs Maffre, Provent, Quénard et Goybet . Je m’assieds un moment près de celui-ci et nous causons ou plutôt, nous écoutons ma mère. Puis ils s’en vont , moi aussi . Le soir ma mère me dit :

« L’un de ces jeunes gens était bien joli garçon , le blond ,c’était Provent . »

« Oui . » répondis je « Mais j’aime mieux le brun . Tiens voilà une tête qui me plairait chez mon mari » .

A la même heure mon mari écrivait à sa sœur Constance :

« J’ai vu Madame Lespieau , belle et imposante et sa fille Marguerite , voilà une personne qui me plairait pour femme ! . »


J’avais, il m’en souvient, une robe noire à raies étroites de velours et un gilet de mousseline de soie blanche brodé de petites perles fines, des souliers mordorés .



Je revis le Sous Lieutenant Goybet le 27 Février à un grand bal chez mes parents et nous avons dansé trois ou quatre fois ensemble . ( On n’ admettait pas que ce soit davantage ) . Nous nous plaisions de plus en plus.
J’avais une robe de style Louis XVI . Jupe en petits volants de dentelle crème, tunique à paniers d’une étoffe rayée bleu et crème . Sur la ligne crème, de menues fleurettes rose ancien. Nous avions souvent des réunions chez le sous préfet Mr Choisnet, chez des Cdts , chez le Colonel du 4 eme Hussard , etc….De sorte que nous nous connaissions et étions décidés à nous marier .



J’avais été demandée déjà à Bourg par le fils d’un Docteur laid mais riche , ou si l’on préfère richement laid . Un de nos grands chefs de la guerre pensait depuis années à m’ épouser plus tard. En Algérie l’officier de Hussards devait faire une démarche près de mon père.. Enfin le frère du maire henry , d’Espagnol d’origine , mais naturalisé Français songeait sérieusement à moi. Il était très bien de sa personne , excellent violoniste et riche de 4 millions ! …..mais, mais , mais son grand père avait prêté à la petite semaine …… et à la critique, je n’avais pour Monsieur Henry , qu’une bonne amitié . Avant de connaître mon mari , j’avais répondu à une allusion que l’on m’avait faite , si je disais oui , il faudrait qu’ ‘’il donne aux pauvres la moitié de ce qu’il a ‘’



« Entendu . » avait il dit, mais sa mêre moins affinée et moins décidée avait ajouté ‘’ Je croyais cette jeune fille plus intelligente ! »



C’est le 5 Juin 1886 que mon mari vint chez mon père me demander lui-même. Son Cdt , le Colonel Sandherr , devait faire la demande, mais appelé au ministère , il y resta et force fut de supprimer l’intermédiaire . Mes parents me parlèrent le soir même. Je dis ‘’oui’’ et dès lors mon mari put venir chaque fois qu’il n’était pas de service .


Nous causions dans le jardin de la subdivision aux heures fraîches, dans le salon aux heures chaudes et nous promenions le soir sous les étoiles et tard dans la nuit toujours accompagnés de ma mère et d’un Cdt de nos amis ….. à qui nous avions fini par ofrir des bottes d’honneur , tant il en a usé sur les routes pour nous suivre .





Le 1 er Fevrier 1887 eut lieu notre mariage civil et religieux La mairie et l’église étaient fleuries d’amandiers roses , la musique civile avait voulu jouer pour nous à la première , mes institutrices, les religieuses trinitaires et mes anciennes compagnes chantaient la messe .



16 grands Chefs Arabes nous entouraient . On evalue à 5000 les spectateurs qui se bousculaient entre la subdivion et l’église , pourtant toute proche .



Ma mère vêtue de soie vert Serpent entièrement perlée et royalement belle formaient avec mon beau père un couple superbe . Frédérique était revenu du Tonkin pour être mon garçon d’honneur . Robert retenu par ses Etudes à normale n’avait pu venir . Henry , le marin etait
dans le pacifique . Ma belle mère près de ma belle sœur Gignoux qui venait de perdre la petite rose . Victor et Constance étaient là .



Il y eut un déjeuner splendide avec tous les généraux , les sommités de la région
Nous , les mariés avions à notre table , tout ce qu’ il y avait de jeunesse dans la ville . Dehors on nourrissait les pauvres et les Arabes . Il fut consommé 1200 livres de gros gibier .
Le soir , un grand bal réunit toute la ville et dura avec le même entrain jusqu’à 7 heures .
Au matin , heure à laquelle on nous permit de nous retirer chez nous !



Nos parents restèrent encore quelques jours et après leur départ , mon père et ma mêre nous abandonnant la maison, allèrent passer une dizaine de jours à Oran , laissant à notre service ce brave Pierre Bourrounet que ma mère avait sauvé de la typhoide Ce brave garçon nous servait à table et disait sans cesse : « Mademoiselle reprendra t’elle encore telle ou telle chose . » puis il devenait tout rouge et disait humblement à mon mari : « Oh ! Pardon , mon lieutenant !. » .



Nous sommes venus en France en Avril faire une tournée de famille tandis que mes parents faisaient leur malle pour Grenoble . Nous sommes revenus à Mascara d’ou nous sommes partis pour Tin Sefra : Je suis la première femme ‘’ de ma caste ‘’ qui y soit allée en chemin de fer jusqu’à Saïda , de là en voiture jusqu’à MelKhalis , couchant par trois fois dans des gares en construction. J’étais dans un état intéressant . Nous ne cheminions qu’avec notre revolver .. A Tin Sefra le Commandant Bunoust et le Commandant Supérieur nous avaient alloué deux petites chambres Dans l’une nous vivions . L’autre contenait notre lit , notre toilette et une chaise et quand nous voulions ouvrir la fenêtre, nous mettions la chaise sur le lit ! et encore nous étions gâtés ….. A cause de mon père . ‘’ Ah ! qu’on est bien quand on est mal ! ‘’




Les punis des Joyeux et des Bataillons d’Afrique étaient nos plus proches voisins . Eh bien jamais je n’ai entendu un mot malsonnant . Je m’efforçais de n’être pas gènante , chacun m’en savait gré . Nous avons été très heureux avec 44 degrés dans notre chambre et bien plus au dehors , ne mangeant pas de frais, buvant l’eau de l’oued Sefra qui , une fois déssèché , nous montra les cadavres de 4 chiens ; ne voyant pas un arbre et trouvant du sable dans nos chaussures, dans le boîtier de nos montres , sur nos rôtis et sous nos dents .




Nous avons été ensuite à l’Aissa ou un simple gourbi nous abritait , un matelas entre deux pierres , des fenêtres ou des toiles à sac servaient de vitres . Des Tarentules dans notre lit , des vipères à Cornes sous la grosse pierre ou je m’asseyais pour faire la layette de mon bébé.
Les bœufs de notre ravitaillement redevenus sauvages , les panthères venant saigner nos moutons qu’elles rendaient immangeable et poussant d’affreux miaulements la nuit à cinq mêtres de nous , tel était le bilan ….. Mais une belle vue de montagne , les arbres de France, des vols de Palombes ou de tourterelles , des étoiles fulgurantes, une paix divine et beaucoup d’amour, l’espoir d’être mère, quelle compensation !




Vers la fin de Septembre , je revins à Saïda où je retrouvai mon mari venu à pieds avec la troupe de Mostaganem Nous logions sur la colline de Matemate C’est là que ma mère nous a rejoint en Novembre pour préparer la venue de mon premier né .Le 5 Décembre Pierre naissait après 18 heures de très dures souffrances . Il était minuit et demi à une heure du matin , il était au sein et s’y débrouillait fort bien . Je pus assister à son baptème le 24 Décembre . Ma mère nous quitta peu après .



En mars mon mari fut nommé lieutenant au 140 ème à Grenoble . Nous étions logés au deuxième étage de la division C’est là que j’ai attendu 4 mois Adrien en nourrissant Pierre ( il n’y avait que 14 mois de différence) et deux après Frédéric . Comme j’ai eu en plus deux accidents, que je nourrissais mes enfants à cette époque ou l’on ne les réglait pas , qu’ils ne me laissaient guère dormir et que jamais ils n’usaient de biberons J’étais horriblement fatiguée Je ne faisais ni ne recevais de visite et n’allait pas au bal En 7 ans, moi la fille du patron , ‘’ j’ai assisté à trois grandes soirées ‘’ Mon unique distraction était le théatre ou j’allais dans la loge de mes parents .




En 1890- 92 mon mari était à l’école de guerre à Paris , y travaillait ferme . Nous ne sortions pas et d’ailleurs j’attendais Frederic la 1ere année . Ma mère gardait les aînés .
Notre plaisir consistait à faire le soir les grands boulevards et les Champs Elysées. L’été , je revenais à Grenoble .




Le 20 Avril 1893 , nous avons été frappés par la mort de mon frère ainé au Soudan .
L’évènement catastrophique à tous égards ! En 1894, le 15 Avril , mon père prit sa retraite dans le Gers ; puis ensuite à Paris . Mon mari était à l’Etat Major de la division . Il l’avait choisi à sa sortie de l’Ecole de Guerre .





Le General Zédé qui remplaçait mon père , l’apprécia hautement et le 7 Janvier 1896 l’emmena à Lyon comme Offiicier d’Ordonnance . Nous étions logés .Mes trois petits garçons allaient en classe . j’attendais Claire . Elle est née à Condom le 9 Octobre 1896 . Ma vie mondaine s’est écoulée presque complètement à Lyon . Madame Zédé recevait toute la ville à son jour, je l’aidais .Nous étions très invités . On arrivait que tard au bal . On le quittait au petit jour et l’on ne se dorlotait pas au lit .



Mon mari descendait au bureau . J’avais ma tâche maternelle à accomplir , voisine de ma vieille tante Tabareau que j’aimais tant . J’allais chaque jour presque la voir, lui faire la lecture . Je travaillais beaucoup n’ayant pas de femme de chambre et faisait travailler mes fils . C’est pourquoi je peus dire plaisamment que durant ces 7 ans de Lyon , j’ai mené la vie de deux femmes honnêtes …. Et d’une déshonnête ! entendant par là les plaisirs Cependant je faisais durer mes toilettes Je n’en avais pas plus de deux très simples . Pourtant j’ai été citée dans le Gaulois pour deux costumes déguisés : En Arabe chez madame De Bournat, en Serbette Empire chez la Generale Leroy .





Mon mari est allé quelques mois au 99 eme à Lyon puis à Gap . De là il demande à aller à Briançon à l’Etat Major puis Cdt au 159 eme puis Cdt et Lt Colonel au 30 eme bataillon de Chasseurs qui tenait garnison à Grenoble et à Embrun . Dans la situation de femme de Chef de Corps avec 45 Officiers dont 16 mariés , il faut du doigté ….. J’ai fait de mon mieux . Nous n’avons jamais eu d’histoires . J’étais une excellente valseuse . A 32 ans , je cessai tout à fait ce sport … Sachant bien que c’ était plus sage , cependant nous recevions beaucoup le soir et surtout à diner.


Nous étions servis par un ménage , les Dupanlery ( du pays du célèbre évèque ) que nous avons gardés , lui 15 ans, elle 19 . Elle ne le valait pas mais serait considérée comme parfaite aujourd’hui .Mais où trouver un dévouement, une délicatesse , des soins consciencieux comparables à ceux de ce pauvre Florentin , mort pendant la guerre !



L’époque la plus agréable de notre vie a peut être été à Briançon où nous voyons beaucoup entre 14 ménages très agréables , avions quantité de diverses sorties , comédies , soleil chaud tout l’hiver avec -25 de Froid , 1h1/2 de patinage, enfants se fortifiant dans ce climat salubre , que de fois nous l’avons regretté .C’est à Grenoble que ma fille a connu son mari. Fiançée le 21 Juin 1914 nous deviosn l’y marier le 14 Octobre suivant .




Venus à Yenne avec Pierre le 10 Juillet , nous y vivions à la fin du même mois, les angoissantes journées d’avant guerre et de mobilisation . Le 10 Aout nous allions en gare de Culloz , embrasser mon mari et frédey, qui devait être tiré 9 jours plus tard .En février Claire prenait une pleurésie admirablement soignée et rapidement guérie par notre cousin , le Docteur Eyraud qui devait mourir l’an passé succombant à trop de fatigues de métier. En 1915, le 28 Septembre du moment des victoires de Champagne , Claire se maria . Mon mari et Pierre étaient là …. Adrien devait être tué le 6 Octobre et n’avait pas voulu quitter ses hommes .




Le soir même mon mari repartait se battre et le jeune ménage à Ferryville …. Je restais seule ici avec ma mère . J’y appris le 29 Octobre la mort d’Adrien que je savais depuis 1e 10.



Les 3 autres années de guerre continuèrent coupées par de courtes permissions de mon mari où de Pierre , deux séjours de ma famille avec le petit Jacques né le 21 Février 1917 à Ferryville , puis sonnèrent les cloches de l’armistice…. J’avais tenu jusqu’au bout , prédisant la victoire , car j’y ai cru depuis le 2 Août 1914 , m’occupant des soldats du pays, des convalescents, de leurs familles .





Enfin vint la récompense : mon mari, en 1918 fut nommé adjoint au Gouverneur de Strasbourg ( Général Hirschauer ) où je le rejoignis . Madame Hirschauer était à Paris , je venais donc tout de suite après Madame Millerand et Madame Juillard femmes du haut commissaire et du Préfet . Gouraud n’étant pas marié . Lorsqu’on a vu le premier 14 Juillet en Alsace en 1919 , assisté au balcon des autorités en face de mon mari à cheval couvert de décorations et de palmes à la revue solennelle de nos troupes , on peut dire que l’on a vécu des heures inoubliables . En Mars 1920, Gouraud appela en Syrie mon mari et moi …. Oui , moi aussi car je ne puis pas répéter les paroles trop élogieuses qu’il m’avait dites avant son départ de Strasbourg pour me présenter d’avance .





Mon mari s’embarqua le 17 Mars , se battu dès dès le surlendemain de son arrivée , fit face à tout et pris Damas le 24 Juillet 20. Je l’y rejoignais fin Septembre . Nous eurent là une existence de semi Royauté .





En Aout 1921, nous revenions à Yenne dans la vieille maison de famille Mon fils s’ était marié le 17 Juin 1918 avec sa cousine Henriette Goybet , qui lui a donné 4 beaux enfants, à égalité filles et garçons .


Ma fille a trois superbes rejetons , un garçon et deux filles …..
Cela remplit le cœur mais le notre garde aussi des places vides incomblables …et même entourée de mes petits enfants que je chéris profondément , je regrette ce que m’aurait donné mes fils disparus !




Nous avons donc gravi la main dans la main , mon mari et moi les sommets de l’existence et ainsi qu’ensemble , après 40 ans d’union très intime , nous redescendons vers la dernière plaine , l’un de nous deux semblera quitter l’autre …..mais son âme saura se rapprocher de la fidèle compagne restée ici bas , j’en ai la conviction jusqu’au jour de la réunion éternelle .
Quant à moi, j’espère avoir fait plus de bien que » de mal : J’ai aimé la vérité , j’ai taché de suivre la route droite , j’ai plaçé ma patrie au dessus de tout ….. n’est ce pas le premier des devoirs d’Etat ?




Lorsque j’ai su la mort de Fredey , j’ai télégraphié à ma mère : ‘’Fredey tué dans les vosges le 19 . Vive la France ! ‘’ et maintenant je me recueille avant la fin remerçiant Dieu des joies et des peines qu’il m’a envoyées . J’estime que ces dernières années , nous avançons dans la vie qui mène à lui ; et certains bonheurs trop absolus ne sont pas à envier : d’ailleurs mes chers enfants sauront bien m’aplanir les derniers Kilomètres , ils m’aimaient trop pour m’abandonner . Je crois fermement que dans l’ascension de notre âme, comme dans les autres , les beautés que l’on découvre du sommet, consolent des difficultés de la montée .




 

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