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Famille du Chevalier Goybet

Contre Amiral Pierre Goybet : Terre neuve - groenland avec l'Aviso Escorteur la Ville d'Ys / Prise d'Aruba , transport d'or de banque de France

LE CONTRE AMIRAL PIERRE GOYBET (vu par Henriette ma grand mère )
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Biographie Amiral Goybet

 

Amiral Goybet  &  livre du Père Yvon au Groenland couronné par l'académie Française 

Académiciens des sciences de la famille , voir :

Les Bravais : Scientifiques

Famille des frères Montgolfier

Lespieau : General Théodore + Academicien Robert lespieau

Marc Seguin Inventeur

Autres  figures hautes en couleur 

Saint Vladimir de Russie

Saint Louis et son père Louis VIIl le Lion  

Napoleon Theil Révolution 1848

Folco de Baroncelli Camargue

Charles Dullin et Jean Vilar

Pour les officiers généraux  et les autres membres de la famille voir :

 Site Goybet Actu // Syrie-USA

 


Tiré de son courrier de Mai 1986 à Henri Goybet son petit fils auteur du site




Tu m’as demandé des détails sur la carrière de ton Grand Père dans la marine , j’en suis très touchée !

Reçu à l’Ecole Navale 45 ème sur 511 présentés, il est resté à Brest à l’Ecole d’Application plusieurs mois . La guerre de 14-18 est arrivée alors . Il y a a perdu ses deux frères Adrien avec les Marocains et Frederic avec les Alpins . Il a demandé à partir sur le front dans les Canoniers Marins à Verdun . On si battait durement mais cela ne lui faisait pas peur . Son père, ton grand père Mariano était déjà sur le front ainsi que ses deux frères Victor et Henry .



Ensuite , une fois la guerre terminée , cela a été des embarquements sur différents bateaux
Nous étions mariés et la séparation n’était pas drôle Il a donc cherché un poste ou il pouvait m’emmener Il était en Orient à Constantinople et il apprend par hasard que l’on cherche un officier pour faire du 2eme Bureau (Espionnage ). Il a été pris tout de suite et est venu me chercher à Toulon ou j’étais chez mes parents .

Nous partons par le train car il n’y avait pas de ligne ‘’ Toulon – La Turquie ‘’ et ton grand père Henri commandait la marine à Tarente en Italie ( père d’Henriette ) Très beau voyage par le train avec arrêts dans les principales villes ( Rome, etc…).

De Tarente nous embarquons : Colosse de Rodes , canal de Corinthe en Grèce puis arrivée à Constantinople le soir au coucher du soleil avec la vision de Sainte Sophie , la Corne d’Or et le début du Bosphore , que de merveilles à admirer . . 2 ans de Constantinople ou tante Guitou est née . Sur un croiseur jusqu’à Beyrouth ou étaient mes parents et retour en France .




Entre temps notre 1er Fils Dady . Ton grand père part perfectionner son Anglais dans le but de devenir interprète dans la marine. Ce qui l’a je crois le plus intéréssé , c’est le commandement d’un Aviso qui passait 5 mois l’été sur les Bans de Terre Neuve avec à bord un médecin et un aumonier, qui le cas échéant portaient secours aux pécheurs de morues.
Ensuite, il est allé au Canada ou il a beaucoup reçu et été reçu très gentiment car à l’époque les Canadiens étaient très Français de cœur et de langage , et il était recommandé aux gens de bons marins de parler Français aux Français ! Les Canadiens qui sont venus en France pendant la guerre de 14 se sont battus comme des lions …..





Ensuite cela a été le centre d’Etudes ou l’on faisait des expériences de lancement de torpilles Il fut nommé professeur à l’Ecole des torpilles. La guerre de 40 arrive : Nomination d’abord à Gibraltar pour faire la liaison avec les Anglais Puis vint le commandement du Primauguet : Quelle responsabilité pour le commandant. 700 Hommes et plus de 50 Officiers , mais il savait se faire aimer , estimer de toutes les façons . Il adorait son bateau et tout l’équipage qu’il voulait heureux . Chaque matin, il passait dans la cuisine pour savoir ce qu’il y avait pour le déjeuner et au besoin donner des conseils ce que le Cdt ne faisait souvent pas .
Il a quitté la France allant rejoindre le Primauguet à Lorient ou je suis allée , voulant le voir avant le départ et laissant mes enfants chez des Cousines pour quelques jours .





C‘était en plein hiver et il y avait beaucoup de neige . La traversée de la France dans un train pas chauffé a été pénible . Il devait appareiller à une certaine date et le traitre Perdonnet a dit à la radio « Le croiseur Primauguet qui doit appareiller sera torpillé à sa sortie de Lorient . »

Papa apprenant ça a téléphoné à Brest à l’Amiral dont il dépendait qui lui a dit : « Ne changez pas votre date de départ , on vous enverra un escorteur et un avion qui surveillera le bateau . »



Donc voilà le Primauguet , parti pour ou ? . Le Commandant le sait que quand le bateau a déjà appareillé . C’est le règlement dans la Marine . C’est en ouvrant l’enveloppe qu’il voit qu’il doit faire route sur Bordeaux avec son chargement soit l’or de la Belgique et les bijoux de la couronne Belge et de plus des officiers et soldats Français bien heureux de ne pas être pris par les Allemands dont les chars avançaient rapidement . Donc les voici à Bordeaux ainsi que l’or de Belgique qu’il devaient emporter en lieu sur .

De plus il devait emmener le gouvernement : Le Maréchal Pétain et Monsieur Laval .

Ils se sont refusés à quitter la Françe en disant ‘’ Cela n’est pas en quittant son pays qu’on le sert ! C’était tout à leur honneur . Le vieux maréchal que les Français auraient voulu sauver en l’emmenant en Afrique du Nord .





Quelle responsabilité pour le Commandant du bateau que ce refus mais il n’avait qu’à l’accepter . Pendant ces quelques heures passées à Bordeaux, le Primauguet a été bombardé par les Allemands mais heureusement pas atteint . Il eu le temps de prendre la mer .




Le lendemain, l’appel du General De Gaulle , etant en Angleterre , disait que tous les bateaux devaient rallier ou l’Angleterre ou le port Français le plus proche . Il a fait route sur le Maroc qui était sous protectorat Français mais le Cdt a trouvé plus prudent d’aller jusqu’à Dakar ou le précieux chargement était encore plus en sureté . Dès l’accostage du bateau , sont arrivés des Sénégalais pour débarquer les caissettes d’or mais que ne fut pas la stupéfaction du Cdt du Primauguet et du Colonel des Sénégalais en se retrouvant 2 Savoyards très amis depuis toujours . Le Colonel Pasquier et le Cdt Goybet Quelle Coincïdence vraiment ahurissante et pas commune dans la vie …..Les porteurs des caissettes ne se doutaient certes pas de ce qu’elles contenaient de précieux . On les a envoyé de suite dans un Wagon à l’intérieur du Pays .




Le Primauguet est alors venu s’ancrer dans le port de Casa ou il y avait déjà le cuirassé Jean Bart , des avisos, des sous marins, des bateaux de la marine marchande .



J’étais à Toulon avec les enfants ou le ravitaillement était vraiment difficile : les rotis remplaçés par des tartes à la viande hachée. Quand j’avais la chance d’avoir un poulet , on faisait la soupe pendant plusieurs jours avec les os pour faire du ‘’ bouillon ‘’, du pain sec à 4 . Dans certaines familles de nos amis , les enfants se battaient pour un morceau de pain .J’allais au marché à l’aube pour être la première , mais tout était déjà retenu. J’esperai à Toulon avoir au moins du poisson, mais pas de Mazout pour aller le chercher . Je recevais de maman de Yenne des petits paquets contenant un morceau de gruyère , quelques chataignes , 4 ou 5 pommes de terres . C’était touchant mais vraiment pas suffisant pour les enfants à l’age ou les appétits sont solides . D’ailleurs les Allemands avaient dit ‘’ Les Français mangeront dans leurs poubelles ‘’ On ne peut pas l’oublier . !


Quand Bon papa a su que nous étions si pressés, il a demandé à l’Amiral d’ Arcourt qui commandait la marine , au moins l’autorisation de nous faire venir .




Quel soulagement et quelle joie pour nous 5 . Les valises ont été vite faites et nous prenions le bateau à Marseille. Et pendant que l’or Belge était en sécurité à Dakar, le cuirassé Emile Bertin faisait route sur les Antilles pour y emmener celui de la Banque de France . Missions accomplies . Tous les 5 , nous partions donc pour Casa par le train via Oran car nos alliés et amis Anglais nous interdisaient Gibraltar à cause de refus de leur donner un bateau de guerre qui a provoqué le drane de Mers El Kébir quelques mois avant.




Mais revenons au Primauguet qui reçoit l’ordre de partir avec un escorteur sur la cote d’Afrique en mission à Freetown Mais il aperçoit un grand cuirassé Anglais qui lui intime de faire demi tour , donc de rentrer à Casa . Le commandant du Primauguet répond qu’il a une mission à accomplir et que des ordres lui ont été donnés à ce sujet et qu’il va demander à la marine. L’amiral de Casa lui dit de faire demi tour car le bateau Anglais était trop gros et très puissant Le Primauguet rentre donc à sa base à Casa Que de responsabilités peut rencontrer un Cdt de bateau surtout durant la guerre !





Mais son commandement étant terminé, , ton grand père est nommé Cdt du port de Casablanca sous les ordres de l’Amiral Michelier qu’il estimait beaucoup avec juste raison et avait été son second sur le Contre Torpilleur le Chacal avant la guerre. Les années de Primauguet s’étaient bien passées et il en était heureux . LE Cdt Mercier prenait la suite ‘’ J’espère que vous aurez la même chance que moi ‘’. Mais hélas l’avenir a prouvé le contraire . !




Naturellement c’était le Cdt du Port qui était au courant de tout ce que l’on alertait à la moindre chose .Au milieu de la nuit , coup de téléphone de la Marine disant que des avions survolaient Casa , mais quelques minutes après , nouveau coup de fil disant ‘’ Alerte finie ‘’. Tout va bien. C’était des avions étrangers Espagnols peut être qui faisaient des exercices de nuit ??


Mais une certaine nuit, il en a été tout autrement Le téléphone sonne et cela ne finissait pas Très étonnée, je demande ce qui se passe ‘’ C’est bien toujours la marine mais cela à l’air plus sérieux que d’habitude , une voiture vient me chercher et je te laisse mon portefeuille , de l’argent, etc…’’.. Je ne pose pas des questions bien sur et essaie de me rendormir. De bonne heure , vers 8 heures une voisine sonne et me montre des tracts envoyés par les Américains disant qu’ils débarquaient en Afrique du Nord mais à présent il faut savoir ce qui se passait sur le port .





Une voiture Américaine arrive avec un drapeau blanc , c’est le Commandant du port , ton grand père , qui les reçoit et qui leur dit : « Cela m’étonnerait que l’Amiral vous reçoive car il a l’ordre de son gouvernement à Vichy de se défendre contre tout agresseur. »
Les Américains partent et commencent à bombarder le port , les bateaux de guerre et marchands . Les sous marins français plongeaient et allaient vers Dakar .
Il ya eu quelques bateaux coulés dont le Primauguet . Dady et Claudy ainsi que d’autres scouts faisaient les brancardiers . L’amiral Michelier a demandé des ordres à Vichy qui a dit de tout cesser . Et ce baroud d’honneur fini , les Américains se sont dispersés en ville et ont très bien compris .


Le Général Paton qui les commandait dit ‘’ Nous aurions fait la même chose . on obéit aux ordres ‘’. Ensuite on les a beaucoup vus car ils parlaient français et nous parlions Anglais …. Ensuite, ils sont partis par la Tunisie, l’Italie, la Françe et arrivés jusqu’à Berlin .



Après le Commandement du port de Casablanca , cela a été la Direction des Œuvres de la Marine . Les Etoiles sont arrivées à ce moment là , puis commandeur de la légion d’ honneur .
Tout ça couronnait et compensait une carrière bien remplie pendant presque un demi siècle !
Pendant 2 guerres celle de 14-18 et celle de 40.




Certains de ses camarades eurent moins de chance que lui . Il faut croire que la vierge Marie patronne des marins l’a protégé .












 

LES DANGEREUSES AVENTURES DE LA VILLE D’YS.
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« Dans la brume et parmi les glaces »


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En 1934-35 Pierre Goybet faisait de la surveillance Cotière Auprès des Terra Neuva. Avec son Aviso Escorteur la Ville D’YS .

Il avait de fréquents rapports avec Canadiens et Américains .
En Septembre 1935 le Capitaine de Frégate Pierre Goybet, futur Contre Amiral (1942) , fut fait Lieutenant Colonel Honoraire du célèbre 22 eme Régiment Canadien .

Ci-joint extraits de l’Article du 9 Aout 1946 retraçant « les dangereuses aventures de la VILLE D’YS. dans la brume et parmi les glaces ». par Pierre Goybet





LA ‘VILLE D’YS’



Le bateau dont il était question se nommait la Ville D’YS . Il comptait déjà dix sept ans de bons et loyaux services dans les pays des Bancs . C’était un ancien Aviso dont un certain nombre de frères avaient fait le tour par chavirement . On l’avait amélioré en supprimant les deux « baignoires » avant et arrière et en construisant un pont continu qui augmentait de beaucoup son franc-Bord et lui donnait une stabilité rare
J’ignore qui l’avait baptisé En vérité, donner à un bateau le nom d’une ville qui s’est engloutie dans la mer, c’est pour le moins la preuve d’une absence totale de superstition.
Mais le marin est superstitieux . J’aurai préféré que le bateau s’appelât autrement.
Néanmoins, tel quel, ce batiment de 1200 Tonnes avec ses chaudières à grand volume d’eau, qu’il fallait allumer 48 heures avant l’appareillage sous peine de leur donner un tour de reins, son unique machine, sa seule hélice, et sa vitesse à tout casser qui ne dépassait pas les 11 Nœuds , avait prouvé ce dont il est capable .

Après une sortie d’une journée, au cours de laquelle j’avais essayé de voir quelle était son inertie, comment il répondait à la barre, quelle était sa position d’équilibre stoppée et de quel ordre de grandeur était sa dérive en fonction du vent, nous primes le coffre qui à Cherbourb,
se trouve à la sortie de l’arsenal.

Ce coffre c’est un peu comme comme les fils télégraphiques ou se rassemblent les hirondelles avant leur migration ; on n’y reste jamais longtemps .
En effet, quarante- huit heures plus tard le 2 Avril, nous appareillâmes en route directe sur les Açores par le chemin que suivent les voiliers qui, éventuellement, auraient pu avor besoin de nous.



QUARANTE HUIT HEURES DANS LA TEMPËTE


Au départ, tout alla bien, le bateau roulait un peu , ce qui nous permit de vérifier l’accorage et l’arrimage de tout ce qu’il y avait de mobile à bord.
Mais le lendemain , les choses commencèrent à se gater : le baromètre se mit à baisser, la mer à se creuser.

Deux jours plus tard, il faisait tellement mauvais qu’il n’était plus question d’avancer. Nous étions à la cape et notre seule ambition était de continuer à flotter . J’étais sur la passerelle que je ne devais pas quitter un instant pendant quarante heures.

Je fis appeler mon second :


- Vous veillerez à ce que personne ne paraisse sur le pont sans ordres . Faites crocher les hamacs pour que l’équipage se repose. Rondes continues dans les fonds . Ayez sous la main tout ce qu’il faut pour accorer solidement un point faible de la coque qui fatiguerait ; surtout faites confectionner par le charpentier des chevilles de bois pour remplacer les rîvets .
qui pourraient sauter. Envoyez moi les matelots sans spécialité X et Y qui prendront la barre sous la surveillance du gabier de quart.

Ces deux jeunes matelots agés de 18 ans au plus, étaient tous deux de vieux loups de mer .
Ils avaient commençé à naviguer à 12 ans et ils en étaient à leur sixième campagne .
L’un était fils d’un capitaine de Bancs , l’autre d’un matelot de Terre Neuve.
- Tiens toi, prend la barre, tu vas gouverner à la lame. Tu garderas le bateau entre 6 et 7 quarts de la mer . Veille la 3ème et la 7ème lame : quand tu les vois arriver, tu lofes un peu, mais d’avance. Pas de coups de barre ; elle fatigue assez comme ça .

déjà pendant le jour c’était une rude tension d’esprit . Mais la nuit ! c’est à peine si l’on devinait dans le noir d’encre, la crète déferlante de la lame qui nous arrivait par Bâbord et qu’il fallait franchir avant qu’elle ne s’abattit sur la plage avant.

A l’anémomètre, le vent soufflait à 112 kilomètres à l’heure. Les paquets d’embruns se succédaient sans arrêt et nous étions réduits à l’état d’éponges ruisselantes.
Mes deux petits s’en tirèrent si bien que deux fois seulement en 40 heures, nous débarquames quelque 100 Tonnes d’eau. Pénible impression !

Le bateau qui tenait la cage par bâbord donnait toujours un peu de gite par tribord ; c’était comme s’il avait voulu se protéger en augmentant son franc-bord du côtê de la lame.
Mais quand l’eau déferlait sur le pont, il donnait brusquement de la bande sur bâbord ; il tremblait de toutes ses membrures. Quand on put enfin se rendre sans trop de danger sur la plage avant on constata que plusieurs montants de rembardes étaient tordus en tire-bouchons. On ne sait pas, chez les terriens que l’eau de la vague déferlante est sensiblement aussi malléable que l’acier.

« Pas pour cette fois »

Enfin un beau matin , on eut l’impression que le cauchemar allait prendre fin. Le ciel laissait apercevoir certains reliefs qui ressemblaient à des nuages . Le baromètre ne montait pas encore mais le thermomêtre enregistreur tombait verticalement .
Or cette indication était précieuse. Cela prouvait que nous avions franchi le seuil qui sépare l’air équatorial de l’air polaire et que les vents allaient remonter vers le Nord.

Malgré la mer énorme encore, les figures se détendent . On parle, alors que pendant toute la période de tension, pas un mot inutile n’a été échangé . On a l’impression bien nette que ‘ ça n’est pas encore pour cette fois çi. ».
Et alors la fatigue vous tombe sur les épaules comme une chape de plomb. Tous les efforts que l’on a fait sans y penser, se payent maintenant par de terribles courbatures.
Le sommeil, contre lequel on a même pas eu à lutter, contre-attaque et le cerveau est vide. Si ça « beausit » encore, on va pouvoir aller dormir.

On fit un vague point ( mais nous n'étions pas à 20 miles près). Nous avions terriblement dérivés dans le Nord-Est, loin des routes battues en cette partie de l'atlantique. Nous n'avions vu aucun bateau . Seul un S.O.S. provenant d'une centaine de milles dans l'Est , nous avait appris que nous n'étions pas les seuls à nous mesurer avec la mer.
Ce S.O.S. avait été repété trois fois et puis était tombé le grand silence évocateur qui marque la fin de l'aventure pour un bateau et son équipage ...

On arriva enfin aux Açores sous un beau ciel bleu.
Le commandant, les officiers, l'équipage et le bateau formaient à présent un tout homogène. Une confiance mutuelle régnait après l'épreuve et l'avenir de la campagne se présentait bien.


LA BRUME

Depuis 24 heures, de petits "bouchons " de brume, glissaient lentement vers nous. On aurait dit de ces "soufflons" qui, au début de l'automne, courent au ras des prés, transportant dans un terrain neuf la graine qui fera germer une nouvelle plante . Pëu à peu, le nombre de "bouchons "allait en augmentant et, bientôt, on n'apercevait plus la lune presque pleine , que pendant des fractions de seconde.
Puis tous ces "bouchons" s'agglomérèrent et l'on fut dans la brume pour tout de bon. Il fallait s'y attendre. Nous n'étions pas très loin de l'accore des Bancs et nous rencontrions le courant froid du Labrador qui suit toute la côte Est des Etats-Unis .

Il était encore trop tôt dans la saison pour avoir à craindre les icebergs , mais nous allions incessamment couper la route des grands paquebots qui vont d'Allemagne, de Françe ou d'Angleterre à New York. Ils avaient tellement fait de dégats parmi le goélettes mouillées sur les Bancs que maintenant on les avait forçés, non sans peine à contourner ceux-ci, quittes à allonger leur route de quelques milles.
Il nous fallait donc franchir leur parcours le plus perpendiculairement possible et tabler sur la chance.
La nature de la mer changeait . L’eau sentait le poisson, comme vous pouvez le constater également si vous allez de Casablanca à Dakar lorsque vous passez près du banc D’ Arguin.
Et puis apparaissent les oiseaux qui s’éloignent des bancs et qui de plus en plus nombreux, venaient à notre rencontre comme pour nous montrer le chemin.
On mit le sondeur ultra-acoustique en marche et bientôt un fond s’inscrivit : 900 Mètres.
Moins d’une heure après , nous étions sur les bancs par des fonds de 200 Mètres. Les Bancs
Ne sont qu’une partie du continent qui s’est éffondrée , comme le Plateau Continental qui borde le littoral atlantique de la Françe.
J’avais un pilote : le Père Yvon, aumônier des Bancs qui n’ayant pu appareiller avec la « Sainte Jeanne –d’Arc » en réparations, avait bien voulu prendre passage à mon bord.
- Dites donc père Yvon, à cette époque où sont les voiliers ? Les chalutiers ont la T.S.F. et quand ils voudront me voir ils me le diront . Pour eux ça n’est pas pressé…..

_ Voici mon avis , Commandant . Actuellement ils pèchent dans le Sud . Ils remonteront dans le Nord lorsque l’eau se réchauffera, car vous savez que la morue se tient avec prèçision
entre les températures plus 2 et plus 4.

En fin de saison, ils pousseront jusqu’au Groenland pour trouver des eaux froides . Je crois que le mieux serait de faire route sur le « N » .( le N de terre neuve se trouve sur toutes les cartes au même point .)…………… C’est le meilleur endroit actuellement pour trouver des bullots qui serviront de boette pour les lignes .


Vous verrez que c’est un bon tuyau et que nous y trouverons plusieurs bateaux en pêche .
Et ce fut vrai, nous marchions lentement, 6 nœuds environ . La brume était toujours épaisse et c’est à peine si l’on voyait à 50 mètres devant l’étrave.

Soudain , il nous sembla entendre une détonation éloignée. Elle se répétait toutes les 5 minutes environ.
- Qu’est ce que c’est père Yvon ?
- C’est un bateau mouillé. Il tire du canon pour que ses Doris qui sont à caler les lignes de fond , peut être à dix milles de lui, puissent retrouver la goêlette avant la nuit .
- Et maintenant c’est un cornet à bouquin qui chevrotte dans la brume .
- Oui, c’est pour diriger les doris quand ils sont près . Veillez au grain, car nous ne sommes plus loin.

On réduisit la vitesse au minimum et on avança sur l’eau calme et grise en suivant les sons,
Jusqu’à ce qu’une silhouette se détachât dans la brume . Nous n’en étions pas à 100 mètres . On fit le tour , on s’éloigna un peu, et on mouilla exactement par 43 mètres.
A peine ètions nous mouillés qu’un Doris se détacha de la silhouette proche. Il y avait à bord le capitaine et quatre matelots.
Je laissai les matelots à l’équipage et j’entraînai le Capitaine dans ma cabine avec le père Yvon, bien entendu. Avant que le capitaine ait pu ouvrir la bouche, le père Yvon l’entretenait
- Mais c’est toi Kermadec ? Figures toi que j’ai passé chez toi avant de m’embarquer sur la Ville d’YS . Quand es tu parti, ta femme attendait un petit . Elle l’a eu . C’est un Garçon épatant qui pesait bien ses 4 Kilos à la naissance . La mère et l’enfant se portent bien. Tiens voilà une lettre de ta femme qui te raconte l’évènement..

Jamais le capitaine n’aurait lu la lettre devant nous. Alors on commença à boire et à parler de la pèche .
- ça rend cette année ?
- C’est pas mal , mais actuellement on ne pêche qu’avec des « buleaux » et ce sera meilleur dans un mois quand on verra descendre les seiches et les encornés. Mais tout de même il n’y a pas à se plaindre .
- Vous avez un bon saleur ?
- La meilleure des Bancs et c’est pas lui qui nous donnera de la morue rouge.
- Pas de malades ou de blessés à bord ?
- Si j’ai deux types qui ont attrapé des panaris en se piquant avec les hameçons. Ils ont de grosses boules sous les bras et ils souffrent tant qu’ils ne peuvent pas dormir , mais ils pèchent tout de même.
- Envoyez les à bord , on leur ouvrira ça .
- Bien dit le père Yvon , je vais avec le capitaine et je verrai un peu son équipage .
J’ai des lettres et des journaux qui, même un peu vieux, leur feront plaisir .
- Ne rentrez pas trop tard . Dans tous les cas nous restons ici la nuit, et je vous attends pour diner.


L’AIR DE FRANCE

Le lendemain, la brume s’était levée. La mer était d’un bleu Meditteranéen . Vers le Suroi on distinguait des silhouettes de goélettes en pêche .

Nous allions de l’une à l’autre, nous arrêtant quelquefois une heure , quelquefois plus longtemps . Mais nous ne pouvions nous attarder car le charbon baissait dans les soutes et nous devions en prendre à St – Pierre ( st Pierre et Miquelon ) libre de glaces.
Puis ce fût la tournée au cours de laquelle nous primes contact avec les autorités canadiennes et Américaines : Halifax , Boston, Portland, St Jean du Nouveau , Brunswick au fond de la Baie de Fundy connue pour ses terribles courants et la hauteur extraordinaire de ses marées.
La ville d’Ys devait se débrouiller le long de ces côtes semées de plus d’écueils que les côtes de la Bretagne amis en revanche, tellement bien jalonnées de bouées à sifflet, de postes de radio-gonio qui donnent la position exacte moins de cinq minutes après la demande . Et puis, en dehors de la ceinture de récifs, les courbes des fonds sont régulières , et nos sondeurs marchaient admirablement .

Le vrai danger, c’était les bateaux que nous croisions dans la nuit . De véritables dialogues s’engageaient à coups de sirène . Mais les indications ainsi échangées sont d’une imprécision qui engendre, des deux côtés , la prudence. Quand tout le monde aura le « radar » qui n’était pas inventé à cette époque, la navigation deviendra d’une facilité enfantine .
Partout nous étions reçus en amis . Le commandant avait changé ainsi que la moitié des officiers , mais c’était toujours cette vielle Ville d’YS , qui revenait chaque année avec la précision des oiseaux migrateurs apportant avec elle un peu d’air de France , qu’Américains et surtout Canadiens respiraient avec joie . Car la Françe est toujours aimée même si parfois critiquée.


DANS LES GLACES.

Nous remontons la côte de Nouvelle Ecosse pour rentrer dans le golfe du St Laurent et charbonner à Sydney-Cap Breton qu’on nous avait affirmé libre de glaces.

La mer était calme et une lune pleine l’éclairait de façon féerique. Cette nuit là j’avais enfin l’impression que je pourrai dormir sans arrière pensée .
Vers minuit je fus réveillé par une série de chocs sur la coque. Je sentis qu’on avait diminué de vitesse. Je bondis en pyjama sur la passerelle qui était juste au-dessus de mes appartements Un spectacle inoubliable m’attendait .

D’un bout à l’autre de l’horizon s’étendait une véritable banquise qui devait avoir au moins deux à trois milles de large, formée de blocs de glace de toutes tailles.
- Dites donc Midship, êtes vous complètement cinglé pour être entré dans ce chaos ?
- Mais commandant , ce n’est que petit à petit que les blocs se sont rapprochés : il n’y a encore qu’un moment il y avait entre eux de larges chenaux .
- Et vous pensiez faire du gymkana entre les blocs pendant 3 milles . Quand vous voudrez bien faire une imbécillité de ce genre la prochaine fois, vous serez bien gentil de me prévenir.
Et maintenant, il faut que je nous sorte de là sans faire un trou dans le papier peint qui nous sert de coque et sans fausser une pale d’hélice....

On mit une heure à faire demi tour , avec des manœuvres incessantes de machine. On appuyait l’épaule contre un bloc avec le moins d’erre possible ; puis mettait en avant avec la barre toute à droite et on écartait poliment la glace. Si vous n’avez jamais essayé de tourner de 180 degrés avec un bateau sans vitesse dans un « ice park » vous ne vous rendez pas compte de ce qu’est ce problème.
Une fois sorti , il fallut faire un détour de 20 miles en suivant de loin le bord exterieur, du champ de glace pour en trouver enfin le bout. Mais je ne me recouchai pas , cette nuit là….
S’il y avait eu la moindre brise ou le moindre clapot, la coque n’aurait jamais résisté.
Nous avions rencontré la décharge des glaces du St Laurent qui, en dérivant lentement vers le Sud dans le courant du Labrador, avait constitué cette agglomération sous forme d’un vaste croissant orienté sensiblement Est Ouest.


 

LE DEBARQUEMENT D’ARUBA ET PROTECTION DE LA ‘ SHELL ‘(Mai 1940)
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De Pierre Goybet Contre Amiral


* Il était alors Capitaine de Vaisseau du Croiseur Primauguet ( le plus rapide de la flotte)





………….
- Tu as vu le type du troisième bureau ?
- Oui , j’en sors, il paraît que nous allons relever le bateau Anglais qui fait la surveillance autour de Curaçao et d’Aruba .

- C’est notre tour d’assurer la garde. L’Anglais te passera les derniers renseignements .
Tu sais que là-bas, il y a huit ou dix bateaux Allemands réfugiés dans les eaux hollandaises et qu’il ne faut pas qu’ils s’échappent . Je te signale particulièrement « Las Antillas à Aruba . Si on pouvait le saisir, ce serait une bonne affaire.
…………….

- Tu peux compter sur nous pour cela. …. Tu sais qu’en allant de Casa aux Antilles, j’ai saisi et expédié sur le Marocun magnifique pétrolier norvégien qui travaillait pour les Boches. Tu te rends compte ! 20 000 Tonnes de combustible liquide, sans parler de la de la valeur du Bateau ! Nous serions riches à bord !
« D’ autant plus que ça valait bien ça . Il jouait à cache- cache avec nous autour des Canaries, et nous l’avons eu à 2 heures du matin, par vent frais clapot et nuit assez noire .

Ma baleinière a eu de la peine à l’accoster .
« Je dois dire que le capitaine a été épatant . Il a dit à peu près en Anglais : « Je suis fait comme un rat . Fortune de guerre, Mais vous devez avoir froid , mouillés comme vous êtes ?
Venez au salon , on va vous réchauffer . Que diriez vous de quelques Œufs au Bacon et d’un peu de Schnick-Maison ? »
« Tu parles si mes types ne se sont pas fait prier ….. Nous avons signalé la prise à Casa et le D’Entrecasteaux . » est venu pour la prendre en charge, Puis nous avons mis le cap sur la Martinique, et je crois que nous avons pas mal travaillé depuis que nous sommes là ?
- Le patron est enchanté. Il dit qu’en un mois vous avez fait plus que la « Jeanne D’Arc » dans ses trois derniers mois . Mais elle, elle commençait à en avoir assez de croiser sans jamais trouver rien d’intéressant, et il était temps qu’elle aille se faire caréner en France, bateau et équipage…. Es–tu paré pour ta mission et quand peux-tu partir ?
- Dès que tu voudras , je fais toujours mon plein de Mazout et de vivres en rentrant de croisière . Il nous faut trois heures pour pousser les feux et réchauffer les turbines .
…………





LE PRIMAUGUET




Cette conversation se tenait entre moi, Commandant du « Primauguet » et mon vieux camarade du « Bazar Louis » , Chomereau- Lamotte, contre-amiral, chef d’Etat Major de ’Amiral Robert , grand patron des Antilles Françaises sur mer comme sur terre.

.
Croiseur commandé par Pierre Goybet Presentation par lui même

" Le Primauguet croiseur de 8000 Tonnes "washington" ce qui lui en faisait bien 11500, 120000 chevaux, quatre hélices, 32 noeuds , 8 canons de 155 en tourelles doubles, merveilleux batiment de mer, avait un état major que j'aurai choisi, si j'en avais eu le droit, et équipage hors série qui avait toujours le sourire et qui ne demandait qu'à avoir l'occasion de se bagarrer. Un bateau comme ça , ça se commande tout seul. De plus ce bateau béni n'était embrigadé dans aucune escadre, dans aucune division et naviguait toujours "à la part" . On le prétait de casa, Fort de France, ou à Dakar."


Donc il n’y avait pas d’Amiral à Bord , …. Un Amiral peut être charmant personnellement ; mais être capitaine de pavillon c’est un peu comme habiter chez ses parents lorsque l’on a déjà femme et enfant . D’abord il relègue le commandant dans des appartements restreints qui, sur le « Primauguet » particulièrement étaient tellement chauds qu’il avait fallu construire un plancher de bois pour que le dit commandant ne meure prématurément d’un coup de chaleur. Si l’amiral était seul, ça pouvait encore aller, mais il amène avec lui un état major important , composé généralement d’officiers très bien , sortant de l’Ecole Supérieure , qui délogent également un certain nombre d’officiers du bord . Et puis il y a les fourriers du bureau- major et les « musiciens ». Ces derniers sont des braves types comme beaucoup d’artistes, mais au tempérament assez bohème, et leur poste généralement à coté de k’infirmerie, fait le désespoir du Commandant. En second chargé de la bonne tenue du bord.
Enfin le commandant qui n’est pas faché au fond d’être le « maître après Dieu. ». , se voit reléguer au rôle de chauffeur de l’Amiral , ce n’est pas drôle tous les jours. Evidemment , sa carrière est faite, si en plus de qualités qui l’ont fait choisir il fait preuve de quelque souplesse. Mais c’est n’est pas à la portée de tout le monde


EN SURVEILLANCE.


Donc, le 4 Mai 1940, à la fin de la matinée , nous appareillâmes , cap au suroît, route sur Bonnaire . A 5 heures du matin. Le 6 , nous étions par le travers de Curaçao, ou le « Dundee » que nous relevions, nous passait les consignes de surveillance et les derniers renseignements .
……………..
Rien de nouveau dans le secteur . Il y avait toujours les 7 Bateaux Allemands dans la Baie de Caracas à Curaçao , surveillés par le croiseur Hollandais « Van Kinsbergen » et « Las Antillas », mouillé dans la Baie du Nord - Ouest à Aruba . Ils fumaient bien de temps à temps , mais aucune véritable tentative de fuite ne s’était produite.
Alors notre faction commença . On était un peu comme la sentinelle devant le quartier général . : 20 pas à gauche, 20 pas à droite.

De jour, nous croisions à une dizaine de milles de Curaçao, en faisant des routes diverses pour qu’un sous- marin éventuel ne puisse pas se mettre à l’affût De nuit, nous nous rapprochions à distance de vue des bateaux allemands et, comme les nuits étaient claires, aucun d’entre eux n’aurait pu bouger sans que nous nous en soyons aperçus immédiatement
La nuit, la mer entre la cote du Venezuela et Curaçao, c’était comme les grands boulevards en temps de paix Un va -et –vient continu de petits « Tankers » faisant la navette entre l’Amerique du Sud et l’île. Ces petits tankers de 1000 à 1200 tonnes, naviguaient feux clairs , bien entendu . chaque fois nous leur signalions « What ship », pour le principe, ils nous répondaient par un numéro……………..





9 Mai , 17 Heures. Nous venons de contourner Aruba par le Nord . Dans la baie du Nord Ouest , il y a bien un bateau tout près de terre . Du linge finit de sécher sur les cartahus de la plage Avant .. Cela fait famille et innocent . Ce qui l’est moins, c’est que le bateau fume. Il a l’air d’allumer les feux .

Deux solutions . Est- ce que n’ayant pas vu le bateau de surveillance pendant quatre jours , il espère avoir encore quelques jours devant lui pour jouer la « fille de l’air » ? Ou bien a-t-il décidé de nous fixer devant Aruba , pendant que sept acolytes de Curaçao appareilleront ? ………..
Nous croisons au large de la baie du Nord ouest La nuit est calme et le ciel étoilé.
Aux jumelles, on aperçoit « Las Antillas » qui fume de plus en plus.
Vers 6 heures du matin, le 10 Mai , l’aspect de « Las Antillas » est curieux . Il fumait toujours et il donnait de la bande sur bâbord . La fumée sort même de la coque . Il y a certainement un incendie à bord .

Une embarcation à moteur montée par des marins Hollandais en uniformes, tourne autour du bateau Allemand , Ce bateau m’a tout l’air de se saborder .

A 8 Huit heures, l’explication arrive. On m’apporte sur la passerelle le cahier de Brouillon de la T.S.F.. La Belgique et la Hollande viennent d’être envahies …..
Il n’y a pas à hésiter. Je rappelle aux postes de combat et je pénètre dans les eaux territoriales. Hollandaises . Evidemment, cela ne cadre pas avec mes instructions mais il y a des moments dans la vie maritime ou il faut tout seul.
Maintenant, l’Antillas donne 30 degrés de bande , et tout à coup , une explosion, certainement d’un engin à retardement , fait jaillir d’énormes flammes . Il n’y a pas à hésiter . Je rappelle aux postes de Combat et je pénètre dans les eaux territoriales Hollandaises. Evidemment, cela ne cadre pas avec mes instructions , mais il y a des moments dans la vie Maritime ou il faut se décider tout seul.

Maintenant, l’Antillas donne 30 degrés de bande, et tout à coup , une explosion, certainement d’un engin à retardement , fait jaillir d’ énormes flammes . Il n’y a plus aucun espoir de s’en emparer.
………………………


UNE DECISION



Car je venais de prendre une décision qui pouvait avoir des suites militaires ou diplomatiques.

Aruba est pratiquement un parc à essence et à Mazout.

Dans le Nord , il y a les raffineries de la Shell , et dans le Sud celles de la Standard. Pour vous donner une idée de l’importance de ces parcs , je citerai seulement les chiffres de 1937 qui, en 1940, n’avaient fait probablement qu’augmenter .
Standard : Production journalière 3 00 000 Barils ;
-Stocks d’essence :2 000 000 de barils ;
- Stock de mazout : 1.500 000 de barils
Shell : Réserve d’essence d’Avion 1.200 000 barils
Le tout à la merci de quelques bombes incendiaires lancées par des civils pro- allemands venant du Venezuela sur des avions de transport , sans appareil de visée .

Si pour des raisons diverses , le ravitaillement des Alliés , via la Roumanie, Syrie ou Golfe Persique , venait à se tarir ( et l’Amérique n’ était pas en guerre ) , la perte d’Arubia serait une catastrophe. D’autre part , sous prétexte de défendre la Standard , on pouvait voir d’une minute à l’autre arriver une Division Américaine qui mettrait l’embargo sur l’île tout entière, et la fourniture aux Alliés serait aussi compromise .

Il fallait donc « mettre les pieds » dans le plat .sans hésiter , quitte à être désavoué après.
J’avais donc décidé d’envoyer ma compagnie de débarquement à terre, et de prendre pratiquement possession de l’île pour le compte des Alliés

- Planton , tu diras au capitaine F de venir me parler sur la passerelle .
Le lieutenant de Vaisseau F était chef de la compagnie de débarquement . Il avait été enseigne de Vaisseau avec moi .sur le « Contre torpilleur Chacal », lorsque j’en était second : j’avais en lui une confiance absolue qu’il méritait et sa haute taille en imposerait aux Autorités de l’Ile .

- Mon grand, vous allez être content . On débarque …Pendant que nous échangerons des messages chiffrés, par l’intermédiaire de l’O 15 avec le gouverneur d’Aruba et celui de Cura çao. , vous allez faire en sorte que tout votre matériel, vivres, munitions soit paré sur le pont .


« Le gouverneur d’Aruba n’ose pas prendre sur lui d’autoriser notre débarquement ; il se retranche derrière celui de Curaçao, son chef qui ne me parait pas vouloir non plus s’engager D’autres part , il faut qu’avant midi , vous soyez en place Un sabotage est facile, et l’équipage de « Las Antillas ». qui, d’après la façon dont il s’est sabordé , ne doit pas manquer de bombes à retardement , est peut- être en train de préparer le coup .

« Je ne puis vous donner aucune instruction précise , mais il faut que vous preniez toute dispositions pour empécher ce sabotage à tout prix, par tous les moyens, même les plus brutaux .
« Dès votre arrivée, à terre, vous verrez le Directeur de la Shell ; c’est un Anglais . Vous lui direz que vous venez l’aider à défendre ses usines et ses stocks . Par lui vous pourrez téléphoner de ma part au Gouverneur d’Aruba que, vu son absence de décision, notre compagnie de débarquement, est à terre. Devant le fait accompli, il sera bien forçé de s’incliner . Je ne pense pas qu’il essaye de vous rejeter à la mer., mais on ne sait jamais.
Faîtes comme si vous risquiez d’être attaqué et prenez votre formation en conséquence .
D’autant plus que vous allez là un peu en enfant perdu . Dès que vous serez à terre et que vous aurez hissé les embarcations , je m’éloignerai . Vous savez qu’il y a deux batteries de côté dont l’une est prête à tirer. Je ne puis pas risquer un mauvais coup pour le « Primauguet » qui croisera au large , paré à réagir contre les batteries. Si elles ouvraient le feu.
« Avant midi, vous m’enverrez un message par votre projecteur de campagne, dès que vous serez en place » .

- Bien Commandant, tout sera paré avant midi.



MOBILISATION


L’annonce du débarquement faisait briller de joie les yeux des 150, de ceux que l’on appelle faussement dans les comptes rendus de prise d’armes « Les fusillers marins ». car il y a bien dans la compagnie tous les fusiliers de bord , mais il y a aussi des canonniers , des torpilleurs, des électriciens, des timoniers, des gabiers, des chauffeurs et des mécaniciens, et même des matelots sans aucune spécialité . Elle forme un tour savamment dosé pour que d’abord, elle puisse se débrouiller dans toute les conjonctures, et qu’ensuite son absence .ne désorganise que le moins possible le « poste de combat » du bâtiment qui doit conserver tous ses moyens d’attaque et de défense .

Comme le « Primauguet » était un bateau ou l’ordre régnait, ou chaque chose avait une place, ou chaque chose était à sa place,. et entretenue avec soin, le débarquement se passa dans un temps record . Avec F., j’étais sur que rien n’avait été oublié et que quelques minutes après son arrivée à terre, il pourrait , si besoin était, se servir de toutes ses armes.
Dès que les embarcations furent revenues et hissées à bord , je remis en route et je m’éloignais.

J’ai su plus tard, par le rapport de F., que tout s’était bien passé, que la réception de la Shell avait été enthousiaste, et que celle de la population locale avait « dépassé les limites de la tolérance et même de la courtoisie . »

Bien avant midi, F.m’avait rendu compte par projecteur qu’il était en place et à midi juste l’O. 15 nous signalait que le Gouverneur d’Aruba faisait savoir que le gouverneur de Caraçao « acceptait avec plaisir la présence de 150 marins Français pour défendre Aruba ».
S’il est toujours mauvais d’enfoncer brutalement les portes, il est souvent politique de les pousser poliment, mais fermement , jusqu’a ce qu’elle s’ouvrent.

Au début de l’après- midi, on aperçut à l’horizon une division de croiseurs Américains. Un de ses avions , tout en restant hors des eaux territoriales et sans nous survoler ( ce qui eut constitué un acte d’hostilité caractérisé),nous identifia, constata que le drapeau Français flottait sur l’appontement de la Shell, fit demi tour , rendit compte, et la Division Américaine
s’éloigna. Dieu sait quelles implications se seraient produites s’il avait débarqué avant nous au Sud de l’Ile ou se trouvent les installations de la Standard Américaine …

Peu après, ce fut le tour du « Dundee » qui venait aux nouvelles . Quand je lui dis que ma compagnie de débarquement était à terre, il me signala « well done ! ». et continua sa route.
On a beau être alliés sincères, il y a une certaine satisfaction à devancer son collaborateur.



VISITE AU GOUVERNEUR


Le 12 nous mouillâmes enfin au Nord Ouest de l’appontement de la Shell, n’ayant plus rien à craindre des réactions éventuelles à terre.
J’allais remercier le directeur de la Shell de tout ce qu’il avait fait pour nos marins, qui vivaient comme des coqs en pâte, gavés de produits laitiers, de bière Hollandaise, invités dans les familles et qui ne demandaient plus qu’une chose, c’est que ces grandes vacances continuâssent le plus longtemps possible .

Il me donna ensuite une auto pour aller rendre visite au Gouverneur à Orangestadt, dans le centre de l’île Nous nous congratulâmes d’abord sur les résultats de notre mise à terre. Il me fit les plus grandes éloges sur la tenue des marins, leur correction envers les civils, leur discrétion dans toutes les questions d’approvisionnement Je profitai de l’ouverture pour lui annoncer que nous allions être relevés
- Par des troupes Françaises ?
- Oui ce sont des compagnies appartenant au Régiment d’Infanterie Coloniale de Fort de France
- Mais ce ne sont pas des blancs ?
- Non mais ils sont citoyens Français tout de même.
- C’est un point de vue ….. français . Mais vous savez que sur ce sujet , nous n’avons pas du tout les mêmes idées. Je me demande comment le Gouverneur de Caraçao va prendre ça …..
A force d’insister, je lui fis comprendre qu’il fallait s’y résoudre , ce qu’il fit d’assez mauvaises grâce. Mais quand je lui avouais qu’il s’agissait maintenant de 450 hommes, il refusa carrément, alléguant que le télégramme originel de Curaçao ne parlait que de 150 marins, qu’il voulait bien l’interpréter en « 150 hommes » , mais qu’il ne pouvait aller plus loin dans la voie des concessions . Comme à mon avis c’était des armes de DCA qu’il fallait plutôt que des fantassins, je lui promis de faire accepter son point de vue par l’Amiral des Antilles.


LE COCKTAIL A LA SHELL


Le soir du 13 Mai, je suis invité à un cocktail chez le Directeur de la Shell.
Des hommes et des femmes, tous parlant Anglais , tous charmants . On me présente le Directeur de la Standard. Après avoir tourné assez longtemps autour du pot , il m’explique qu’il aimerait bien avoir des marins du « Primauguet » pour défendre St Nicolas .
Oui , mais la Standard est une compagnie américaine . Alors je ne marcherai que lorsqu’il
Y aura eu une demande officielle du gouvernement d’Aruba . Comme il doit venir demain à Bord , j’attendrai qu’il m’en parle.
J’ai retrouvé un ancien élève D’Oxford , ou j’ai eu moi-même l’honneur de passer un an comme élève libre en 1922., lorsque je préparai mon brevet d’interprète d’anglais . Nous parlons de Market Street, du café Cadéna, de Magdalen , de Corpus Christi, de St John, des Dons, des Tuteurs , de Mésopotamia, des courses sur la Tamise Nous sommes tous les deux « dark blues » et nous avons le plus grand mépris pour Cambridge.
On ne devrait pas recevoir à l’Ecole Navale élève qui ne parle pas Anglais couramment.
Demain à 10 Heures, le Gouvernement viendra en visite officielle et je le saluerai de 11 coups de canon. S’il n’a droit qu’à 9 , ça lui fera d’autant plus plaisir.



RELEVE.



Le « Barfleur est arrivé avec ses 450 hommes de troupe. Le gouvernement monte à bord à 10 heures 30. Il est accompagné du Directeur de la Shell, qui m’à tout l’air d’être un ministre sans portefeuille . Le gouverneur me demande d’assurer la défense de Saint Nicolas et de la Standard. C’est un petit succès diplomatique.

Je donne alors au « Barfleur » l’ordre de débarquer deux mitrailleuses Contre-Avion de 8 m/m, et un canon de 37 C.A. On les montera sur camions . Ce n’est pas l’essence qui manque.. L’après midi , j’apprends que deux avions de transport d’une Compagnie Colombienne viennent d’être volés. par des Allemands. La menace aérienne se précise.

Je fais alors débarquer deux mitrailleuses CA de 13.2 du « Primauguet » qu’on montera sur socle en béton à Saint-Nicolas. Et j’envoie un télégramme à l’amiral Antilles pour demander l’envoi d’une batterie de 75 C.A.

Les compagnies du régiment d’Infanterie Coloniale de la Martinique vont prendre notre place à terre Nos marins qui ont déjà des liaisons rembarquent le cœur gros. Le dicton Anglais « wife in every port ! » . Ils sont reçus par le reste de l’équipage comme des resquilleurs .


RETOUR A FORT DE FRANCE


Dans l’après midi du 18 mai, un communiqué d’inspiration allemande annonce l’entrée en guerre de l’Italie . Immédiatement , je demande des instructions à Amiral Antilles sur la conduite à tenir en cas de rencontre avec des Bâtiment Italiens. IL nous répond de les arraisonner normalement . Un télégramme des Forces Maritimes Françaises donne le même son de cloche.

………..

La nuit se fait, les étoiles ez s’allument et le seul bruit, c’est celui de notre sillage car il n’y a plus besoin de ménager le Mazout et la Martinique nous attend .

Je sais que l’Amiral Antilles est satisfait de notre action. Mais qu‘en pense l’Amiral Darlan, Grand Chef de la Marine ? Je ne l’ai su que sept mois après par un témoignage officiel de satisfaction pour les « Hautes qualités dont il a fait preuve pendant le séjour de son bâtiment sur le théatre de l’Atlantique Ouest, et en Particulier , pour l’esprit de décision qu’il a montré dans l’opération délicate de l’occupation d’Aruba ».

J’aurai pu aussi bien être démonté de mon commandement. Dans la vie du marin, c’est pile ou face….Mais il y a des cas ou il faut jouer, surtout quand on ne joue pas pour soi, mais pour son pays.


Pierre Goybet
Contre Amiral

18 Octobre 1946





 

LES CHASSEURS RESCAPES DE NARVICK ’17 Juin 1940'
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Article de Pierre Goybet Contre Amiral



17 Juin 1940, le « Primauguet » est mouillé sur la rive droite de la Gironde, en face de la pointe de Graves, un peu en aval du Verdon. Sur un banc de sable, un pétrolier achève de brûler ; en amont , un gros cargo vient de sauter sur une mine magnétique .
Par centaines des bateaux de tout genre et de toute taille remontent le fleuve, chargés à couler bas de soldats sans armes , de civils des deux sexes, d’enfants et même quelquefois de pièces de mobilier . Mon équipage regarde navré l’ampleur de cette déroute , de cette fuite panique dont nous , qui arrivons de Dakar après deux mois dans les Antilles, ne pouvions nous faire aucune idée . Nous sentons que tout est perdu…..


Sans avoir d’instructions précises, je sais que le « Primauguet » a été mis sous les ordres directs de l’Amiral Darlan et nous pensons tous que nous sommes là pour embarquer le Gouvernement et l’emmener hors de France ; en Afrique du Nord ? en Angleterre ? Le canon tonne du côté de Royan ; il va falloir que le gouvernement prenne une décision rapide , car le « Primauguet » a été mis sous les ordres directs de l’Amiral Darlan et nous pensons tous que le nous sommes là pour embarquer le Gouvernement et l’emmener hors de France ; en Afrique du Nord ? en Angleterre ? . Le canon tonne du coté de Royan ; il va falloir que le gouvernement prenne une décision rapide , car le « Primauguet » ne pourra pas rester là mouillé longtemps, cible trop tentante pour les avions et les canons à longue portée.



DE NARVICK AU VERDON .

Vers 17 heures, un grand « Douarnenez » à moteur s’approche de nous, demande l’autorisation de nous accoster par bâbord . Sur son pont sont rangés des soldats , en tenue et en armes . Ils portent la tenue des Chasseurs alpins de Narvick .
On amène une échelle de pilote et deux officiers montent à bord , un lieutenant et un Sous-Lieutenant qui me racontent leur odyssée. Depuis Narvick, par toutes sortes de moyens de transports ils ont défilé le long des côtes. de France . Dans chaque port on leur dit : « Allez plus au Sud , les Boches arrivent et nos troupes sont déjà en retraite ». Finalement les voilà au Verdon……….

Le lieutenant me dit « Je suis Lieutenant de réserve et Dominicain dans le civil. Mon sous lieutenant est frais émoulu de St Cyr .
La centaine d’hommes que vous voyez là , c’est tout ce qui reste de notre groupe . Jusqu’à maintenant , ils veulent s’arrêter là ou il existe une ligne de résistance française et SE BATTRE.
Nous avons nos armes, nos munitions et si, vous pouvez nous donner quelques vivres de réserve , nous allons essayer de rejoindre les troupes qui semblent se battre du côté de Royan
Dans tous les cas, nous aimerions que vous descendiez sur le « Douarnenez » dire quelques mots à nos hommes , sur lesquels votre âge et votre grade, et le fait que vous êtes encore du bon coté de la ligne de feu, feront certainement impression ».




CONVAINCRE ET NON COMMANDER


Je descendis au milieu des chasseurs. Ils avaient cet air un peu buté qu’ont toutes les troupes du monde quand ça ne va pas. Il fallait convaincre et non commander.
Je commençai par leur dire que moi aussi, j’étais Chasseur Alpin ….Honoraire ,…que j’avais fait souvent les manœuvres d’ été et les marches d’hiver à ski avec le 30 ème BCA que commandait mon père. Que je connaissais leur mentalité aussi bien que celle de nos matelots et que je savais qu’ils aimaient comprendre au lieu d’ exécuter passivement

Je leur fis un tableau de la situation, telle que mes renseignements me permettaient de le brosser . Il ne fallait pas qu’ils comptent sur une ligne de défense organisée . Que lorsqu’ils auraient épuisé leurs munitions , ce qui ne serait pas long, ils n’avaient à compter sur aucun ravitaillement . Débarqué pour aller se faire prendre à Royan serait un véritable suicide . Une retraite en ordre comme la leur n’était pas une fuite .

L’armistice qui était dans l’air, n’était plus qu’une question d’heures et il fallait absolument qu’ils restassent du bon coté de la ligne de démarcation, car la France aurait besoin d’avoir là le plus d’hommes d’élite possible, car elle en aurait bien besoin.



CONTINUER LA LUTTE


- J’espère bien qu’on va continuer la lutte en Afrique du Nord ; Embarquez-nous sur le « Primauguet » et mettez-nous à terre en Algérie ou au Maroc, dit alors un des portes-paroles .
- Malheureusement, répondis je ne sais pas du tout quel port on nous fera rallier ; cela peut être en Angleterre, aux Antilles , comme au Maroc . Si au contraire, vous avez confiance en moi, et en vos chefs, je me fais fort de vous faire rapatrier sur Grenoble ou se trouvent votre dépôt , vos amis , sans doute plusieurs de vos familles , et je vous donne ma parole que personne ne vous traitera d’embusqués et que c’est le plus grand service que vous puissiez rendre au pays Vous vous êtes déjà sacrifiés pour lui à Narvick et ailleurs, sacrifiez-vous encore une fois »

C’était « Touch and Go » comme disent les Anglais, mais le bon sens prévalut Je remontai à bord , fis envoyer aux chasseurs toutes les bonnes choses à manger, à boire et à fumer que l’on put dénicher à la cambuse et à la coopérative Mes hommes l’avaient déjà presque pillée et lançaient des paquets de cigarettes et du chocolat aux chasseurs restés sur le « Douarnenez » . Il fallait maintenant que le patron du dit bateau acceptât de les conduire à Arcachon et cette fois –ci , il n’était plus question de convaincre mais d’ordonner .

Le patron grimpa à l’échelle de pilote et poussa les hauts cris à l’idée qu’il fallait aller encore plus au Sud . Bien entendu , il n’avait presque plus de gazoil, plus de vivres, etc….Je lui tins à peu près ce langage :

« Je suis Commandant Supérieur sur rade (comme j’étais seul, cela ne pouvait faire de doute) On va vous donner quelques barils de Gazoil, des vivres, une carte à grande échelle et …des ordres écrits, vous appareillerez demain au lever du jour et vous avez moins de 100 milles de route . Le lieutenant des Chasseurs vous donnera à l’arrivée une attestation des services rendus par vous, tous les bons de réquisition que vous voudrez , mais il faut absolument que vous arriviez avant que les Boches soient à Bordeaux . »

Nous préparâmes les ordres ; en plus de ceux du patron, il y en avait pour le lieutenant qui devait rallier Grenoble par les moyens les plus rapides . Enfin sous la forme la plus technique, nous requérions le Maire d’Arcachon dans le cas ou il n’y aurait pas d’autorité militaire que nous rendions responsable de l’exécution des ordres du lieutenant ., Je ne sais quelle valeur avait cette réquisition mais on la couvrit de tant de cachets impressionnants que nous sûmes plus tard qu’elle avait fait son petit effet.

Au point du jour le « Douarnenez » décolla ; on échangea des hourras, des souhaits de bonne chance . Quelques heures plus tard, nous fûmes attaqués par des avions et si le « Douarnenez avait été accosté, cela nous aurait rendu plus difficile un appareillage , seule défense possible en l’occurrence contre des attaques .

Plus tard, je reçus au Maroc une carte du Commandant du bataillon, datée de Grenoble me remerçiant de l’aide apportée à ses chasseurs et des décisions que j’avais prises….

Ainsi, le Maroc a de nouveau des chasseurs à pied . Leur passé dans ce pays leur l’accueil qu’on leur y fera. Qu’ils permettent à un retraité de joindre sa modeste bienvenue ; elle aura plus de poids s’ils comprennent bien qu’elle vient d’un cœur qui a conservé en lui un petit morceau de passepoil jonquille, qui lui vaut le temps ou il vécut parmi eux , en paix et en Guerre du temps des canonniers marins de 14-18.


Pierre Goybet
Contre- Amiral
du cadre de réserve.


 

SUR LA ROUTE DE DAKAR ou Pierre Goybet combatif.

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Extraits du livre : La flotte convoitée écrit par Anthony Heckstall-Smith presse de la cite 1964.

Darlan à Vichy avait répété qu'aucun bateau ne tomberait aux mains des Allemands........

l'Operation "menace"

Dakar!
Prendre Dakar , a dit Churchill, constituait un objectif de valeur, rallier l'empire colonial français, un objectif de plus grande valeur encore.
Ses plans pour etablir le general De Gaulle et les français libres à Casablanca n'ayant pas abouti, il fut conduit à regarder plus au sud, vers la capitale de l'Afrique occidentale Française..........

Le 18 septembre 1940 à 13h20, Churchil fit partir un télégramme autorisant la poursuite de l'expédition.

Dès lors cette curieuse opération menace prit un développement encore plus curieux !

Dans la nuit du 18 Septembre, Bourragé, ignorant complètement la présence de la force M sur sa route, appareilla de Dakar pour Libreville avec ses trois croiseurs; les contre torpilleurs restèrent au port à cause de l'insuffisance de leur rayon d'action.
le lendemain matin, l'amiral constata qu'il était suivi à vue par les croiseurs Cumberland et Australia, mais résolut de continuer.
Dans l'après midi, il reçut un messuge du croiseur Primauguet qui, à un millier de milles plus au sud, escortait le pétrolier Tarn. Les croiseurs Delhi et Cornwall, signalait-il lui barraient la route dans le golfe de Guinée.

En fait ces croiseurs avaient arreté le Primauguet et remis à son commandant, le capitaine de vaisseau Goybet, une note l'avertissant qu'ils avaient l'ordre d'empecher tout navire de guerre Français d'entrer dans un port de l'Afrique Occidentale.

Goybet était disposé à combattre, mais Bourragé lui ordonna d'éviter à tout prix un engagement avec les Britanniques. A contre coeur, Goybet se dirigea sur Casablanca avec le pétrolier.
La route etant bloquée devant lui et ne pouvant compter sur du Mazout à Libreville, Bourragé maintient son cap jusqu'a la nuit, puis il fit demi tour et se dirigea vers Dakar à toute vitesse, laissant le Cumberland et l'Australia derriere lui. Mais le Gloire eut des ennuis de machine et , l'australia l'ayant rattrapée, consentit à retourner à Casablanca.

Le Montcalm et le Georges Leygues arrivèrent à Dakar le 22 Septembre. Le malheureux Bourragé y apprit qu'il avait fortement déplu à Darlan en ordonnant A Goybet de ne pas engager le combat. En conséquence , il était relevé de son commandement et remplacé par le vice Amiral Lacroix, de la 3eme escadre de croiseurs déja parti de Toulon en avion.

Plus en détail dans echec à DAKAR de john A.WASTON Robert Laffont.

Le C.V. Goybet comprenant que le combat serait inutile et aurait de serieuses repercussions politiques , demanda et obtint qu'on lui laissat jusqu'à 17 heures pour communiquer avec son chef . C'est ainsi qu'à 16 heures l'amiral Bourragué reçut à bord du georges Leygues le télégramma en clair suivant.

Amiral Georges Leygue de Primauguet n°643, un ultimatum de Cornwall et de croiseur type Delhi nous oblige à combattre ou à faire route sur Casablanca à partir de 17 HEURES GMT. Vu importance internationale , décision à prendre, demande instructions précises 15h45 19/9/40."

A la résolution de la crise voici le message du general de Gaulle.

general de Gaulle à Commandant Primauguet .

Suis informé de votre attitude et votre situation. je tiens à vous dire que si vous desirez vous rendre à freetown pour vous ravitailler ou pour toute autre cause, vous pourrez le faire à votre gré . Dans ce cas je vous accorde ma parole d'honneur que vous et vos equipages resteront librement à bord de votre navire et que vous pourrez ensuite si vous le désirez, regagner Casablanca (20/08/40).

Dans un pavillon sans tache de Alex WASSILIEF l'evenement est encore relaté.

Avant ceci, Pierre GOYBET avait transporté l'or de la banque de France, l'or BELGE et les joyaux de la couronne BELGE Pour ne pas qu'ils tombent aux mains des Allemands.

Le livre " LA Bataille de l'or retrace cette épopée. "



Au début des hostilités avec l'Allemagne le PRIMAUGUET avait été désigné pour faire evacuer le gouvernement en cas de besoin. Preuve de la qualité de son navire et des capacités de son commandant.
Le Primauguet est prévu pour transporter le Président de la republique et sa suite en Algerie, en cas d'echec des pourparlers d'armistice.

Le 8 NOVEMBRE 1942, Pierre Goybet, est encore au coeur de l'action avec le debarquement Americain à Casablanca. Il est commandant du port et négocie avec les Americains. Il reçoit chez lui les generaux Patton , kees et Wilberg pour traiter la cessation des hostilités .
Ses etudes à OXFORD et la sympathie de la famille pour les Americains et les Anglais a du être bien utile dans ces heures difficiles ou la marine Française est demeurée " un pavillon sans tache ".

IL est nommé Contre Amiral